chapitre premier un ecueil fuyant annee fut marquee par un evenement bizarre un phenomene inexplique et inexplicable que personne sans doute oublie sans parler des rumeurs qui agitaient les populations des ports et surexcitaient esprit public interieur des continents les gens de mer furent particulierement emus les negociants armateurs capitaines de navires skippers et masters de europe et de amerique officiers des marines militaires de tous pays et apres eux les gouvernements des divers etats des deux continents se preoccuperent de ce fait au plus haut point en effet depuis quelque temps plusieurs navires etaient rencontres sur mer avec une chose enorme un objet long fusiforme parfois phosphorescent infiniment plus vaste et plus rapide qu une baleine les faits relatifs cette apparition consignes aux divers livres de bord accordaient assez exactement sur la structure de objet ou de etre en question la vitesse inouie de ses mouvements la puissance surprenante de sa locomotion la vie particuliere dont il semblait doue si etait un cetace il surpassait en volume tous ceux que la science avait classes jusqu alors ni cuvier ni lacepede ni dumeril ni de quatrefages eussent admis existence un tel monstre moins de avoir vu ce qui appelle vu de leurs propres yeux de savants prendre la moyenne des observations faites diverses reprises en rejetant les evaluations timides qui assignaient cet objet une longueur de deux cents pieds et en repoussant les opinions exagerees qui le disaient large un mille et long de trois on pouvait affirmer cependant que cet etre phenomenal depassait de beaucoup toutes les dimensions admises jusqu ce jour par les ichthyologistes il existait toutefois or il existait le fait en luimeme etait plus niable et avec ce penchant qui pousse au merveilleux la cervelle humaine on comprendra emotion produite dans le monde entier par cette surnaturelle apparition quant la rejeter au rang des fables il fallait renoncer en effet le juillet le steamer governorhigginson de calcutta and burnach steam navigation company avait rencontre cette masse mouvante cinq milles dans est des cotes de australie le capitaine baker se crut tout abord en presence un ecueil inconnu il se disposait meme en determiner la situation exacte quand deux colonnes eau projetees par inexplicable objet elancerent en sifflant cent cinquante pieds dans air donc moins que cet ecueil ne fut soumis aux expansions intermittentes un geyser le governorhigginson avait affaire bel et bien quelque mammifere aquatique inconnu jusquela qui rejetait par ses events des colonnes eau melangees air et de vapeur pareil fait fut egalement observe le juillet de la meme annee dans les mers du pacifique par le cristobalcolon de west india and pacific steam navigation company donc ce cetace extraordinaire pouvait se transporter un endroit un autre avec une velocite surprenante puisque trois jours intervalle le governorhigginson et le cristobalcolon avaient observe en deux points de la carte separes par une distance de plus de sept cents lieues marines quinze jours plus tard deux mille lieues de la helvetia de la compagnie nationale et le shannon du royalmail marchant contrebord dans cette portion de atlantique comprise entre les etatsunis et europe se signalerent respectivement le monstre par deg de latitude nord et deg de longitude ouest du meridien de greenwich dans cette observation simultanee on crut pouvoir evaluer la longueur minimum du mammifere plus de trois cent cinquante pieds anglais puisque le shannon et helvetia etaient de dimension inferieure lui bien qu ils mesurassent cent metres de etrave etambot or les plus vastes baleines celles qui frequentent les parages des iles aleoutiennes le kulammak et umgullick ont jamais depasse la longueur de cinquantesix metres si meme elles atteignent ces rapports arrives coup sur coup de nouvelles observations faites bord du transatlantique le pereire un abordage entre etna de la ligne inman et le monstre un procesverbal dresse par les officiers de la fregate francaise la normandie un tres serieux relevement obtenu par etatmajor du commodore fitzjames bord du lordclyde emurent profondement opinion publique dans les pays humeur legere on plaisanta le phenomene mais les pays graves et pratiques angleterre amerique allemagne en preoccuperent vivement partout dans les grands centres le monstre devint la mode on le chanta dans les cafes on le bafoua dans les journaux on le joua sur les theatres les canards eurent la une belle occasion de pondre des oeufs de toute couleur on vit reapparaitre dans les journaux court de copie tous les etres imaginaires et gigantesques depuis la baleine blanche le terrible moby dick des regions hyperboreennes jusqu au kraken demesure dont les tentacules peuvent enlacer un batiment de cinq cents tonneaux et entrainer dans les abimes de ocean on reproduisit meme les procesverbaux des temps anciens les opinions aristote et de pline qui admettaient existence de ces monstres puis les recits norwegiens de eveque pontoppidan les relations de paul heggede et enfin les rapports de harrington dont la bonne foi ne peut etre soupconnee quand il affirme avoir vu etant bord du castillan en cet enorme serpent qui avait jamais frequente jusqu alors que les mers de ancien constitutionnel alors eclata interminable polemique des credules et des incredules dans les societes savantes et les journaux scientifiques la question du monstre enflamma les esprits les journalistes qui font profession de science en lutte avec ceux qui font profession esprit verserent des flots encre pendant cette memorable campagne quelquesuns meme deux ou trois gouttes de sang car du serpent de mer ils en vinrent aux personnalites les plus offensantes six mois durant la guerre se poursuivit avec des chances diverses aux articles de fond de institut geographique du bresil de academie royale des sciences de berlin de association britannique de institution smithsonnienne de washington aux discussions du the indian archipelago du cosmos de abbe moigno des mittheilungen de petermann aux chroniques scientifiques des grands journaux de la france et de etranger la petite presse ripostait avec une verve intarissable ses spirituels ecrivains parodiant un mot de linne cite par les adversaires du monstre soutinrent en effet que la nature ne faisait pas de sots et ils adjurerent leurs contemporains de ne point donner un dementi la nature en admettant existence des krakens des serpents de mer des moby dick et autres elucubrations de marins en delire enfin dans un article un journal satirique tresredoute le plus aime de ses redacteurs brochant sur le tout poussa au monstre comme hippolyte lui porta un dernier coup et acheva au milieu un eclat de rire universel esprit avait vaincu la science pendant les premiers mois de annee la question parut etre enterree et elle ne semblait pas devoir renaitre quand de nouveaux faits furent portes la connaissance du public il ne agit plus alors un probleme scientifique resoudre mais bien un danger reel serieux eviter la question prit une tout autre face le monstre redevint ilot rocher ecueil mais ecueil fuyant indeterminable insaisissable le mars le moravian de montreal ocean company se trouvant pendant la nuit par deg de latitude et deg de longitude heurta de sa hanche de tribord un roc qu aucune carte ne marquait dans ces parages sous effort combine du vent et de ses quatre cents chevauxvapeur il marchait la vitesse de treize noeuds nul doute que sans la qualite superieure de sa coque le moravian ouvert au choc ne se fut englouti avec les deux cent trentesept passagers qu il ramenait du canada accident etait arrive vers cinq heures du matin lorsque le jour commencait poindre les officiers de quart se precipiterent arriere du batiment ils examinerent ocean avec la plus scrupuleuse attention ils ne virent rien si ce est un fort remous qui brisait trois encablures comme si les nappes liquides eussent ete violemment battues le relevement du lieu fut exactement pris et le moravian continua sa route sans avaries apparentes avaitil heurte une roche sousmarine ou quelque enorme epave un naufrage on ne put le savoir mais examen fait de sa carene dans les bassins de radoub il fut reconnu qu une partie de la quille avait ete brisee ce fait extremement grave en luimeme eut peutetre ete oublie comme tant autres si trois semaines apres il ne se fut reproduit dans des conditions identiques seulement grace la nationalite du navire victime de ce nouvel abordage grace la reputation de la compagnie laquelle ce navire appartenait evenement eut un retentissement immense personne ignore le nom du celebre armateur anglais cunard cet intelligent industriel fonda en un service postal entre liverpool et halifax avec trois navires en bois et roues une force de quatre cents chevaux et une jauge de onze cent soixantedeux tonneaux huit ans apres le materiel de la compagnie accroissait de quatre navires de six cent cinquante chevaux et de dixhuit cent vingt tonnes et deux ans plus tard de deux autres batiments superieurs en puissance et en tonnage en la compagnie cunard dont le privilege pour le transport des depeches venait etre renouvele ajouta successivement son materiel arabia le persia le china le scotia le java le russia tous navires de premiere marche et les plus vastes qui apres le greateastern eussent jamais sillonne les mers ainsi donc en la compagnie possedait douze navires dont huit roues et quatre helices si je donne ces details tres succincts est afin que chacun sache bien quelle est importance de cette compagnie de transports maritimes connue du monde entier pour son intelligente gestion nulle entreprise de navigation transoceanienne ete conduite avec plus habilete nulle affaire ete couronnee de plus de succes depuis vingtsix ans les navires cunard ont traverse deux mille fois atlantique et jamais un voyage ete manque jamais un retard eu lieu jamais ni une lettre ni un homme ni un batiment ont ete perdus aussi les passagers choisissentils encore malgre la concurrence puissante que lui fait la france la ligne cunard de preference toute autre ainsi qu il appert un releve fait sur les documents officiels des dernieres annees ceci dit personne ne etonnera du retentissement que provoqua accident arrive un de ses plus beaux steamers le avril la mer etant belle la brise maniable le scotia se trouvait par deg de longitude et deg de latitude il marchait avec une vitesse de treize noeuds quarantetrois centiemes sous la poussee de ses mille chevauxvapeur ses roues battaient la mer avec une regularite parfaite son tirant eau etait alors de six metres soixantedix centimetres et son deplacement de six mille six cent vingtquatre metres cubes quatre heures dixsept minutes du soir pendant le lunch des passagers reunis dans le grand salon un choc peu sensible en somme se produisit sur la coque du scotia par sa hanche et un peu en arriere de la roue de babord le scotia avait pas heurte il avait ete heurte et plutot par un instrument tranchant ou perforant que contondant abordage avait semble si leger que personne ne en fut inquiete bord sans le cri des caliers qui remonterent sur le pont en ecriant nous coulons nous coulons tout abord les passagers furent treseffrayes mais le capitaine anderson se hata de les rassurer en effet le danger ne pouvait etre imminent le scotia divise en sept compartiments par des cloisons etanches devait braver impunement une voie eau le capitaine anderson se rendit immediatement dans la cale il reconnut que le cinquieme compartiment avait ete envahi par la mer et la rapidite de envahissement prouvait que la voie eau etait considerable fort heureusement ce compartiment ne renfermait pas les chaudieres car les feux se fussent subitement eteints le capitaine anderson fit stopper immediatement et un des matelots plongea pour reconnaitre avarie quelques instants apres on constatait existence un trou large de deux metres dans la carene du steamer une telle voie eau ne pouvait etre aveuglee et le scotia ses roues demi noyees dut continuer ainsi son voyage il se trouvait alors trois cent mille du cap clear et apres trois jours un retard qui inquieta vivement liverpool il entra dans les bassins de la compagnie les ingenieurs procederent alors la visite du scotia qui fut mis en cale seche ils ne purent en croire leurs yeux deux metres et demi audessous de la flottaison ouvrait une dechirure reguliere en forme de triangle isocele la cassure de la tole etait une nettete parfaite et elle eut pas ete frappee plus surement emportepiece il fallait donc que outil perforant qui avait produite fut une trempe peu commune et apres avoir ete lance avec une force prodigieuse ayant ainsi perce une tole de quatre centimetres il avait du se retirer de luimeme par un mouvement retrograde et vraiment inexplicable les ingenieurs procederent la visite du scotia tel etait ce dernier fait qui eut pour resultat de passionner nouveau opinion publique depuis ce moment en effet les sinistres maritimes qui avaient pas de cause determinee furent mis sur le compte du monstre ce fantastique animal endossa la responsabilite de tous ces naufrages dont le nombre est malheureusement considerable car sur trois mille navires dont la perte est annuellement relevee au bureauveritas le chiffre des navires vapeur ou voiles supposes perdus corps et biens par suite absence de nouvelles ne eleve pas moins de deux cents or ce fut le monstre qui justement ou injustement fut accuse de leur disparition et grace lui les communications entre les divers continents devenant de plus en plus dangereuses le public se declara et demanda categoriquement que les mers fussent enfin debarrassees et tout prix de ce formidable cetace environ metres le pied anglais est que de centimetres chapitre ii le pour et le contre epoque ou ces evenements se produisirent je revenais une exploration scientifique entreprise dans les mauvaises terres du nebraska aux etatsunis en ma qualite de professeursuppleant au museum histoire naturelle de paris le gouvernement francais avait joint cette expedition apres six mois passes dans le nebraska charge de precieuses collections arrivai new york vers la fin de mars mon depart pour la france etait fixe aux premiers jours de mai je occupais donc en attendant de classer mes richesses mineralogiques botaniques et zoologiques quand arriva incident du scotia etais parfaitement au courant de la question ordre du jour et comment ne auraisje pas ete avais lu et relu tous les journaux americains et europeens sans etre plus avance ce mystere intriguait dans impossibilite de me former une opinion je flottais un extreme autre qu il eut quelque chose cela ne pouvait etre douteux et les incredules etaient invites mettre le doigt sur la plaie du scotia mon arrivee new york la question brulait hypothese de ilot flottant de ecueil insaisissable soutenue par quelques esprits peu competents etait absolument abandonnee et en effet moins que cet ecueil eut une machine dans le ventre comment pouvaitil se deplacer avec une rapidite si prodigieuse de meme fut repoussee existence une coque flottante une enorme epave et toujours cause de la rapidite du deplacement restaient donc deux solutions possibles de la question qui creaient deux clans tresdistincts de partisans un cote ceux qui tenaient pour un monstre une force colossale de autre ceux qui tenaient pour un bateau sousmarin une extreme puissance motrice or cette derniere hypothese admissible apres tout ne put resister aux enquetes qui furent poursuivies dans les deux mondes qu un simple particulier eut sa disposition un tel engin mecanique etait peu probable ou et quand eutil fait construire et comment auraitil tenu cette construction secrete seul un gouvernement pouvait posseder une pareille machine destructive et en ces temps desastreux ou homme ingenie multiplier la puissance des armes de guerre il etait possible qu un etat essayat insu des autres ce formidable engin apres les chassepots les torpilles apres les torpilles les beliers sousmarins puis la reaction du moins je espere mais hypothese une machine de guerre tomba encore devant la declaration des gouvernements comme il agissait la un interet public puisque les communications transoceaniennes en souffraient la franchise des gouvernements ne pouvait etre mise en doute ailleurs comment admettre que la construction de ce bateau sousmarin eut echappe aux yeux du public garder le secret dans ces circonstances est tresdifficile pour un particulier et certainement impossible pour un etat dont tous les actes sont obstinement surveilles par les puissances rivales donc apres enquetes faites en angleterre en france en russie en prusse en espagne en italie en amerique voire meme en turquie hypothese un monitor sousmarin fut definitivement rejetee le monstre revint donc flots en depit des incessantes plaisanteries dont le lardait la petite presse et dans cette voie les imaginations se laisserent bientot aller aux plus absurdes reveries une ichthyologie fantastique mon arrivee newyork plusieurs personnes avaient fait honneur de me consulter sur le phenomene en question avais publie en france un ouvrage inquarto en deux volumes intitule les mysteres des grands fonds sousmarins ce livre particulierement goute du monde savant faisait de moi un specialiste dans cette partie assez obscure de histoire naturelle mon avis me fut demande tant que je pus nier la realite du fait je me renfermai dans une absolue negation mais bientot colle au mur je dus expliquer categoriquement et meme honorable pierre aronnax professeur au museum de paris fut mis en demeure par le newyorkherald de formuler une opinion quelconque je executai je parlai faute de pouvoir me taire je discutai la question sous toutes ses faces politiquement et scientifiquement et je donne ici un extrait un article tresnourri que je publiai dans le numero du avril ainsi donc disaisje apres avoir examine une une les diverses hypotheses toute autre supposition etant rejetee il faut necessairement admettre existence un animal marin une puissance excessive les grandes profondeurs de ocean nous sont totalement inconnues la sonde su les atteindre que se passetil dans ces abimes recules quels etres habitent et peuvent habiter douze ou quinze milles audessous de la surface des eaux quel est organisme de ces animaux on saurait peine le conjecturer cependant la solution du probleme qui est soumis peut affecter la forme du dilemme ou nous connaissons toutes les varietes etres qui peuplent notre planete ou nous ne les connaissons pas si nous ne les connaissons pas toutes si la nature encore des secrets pour nous en ichthyologie rien de plus acceptable que admettre existence de poissons ou de cetaces especes ou meme de genres nouveaux une organisation essentiellement fondriere qui habitent les couches inaccessibles la sonde et qu un evenement quelconque une fantaisie un caprice si on veut ramene de longs intervalles vers le niveau superieur de ocean si au contraire nous connaissons toutes les especes vivantes il faut necessairement chercher animal en question parmi les etres marins deja catalogues et dans ce cas je serai dispose admettre existence un narwal geant le narwal vulgaire ou licorne de mer atteint souvent une longueur de soixante pieds quintuplez decuplez meme cette dimension donnez ce cetace une force proportionnelle sa taille accroissez ses armes offensives et vous obtenez animal voulu il aura les proportions determinees par les officiers du shannon instrument exige par la perforation du scotia et la puissance necessaire pour entamer la coque un steamer en effet le narwal est arme une sorte epee ivoire une hallebarde suivant expression de certains naturalistes est une dent principale qui la durete de acier on trouve quelquesunes de ces dents implantees dans le corps des baleines que le narwal attaque toujours avec succes autres ont ete arrachees non sans peine de carenes de vaisseaux qu elles avaient percees outre en outre comme un foret perce un tonneau le musee de la faculte de medecine de paris possede une de ces defenses longue de deux metres vingtcinq centimetres et large de quarantehuit centimetres sa base eh bien supposez arme dix fois plus forte et animal dix fois plus puissant lancezle avec une rapidite de vingt milles heure multipliez sa masse par sa vitesse et vous obtenez un choc capable de produire la catastrophe demandee donc jusqu plus amples informations opinerais pour une licorne de mer de dimensions colossales armee non plus une hallebarde mais un veritable eperon comme les fregates cuirassees ou les rams de guerre dont elle aurait la fois la masse et la puissance motrice ainsi expliquerait ce phenomene inexplicable moins qu il ait rien en depit de ce qu on entrevu vu senti et ressenti ce qui est encore possible ces derniers mots etaient une lachete de ma part mais je voulais jusqu un certain point couvrir ma dignite de professeur et ne pas trop preter rire aux americains qui rient bien quand ils rient je me reservais une echappatoire au fond admettais existence du monstre mon article fut chaudement discute ce qui lui valut un grand retentissement il rallia un certain nombre de partisans la solution qu il proposait ailleurs laissait libre carriere imagination esprit humain se plait ces conceptions grandioses etres surnaturels or la mer est precisement leur meilleur vehicule le seul milieu ou ces geants pres desquels les animaux terrestres elephants ou rhinoceros ne sont que des nains puissent se produire et se developper les masses liquides transportent les plus grandes especes connues de mammiferes et peutetre recelentelles des mollusques une incomparable taille des crustaces effrayants contempler tels que seraient des homards de cent metres ou des crabes pesant deux cents tonnes pourquoi non autrefois les animaux terrestres contemporains des epoques geologiques les quadrupedes les quadrumanes les reptiles les oiseaux etaient construits sur des gabarits gigantesques le createur les avait jetes dans un moule colossal que le temps reduit peu peu pourquoi la mer dans ses profondeurs ignorees auraitelle pas garde ces vastes echantillons de la vie un autre age elle qui ne se modifie jamais alors que le noyau terrestre change presque incessamment pourquoi ne cacheraitelle pas dans son sein les dernieres varietes de ces especes titanesques dont les annees sont des siecles et les siecles des millenaires mais je me laisse entrainer des reveries qu il ne appartient plus entretenir treve ces chimeres que le temps changees pour moi en realites terribles je le repete opinion se fit alors sur la nature du phenomene et le public admit sans conteste existence un etre prodigieux qui avait rien de commun avec les fabuleux serpents de mer mais si les uns ne virent la qu un probleme purement scientifique resoudre les autres plus positifs surtout en amerique et en angleterre furent avis de purger ocean de ce redoutable monstre afin de rassurer les communications transoceaniennes les journaux industriels et commerciaux traiterent la question principalement ce point de vue la shipping and mercantile gazette le lloyd le paquebot la revue maritime et coloniale toutes les feuilles devouees aux compagnies assurances qui menacaient elever le taux de leurs primes furent unanimes sur ce point opinion publique etant prononcee les etats de union se declarerent les premiers on fit new york les preparatifs une expedition destinee poursuivre le narwal une fregate de grande marche abrahamlincoln se mit en mesure de prendre la mer au plus tot les arsenaux furent ouverts au commandant farragut qui pressa activement armement de sa fregate la fregate abraham lincoln precisement et ainsi que cela arrive toujours du moment que on se fut decide poursuivre le monstre le monstre ne reparut plus pendant deux mois personne en entendit parler aucun navire ne le rencontra il semblait que cette licorne eut connaissance des complots qui se tramaient contre elle on en avait tant cause et meme par le cable transatlantique aussi les plaisants pretendaientils que cette fine mouche avait arrete au passage quelque telegramme dont elle faisait maintenant son profit donc la fregate armee pour une campagne lointaine et pourvue de formidables engins de peche on ne savait plus ou la diriger et impatience allait croissant quand le juillet on apprit qu un steamer de la ligne de sanfrancisco de californie shangai avait revu animal trois semaines auparavant dans les mers septentrionales du pacifique emotion causee par cette nouvelle fut extreme on accorda pas vingtquatre heures de repit au commandant farragut ses vivres etaient embarques ses soutes regorgeaient de charbon pas un homme ne manquait son role equipage il avait qu allumer ses fourneaux chauffer demarrer on ne lui eut pas pardonne une demijournee de retard ailleurs le commandant farragut ne demandait qu partir trois heures avant que abrahamlincoln ne quittat la pier de brooklyn je recus une lettre libellee en ces termes monsieur aronnax professeur au museum de paris fifth avenue hotel new york monsieur si vous voulez vous joindre expedition de abrahamlincoln le gouvernement de union verra avec plaisir que la france soit representee par vous dans cette entreprise le commandant farragut tient une cabine votre disposition trescordialement votre jb hobson secretaire de la marine chapitre iii comme il plaira monsieur trois secondes avant arrivee de la lettre de jb hobson je ne songeais pas plus poursuivre la licorne qu tenter le passage du nordouest trois secondes apres avoir lu la lettre de honorable secretaire de la marine je comprenais enfin que ma veritable vocation unique but de ma vie etait de chasser ce monstre inquietant et en purger le monde cependant je revenais un penible voyage fatigue avide de repos je aspirais plus qu revoir mon pays mes amis mon petit logement du jardin des plantes mes cheres et precieuses collections mais rien ne put me retenir oubliai tout fatigues amis collections et acceptai sans plus de reflexions offre du gouvernement americain ailleurs pensaije tout chemin ramene en europe et la licorne sera assez aimable pour entrainer vers les cotes de france ce digne animal se laissera prendre dans les mers europe pour mon agrement personnel et je ne veux pas rapporter moins un demi metre de sa hallebarde ivoire au museum histoire naturelle mais en attendant il me fallait chercher ce narwal dans le nord de ocean pacifique ce qui pour revenir en france etait prendre le chemin des antipodes conseil criaije une voix impatiente conseil etait mon domestique un garcon devoue qui accompagnait dans tous mes voyages un brave flamand que aimais et qui me le rendait bien un etre phlegmatique par nature regulier par principe zele par habitude etonnant peu des surprises de la vie tresadroit de ses mains apte tout service et en depit de son nom ne donnant jamais de conseils meme quand on ne lui en demandait pas se frotter aux savants de notre petit monde du jardin des plantes conseil en etait venu savoir quelque chose avais en lui un specialiste tresferre sur la classification en histoire naturelle parcourant avec une agilite acrobate toute echelle des embranchements des groupes des classes des sousclasses des ordres des familles des genres des sousgenres des especes et des varietes mais sa science arretait la classer etait sa vie et il en savait pas davantage tres verse dans la theorie de la classification peu dans la pratique il eut pas distingue je crois un cachalot une baleine et cependant quel brave et digne garcon conseil jusqu ici et depuis dix ans avait suivi partout ou entrainait la science jamais une reflexion de lui sur la longueur ou la fatigue un voyage nulle objection boucler sa valise pour un pays quelconque chine ou congo si eloigne qu il fut il allait la comme ici sans en demander davantage ailleurs une belle sante qui defiait toutes les maladies des muscles solides mais pas de nerfs pas apparence de nerfs au moral entend ce garcon avait trente ans et son age etait celui de son maitre comme quinze est vingt qu on excuse de dire ainsi que avais quarante ans seulement conseil avait un defaut formaliste enrage il ne me parlait jamais qu la troisieme personne au point en etre agacant conseil repetaije tout en commencant une main febrile mes preparatifs de depart certainement etais sur de ce garcon si devoue ordinaire je ne lui demandais jamais il lui convenait ou non de me suivre dans mes voyages mais cette fois il agissait une expedition qui pouvait indefiniment se prolonger une entreprise hasardeuse la poursuite un animal capable de couler une fregate comme une coque de noix il avait la matiere reflexion meme pour homme le plus impassible du monde qu allait dire conseil conseil criaije une troisieme fois conseil parut monsieur appelle ditil en entrant oui mon garcon preparemoi preparetoi nous partons dans deux heures comme il plaira monsieur repondit tranquillement conseil pas un instant perdre serre dans ma malle tous mes ustensiles de voyage des habits des chemises des chaussettes sans compter mais le plus que tu pourras et hatetoi et les collections de monsieur fit observer conseil on en occupera plus tard quoi les archiotherium les hyracotherium les oreodons les cheropotamus et autres carcasses de monsieur on les gardera hotel et le babiroussa vivant de monsieur on le nourrira pendant notre absence ailleurs je donnerai ordre de nous expedier en france notre menagerie nous ne retournons donc pas paris demanda conseil si certainement repondisje evasivement mais en faisant un crochet le crochet qui plaira monsieur oh ce sera peu de chose un chemin un peu moins direct voila tout nous prenons passage sur abrahamlincoln comme il conviendra monsieur repondit paisiblement conseil tu sais mon ami il agit du monstre du fameux narwal nous allons en purger les mers auteur un ouvrage inquarto en deux volumes sur les mysteres des grands fonds sousmarins ne peut se dispenser de embarquer avec le commandant farragut mission glorieuse mais dangereuse aussi on ne sait pas ou on va ces betesla peuvent etre trescapricieuses mais nous irons quand meme nous avons un commandant qui pas froid aux yeux comme fera monsieur je ferai repondit conseil et songesy bien car je ne veux rien te cacher est la un de ces voyages dont on ne revient pas toujours comme il plaira monsieur comme il plaira monsieur un quart heure apres nos malles etaient pretes conseil avait fait en un tour de main et etais sur que rien ne manquait car ce garcon classait les chemises et les habits aussi bien que les oiseaux ou les mammiferes ascenseur de hotel nous deposa au grand vestibule de entresol je descendis les quelques marches qui conduisaient au rezdechaussee je reglai ma note ce vaste comptoir toujours assiege par une foule considerable je donnai ordre expedier pour paris france mes ballots animaux empailles et de plantes dessechees je fis ouvrir un credit suffisant au babiroussa et conseil me suivant je sautai dans une voiture le vehicule vingt francs la course descendit broadway jusqu unionsquare suivit fourthavenue jusqu sa jonction avec bowerystreet prit katrinstreet et arreta la trentequatrieme pier la le katrinferryboat nous transporta hommes chevaux et voiture brooklyn la grande annexe de new york situee sur la rive gauche de la riviere de est et en quelques minutes nous arrivions au quai pres duquel abrahamlincoln vomissait par ses deux cheminees des torrents de fumee noire le cortege suivant toujours la fregate nos bagages furent immediatement transbordes sur le pont de la fregate je me precipitai bord je demandai le commandant farragut un des matelots me conduisit sur la dunette ou je me trouvai en presence un officier de bonne mine qui me tendit la main monsieur pierre aronnax me ditil luimeme repondisje le commandant farragut en personne soyez le bienvenu monsieur le professeur votre cabine vous attend je saluai et laissant le commandant aux soins de son appareillage je me fis conduire la cabine qui etait destinee abrahamlincoln avait ete parfaitement choisi et amenage pour sa destination nouvelle etait une fregate de grande marche munie appareils surchauffeurs qui permettaient de porter sept atmospheres la tension de sa vapeur sous cette pression abrahamlincoln atteignait une vitesse moyenne de dixhuit milles et trois dixiemes heure vitesse considerable mais cependant insuffisante pour lutter avec le gigantesque cetace les amenagements interieurs de la fregate repondaient ses qualites nautiques je fus tressatisfait de ma cabine situee arriere qui ouvrait sur le carre des officiers nous serons bien ici disje conseil aussi bien en deplaise monsieur repondit conseil qu un bernardl hermite dans la coquille un buccin je laissai conseil arrimer convenablement nos malles et je remontai sur le pont afin de suivre les preparatifs de appareillage ce moment le commandant farragut faisait larguer les dernieres amarres qui retenaient abrahamlincoln la pier de brooklyn ainsi donc un quart heure de retard moins meme et la fregate partait sans moi et je manquais cette expedition extraordinaire surnaturelle invraisemblable dont le recit veridique pourra bien trouver cependant quelques incredules mais le commandant farragut ne voulait perdre ni un jour ni une heure pour rallier les mers dans lesquelles animal venait etre signale il fit venir son ingenieur sommesnous en pression lui demandatil oui monsieur repondit ingenieur go ahead cria le commandant farragut cet ordre qui fut transmis la machine au moyen appareils air comprime les mecaniciens firent agir la roue de la mise en train la vapeur siffla en se precipitant dans les tiroirs entr ouverts les longs pistons horizontaux gemirent et pousserent les bielles de arbre les branches de helice battirent les flots avec une rapidite croissante et abrahamlincoln avanca majestueusement au milieu une centaine de ferryboats et de tenders charges de spectateurs qui lui faisaient cortege les quais de brooklyn et toute la partie de new york qui borde la riviere de est etaient couverts de curieux trois hurrahs partis de cinq cent mille poitrines eclaterent successivement des milliers de mouchoirs agiterent audessus de la masse compacte et saluerent abrahamlincoln jusqu son arrivee dans les eaux de hudson la pointe de cette presqu ile allongee qui forme la ville de new york alors la fregate suivant du cote de newjersey admirable rive droite du fleuve toute chargee de villas passa entre les forts qui la saluerent de leurs plus gros canons abrahamlincoln repondit en amenant et en hissant trois fois le pavillon americain dont les trenteneuf etoiles resplendissaient sa corne artimon puis modifiant sa marche pour prendre le chenal balise qui arrondit dans la baie interieure formee par la pointe de sandyhook il rasa cette langue sablonneuse ou quelques milliers de spectateurs acclamerent encore une fois le cortege des boats et des tenders suivait toujours la fregate et il ne la quitta qu la hauteur du lightboat dont les deux feux marquent entree des passes de new york trois heures sonnaient alors le pilote descendit dans son canot et rejoignit la petite goelette qui attendait sous le vent les feux furent pousses helice battit plus rapidement les flots la fregate longea la cote jaune et basse de longisland et huit heures du soir apres avoir perdu dans le nordouest les feux de fireisland elle courut toute vapeur sur les sombres eaux de atlantique sorte de quai special chaque batiment petits bateaux vapeur qui font le service des grands steamers chapitre iv ned land le commandant farragut etait un bon marin digne de la fregate qu il commandait son navire et lui ne faisaient qu un il en etait ame sur la question du cetace aucun doute ne elevait dans son esprit et il ne permettait pas que existence de animal fut discutee son bord il croyait comme certaines bonnes femmes croient au leviathan par foi non par raison le monstre existait il en delivrerait les mers il avait jure etait une sorte de chevalier de rhodes un dieudonne de gozon marchant la rencontre du serpent qui desolait son ile ou le commandant farragut tuerait le narwal ou le narwal tuerait le commandant farragut pas de milieu les officiers du bord partageaient opinion de leur chef il fallait les entendre causer discuter disputer calculer les diverses chances une rencontre et observer la vaste etendue de ocean plus un imposait un quart volontaire dans les barres de perroquet qui eut maudit une telle corvee en toute autre circonstance tant que le soleil decrivait son arc diurne la mature etait peuplee de matelots auxquels les planches du pont brulaient les pieds et qui pouvaient tenir en place et cependant abrahamlincoln ne tranchait pas encore de son etrave les eaux suspectes du pacifique quant equipage il ne demandait qu rencontrer la licorne la harponner la hisser bord la depecer il surveillait la mer avec une scrupuleuse attention ailleurs le commandant farragut parlait une certaine somme de deux mille dollars reservee quiconque mousse ou matelot maitre ou officier signalerait animal je laisse penser si les yeux exercaient bord de abrahamlincoln pour mon compte je etais pas en reste avec les autres et je ne laissais personne ma part observations quotidiennes la fregate aurait eu cent fois raison de appeler argus seul entre tous conseil protestait par son indifference touchant la question qui nous passionnait et detonait sur enthousiasme general du bord ai dit que le commandant farragut avait soigneusement pourvu son navire appareils propres pecher le gigantesque cetace un baleinier eut pas ete mieux arme nous possedions tous les engins connus depuis le harpon qui se lance la main jusqu aux fleches barbelees des espingoles et aux balles explosibles des canardieres sur le gaillard avant allongeait un canon perfectionne se chargeant par la culasse tresepais de parois tresetroit ame et dont le modele doit figurer exposition universelle de ce precieux instrument origine americaine envoyait sans se gener un projectile conique de quatre kilogrammes une distance moyenne de seize kilometres donc abrahamlincoln ne manquait aucun moyen de destruction mais il avait mieux encore il avait ned land le roi des harponneurs ned land etait un canadien une habilete de main peu commune et qui ne connaissait pas egal dans son perilleux metier adresse et sangfroid audace et ruse il possedait ces qualites un degre superieur et il fallait etre une baleine bien maligne ou un cachalot singulierement astucieux pour echapper son coup de harpon ned land avait environ quarante ans etait un homme de grande taille plus de six pieds anglais vigoureusement bati air grave peu communicatif violent parfois et tresrageur quand on le contrariait sa personne provoquait attention et surtout la puissance de son regard qui accentuait singulierement sa physionomie ned land avait environ quarante ans je crois que le commandant farragut avait sagement fait engager cet homme son bord il valait tout equipage lui seul pour oeil et le bras je ne saurais le mieux comparer qu un telescope puissant qui serait en meme temps un canon toujours pret partir qui dit canadien dit francais et si peu communicatif que fut ned land je dois avouer qu il se prit une certaine affection pour moi ma nationalite attirait sans doute etait une occasion pour lui de parler et pour moi entendre cette vieille langue de rabelais qui est encore en usage dans quelques provinces canadiennes la famille du harponneur etait originaire de quebec et formait deja une tribu de hardis pecheurs epoque ou cette ville appartenait la france peu peu ned prit gout causer et aimais entendre le recit de ses aventures dans les mers polaires il racontait ses peches et ses combats avec une grande poesie naturelle son recit prenait une forme epique et je croyais ecouter quelque homere canadien chantant iliade des regions hyperboreennes je depeins maintenant ce hardi compagnon tel que je le connais actuellement est que nous sommes devenus de vieux amis unis de cette inalterable amitie qui nait et se cimente dans les plus effrayantes conjonctures ah brave ned je ne demande qu vivre cent ans encore pour me souvenir plus longtemps de toi et maintenant quelle etait opinion de ned land sur la question du monstre marin je dois avouer qu il ne croyait guere la licorne et que seul bord il ne partageait pas la conviction generale il evitait meme de traiter ce sujet sur lequel je crus devoir entreprendre un jour par une magnifique soiree du juillet estadire trois semaines apres notre depart la fregate se trouvait la hauteur du cap blanc trente milles sous le vent des cotes patagonnes nous avions depasse le tropique du capricorne et le detroit de magellan ouvrait moins de sept cent milles dans le sud avant huit jours abrahamlincoln sillonnerait les flots du pacifique assis sur la dunette ned land et moi nous causions de choses et autres regardant cette mysterieuse mer dont les profondeurs sont restees jusqu ici inaccessibles aux regards de homme amenai tout naturellement la conversation sur la licorne geante et examinai les diverses chances de succes ou insucces de notre expedition puis voyant que ned me laissait parler sans trop rien dire je le poussai plus directement comment ned lui demandaije comment pouvezvous ne pas etre convaincu de existence du cetace que nous poursuivons avezvous donc des raisons particulieres de vous montrer si incredule le harponneur me regarda pendant quelques instants avant de repondre frappa de sa main son large front par un geste qui lui etait habituel ferma les yeux comme pour se recueillir et dit enfin peutetre bien monsieur aronnax cependant ned vous un baleinier de profession vous qui etes familiarise avec les grands mammiferes marins vous dont imagination doit aisement accepter hypothese de cetaces enormes vous devriez etre le dernier douter en de pareilles circonstances est ce qui vous trompe monsieur le professeur repondit ned que le vulgaire croie des cometes extraordinaires qui traversent espace ou existence de monstres antediluviens qui peuplent interieur du globe passe encore mais ni astronome ni le geologue admettent de telles chimeres de meme le baleinier ai poursuivi beaucoup de cetaces en ai harponne un grand nombre en ai tue plusieurs mais si puissants et si bien armes qu ils fussent ni leurs queues ni leurs defenses auraient pu entamer les plaques de tole un steamer cependant ned on cite des batiments que la dent du narwal traverses de part en part des navires en bois est possible repondit le canadien et encore je ne les ai jamais vus donc jusqu preuve contraire je nie que baleines cachalots ou licornes puissent produire un pareil effet ecoutezmoi ned non monsieur le professeur non tout ce que vous voudrez excepte cela un poulpe gigantesque peutetre encore moins ned le poulpe est qu un mollusque et ce nom meme indique le peu de consistance de ses chairs eutil cinq cents pieds de longueur le poulpe qui appartient point embranchement des vertebres est tout fait inoffensif pour des navires tels que le scotia ou abrahamlincoln il faut donc rejeter au rang des fables les prouesses des krakens ou autres monstres de cette espece alors monsieur le naturaliste reprit ned land un ton assez narquois vous persistez admettre existence un enorme cetace oui ned je vous le repete avec une conviction qui appuie sur la logique des faits je crois existence un mammifere puissamment organise appartenant embranchement des vertebres comme les baleines les cachalots ou les dauphins et muni une defense cornee dont la force de penetration est extreme hum fit le harponneur en secouant la tete de air un homme qui ne veut pas se laisser convaincre remarquez mon digne canadien reprisje que si un tel animal existe il habite les profondeurs de ocean il frequente les couches liquides situees quelques milles audessous de la surface des eaux il possede necessairement un organisme dont la solidite defie toute comparaison et pourquoi cet organisme si puissant demanda ned parce qu il faut une force incalculable pour se maintenir dans les couches profondes et resister leur pression vraiment dit ned qui me regardait en clignant de oeil vraiment et quelques chiffres vous le prouveront sans peine oh les chiffres repliqua ned on fait ce qu on veut avec les chiffres en affaires ned mais non en mathematiques ecoutezmoi admettons que la pression une atmosphere soit representee par la pression une colonne eau haute de trentedeux pieds en realite la colonne eau serait une moindre hauteur puisqu il agit de eau de mer dont la densite est superieure celle de eau douce eh bien quand vous plongez ned autant de fois trentedeux pieds eau audessus de vous autant de fois votre corps supporte une pression egale celle de atmosphere estadire de kilogrammes par chaque centimetre carre de sa surface il suit de la qu trois cent vingt pieds cette pression est de dix atmospheres de cent atmospheres trois mille deux cents pieds et de mille atmospheres trentedeux mille pieds soit deux lieues et demie environ ce qui equivaut dire que si vous pouviez atteindre cette profondeur dans ocean chaque centimetre carre de la surface de votre corps subirait une pression de mille kilogrammes or mon brave ned savezvous ce que vous avez de centimetres carres en surface je ne en doute pas monsieur aronnax environ dixsept mille tant que cela et comme en realite la pression atmospherique est un peu superieure au poids un kilogramme par centimetre carre vos dixsept mille centimetres carres supportent en ce moment une pression de dixsept mille cinq cent soixantehuit kilogrammes sans que je en apercoive sans que vous vous en aperceviez et si vous etes pas ecrase par une telle pression est que air penetre interieur de votre corps avec une pression egale de la un equilibre parfait entre la poussee interieure et la poussee exterieure qui se neutralisent ce qui vous permet de les supporter sans peine mais dans eau est autre chose oui je comprends repondit ned devenu plus attentif parce que eau entoure et ne me penetre pas precisement ned ainsi donc trentedeux pieds audessous de la surface de la mer vous subiriez une pression de dixsept mille cinq cent soixantehuit kilogrammes trois cent vingt pieds dix fois cette pression soit cent soixantequinze mille six cent quatrevingt kilogrammes trois mille deux cents pieds cent fois cette pression soit dixsept cent cinquantesix mille huit cent kilogrammes trentedeux mille pieds enfin mille fois cette pression soit dixsept millions cinq cent soixantehuit mille kilogrammes estadire que vous seriez aplati comme si on vous retirait des plateaux une machine hydraulique diable fit ned eh bien mon digne harponneur si des vertebres longs de plusieurs centaines de metres et gros proportion se maintiennent de pareilles profondeurs eux dont la surface est representee par des millions de centimetres carres est par milliards de kilogrammes qu il faut estimer la poussee qu ils subissent calculez alors quelle doit etre la resistance de leur charpente osseuse et la puissance de leur organisme pour resister de telles pressions il faut repondit ned land qu ils soient fabriques en plaques de tole de huit pouces comme les fregates cuirassees comme vous dites ned et songez alors aux ravages que peut produire une pareille masse lancee avec la vitesse un express contre la coque un navire oui en effet peutetre repondit le canadien ebranle par ces chiffres mais qui ne voulait pas se rendre eh bien vous aije convaincu vous avez convaincu une chose monsieur le naturaliste est que si de tels animaux existent au fond des mers il faut necessairement qu ils soient aussi forts que vous le dites mais ils existent pas entete harponneur comment expliquezvous accident arrive au scotia est peutetre dit ned hesitant allez donc parce que ca est pas vrai repondit le canadien en reproduisant sans le savoir une celebre reponse arago mais cette reponse prouvait obstination du harponneur et pas autre chose ce jourla je ne le poussai pas davantage accident du scotia etait pas niable le trou existait si bien qu il avait fallu le boucher et je ne pense pas que existence du trou puisse se demontrer plus categoriquement or ce trou ne etait pas fait tout seul et puisqu il avait pas ete produit par des roches sousmarines ou des engins sousmarins il etait necessairement du outil perforant un animal or suivant moi et toutes les raisons precedemment deduites cet animal appartenait embranchement des vertebres la classe des mammiferes au groupe des pisciformes et finalement ordre des cetaces quant la famille dans laquelle il prenait rang baleine cachalot ou dauphin quant au genre dont il faisait partie quant espece dans laquelle il convenait de le ranger etait une question elucider ulterieurement pour la resoudre il fallait dissequer ce monstre inconnu pour le dissequer le prendre pour le prendre le harponner ce qui etait affaire de ned land pour le harponner le voir ce qui etait affaire de equipage et pour le voir le rencontrer ce qui etait affaire du hasard chapitre aventure le voyage de abrahamlincoln pendant quelque temps ne fut marque par aucun incident cependant une circonstance se presenta qui mit en relief la merveilleuse habilete de ned land et montra quelle confiance on devait avoir en lui au large des malouines le juin la fregate communiqua avec des baleiniers americains et nous apprimes qu ils avaient eu aucune connaissance du narwal mais un eux le capitaine du monroe sachant que ned land etait embarque bord de abrahamlincoln demanda son aide pour chasser une baleine qui etait en vue le commandant farragut desireux de voir ned land oeuvre autorisa se rendre bord du monroe et le hasard servit si bien notre canadien qu au lieu une baleine il en harponna deux un coup double frappant une droit au coeur et emparant de autre apres une poursuite de quelques minutes decidement si le monstre jamais affaire au harpon de ned land je ne parierai pas pour le monstre la fregate prolongea la cote sudest de amerique avec une rapidite prodigieuse le juillet nous etions ouvert du detroit de magellan la hauteur du cap des vierges mais le commandant farragut ne voulut pas prendre ce sinueux passage et manoeuvra de maniere doubler le cap horn equipage lui donna raison unanimite et en effet etaitil probable que on put rencontrer le narwal dans ce detroit resserre bon nombre de matelots affirmaient que le monstre pouvait passer qu il etait trop gros pour cela le juillet vers trois heures du soir abraham lincoln quinze milles dans le sud doubla cet ilot solitaire ce roc perdu extremite du continent americain auquel des marins hollandais imposerent le nom de leur villa natale le cap horn la route fut donnee vers le nordouest et le lendemain helice de la fregate battit enfin les eaux du pacifique ouvre oeil ouvre oeil repetaient les matelots de abraham lincoln et ils ouvraient demesurement les yeux et les lunettes un peu eblouis il est vrai par la perspective de deux mille dollars ne resterent pas un instant au repos jour et nuit on observait la surface de ocean et les nyctalopes dont la faculte de voir dans obscurite accroissait les chances de cinquante pour cent avaient beau jeu pour gagner la prime tantot appuye la lisse de arriere moi que appat de argent attirait guere je etais pourtant pas le moins attentif du bord ne donnant que quelques minutes au repas quelques heures au sommeil indifferent au soleil ou la pluie je ne quittais plus le pont du navire tantot penche sur les bastingages du gaillard avant tantot appuye la lisse de arriere je devorais un oeil avide le cotonneux sillage qui blanchissait la mer jusqu perte de vue et que de fois ai partage emotion de etatmajor de equipage lorsque quelque capricieuse baleine elevait son dos noiratre audessus des flots le pont de la fregate se peuplait en un instant les capots vomissaient un torrent de matelots et officiers chacun la poitrine haletante oeil trouble observait la marche du cetace je regardais je regardais en user ma retine en devenir aveugle tandis que conseil toujours phlegmatique me repetait un ton calme si monsieur voulait avoir la bonte de moins ecarquiller ses yeux monsieur verrait bien davantage mais vaine emotion abrahamlincoln modifiait sa route courait sur animal signale simple baleine ou cachalot vulgaire qui disparaissait bientot au milieu un concert imprecations cependant le temps restait favorable le voyage accomplissait dans les meilleures conditions etait alors la mauvaise saison australe car le juillet de cette zone correspond notre janvier europe mais la mer se maintenait belle et se laissait facilement observer dans un vaste perimetre ned land montrait toujours la plus tenace incredulite il affectait meme de ne point examiner la surface des flots en dehors de son temps de bordee du moins quand aucune baleine etait en vue et pourtant sa merveilleuse puissance de vision aurait rendu de grands services mais huit heures sur douze cet entete canadien lisait ou dormait dans sa cabine cent fois je lui reprochai son indifference bah repondaitil il rien monsieur aronnax et eutil quelque animal quelle chance avonsnous de apercevoir estce que nous ne courons pas aventure on revu diton cette bete introuvable dans les hautes mers du pacifique je veux bien admettre mais deux mois deja se sont ecoules depuis cette rencontre et en rapporter au temperament de votre narwal il aime point moisir longtemps dans les memes parages il est doue une prodigieuse facilite de deplacement or vous le savez mieux que moi monsieur le professeur la nature ne fait rien contre sens et elle ne donnerait pas un animal lent de sa nature la faculte de se mouvoir rapidement il avait pas besoin de en servir donc si la bete existe elle est deja loin cela je ne savais que repondre evidemment nous marchions en aveugles mais le moyen de proceder autrement aussi nos chances etaientelles fort limitees cependant personne ne doutait encore du succes et pas un matelot du bord eut parie contre le narwal et contre sa prochaine apparition le juillet le tropique du capricorne fut coupe par deg de longitude et le du meme mois nous franchissions equateur sur le cent dixieme meridien ce relevement fait la fregate prit une direction plus decidee vers ouest et engagea dans les mers centrales du pacifique le commandant farragut pensait avec raison qu il valait mieux frequenter les eaux profondes et eloigner des continents ou des iles dont animal avait toujours paru eviter approche sans doute parce qu il avait pas assez eau pour lui disait le maitre equipage la fregate passa donc au large des pomotou des marquises des sandwich coupa le tropique du cancer par deg de longitude et se dirigea vers les mers de chine nous etions enfin sur le theatre des derniers ebats du monstre et pour tout dire on ne vivait plus bord les coeurs palpitaient effroyablement et se preparaient pour avenir incurables anevrismes equipage entier subissait une surexcitation nerveuse dont je ne saurais donner idee on ne mangeait pas on ne dormait plus vingt fois par jour une erreur appreciation une illusion optique de quelque matelot perche sur les barres causaient intolerables douleurs et ces emotions vingt fois repetees nous maintenaient dans un etat erethisme trop violent pour ne pas amener une reaction prochaine et en effet la reaction ne tarda pas se produire pendant trois mois trois mois dont chaque jour durait un siecle abrahamlincoln sillonna toutes les mers septentrionales du pacifique courant aux baleines signalees faisant de brusques ecarts de route virant subitement un bord sur autre arretant soudain forcant ou renversant sa vapeur coup sur coup au risque de deniveler sa machine et il ne laissa pas un point inexplore des rivages du japon la cote americaine et rien rien que immensite des flots deserts rien qui ressemblat un narwal gigantesque ni un ilot sousmarin ni une epave de naufrage ni un ecueil fuyant ni quoi que ce fut de surnaturel la reaction se fit donc le decouragement empara abord des esprits et ouvrit une breche incredulite un nouveau sentiment se produisit bord qui se composait de trois dixiemes de honte contre sept dixiemes de fureur on etait tout bete de etre laisse prendre une chimere mais encore plus furieux les montagnes arguments entasses depuis un an ecroulerent la fois et chacun ne songea plus qu se rattraper aux heures de repas ou de sommeil du temps qu il avait si sottement sacrifie avec la mobilite naturelle esprit humain un exces on se jeta dans un autre les plus chauds partisans de entreprise devinrent fatalement ses plus ardents detracteurs la reaction monta des fonds du navire du poste des soutiers jusqu au carre de etatmajor et certainement sans un entetement tresparticulier du commandant farragut la fregate eut definitivement remis le cap au sud cependant cette recherche inutile ne pouvait se prolonger plus longtemps abrahamlincoln avait rien se reprocher ayant tout fait pour reussir jamais equipage un batiment de la marine americaine ne montra plus de patience et plus de zele son insucces ne saurait lui etre impute il ne restait plus qu revenir une representation dans ce sens fut faite au commandant le commandant tint bon les matelots ne cacherent point leur mecontentement et le service en souffrit je ne veux pas dire qu il eut revolte bord mais apres une raisonnable periode obstination le commandant farragut comme autrefois colomb demanda trois jours de patience si dans le delai de trois jours le monstre avait pas paru homme de barre donnerait trois tours de roue et abrahamlincoln ferait route vers les mers europeennes cette promesse fut faite le novembre elle eut tout abord pour resultat de ranimer les defaillances de equipage ocean fut observe avec une nouvelle attention chacun voulait lui jeter ce dernier coup oeil dans lequel se resume tout le souvenir les lunettes fonctionnerent avec une activite fievreuse etait un supreme defi porte au narwal geant et celuici ne pouvait raisonnablement se dispenser de repondre cette sommation comparaitre les embarcations rayonnerent autour de la fregate deux jours se passerent abrahamlincoln se tenait sous petite vapeur on employait mille moyens pour eveiller attention ou stimuler apathie de animal au cas ou il se fut rencontre dans ces parages enormes quartiers de lard furent mis la traine pour la plus grande satisfaction des requins je dois le dire les embarcations rayonnerent dans toutes les directions autour de abrahamlincoln pendant qu il mettait en panne et ne laisserent pas un point de mer inexplore mais le soir du novembre arriva sans que se fut devoile ce mystere sousmarin le lendemain novembre midi expirait le delai de rigueur apres le point le commandant farragut fidele sa promesse devait donner la route au sudest et abandonner definitivement les regions septentrionales du pacifique la fregate se trouvait alors par deg de latitude nord et par deg de longitude est les terres du japon nous restaient moins de deux cents milles sous le vent la nuit approchait on venait de piquer huit heures de gros nuages voilaient le disque de la lune alors dans son premier quartier la mer ondulait paisiblement sous etrave de la fregate en ce moment etais appuye avant sur le bastingage de tribord conseil poste pres de moi regardait devant lui equipage juche dans les haubans examinait horizon qui se retrecissait et obscurcissait peu peu les officiers armes de leur lorgnette de nuit fouillaient obscurite croissante parfois le sombre ocean etincelait sous un rayon que la lune dardait entre la frange de deux nuages puis toute trace lumineuse evanouissait dans les tenebres en observant conseil je constatai que ce brave garcon subissait tant soit peu influence generale du moins je le crus ainsi peutetre et pour la premiere fois ses nerfs vibraientils sous action un sentiment de curiosite allons conseil lui disje voila une derniere occasion empocher deux mille dollars que monsieur me permette de le lui dire repondit conseil je ai jamais compte sur cette prime et le gouvernement de union pouvait promettre cent mille dollars il en aurait pas ete plus pauvre tu as raison conseil est une sotte affaire apres tout et dans laquelle nous nous sommes lances trop legerement que de temps perdu que emotions inutiles depuis six mois deja nous serions rentres en france dans le petit appartement de monsieur repliqua conseil dans le museum de monsieur et aurais deja classe les fossiles de monsieur et le babiroussa de monsieur serait installe dans sa cage du jardin des plantes et il attirerait tous les curieux de la capitale comme tu dis conseil et sans compter imagine que on se moquera de nous effectivement repondit tranquillement conseil je pense que on se moquera de monsieur et fautil le dire il faut le dire conseil eh bien monsieur aura que ce qu il merite vraiment quand on honneur etre un savant comme monsieur on ne expose pas conseil ne put achever son compliment au milieu du silence general une voix venait de se faire entendre etait la voix de ned land et ned land ecriait ohe la chose en question sous le vent par le travers nous chapitre vi toute vapeur ce cri equipage entier se precipita vers le harponneur commandant officiers maitres matelots mousses jusqu aux ingenieurs qui quitterent leur machine jusqu aux chauffeurs qui abandonnerent leurs fourneaux ordre de stopper avait ete donne et la fregate ne courait plus que sur son erre obscurite etait profonde alors et quelques bons que fussent les yeux du canadien je me demandais comment il avait vu et ce qu il avait pu voir mon coeur battait se rompre mais ned land ne etait pas trompe et tous nous apercumes objet qu il indiquait de la main le monstre immerge quelques toises deux encablures de abrahamlincoln et de sa hanche de tribord la mer semblait etre illuminee par dessus ce etait point un simple phenomene de phosphorescence et on ne pouvait tromper le monstre immerge quelques toises de la surface des eaux projetait cet eclat tresintense mais inexplicable que mentionnaient les rapports de plusieurs capitaines cette magnifique irradiation devait etre produite par un agent une grande puissance eclairante la partie lumineuse decrivait sur la mer un immense ovale tresallonge au centre duquel se condensait un foyer ardent dont insoutenable eclat eteignait par degradations successives ce est qu une agglomeration de molecules phosphorescentes ecria un des officiers non monsieur repliquaije avec conviction jamais les pholades ou les salpes ne produisent une si puissante lumiere cet eclat est de nature essentiellement electrique ailleurs voyez voyez il se deplace il se meut en avant en arriere il elance sur nous un cri general eleva de la fregate silence dit le commandant farragut la barre au vent toute machine en arriere les matelots se precipiterent la barre les ingenieurs leur machine la vapeur fut immediatement renversee et abrahamlincoln abattant sur babord decrivit un demicercle la barre droite machine en avant cria le commandant farragut ces ordres furent executes et la fregate eloigna rapidement du foyer lumineux je me trompe elle voulut eloigner mais le surnaturel animal se rapprocha avec une vitesse double de la sienne nous etions haletants la stupefaction bien plus que la crainte nous tenait muets et immobiles animal nous gagnait en se jouant il fit le tour de la fregate qui filait alors quatorze noeuds et enveloppa de ses nappes electriques comme une poussiere lumineuse puis il eloigna de deux ou trois milles laissant une trainee phosphorescente comparable aux tourbillons de vapeur que jette en arriere la locomotive un express tout un coup des obscures limites de horizon ou il alla prendre son elan le monstre fonca subitement vers abrahamlincoln avec une effrayante rapidite arreta brusquement vingt pieds de ses precintes eteignit non pas en abimant sous les eaux puisque son eclat ne subit aucune degradation mais soudainement et comme si la source de ce brillant effluve se fut subitement tarie puis il reparut de autre cote du navire soit qu il eut tourne soit qu il eut glisse sous sa coque chaque instant une collision pouvait se produire qui nous eut ete fatale cependant je etonnais des manoeuvres de la fregate elle fuyait et attaquait pas elle etait poursuivie elle qui devait poursuivre et en fis observation au commandant farragut sa figure ordinaire si impassible etait empreinte un indefinissable etonnement monsieur aronnax me reponditil je ne sais quel etre formidable ai affaire et je ne veux pas risquer imprudemment ma fregate au milieu de cette obscurite ailleurs comment attaquer inconnu comment en defendre attendons le jour et les roles changeront vous avez plus de doute commandant sur la nature de animal non monsieur est evidemment un narwal gigantesque mais aussi un narwal electrique peutetre ajoutaije ne peuton pas plus approcher qu une gymnote ou une torpille en effet repondit le commandant et il possede en lui une puissance foudroyante est coup sur le plus terrible animal qui soit jamais sorti de la main du createur est pourquoi monsieur je me tiendrai sur mes gardes tout equipage resta sur pied pendant la nuit personne ne songea dormir abrahamlincoln ne pouvant lutter de vitesse avait modere sa marche et se tenait sous petite vapeur de son cote le narwal imitant la fregate se laissait bercer au gre des lames et semblait decide ne point abandonner le theatre de la lutte vers minuit cependant il disparut ou pour employer une expression plus juste il eteignit comme un gros ver luisant avaitil fui il fallait le craindre non pas esperer mais une heure moins sept minutes du matin un sifflement assourdissant se fit entendre semblable celui que produit une colonne eau chassee avec une extreme violence le commandant farragut ned land et moi nous etions alors sur la dunette jetant avides regards travers les profondes tenebres ned land demanda le commandant vous avez souvent entendu rugir des baleines souvent monsieur mais jamais de pareilles baleines dont la vue ait rapporte deux mille dollars en effet vous avez droit la prime mais ditesmoi ce bruit estil pas celui que font les cetaces rejetant eau par leurs events le meme bruit monsieur mais celuici est incomparablement plus fort aussi ne peuton tromper est bien un cetace qui se tient la dans nos eaux avec votre permission monsieur ajouta le harponneur nous lui dirons deux mots demain au lever du jour il est humeur vous entendre maitre land repondisje un ton peu convaincu que je approche quatre longueurs de harpon riposta le canadien et il faudra bien qu il ecoute mais pour approcher reprit le commandant je devrai mettre une baleiniere votre disposition sans doute monsieur ce sera jouer la vie de mes hommes et la mienne repondit simplement le harponneur vers deux heures du matin le foyer lumineux reparut non moins intense cinq milles au vent de abrahamlincoln malgre la distance malgre le bruit du vent et de la mer on entendait distinctement les formidables battements de queue de animal et jusqu sa respiration haletante il semblait qu au moment ou enorme narwal venait respirer la surface de ocean air engouffrait dans ses poumons comme fait la vapeur dans les vastes cylindres une machine de deux mille chevaux hum pensaije une baleine qui aurait la force un regiment de cavalerie ce serait une jolie baleine on resta sur le quivive jusqu au jour et on se prepara au combat les engins de peche furent disposes le long des bastingages le second fit charger ces espingoles qui lancent un harpon une distance un mille et de longues canardieres balles explosives dont la blessure est mortelle meme aux plus puissants animaux ned land etait contente affuter son harpon arme terrible dans sa main six heures aube commenca poindre et avec les premieres lueurs de aurore disparut eclat electrique du narwal sept heures le jour etait suffisamment fait mais une brume matinale tresepaisse retrecissait horizon et les meilleures lorgnettes ne pouvaient la percer de la desappointement et colere je me hissai jusqu aux barres artimon quelques officiers etaient deja perches la tete des mats huit heures la brume roula lourdement sur les flots et ses grosses volutes se leverent peu peu horizon elargissait et se purifiait la fois soudain et comme la veille la voix de ned land se fit entendre la chose en question par babord derriere cria le harponneur tous les regards se dirigerent vers le point indique la un mille et demi de la fregate un long corps noiratre emergeait un metre audessus des flots sa queue violemment agitee produisait un remous considerable jamais appareil caudal ne battit la mer avec une telle puissance un immense sillage une blancheur eclatante marquait le passage de animal et decrivait une courbe allongee la fregate approcha du cetace je examinai en toute liberte esprit les rapports du shannon et de helvetia avaient un peu exagere ses dimensions et estimai sa longueur deux cent cinquante pieds seulement quant sa grosseur je ne pouvais que difficilement apprecier mais en somme animal me parut etre admirablement proportionne dans ses trois dimensions pendant que observais cet etre phenomenal deux jets de vapeur et eau elancerent de ses events et monterent une hauteur de quarante metres ce qui me fixa sur son mode de respiration en conclus definitivement qu il appartenait embranchement des vertebres classe des mammiferes sousclasse des monodelphiens groupe des pisciformes ordre des cetaces famille ici je ne pouvais encore me prononcer ordre des cetaces comprend trois familles les baleines les cachalots et les dauphins et est dans cette derniere que sont ranges les narwals chacune de ces familles se divise en plusieurs genres chaque genre en especes chaque espece en varietes variete espece genre et famille me manquaient encore mais je ne doutais pas de completer ma classification avec aide du ciel et du commandant farragut equipage attendait impatiemment les ordres de son chef celuici apres avoir attentivement observe animal fit appeler ingenieur ingenieur accourut monsieur dit le commandant vous avez de la pression oui monsieur repondit ingenieur bien forcez vos feux et toute vapeur trois hurrahs accueillirent cet ordre heure de la lutte avait sonne quelques instants apres les deux cheminees de la fregate vomissaient des torrents de fumee noire et le pont fremissait sous le tremblotement des chaudieres abrahamlincoln chasse en avant par sa puissante helice se dirigea droit sur animal celuici le laissa indifferemment approcher une demiencablure puis dedaignant de plonger il prit une petite allure de fuite et se contenta de maintenir sa distance cette poursuite se prolongea pendant trois quarts heure environ sans que la fregate gagnat deux toises sur le cetace il etait donc evident qu marcher ainsi on ne atteindrait jamais le commandant farragut tordait avec rage epaisse touffe de poils qui foisonnait sous son menton ned land criatil le canadien vint ordre eh bien maitre land demanda le commandant me conseillezvous encore de mettre mes embarcations la mer non monsieur repondit ned land car cette betela ne se laissera prendre que si elle le veut bien que faire alors forcer de vapeur si vous le pouvez monsieur pour moi avec votre permission entend je vais installer sous les sousbarbes de beaupre et si nous arrivons longueur de harpon je harponne allez ned repondit le commandant farragut ingenieur criatil faites monter la pression ned land se rendit son poste les feux furent plus activement pousses helice donna quarantetrois tours la minute et la vapeur fusa par les soupapes le loch jete on constata que abrahamlincoln marchait raison de dixhuit milles cinq dixiemes heure mais le maudit animal filait aussi avec une vitesse de dixhuit milles cinq dixiemes pendant une heure encore la fregate se maintint sous cette allure sans gagner une toise etait humiliant pour un des plus rapides marcheurs de la marine americaine une sourde colere courait parmi equipage les matelots injuriaient le monstre qui ailleurs dedaignait de leur repondre le commandant farragut ne se contentait plus de tordre sa barbiche il la mordait ingenieur fut encore une fois appele vous avez atteint votre maximum de pression lui demanda le commandant oui monsieur repondit ingenieur et vos soupapes sont chargees six atmospheres et demie chargezles dix atmospheres voila un ordre americain il en fut on eut pas mieux fait sur le mississippi pour distancer une concurrence conseil disje mon brave serviteur qui se trouvait pres de moi saistu bien que nous allons probablement sauter comme il plaira monsieur repondit conseil eh bien je avouerai cette chance il ne me deplaisait pas de la risquer les soupapes furent chargees le charbon engouffra dans les fourneaux les ventilateurs envoyerent des torrents air sur les brasiers la rapidite de abrahamlincoln accrut ses mats tremblaient jusque dans leurs emplantures et les tourbillons de fumee pouvaient peine trouver passage par les cheminees trop etroites on jeta le loch une seconde fois eh bien timonier demanda le commandant farragut dix neuf milles trois dixiemes monsieur forcez les feux ingenieur obeit le manometre marqua dix atmospheres mais le cetace chauffa lui aussi sans doute car sans se gener il fila ses dixneuf milles et trois dixiemes quelle poursuite non je ne puis decrire emotion qui faisait vibrer tout mon etre ned land se tenait son poste le harpon la main plusieurs fois animal se laissa approcher nous le gagnons nous le gagnons ecria le canadien puis au moment ou il se disposait frapper le cetace se derobait avec une rapidite que je ne puis estimer moins de trente milles heure et meme pendant notre maximum de vitesse ne se permitil pas de narguer la fregate en en faisant le tour un cri de fureur echappa de toutes les poitrines midi nous etions pas plus avances qu huit heures du matin le commandant farragut se decida alors employer des moyens plus directs ah ditil cet animalla va plus vite que abrahamlincoln eh bien nous allons voir il distancera ses boulets coniques maitre des hommes la piece de avant le canon de gaillard fut immediatement charge et braque le coup partit mais le boulet passa quelques pieds audessus du cetace qui se tenait un demimille un autre plus adroit cria le commandant et cinq cents dollars qui percera cette infernale bete un vieux canonnier barbe grise un vieux canonnier barbe grise que je vois encore oeil calme la physionomie froide approcha de sa piece la mit en position et visa longtemps une forte detonation eclata laquelle se melerent les hurrahs de equipage le boulet atteignit son but il frappa animal mais non pas normalement et glissant sur sa surface arrondie il alla se perdre deux milles en mer ah ca dit le vieux canonnier rageant ce gueuxla est donc blinde avec des plaques de six pouces malediction ecria le commandant farragut la chasse recommenca et le commandant farragut se penchant vers moi me dit je poursuivrai animal jusqu ce que ma fregate eclate oui repondisje et vous aurez raison on pouvait esperer que animal epuiserait et qu il ne serait pas indifferent la fatigue comme une machine vapeur mais il en fut rien les heures ecoulerent sans qu il donnat aucun signe epuisement cependant il faut dire la louange de abrahamlincoln qu il lutta avec une infatigable tenacite je estime pas moins de cinq cents kilometres la distance qu il parcourut pendant cette malencontreuse journee du novembre mais la nuit vint et enveloppa de ses ombres le houleux ocean en ce moment je crus que notre expedition etait terminee et que nous ne reverrions plus jamais le fantastique animal je me trompais dix heures cinquante minutes du soir la clarte electrique reapparut trois milles au vent de la fregate aussi pure aussi intense que pendant la nuit derniere le narwal semblait immobile peutetre fatigue de sa journee dormaitil se laissant aller ondulation des lames il avait la une chance dont le commandant farragut resolut de profiter il donna ses ordres abrahamlincoln fut tenu sous petite vapeur et avanca prudemment pour ne pas eveiller son adversaire il est pas rare de rencontrer en plein ocean des baleines profondement endormies que on attaque alors avec succes et ned land en avait harponne plus une pendant son sommeil le canadien alla reprendre son poste dans les sousbarbes du beaupre la fregate approcha sans bruit stoppa deux encablures de animal et courut sur son erre on ne respirait plus bord un silence profond regnait sur le pont nous etions pas cent pieds du foyer ardent dont eclat grandissait et eblouissait nos yeux en ce moment penche sur la lisse du gaillard avant je voyais audessous de moi ned land accroche une main la martingale de autre brandissant son terrible harpon vingt pieds peine le separaient de animal immobile tout un coup son bras se detendit violemment et le harpon fut lance entendis le choc sonore de arme qui semblait avoir heurte un corps dur la clarte electrique eteignit soudain et deux enormes trombes eau abattirent sur le pont de la fregate courant comme un torrent de avant arriere renversant les hommes brisant les saisines des dromes un choc effroyable se produisit et lance pardessus la lisse sans avoir le temps de me retenir je fus precipite la mer chapitre vii une baleine espece inconnue bien que eusse ete surpris par cette chute inattendue je en conservai pas moins une impression tresnette de mes sensations je fus abord entraine une profondeur de vingt pieds environ je suis bon nageur sans pretendre egaler byron et edgar poe qui sont des maitres et ce plongeon ne me fit point perdre la tete deux vigoureux coups de talons me ramenerent la surface de la mer mon premier soin fut de chercher des yeux la fregate equipage etaitil apercu de ma disparition abrahamlincoln avaitil vire de bord le commandant farragut mettaitil une embarcation la mer devaisje esperer etre sauve les tenebres etaient profondes entrevis une masse noire qui disparaissait vers est et dont les feux de position eteignirent dans eloignement etait la fregate je me sentis perdu moi moi criaije en nageant vers abrahamlincoln un bras desespere mes vetements embarrassaient eau les collait mon corps ils paralysaient mes mouvements je coulais je suffoquais moi ce fut le dernier cri que je jetai ma bouche emplit eau je me debattis entraine dans abime soudain mes habits furent saisis par une main vigoureuse je me sentis violemment ramene la surface de la mer et entendis oui entendis ces paroles prononcees mon oreille si monsieur veut avoir extreme obligeance de appuyer sur mon epaule monsieur nagera beaucoup plus son aise je saisis une main le bras de mon fidele conseil toi disje toi moimeme repondit conseil et aux ordres de monsieur et ce choc precipite en meme temps que moi la mer nullement mais etant au service de monsieur ai suivi monsieur le digne garcon trouvait cela tout naturel et la fregate demandaije la fregate repondit conseil en se retournant sur le dos je crois que monsieur fera bien de ne pas trop compter sur elle tu dis je dis qu au moment ou je me precipitai la mer entendis les hommes de barre ecrier helice et le gouvernail sont brises brises oui brises par la dent du monstre est la seule avarie je pense que abrahamlincoln ait eprouvee mais circonstance facheuse pour nous il ne gouverne plus alors nous sommes perdus peutetre repondit tranquillement conseil cependant nous avons encore quelques heures devant nous et en quelques heures on fait bien des choses imperturbable sangfroid de conseil me remonta je nageai plus vigoureusement mais gene par mes vetements qui me serraient comme une chape de plomb eprouvais une extreme difficulte me soutenir conseil en apercut que monsieur me permette de lui faire une incision ditil et glissant un couteau ouvert sous mes habits il les fendit de haut en bas un coup rapide puis il en debarrassa lestement tandis que je nageais pour tous deux mon tour je rendis le meme service conseil et nous continuames de naviguer un pres de autre cependant la situation en etait pas moins terrible peutetre notre disparition avaitelle pas ete remarquee et eutelle ete la fregate ne pouvait revenir sous le vent nous etant demontee de son gouvernail il ne fallait donc compter que sur ses embarcations conseil raisonna froidement dans cette hypothese et fit son plan en consequence etonnante nature ce phlegmatique garcon etait la comme chez lui pendant que un de nous etendu sur le dos il fut donc decide que notre seule chance de salut etant etre recueillis par les embarcations de abrahamlincoln nous devions nous organiser de maniere les attendre le plus longtemps possible je resolus alors de diviser nos forces afin de ne pas les epuiser simultanement et voici ce qui fut convenu pendant que un de nous etendu sur le dos se tiendrait immobile les bras croises les jambes allongees autre nagerait et le pousserait en avant ce role de remorqueur ne devait pas durer plus de dix minutes et nous relayant ainsi nous pouvions surnager pendant quelques heures et peutetre jusqu au lever du jour faible chance mais espoir est si fortement enracine au coeur de homme puis nous etions deux enfin je affirme bien que cela paraisse improbable si je cherchais detruire en moi toute illusion si je voulais desesperer je ne le pouvais pas la collision de la fregate et du cetace etait produite vers onze heures du soir environ je comptais donc sur huit heures de nage jusqu au lever du soleil operation rigoureusement praticable en nous relayant la mer assez belle nous fatiguait peu parfois je cherchais percer du regard ces epaisses tenebres que rompait seule la phosphorescence provoquee par nos mouvements je regardais ces ondes lumineuses qui se brisaient sur ma main et dont la nappe miroitante se tachait de plaques livides on eut dit que nous etions plonges dans un bain de mercure vers une heure du matin je fus pris une extreme fatigue mes membres se raidirent sous etreinte de crampes violentes conseil dut me soutenir et le soin de notre conservation reposa sur lui seul entendis bientot haleter le pauvre garcon sa respiration devint courte et pressee je compris qu il ne pouvait resister longtemps laissemoi laissemoi lui disje abandonner monsieur jamais reponditil je compte bien me noyer avant lui en ce moment la lune apparut travers les franges un gros nuage que le vent entrainait dans est la surface de la mer etincela sous ses rayons cette bienfaisante lumiere ranima nos forces ma tete se redressa mes regards se porterent tous les points de horizon apercus la fregate elle etait cinq mille de nous et ne formait plus qu une masse sombre peine appreciable mais embarcations point je voulus crier quoi bon pareille distance mes levres gonflees ne laisserent passer aucun son conseil put articuler quelques mots et je entendis repeter plusieurs reprises nous nous nos mouvements un instant suspendus nous ecoutames et futce un de ces bourdonnements dont le sang oppresse emplit oreille mais il me sembla qu un cri repondait au cri de conseil astu entendu murmuraije oui oui et conseil jeta dans espace un nouvel appel desespere cette fois pas erreur possible une voix humaine repondait la notre etaitce la voix de quelque infortune abandonne au milieu de ocean quelque autre victime du choc eprouve par le navire ou plutot une embarcation de la fregate ne nous helaitelle pas dans ombre conseil fit un supreme effort et appuyant sur mon epaule tandis que je resistais dans une derniere convulsion il se dressa demi hors de eau et retomba epuise qu astu vu ai vu murmuratil ai vu mais ne parlons pas gardons toutes nos forces qu avaitil vu alors je ne sais pourquoi la pensee du monstre me vint pour la premiere fois esprit mais cette voix cependant les temps ne sont plus ou les jonas se refugient dans le ventre des baleines pourtant conseil me remorquait encore il relevait parfois la tete regardait devant lui et jetait un cri de reconnaissance auquel repondait une voix de plus en plus rapprochee je entendais peine mes forces etaient bout mes doigts ecartaient ma main ne me fournissait plus un point appui ma bouche convulsivement ouverte emplissait eau salee le froid envahissait je relevai la tete une derniere fois puis je abimai en cet instant un corps dur me heurta je cramponnai puis je sentis qu on me retirait qu on me ramenait la surface de eau que ma poitrine se degonflait et je evanouis il est certain que je revins promptement moi grace de vigoureuses frictions qui me sillonnerent le corps entr ouvris les yeux conseil murmuraije monsieur sonne repondit conseil en ce moment aux dernieres clartes de la lune qui abaissait vers horizon apercus une figure qui etait pas celle de conseil et que je reconnus aussitot ned ecriaije en personne monsieur et qui court apres sa prime repondit le canadien vous avez ete precipite la mer au choc de la fregate oui monsieur le professeur mais plus favorise que vous ai pu prendre pied presque immediatement sur un ilot flottant un ilot ou pour mieux dire sur notre narwal gigantesque expliquezvous ned seulement ai bientot compris pourquoi mon harpon avait pu entamer et etait emousse sur sa peau pourquoi ned pourquoi est que cette betela monsieur le professeur est faite en tole acier il faut ici que je reprenne mes esprits que je revivifie mes souvenirs que je controle moimeme mes assertions les dernieres paroles du canadien avaient produit un revirement subit dans mon cerveau je me hissai rapidement au sommet de etre ou de objet demi immerge qui nous servait de refuge je eprouvai du pied etait evidemment un corps dur impenetrable et non pas cette substance molle qui forme la masse des grands mammiferes marins mais ce corps dur pouvait etre une carapace osseuse semblable celle des animaux antediluviens et en serais quitte pour classer le monstre parmi les reptiles amphibies tels que les tortues ou les alligators eh bien non le dos noiratre qui me supportait etait lisse poli non imbrique il rendait au choc une sonorite metallique et si incroyable que cela fut il semblait que disje il etait fait de plaques boulonnees le doute etait pas possible animal le monstre le phenomene naturel qui avait intrigue le monde savant tout entier bouleverse et fourvoye imagination des marins des deux hemispheres il fallait bien le reconnaitre etait un phenomene plus etonnant encore un phenomene de main homme la decouverte de existence de etre le plus fabuleux le plus mythologique eut pas au meme degre surpris ma raison que ce qui est prodigieux vienne du createur est tout simple mais trouver tout coup sous ses yeux impossible mysterieusement et humainement realise etait confondre esprit nous etions sur le dos un vaisseau sousmarin il avait pas hesiter cependant nous etions etendus sur le dos une sorte de bateau sousmarin qui presentait autant que en pouvais juger la forme un immense poisson acier opinion de ned land etait faite sur ce point conseil et moi nous ne pumes que nous ranger mais alors disje cet appareil renferme en lui un mecanisme de locomotion et un equipage pour le manoeuvrer evidemment repondit le harponneur et neanmoins depuis trois heures que habite cette ile flottante elle pas donne signe de vie ce bateau pas marche non monsieur aronnax il se laisse bercer au gre des lames mais il ne bouge pas nous savons en pas douter cependant qu il est doue une grande vitesse or comme il faut une machine pour produire cette vitesse et un mecanicien pour conduire cette machine en conclus que nous sommes sauves hum fit ned land un ton reserve en ce moment et comme pour donner raison mon argumentation un bouillonnement se fit arriere de cet etrange appareil dont le propulseur etait evidemment une helice et il se mit en mouvement nous eumes que le temps de nous accrocher sa partie superieure qui emergeait de quatrevingts centimetres environ tres heureusement sa vitesse etait pas excessive tant qu il navigue horizontalement murmura ned land je ai rien dire mais il lui prend la fantaisie de plonger je ne donnerais pas deux dollars de ma peau moins encore aurait pu dire le canadien il devenait donc urgent de communiquer avec les etres quelconques renfermes dans les flancs de cette machine je cherchai sa surface une ouverture un panneau un trou homme pour employer expression technique mais les lignes de boulons solidement rabattues sur la jointure des toles etaient nettes et uniformes ailleurs la lune disparut alors et nous laissa dans une obscurite profonde il fallut attendre le jour pour aviser aux moyens de penetrer interieur de ce bateau sousmarin ainsi donc notre salut dependait uniquement du caprice des mysterieux timoniers qui dirigeaient cet appareil et ils plongeaient nous etions perdus ce cas excepte je ne doutais pas de la possibilite entrer en relations avec eux et en effet ils ne faisaient pas euxmemes leur air il fallait necessairement qu ils revinssent de temps en temps la surface de ocean pour renouveler leur provision de molecules respirables donc necessite une ouverture qui mettait interieur du bateau en communication avec atmosphere quant espoir etre sauve par le commandant farragut il fallait renoncer completement nous etions entraines vers ouest et estimai que notre vitesse relativement moderee atteignait douze milles heure helice battait les flots avec une regularite mathematique emergeant quelquefois et faisant jaillir eau phosphorescente une grande hauteur vers quatre heures du matin la rapidite de appareil accrut nous resistions difficilement ce vertigineux entrainement lorsque les lames nous battaient de plein fouet heureusement ned rencontra sous sa main un large organeau fixe la partie superieure du dos de tole et nous parvinmes nous accrocher solidement enfin cette longue nuit ecoula mon souvenir incomplet ne permet pas en retracer toutes les impressions un seul detail me revient esprit pendant certaines accalmies de la mer et du vent je crus entendre plusieurs fois des sons vagues une sorte harmonie fugitive produite par des accords lointains quel etait donc le mystere de cette navigation sousmarine dont le monde entier cherchait vainement explication quels etres vivaient dans cet etrange bateau quel agent mecanique lui permettait de se deplacer avec une si prodigieuse vitesse le jour parut les brumes du matin nous enveloppaient mais elles ne tarderent pas se dechirer allais proceder un examen attentif de la coque qui formait sa partie superieure une sorte de plateforme horizontale quand je la sentis enfoncer peu peu eh mille diables ecria ned land frappant du pied la tole sonore ouvrez donc navigateurs peu hospitaliers mais il etait difficile de se faire entendre au milieu des battements assourdissants de helice heureusement le mouvement immersion arreta soudain un bruit de ferrures violemment poussees se produisit interieur du bateau une plaque se souleva un homme parut jeta un cri bizarre et disparut aussitot quelques instants apres huit solides gaillards le visage voile apparaissaient silencieusement et nous entrainaient dans leur formidable machine chapitre viii mobilis in mobile cet enlevement si brutalement execute etait accompli avec la rapidite de eclair mes compagnons et moi nous avions pas eu le temps de nous reconnaitre je ne sais ce qu ils eprouverent en se sentant introduits dans cette prison flottante mais pour mon compte un rapide frisson me glaca epiderme qui avionsnous affaire sans doute quelques pirates une nouvelle espece qui exploitaient la mer leur facon peine etroit panneau futil referme sur moi qu une obscurite profonde enveloppa mes yeux impregnes de la lumiere exterieure ne purent rien percevoir je sentis mes pieds nus se cramponner aux echelons une echelle de fer ned land et conseil vigoureusement saisis me suivaient au bas de echelle une porte ouvrit et se referma immediatement sur nous avec un retentissement sonore nous etions seuls ou je ne pouvais le dire peine imaginer tout etait noir mais un noir si absolu qu apres quelques minutes mes yeux avaient encore pu saisir une de ces lueurs indeterminees qui flottent dans les plus profondes nuits cependant ned land furieux de ces facons de proceder donnait un libre cours son indignation mille diables ecriaitil voila des gens qui en remontreraient aux caledoniens pour hospitalite il ne leur manque plus que etre anthropophages je en serais pas surpris mais je declare que on ne me mangera pas sans que je proteste calmezvous ami ned calmezvous repondit tranquillement conseil ne vous emportez pas avant heure nous ne sommes pas encore dans la rotissoire dans la rotissoire non riposta le canadien mais dans le four coup sur il fait assez noir heureusement mon bowiekniff ne pas quitte et vois toujours assez clair pour en servir le premier de ces bandits qui met la main sur moi ne vous irritez pas ned disje alors au harponneur et ne nous compromettez point par inutiles violences qui sait si on ne nous ecoute pas tachons plutot de savoir ou nous sommes je marchai en tatonnant apres cinq pas je rencontrai une muraille de fer faite de toles boulonnees puis me retournant je heurtai une table de bois pres de laquelle etaient ranges plusieurs escabeaux le plancher de cette prison se dissimulait sous une epaisse natte de phormium qui assourdissait le bruit des pas les murs nus ne revelaient aucune trace de porte ni de fenetre conseil faisant un tour en sens inverse me rejoignit et nous revinmes au milieu de cette cabine qui devait avoir vingt pieds de long sur dix pieds de large quant sa hauteur ned land malgre sa grande taille ne put la mesurer notre prison eclaira soudain une demiheure etait deja ecoulee sans que la situation se fut modifiee quand une extreme obscurite nos yeux passerent subitement la plus violente lumiere notre prison eclaira soudain estadire qu elle emplit une matiere lumineuse tellement vive que je ne pus abord en supporter eclat sa blancheur son intensite je reconnus cet eclairage electrique qui produisait autour du bateau sousmarin comme un magnifique phenomene de phosphorescence apres avoir involontairement ferme les yeux je les rouvris et je vis que agent lumineux echappait un demiglobe depoli qui arrondissait la partie superieure de la cabine enfin on voit clair ecria ned land qui son couteau la main se tenait sur la defensive oui repondisje risquant antithese mais la situation en est pas moins obscure que monsieur prenne patience dit impassible conseil le soudain eclairage de la cabine avait permis en examiner les moindres details elle ne contenait que la table et les cinq escabeaux la porte invisible devait etre hermetiquement fermee aucun bruit arrivait notre oreille tout semblait mort interieur de ce bateau marchaitil se maintenaitil la surface de ocean enfoncaitil dans ses profondeurs je ne pouvais le deviner cependant le globe lumineux ne etait pas allume sans raison esperais donc que les hommes de equipage ne tarderaient pas se montrer quand on veut oublier les gens on eclaire pas les oubliettes je ne me trompais pas un bruit de verroux se fit entendre la porte ouvrit deux hommes parurent un etait de petite taille vigoureusement muscle large epaules robuste de membres la tete forte la chevelure abondante et noire la moustache epaisse le regard vif et penetrant et toute sa personne empreinte de cette vivacite meridionale qui caracterise en france les populations provencales diderot tresjustement pretendu que le geste de homme est metaphorique et ce petit homme en etait certainement la preuve vivante on sentait que dans son langage habituel il devait prodiguer les prosopopees les metonymies et les hypallages ce que ailleurs je ne fus jamais meme de verifier car il employa toujours devant moi un idiome singulier et absolument incomprehensible le second inconnu merite une description plus detaillee un disciple de gratiolet ou engel eut lu sur sa physionomie livre ouvert je reconnus sans hesiter ses qualites dominantes la confiance en lui car sa tete se degageait noblement sur arc forme par la ligne de ses epaules et ses yeux noirs regardaient avec une froide assurance le calme car sa peau pale plutot que coloree annoncait la tranquillite du sang energie que demontrait la rapide contraction de ses muscles sourcilliers le courage enfin car sa vaste respiration denotait une grande expansion vitale ajouterai que cet homme etait fier que son regard ferme et calme semblait refleter de hautes pensees et que de tout cet ensemble de homogeneite des expressions dans les gestes du corps et du visage suivant observation des physionomistes resultait une indiscutable franchise je me sentis involontairement rassure en sa presence et augurai bien de notre entrevue ce personnage avaitil trentecinq ou cinquante ans ce personnage avaitil trentecinq ou cinquante ans je aurais pu le preciser sa taille etait haute son front large son nez droit sa bouche nettement dessinee ses dents magnifiques ses mains fines allongees eminemment psychiques pour employer un mot de la chirognomonie estadire dignes de servir une ame haute et passionnee cet homme formait certainement le plus admirable type que eusse jamais rencontre detail particulier ses yeux un peu ecartes un de autre pouvaient embrasser simultanement pres un quart de horizon cette faculte je ai verifie plus tard se doublait une puissance de vision encore superieure celle de ned land lorsque cet inconnu fixait un objet la ligne de ses sourcils se froncait ses larges paupieres se rapprochaient de maniere circonscrire la pupille des yeux et retrecir ainsi etendue du champ visuel et il regardait quel regard comme il grossissait les objets rapetisses par eloignement comme il vous penetrait jusqu ame comme il percait ces nappes liquides si opaques nos yeux et comme il lisait au plus profond des mers les deux inconnus coiffes de berets faits une fourrure de loutre marine et chausses de bottes de mer en peau de phoque portaient des vetements un tissu particulier qui degageaient la taille et laissaient une grande liberte de mouvements le plus grand des deux evidemment le chef du bord nous examina avec une extreme attention sans prononcer une parole puis se retournant vers son compagnon il entretint avec lui dans une langue que je ne pus reconnaitre etait un idiome sonore harmonieux flexible dont les voyelles semblaient soumises une accentuation tres variee autre repondit par un hochement de tete et ajouta deux ou trois mots parfaitement incomprehensibles puis du regard il parut interroger directement je repondis en bon francais que je entendais point son langage mais il ne sembla pas me comprendre et la situation devint assez embarrassante que monsieur raconte toujours notre histoire me dit conseil ces messieurs en saisiront peutetre quelques mots je recommencai le recit de nos aventures articulant nettement toutes mes syllabes et sans omettre un seul detail je declinai nos noms et qualites puis je presentai dans les formes le professeur aronnax son domestique conseil et maitre ned land le harponneur homme aux yeux doux et calmes ecouta tranquillement poliment meme et avec une attention remarquable mais rien dans sa physionomie indiqua qu il eut compris mon histoire quand eus fini il ne prononca pas un seul mot restait encore la ressource de parler anglais peutetre se feraiton entendre dans cette langue qui est peu pres universelle je la connaissais ainsi que la langue allemande une maniere suffisante pour la lire couramment mais non pour la parler correctement or ici il fallait surtout se faire comprendre allons votre tour disje au harponneur vous maitre land tirez de votre sac le meilleur anglais qu ait jamais parle un anglosaxon et tachez etre plus heureux que moi ned ne se fit pas prier et recommenca mon recit que je compris peu pres le fond fut le meme mais la forme differa le canadien emporte par son caractere mit beaucoup animation il se plaignit violemment etre emprisonne au mepris du droit des gens demanda en vertu de quelle loi on le retenait ainsi invoqua habeas corpus menaca de poursuivre ceux qui le sequestraient indument se demena gesticula cria et finalement il fit comprendre par un geste expressif que nous mourions de faim ce qui etait parfaitement vrai mais nous avions peu pres oublie sa grande stupefaction le harponneur ne parut pas avoir ete plus intelligible que moi nos visiteurs ne sourcillerent pas il etait evident qu ils ne comprenaient ni la langue arago ni celle de faraday fort embarrasse apres avoir epuise vainement nos ressources philologiques je ne savais plus quel parti prendre quand conseil me dit si monsieur autorise je raconterai la chose en allemand comment tu sais allemand ecriaije comme un flamand en deplaise monsieur cela me plait au contraire va mon garcon et conseil de sa voix tranquille raconta pour la troisieme fois les diverses peripeties de notre histoire mais malgre les elegantes tournures et la belle accentuation du narrateur la langue allemande eut aucun succes enfin pousse bout je rassemblai tout ce qui me restait de mes premieres etudes et entrepris de narrer nos aventures en latin ciceron se fut bouche les oreilles et eut renvoye la cuisine mais cependant je parvins en tirer meme resultat negatif cette derniere tentative definitivement avortee les deux inconnus echangerent quelques mots dans leur incomprehensible langage et se retirerent sans meme nous avoir adresse un de ces gestes rassurants qui ont cours dans tous les pays du monde la porte se referma est une infamie ecria ned land qui eclata pour la vingtieme fois comment on leur parle francais anglais allemand latin ces coquinsla et il en est pas un qui ait la civilite de repondre calmezvous ned disje au bouillant harponneur la colere ne menerait rien mais savezvous monsieur le professeur reprit notre irascible compagnon que on mourrait parfaitement de faim dans cette cage de fer bah fit conseil avec de la philosophie on peut encore tenir longtemps mes amis disje il ne faut pas se desesperer nous nous sommes trouves dans de plus mauvaises passes faitesmoi donc le plaisir attendre pour vous former une opinion sur le commandant et equipage de ce bateau mon opinion est toute faite riposta ned land ce sont des coquins bon et de quel pays du pays des coquins mon brave ned ce paysla est pas encore suffisamment indique sur la mappemonde et avoue que la nationalite de ces deux inconnus est difficile determiner ni anglais ni francais ni allemands voila tout ce que on peut affirmer cependant je serais tente admettre que ce commandant et son second sont nes sous de basses latitudes il du meridional en eux mais sontils espagnols turcs arabes ou indiens est ce que leur type physique ne me permet pas de decider quant leur langage il est absolument incomprehensible voila le desagrement de ne pas savoir toutes les langues repondit conseil ou le desavantage de ne pas avoir une langue unique ce qui ne servirait rien repondit ned land ne voyezvous pas que ces gensla ont un langage eux un langage invente pour desesperer les braves gens qui demandent diner mais dans tous les pays de la terre ouvrir la bouche remuer les machoires happer des dents et des levres estce que cela ne se comprend pas de reste estce que cela ne veut pas dire quebec comme aux pomotou paris comme aux antipodes ai faim donnezmoi manger oh fit conseil il des natures si inintelligentes comme il disait ces mots la porte ouvrit un stewart entra il nous apportait des vetements vestes et culottes de mer faites une etoffe dont je ne reconnus pas la nature je me hatai de les revetir et mes compagnons imiterent pendant ce temps le stewart muet sourd peutetre avait dispose la table et place trois couverts voila quelque chose de serieux dit conseil et cela annonce bien bah repondit le rancunier harponneur que diable voulezvous qu on mange ici du foie de tortue du filet de requin du beefteak de chien de mer nous verrons bien dit conseil les plats recouverts de leur cloche argent furent symetriquement poses sur la nappe et nous primes place table decidement nous avions affaire des gens civilises et sans la lumiere electrique qui nous inondait je me serais cru dans la salle manger de hotel adelphi liverpool ou du grandhotel paris je dois dire toutefois que le pain et le vin manquaient totalement eau etait fraiche et limpide mais etait de eau ce qui ne fut pas du gout de ned land parmi les mets qui nous furent servis je reconnus divers poissons delicatement appretes mais sur certains plats excellents ailleurs je ne pus me prononcer et je aurais meme su dire quel regne vegetal ou animal leur contenu appartenait quant au service de table il etait elegant et un gout parfait chaque ustensile cuiller fourchette couteau assiette portait une lettre entouree une devise en exergue et dont voici le facsimile exact mobile dans element mobile cette devise appliquait justement cet appareil sousmarin la condition de traduire la preposition in par dans et non par sur la lettre formait sans doute initiale du nom de enigmatique personnage qui commandait au fond des mers ned et conseil ne faisaient pas tant de reflexions ils devoraient et je ne tardai pas les imiter etais ailleurs rassure sur notre sort et il me paraissait evident que nos hotes ne voulaient pas nous laisser mourir inanition cependant tout finit icibas tout passe meme la faim de gens qui ont pas mange depuis quinze heures notre appetit satisfait le besoin de sommeil se fit imperieusement sentir reaction bien naturelle apres interminable nuit pendant laquelle nous avions lutte contre la mort ma foi je dormirais bien dit conseil et moi je dors repondit ned land mes deux compagnons etendirent sur le tapis mes deux compagnons etendirent sur le tapis de la cabine et furent bientot plonges dans un profond sommeil pour mon compte je cedai moins facilement ce violent besoin de dormir trop de pensees accumulaient dans mon esprit trop de questions insolubles pressaient trop images tenaient mes paupieres entr ouvertes ou etionsnous quelle etrange puissance nous emportait je sentais ou plutot je croyais sentir appareil enfoncer vers les couches les plus reculees de la mer de violents cauchemars obsedaient entrevoyais dans ces mysterieux asiles tout un monde animaux inconnus dont ce bateau sousmarin semblait etre le congenere vivant se mouvant formidable comme eux puis mon cerveau se calma mon imagination se fondit en une vague somnolence et je tombai bientot dans un morne sommeil couteau large lame qu un americain porte toujours sur lui domestique bord un steamer chapitre ix les coleres de ned land quelle fut la duree de ce sommeil je ignore mais il dut etre long car il nous reposa completement de nos fatigues je me reveillai le premier mes compagnons avaient pas encore bouge et demeuraient etendus dans leur coin comme des masses inertes peine releve de cette couche passablement dure je sentis mon cerveau degage mon esprit net je recommencai alors un examen attentif de notre cellule rien etait change ses dispositions interieures la prison etait restee prison et les prisonniers prisonniers cependant le stewart profitant de notre sommeil avait desservi la table rien indiquait donc une modification prochaine dans cette situation et je me demandai serieusement si nous etions destines vivre indefiniment dans cette cage cette perspective me sembla autant plus penible que si mon cerveau etait libre de ses obsessions de la veille je me sentais la poitrine singulierement oppressee ma respiration se faisait difficilement air lourd ne suffisait plus au jeu de mes poumons bien que la cellule fut vaste il etait evident que nous avions consomme en grande partie oxygene qu elle contenait en effet chaque homme depense en une heure oxygene renferme dans cent litres air et cet air charge alors une quantite presque egale acide carbonique devient irrespirable il etait donc urgent de renouveler atmosphere de notre prison et sans doute aussi atmosphere du bateau sousmarin la se posait une question mon esprit comment procedait le commandant de cette demeure flottante obtenaitil de air par des moyens chimiques en degageant par la chaleur oxygene contenu dans du chlorate de potasse et en absorbant acide carbonique par la potasse caustique dans ce cas il devait avoir conserve quelques relations avec les continents afin de se procurer les matieres necessaires cette operation se bornaitil seulement emmagasiner air sous de hautes pressions dans des reservoirs puis le repandre suivant les besoins de son equipage peutetre ou procede plus commode plus economique et par consequent plus probable se contentaitil de revenir respirer la surface des eaux comme un cetace et de renouveler pour vingtquatre heures sa provision atmosphere quoi qu il en soit et quelle que fut la methode il me paraissait prudent de employer sans retard en effet etais deja reduit multiplier mes inspirations pour extraire de cette cellule le peu oxygene qu elle renfermait quand soudain je fus rafraichi par un courant air pur et tout parfume emanations salines etait bien la brise de mer vivifiante et chargee iode ouvris largement la bouche et mes poumons se saturerent de fraiches molecules en meme temps je sentis un balancement un roulis de mediocre amplitude mais parfaitement determinable le bateau le monstre de tole venait evidemment de remonter la surface de ocean pour respirer la facon des baleines le mode de ventilation du navire etait donc parfaitement reconnu lorsque eus absorbe cet air pur pleine poitrine je cherchai le conduit aerifere si on veut qui laissait arriver jusqu nous cette bienfaisante effluve et je ne tardai pas le trouver audessus de la porte ouvrait un trou aerage laissant passer une fraiche colonne air qui renouvelait ainsi atmosphere appauvrie de la cellule en etais la de mes observations quand ned et conseil eveillerent presque en meme temps sous influence de cette aeration revivifiante ils se frotterent les yeux se detirerent les bras et furent sur pied en un instant monsieur bien dormi me demanda conseil avec sa politesse quotidienne fort bien mon brave garcon repondisje et vous maitre ned land profondement monsieur le professeur mais je ne sais si je me trompe il me semble que je respire comme une brise de mer un marin ne pouvait meprendre et je racontai au canadien ce qui etait passe pendant son sommeil bon ditil cela explique parfaitement ces mugissements que nous entendions lorsque le pretendu narwal se trouvait en vue de abrahamlincoln parfaitement maitre land etait sa respiration seulement monsieur aronnax je ai aucune idee de heure qu il est moins que ce ne soit heure du diner heure du diner mon digne harponneur dites au moins heure du dejeuner car nous sommes certainement au lendemain hier ce qui demontre repondit conseil que nous avons pris vingtquatre heures de sommeil est mon avis repondisje je ne vous contredis point repliqua ned land mais diner ou dejeuner le stewart sera le bienvenu qu il apporte un ou autre un et autre dit conseil juste repondit le canadien nous avons droit deux repas et pour mon compte je ferai honneur tous les deux eh bien ned attendons repondisje il est evident que ces inconnus ont pas intention de nous laisser mourir de faim car dans ce cas le diner hier soir aurait aucun sens moins qu on ne nous engraisse riposta ned je proteste repondisje nous ne sommes point tombes entre les mains de cannibales une fois est pas coutume repondit serieusement le canadien qui sait si ces gensla ne sont pas prives depuis longtemps de chair fraiche et dans ce cas trois particuliers sains et bien constitues comme monsieur le professeur son domestique et moi chassez ces idees maitre land repondisje au harponneur et surtout ne partez pas de la pour vous emporter contre nos hotes ce qui ne pourrait qu aggraver la situation en tout cas dit le harponneur ai une faim de tous les diables et diner ou dejeuner le repas arrive guere maitre land repliquaije il faut se conformer au reglement du bord et je suppose que notre estomac avance sur la cloche du maitrecoq eh bien on le mettra heure repondit tranquillement conseil je vous reconnais la ami conseil riposta impatient canadien vous usez peu votre bile et vos nerfs toujours calme vous seriez capable de dire vos graces avant votre benedicite et de mourir de faim plutot que de vous plaindre quoi cela serviraitil demanda conseil mais cela servirait se plaindre est deja quelque chose et si ces pirates je dis pirates par respect et pour ne pas contrarier monsieur le professeur qui defend de les appeler cannibales si ces pirates se figurent qu ils vont me garder dans cette cage ou etouffe sans apprendre de quels jurons assaisonne mes emportements ils se trompent voyons monsieur aronnax parlez franchement croyezvous qu ils nous tiennent longtemps dans cette boite de fer dire vrai je en sais pas plus long que vous ami land mais enfin que supposezvous je suppose que le hasard nous rendus maitres un secret important or equipage de ce bateau sousmarin interet le garder et si cet interet est plus grave que la vie de trois hommes je crois notre existence trescompromise dans le cas contraire la premiere occasion le monstre qui nous engloutis nous rendra au monde habite par nos semblables moins qu il ne nous enrole parmi son equipage dit conseil et qu il nous garde ainsi jusqu au moment repliqua ned land ou quelque fregate plus rapide ou plus adroite que abrahamlincoln emparera de ce nid de forbans et enverra son equipage et nous respirer une derniere fois au bout de sa grand vergue bien raisonne maitre land repliquaije mais on ne nous pas encore fait que je sache de proposition cet egard inutile donc de discuter le parti que nous devrons prendre le cas echeant je vous le repete attendons prenons conseil des circonstances et ne faisons rien puisqu il rien faire au contraire monsieur le professeur repondit le harponneur qui en voulait pas demordre il faut faire quelque chose eh quoi donc maitre land nous sauver se sauver une prison terrestre est souvent difficile mais une prison sousmarine cela me parait absolument impraticable allons ami ned demanda conseil que repondezvous objection de monsieur je ne puis croire qu un americain soit jamais bout de ressources le harponneur visiblement embarrasse se taisait une fuite dans les conditions ou le hasard nous avait jetes etait absolument impossible mais un canadien est demi francais et maitre ned land le fit bien voir par sa reponse ainsi monsieur aronnax repritil apres quelques instants de reflexion vous ne devinez pas ce que doivent faire des gens qui ne peuvent echapper de leur prison non mon ami est bien simple il faut qu ils arrangent de maniere rester parbleu fit conseil vaut encore mieux etre dedans que dessus ou dessous mais apres avoir jete dehors geoliers porteclefs et gardiens ajouta ned land quoi ned vous songeriez serieusement vous emparer de ce batiment tresserieusement repondit le canadien est impossible pourquoi donc monsieur il peut se presenter quelque chance favorable et je ne vois pas ce qui pourrait nous empecher en profiter ils ne sont qu une vingtaine hommes bord de cette machine ils ne feront pas reculer deux francais et un canadien je suppose mieux valait admettre la proposition du harponneur que de la discuter aussi me contentaije de repondre laissons venir les circonstances maitre land et nous verrons mais jusquela je vous en prie contenez votre impatience on ne peut agir que par ruse et ce est pas en vous emportant que vous ferez naitre des chances favorables promettezmoi donc que vous accepterez la situation sans trop de colere je vous le promets monsieur le professeur repondit ned land un ton peu rassurant pas un mot violent ne sortira de ma bouche pas un geste brutal ne me trahira quand bien meme le service de la table ne se ferait pas avec toute la regularite desirable ai votre parole ned repondisje au canadien puis la conversation fut suspendue et chacun de nous se mit reflechir part soi avouerai que pour mon compte et malgre assurance du harponneur je ne conservais aucune illusion je admettais pas ces chances favorables dont ned land avait parle pour etre si surement manoeuvre le bateau sousmarin exigeait un nombreux equipage et consequemment dans le cas une lutte nous aurions affaire trop forte partie ailleurs il fallait avant tout etre libres et nous ne etions pas je ne voyais meme aucun moyen de fuir cette cellule de tole si hermetiquement fermee et pour peu que etrange commandant de ce bateau eut un secret garder ce qui paraissait au moins probable il ne nous laisserait pas agir librement son bord maintenant se debarrasseraitil de nous par la violence ou nous jetteraitil un jour sur quelque coin de terre etait la inconnu toutes ces hypotheses me semblaient extremement plausibles et il fallait etre un harponneur pour esperer de reconquerir sa liberte je compris ailleurs que les idees de ned land aigrissaient avec les reflexions qui emparaient de son cerveau entendais peu peu les jurons gronder au fond de son gosier et je voyais ses gestes redevenir menacants il se levait tournait comme une bete fauve en cage frappait les murs du pied et du poing ailleurs le temps ecoulait la faim se faisait cruellement sentir et cette fois le stewart ne paraissait pas et etait oublier trop longtemps notre position de naufrages si on avait reellement de bonnes intentions notre egard ned land tourmente par les tiraillements de son robuste estomac se montait de plus en plus et malgre sa parole je craignais veritablement une explosion lorsqu il se trouverait en presence de un des hommes du bord pendant deux heures encore la colere de ned land exalta le canadien appelait il criait mais en vain les murailles de tole etaient sourdes je entendais meme aucun bruit interieur de ce bateau qui semblait mort il ne bougeait pas car aurais evidemment senti les fremissements de la coque sous impulsion de helice plonge sans doute dans abime des eaux il appartenait plus la terre tout ce morne silence etait effrayant quant notre abandon notre isolement au fond de cette cellule je osais estimer ce qu il pourrait durer les esperances que avais concues apres notre entrevue avec le commandant du bord effacaient peu peu la douceur du regard de cet homme expression genereuse de sa physionomie la noblesse de son maintien tout disparaissait de mon souvenir je revoyais cet enigmatique personnage tel qu il devait etre necessairement impitoyable cruel je le sentais endehors de humanite inaccessible tout sentiment de pitie implacable ennemi de ses semblables auxquels il avait du vouer une imperissable haine mais cet homme allaitil donc nous laisser perir inanition enfermes dans cette prison etroite livres ces horribles tentations auxquelles pousse la faim farouche cette affreuse pensee prit dans mon esprit une intensite terrible et imagination aidant je me sentis envahir par une epouvante insensee conseil restait calme ned land rugissait en ce moment un bruit se fit entendre exterieurement des pas resonnerent sur la dalle de metal les serrures furent fouillees la porte ouvrit le stewart parut avant que eusse fait un mouvement pour en empecher le canadien etait precipite sur ce malheureux il avait renverse il le tenait la gorge le stewart etouffait sous sa main puissante le canadien etait precipite sur ce malheureux conseil cherchait deja retirer des mains du harponneur sa victime demi suffoquee et allais joindre mes efforts aux siens quand subitement je fus cloue ma place par ces mots prononces en francais calmezvous maitre land et vous monsieur le professeur veuillez ecouter chapitre homme des eaux etait le commandant du bord qui parlait ainsi le stewart sortit en chancelant ces mots ned land se releva subitement le stewart presque etrangle sortit en chancelant sur un signe de son maitre mais tel etait empire du commandant son bord que pas un geste ne trahit le ressentiment dont cet homme devait etre anime contre le canadien conseil interesse malgre lui moi stupefait nous attendions en silence le denouement de cette scene le commandant appuye sur angle de la table les bras croises nous observait avec une profonde attention hesitaitil parler regrettaitil ces mots qu il venait de prononcer en francais on pouvait le croire apres quelques instants un silence qu aucun de nous ne songea interrompre messieurs ditil une voix calme et penetrante je parle egalement le francais anglais allemand et le latin aurais donc pu vous repondre des notre premiere entrevue mais je voulais vous connaitre abord reflechir ensuite votre quadruple recit absolument semblable au fond affirme identite de vos personnes je sais maintenant que le hasard mis en ma presence monsieur pierre aronnax professeur histoire naturelle au museum de paris charge une mission scientifique etranger conseil son domestique et ned land origine canadienne harponneur bord de la fregate abrahamlincoln de la marine nationale des etatsunis amerique je inclinai un air assentiment ce etait pas une question que me posait le commandant donc pas de reponse faire cet homme exprimait avec une aisance parfaite sans aucun accent sa phrase etait nette ses mots justes sa facilite elocution remarquable et cependant je ne sentais pas en lui un compatriote il reprit la conversation en ces termes vous avez trouve sans doute monsieur que ai longtemps tarde vous rendre cette seconde visite est que votre identite reconnue je voulais peser murement le parti prendre envers vous ai beaucoup hesite les plus facheuses circonstances vous ont mis en presence un homme qui rompu avec humanite vous etes venu troubler mon existence involontairement disje involontairement repondit inconnu en forcant un peu sa voix estce involontairement que abrahamlincoln me chasse sur toutes les mers estce involontairement que vous avez pris passage bord de cette fregate estce involontairement que vos boulets ont rebondi sur la coque de mon navire estce involontairement que maitre ned land frappe de son harpon je surpris dans ces paroles une irritation contenue mais ces recriminations avais une reponse toute naturelle faire et je la fis monsieur disje vous ignorez sans doute les discussions qui ont eu lieu votre sujet en amerique et en europe vous ne savez pas que divers accidents provoques par le choc de votre appareil sousmarin ont emu opinion publique dans les deux continents je vous fais grace des hypotheses sans nombre par lesquelles on cherchait expliquer inexplicable phenomene dont seul vous aviez le secret mais sachez qu en vous poursuivant jusque sur les hautes mers du pacifique abrahamlincoln croyait chasser quelque puissant monstre marin dont il fallait tout prix delivrer ocean un demisourire detendit les levres du commandant puis un ton plus calme monsieur aronnax reponditil oseriezvous affirmer que votre fregate aurait pas poursuivi et canonne un bateau sousmarin aussi bien qu un monstre cette question embarrassa car certainement le commandant farragut eut pas hesite il eut cru de son devoir de detruire un appareil de ce genre tout comme un narwal gigantesque vous comprenez donc monsieur reprit inconnu que ai le droit de vous traiter en ennemis je ne repondis rien et pour cause quoi bon discuter une proposition semblable quand la force peut detruire les meilleurs arguments ai longtemps hesite reprit le commandant rien ne obligeait vous donner hospitalite si je devais me separer de vous je avais aucun interet vous revoir je vous remettais sur la plateforme de ce navire qui vous avait servi de refuge je enfoncais sous les mers et oubliais que vous aviez jamais existe etaitce pas mon droit etait peutetre le droit un sauvage repondisje ce etait pas celui un homme civilise monsieur le professeur repliqua vivement le commandant je ne suis pas ce que vous appelez un homme civilise ai rompu avec la societe toute entiere pour des raisons que moi seul ai le droit apprecier je obeis donc point ses regles et je vous engage ne jamais les invoquer devant moi ceci fut dit nettement un eclair de colere et de dedain avait allume les yeux de inconnu et dans la vie de cet homme entrevis un passe formidable nonseulement il etait mis endehors des lois humaines mais il etait fait independant libre dans la plus rigoureuse acception du mot hors de toute atteinte qui donc oserait le poursuivre au fond des mers puisque leur surface il dejouait les efforts tentes contre lui quel navire resisterait au choc de son monitor sousmarin quelle cuirasse si epaisse qu elle fut supporterait les coups de son eperon nul entre les hommes ne pouvait lui demander compte de ses oeuvres dieu il croyait sa conscience il en avait une etaient les seuls juges dont il put dependre ces reflexions traverserent rapidement mon esprit pendant que etrange personnage se taisait absorbe et comme retire en luimeme je le considerais avec un effroi melange interet et sans doute ainsi qu oedipe considerait le sphinx apres un assez long silence le commandant reprit la parole ai donc hesite ditil mais ai pense que mon interet pouvait accorder avec cette pitie naturelle laquelle tout etre humain droit vous resterez mon bord puisque la fatalite vous jetes vous serez libres et en echange de cette liberte toute relative ailleurs je ne vous imposerai qu une seule condition votre parole de vous soumettre me suffira parlez monsieur repondisje je pense que cette condition est de celles qu un honnete homme peut accepter oui monsieur et la voici il est possible que certains evenements imprevus obligent vous consigner dans vos cabines pour quelques heures ou quelques jours suivant le cas desirant ne jamais employer la violence attends de vous dans ce cas plus encore que dans tous les autres une obeissance passive en agissant ainsi je couvre votre responsabilite je vous degage entierement car est moi de vous mettre dans impossibilite de voir ce qui ne doit pas etre vu acceptezvous cette condition il se passait donc bord des choses tout au moins singulieres et que ne devaient point voir des gens qui ne etaient pas mis hors des lois sociales entre les surprises que avenir me menageait celleci ne devait pas etre la moindre nous acceptons repondisje seulement je vous demanderai monsieur la permission de vous adresser une question une seule parlez monsieur vous avez dit que nous serions libres votre bord entierement je vous demanderai donc ce que vous entendez par cette liberte mais la liberte aller de venir de voir observer meme tout ce qui se passe ici sauf en quelques circonstances rares la liberte enfin dont nous jouissons nousmemes mes compagnons et moi il etait evident que nous ne nous entendions point pardon monsieur reprisje mais cette liberte ce est que celle que tout prisonnier de parcourir sa prison elle ne peut nous suffire il faudra cependant qu elle vous suffise quoi nous devons renoncer jamais de revoir notre patrie nos amis nos parents oui monsieur mais renoncer reprendre cet insupportable joug de la terre que les hommes croient etre la liberte est peutetre pas aussi penible que vous le pensez par exemple ecria ned land jamais je ne donnerai ma parole de ne pas chercher me sauver je ne vous demande pas de parole maitre land repondit froidement le commandant monsieur repondisje emporte malgre moi vous abusez de votre situation envers nous est de la cruaute non monsieur est de la clemence vous etes mes prisonniers apres combat je vous garde quand je pourrais un mot vous replonger dans les abimes de ocean vous avez attaque vous etes venus surprendre un secret que nul homme au monde ne doit penetrer le secret de toute mon existence et vous croyez que je vais vous renvoyer sur cette terre qui ne doit plus me connaitre jamais en vous retenant ce est pas vous que je garde est moimeme ces paroles indiquaient de la part du commandant un parti pris contre lequel ne prevaudrait aucun argument ainsi monsieur reprisje vous nous donnez tout simplement choisir entre la vie ou la mort tout simplement mes amis disje une question ainsi posee il rien repondre mais aucune parole ne nous lie au maitre de ce bord aucune monsieur repondit inconnu puis une voix plus douce il reprit maintenant permettezmoi achever ce que ai vous dire je vous connais monsieur aronnax vous sinon vos compagnons vous aurez peutetre pas tant vous plaindre du hasard qui vous lie mon sort vous trouverez parmi les livres qui servent mes etudes favorites cet ouvrage que vous avez publie sur les grands fonds de la mer je ai souvent lu vous avez pousse votre oeuvre aussi loin que vous le permettait la science terrestre mais vous ne savez pas tout vous avez pas tout vu laissezmoi donc vous dire monsieur le professeur que vous ne regretterez pas le temps passe mon bord vous allez voyager dans le pays des merveilles etonnement la stupefaction seront probablement etat habituel de votre esprit vous ne vous blaserez pas facilement sur le spectacle incessamment offert vos yeux je vais revoir dans un nouveau tour du monde sousmarin qui sait le dernier peutetre tout ce que ai pu etudier au fond de ces mers tant de fois parcourues et vous serez mon compagnon etudes partir de ce jour vous entrez dans un nouvel element vous verrez ce que vu encore aucun homme car moi et les miens nous ne comptons plus et notre planete grace moi va vous livrer ses derniers secrets je ne puis le nier ces paroles du commandant firent sur moi un grand effet etais pris la par mon faible et oubliai pour un instant que la contemplation de ces choses sublimes ne pouvait valoir la liberte perdue ailleurs je comptais sur avenir pour trancher cette grave question ainsi je me contentai de repondre messieurs si vous avez brise avec humanite je veux croire que vous avez pas renie tout sentiment humain nous sommes des naufrages charitablement recueillis votre bord nous ne oublierons pas quant moi je ne meconnais pas que si interet de la science pouvait absorber jusqu au besoin de liberte ce que me promet notre rencontre offrirait de grandes compensations je pensais que le commandant allait me tendre la main pour sceller notre traite il en fit rien je le regrettai pour lui une derniere question disje au moment ou cet etre inexplicable semblait vouloir se retirer parlez monsieur le professeur de quel nom doisje vous appeler monsieur repondit le commandant je ne suis pour vous que le capitaine nemo et vos compagnons et vous etes pour moi que les passagers du nautilus le capitaine nemo appela un stewart parut le capitaine lui donna ses ordres dans cette langue etrangere que je ne pouvais reconnaitre puis se tournant vers le canadien et conseil un repas vous attend dans votre cabine leur ditil veuillez suivre cet homme ca est pas de refus repondit le harponneur conseil et lui sortirent enfin de cette cellule ou ils etaient renfermes depuis plus de trente heures et maintenant monsieur aronnax notre dejeuner est pret permettezmoi de vous preceder vos ordres capitaine je suivis le capitaine nemo et des que eus franchi la porte je pris une sorte de couloir electriquement eclaire semblable aux coursives un navire apres un parcours une dizaine de metres une seconde porte ouvrit devant moi entrai alors dans une salle manger entrai alors dans une salle manger ornee et meublee avec un gout severe de hauts dressoirs de chene incrustes ornements ebene elevaient aux deux extremites de cette salle et sur leurs rayons ligne ondulee etincelaient des faiences des porcelaines des verreries un prix inestimable la vaisselle plate resplendissait sous les rayons que versait un plafond lumineux dont de fines peintures tamisaient et adoucissaient eclat au centre de la salle etait une table richement servie le capitaine nemo indiqua la place que je devais occuper asseyezvous me ditil et mangez comme un homme qui doit mourir de faim le dejeuner se composait un certain nombre de plats dont la mer seule avait fourni le contenu et de quelques mets dont ignorais la nature et la provenance avouerai que etait bon mais avec un gout particulier auquel je habituai facilement ces divers aliments me parurent riches en phosphore et je pensai qu ils devaient avoir une origine marine le capitaine nemo me regardait je ne lui demandai rien mais il devina mes pensees et il repondit de luimeme aux questions que je brulais de lui adresser la plupart de ces mets vous sont inconnus me ditil cependant vous pouvez en user sans crainte ils sont sains et nourrissants depuis longtemps ai renonce aux aliments de la terre et je ne en porte pas plus mal mon equipage qui est vigoureux ne se nourrit pas autrement que moi ainsi disje tous ces aliments sont des produits de la mer oui monsieur le professeur la mer fournit tous mes besoins tantot je mets mes filets la traine et je les retire prets se rompre tantot je vais chasser au milieu de cet element qui parait etre inaccessible homme et je force le gibier qui gite dans mes forets sousmarines mes troupeaux comme ceux du vieux pasteur de neptune paissent sans crainte les immenses prairies de ocean ai la une vaste propriete que exploite moimeme et qui est toujours ensemencee par la main du createur de toutes choses je regardai le capitaine nemo avec un certain etonnement et je lui repondis je comprends parfaitement monsieur que vos filets fournissent excellents poissons votre table je comprends moins que vous poursuiviez le gibier aquatique dans vos forets sousmarines mais je ne comprends plus du tout qu une parcelle de viande si petite qu elle soit figure dans votre menu aussi monsieur me repondit le capitaine nemo ne faisje jamais usage de la chair des animaux terrestres ceci cependant reprisje en designant un plat ou restaient encore quelques tranches de filet ce que vous croyez etre de la viande monsieur le professeur est autre chose que du filet de tortue de mer voici egalement quelques foies de dauphin que vous prendriez pour un ragout de porc mon cuisinier est un habile preparateur qui excelle conserver ces produits varies de ocean goutez tous ces mets voici une conserve holoturies qu un malais declarerait sans rivale au monde voila une creme dont le lait ete fourni par la mamelle des cetaces et le sucre par les grands fucus de la mer du nord et enfin permettezmoi de vous offrir des confitures anemones qui valent celles des fruits les plus savoureux et je goutais plutot en curieux qu en gourmet tandis que le capitaine nemo enchantait par ses invraisemblables recits mais cette mer monsieur aronnax me ditil cette nourrice prodigieuse inepuisable elle ne me nourrit pas seulement elle me vetit encore ces etoffes qui vous couvrent sont tissees avec le byssus de certains coquillages elles sont teintes avec la pourpre des anciens et nuancees de couleurs violettes que extrais des aplysis de la mediterranee les parfums que vous trouverez sur la toilette de votre cabine sont le produit de la distillation des plantes marines votre lit est fait du plus doux zostere de ocean votre plume sera un fanon de baleine votre encre la liqueur secretee par la seiche ou encornet tout me vient maintenant de la mer comme tout lui retournera un jour vous aimez la mer capitaine oui je aime la mer est tout elle couvre les sept dixiemes du globe terrestre son souffle est pur et sain est immense desert ou homme est jamais seul car il sent fremir la vie ses cotes la mer est que le vehicule une surnaturelle et prodigieuse existence elle est que mouvement et amour est infini vivant comme dit un de vos poetes et en effet monsieur le professeur la nature manifeste par ses trois regnes mineral vegetal animal ce dernier est largement represente par les quatre groupes des zoophytes par trois classes des articules par cinq classes des mollusques par trois classes des vertebres les mammiferes les reptiles et ces innombrables legions de poissons ordre infini animaux qui compte plus de treize mille especes dont un dixieme seulement appartient eau douce la mer est le vaste reservoir de la nature est par la mer que le globe pour ainsi dire commence et qui sait il ne finira pas par elle la est la supreme tranquillite la mer appartient pas aux despotes sa surface ils peuvent encore exercer des droits iniques battre devorer transporter toutes les horreurs terrestres mais trente pieds audessous de son niveau leur pouvoir cesse leur influence eteint leur puissance disparait ah monsieur vivez vivez au sein des mers la seulement est independance la je ne reconnais pas de maitres la je suis libre le capitaine nemo se tut subitement au milieu de cet enthousiasme qui debordait de lui etaitil laisse entrainer audela de sa reserve habituelle avaitil trop parle pendant quelques instants il se promena tresagite puis ses nerfs se calmerent sa physionomie reprit sa froideur accoutumee et se tournant vers moi maintenant monsieur le professeur ditil si vous voulez visiter le nautilus je suis vos ordres chapitre xi le nautilus le capitaine nemo se leva je le suivis une double porte menagee arriere de la salle ouvrit et entrai dans une chambre de dimension egale celle que je venais de quitter etait une bibliotheque etait une bibliotheque de hauts meubles en palissandre noir incrustes de cuivres supportaient sur leurs larges rayons un grand nombre de livres uniformement relies ils suivaient le contour de la salle et se terminaient leur partie inferieure par de vastes divans capitonnes de cuir marron qui offraient les courbes les plus confortables de legers pupitres mobiles en ecartant ou se rapprochant volonte permettaient poser le livre en lecture au centre se dressait une vaste table couverte de brochures entre lesquelles apparaissaient quelques journaux deja vieux la lumiere electrique inondait tout cet harmonieux ensemble et tombait de quatre globes depolis demi engages dans les volutes du plafond je regardais avec une admiration reelle cette salle si ingenieusement amenagee et je ne pouvais en croire mes yeux capitaine nemo disje mon hote qui venait de etendre sur un divan voila une bibliotheque qui ferait honneur plus un palais des continents et je suis vraiment emerveille quand je songe qu elle peut vous suivre au plus profond des mers ou trouveraiton plus de solitude plus de silence monsieur le professeur repondit le capitaine nemo votre cabinet du museum vous offretil un repos aussi complet non monsieur et je dois ajouter qu il est bien pauvre aupres du votre vous possedez la six ou sept mille volumes douze mille monsieur aronnax ce sont les seuls liens qui me rattachent la terre mais le monde fini pour moi le jour ou mon nautilus est plonge pour la premiere fois sous les eaux ce jourla ai achete mes derniers volumes mes dernieres brochures mes derniers journaux et depuis lors je veux croire que humanite plus ni pense ni ecrit ces livres monsieur le professeur sont ailleurs votre disposition et vous pourrez en user librement je remerciai le capitaine nemo et je approchai des rayons de la bibliotheque livres de science de morale et de litterature ecrits en toute langue abondaient mais je ne vis pas un seul ouvrage economie politique ils semblaient etre severement proscrits du bord detail curieux tous ces livres etaient indistinctement classes en quelque langue qu ils fussent ecrits et ce melange prouvait que le capitaine du nautilus devait lire couramment les volumes que sa main prenait au hasard parmi ces ouvrages je remarquai les chefsd oeuvre des maitres anciens et modernes estadire tout ce que humanite produit de plus beau dans histoire la poesie le roman et la science depuis homere jusqu victor hugo depuis xenophon jusqu michelet depuis rabelais jusqu madame sand mais la science plus particulierement faisait les frais de cette bibliotheque les livres de mecanique de balistique hydrographie de meteorologie de geographie de geologie etc tenaient une place non moins importante que les ouvrages histoire naturelle et je compris qu ils formaient la principale etude du capitaine je vis la tout le humboldt tout arago les travaux de foucault henry sainteclaire deville de chasles de milneedwards de quatrefages de tyndall de faraday de berthelot de abbe secchi de petermann du commandant maury agassis etc les memoires de academie des sciences les bulletins des diverses societes de geographie etc et en bon rang les deux volumes qui avaient peutetre valu cet accueil relativement charitable du capitaine nemo parmi les oeuvres de joseph bertrand son livre intitule les fondateurs de astronomie me donna meme une date certaine et comme je savais qu il avait paru dans le courant de je pus en conclure que installation du nautilus ne remontait pas une epoque posterieure ainsi donc depuis trois ans au plus le capitaine nemo avait commence son existence sousmarine esperai ailleurs que des ouvrages plus recents encore me permettraient de fixer exactement cette epoque mais avais le temps de faire cette recherche et je ne voulus pas retarder davantage notre promenade travers les merveilles du nautilus monsieur disje au capitaine je vous remercie avoir mis cette bibliotheque ma disposition il la des tresors de science et en profiterai cette salle est pas seulement une bibliotheque dit le capitaine nemo est aussi un fumoir un fumoir ecriaije on fume donc bord sans doute alors monsieur je suis force de croire que vous avez conserve des relations avec la havane aucune repondit le capitaine acceptez ce cigare monsieur aronnax et bien qu il ne vienne pas de la havane vous en serez content si vous etes connaisseur je pris le cigare qui etait offert et dont la forme rappelait celle du londres mais il semblait fabrique avec des feuilles or je allumai un petit brasero que supportait un elegant pied de bronze et aspirai ses premieres bouffees avec la volupte un amateur qui pas fume depuis deux jours est excellent disje mais ce est pas du tabac non repondit le capitaine ce tabac ne vient ni de la havane ni de orient est une sorte algue riche en nicotine que la mer me fournit non sans quelque parcimonie regrettezvous les londres monsieur capitaine je les meprise partir de ce jour fumez donc votre fantaisie et sans discuter origine de ces cigares aucune regie ne les controles mais ils en sont pas moins bons imagine au contraire ce moment le capitaine nemo ouvrit une porte qui faisait face celle par laquelle etais entre dans la bibliotheque et je passai dans un salon immense et splendidement eclaire un vaste quadrilatere pans coupes etait un vaste quadrilatere pans coupes long de dix metres large de six haut de cinq un plafond lumineux decore de legeres arabesques distribuait un jour clair et doux sur toutes les merveilles entassees dans ce musee car etait reellement un musee dans lequel une main intelligente et prodigue avait reuni tous les tresors de la nature et de art avec ce pelemele artiste qui distingue un atelier de peintre une trentaine de tableaux de maitres cadres uniformes separes par etincelantes panoplies ornaient les parois tendues de tapisseries un dessin severe je vis la des toiles de la plus haute valeur et que pour la plupart avais admirees dans les collections particulieres de europe et aux expositions de peinture les diverses ecoles des maitres anciens etaient representees par une madone de raphael une vierge de leonard de vinci une nymphe du correge une femme du titien une adoration de veronese une assomption de murillo un portrait holbein un moine de velasquez un martyr de ribeira une kermesse de rubens deux paysages flamands de teniers trois petits tableaux de genre de gerard dow de metsu de paul potter deux toiles de gericault et de prudhon quelques marines de backuysen et de vernet parmi les oeuvres de la peinture moderne apparaissaient des tableaux signes delacroix ingres decamp troyon meissonnier daubigny etc et quelques admirables reductions de statues de marbre ou de bronze apres les plus beaux modeles de antiquite se dressaient sur leurs piedestaux dans les angles de ce magnifique musee cet etat de stupefaction que avait predit le commandant du nautilus commencait deja emparer de mon esprit monsieur le professeur dit alors cet homme etrange vous excuserez le sansgene avec lequel je vous recois et le desordre qui regne dans ce salon monsieur repondisje sans chercher savoir qui vous etes estil permis de reconnaitre en vous un artiste un amateur tout au plus monsieur aimais autrefois collectionner ces belles oeuvres creees par la main de homme etais un chercheur avide un fureteur infatigable et ai pu reunir quelques objets un haut prix ce sont mes derniers souvenirs de cette terre qui est morte pour moi mes yeux vos artistes modernes ne sont deja plus que des anciens ils ont deux ou trois mille ans existence et je les confonds dans mon esprit les maitres ont pas age et ces musiciens disje en montrant des partitions de weber de rossini de mozart de beethoven haydn de meyerbeer herold de wagner auber de gounod et nombre autres eparses sur un pianoorgue de grand modele qui occupait un des panneaux du salon ces musiciens me repondit le capitaine nemo ce sont des contemporains orphee car les differences chronologiques effacent dans la memoire des morts et je suis mort monsieur le professeur aussi bien mort que ceux de vos amis qui reposent six pieds sous terre le capitaine nemo se tut et sembla perdu dans une reverie profonde je le considerais avec une vive emotion analysant en silence les etrangetes de sa physionomie accoude sur angle une precieuse table de mosaique il ne me voyait plus il oubliait ma presence je respectai ce recueillement et je continuai de passer en revue les curiosites qui enrichissaient ce salon aupres des oeuvres de art les raretes naturelles tenaient une place tresimportante elles consistaient principalement en plantes en coquilles et autres productions de ocean qui devaient etre les trouvailles personnelles du capitaine nemo au milieu du salon un jet eau electriquement eclaire retombait dans une vasque faite une seule tridacne cette coquille fournie par le plus grand des mollusques acephales mesurait sur ses bords delicatement festonnes une circonference de six metres environ elle depassait donc en grandeur ces belles tridacnes qui furent donnees francois er par la republique de venise et dont eglise saintsulpice paris fait deux benitiers gigantesques autour de cette vasque sous elegantes vitrines fixees par des armatures de cuivre etaient classes et etiquetes les plus precieux produits de la mer qui eussent jamais ete livres aux regards un naturaliste on concoit ma joie de professeur embranchement des zoophytes offrait de tres curieux specimens de ses deux groupes des polypes et des echinodermes dans le premier groupe des tubipores des gorgones disposees en eventail des eponges douces de syrie des isis des molluques des pennatules une virgulaire admirable des mers de norwege des ombellulaires variees des alcyonnaires toute une serie de ces madrepores que mon maitre milneedwards si sagacement classes en sections et parmi lesquels je remarquai adorables flabellines des oculines de ile bourbon le char de neptune des antilles de superbes varietes de coraux enfin toutes les especes de ces curieux polypiers dont assemblage forme des iles entieres qui deviendront un jour des continents dans les echinodermes remarquables par leur enveloppe epineuse les asteries les etoiles de mer les pantacrines les comatules les asterophons les oursins les holoturies etc representaient la collection complete des individus de ce groupe un conchyliologue un peu nerveux se serait pame certainement devant autres vitrines plus nombreuses ou etaient classes les echantillons de embranchement des mollusques je vis la une collection une valeur inestimable et que le temps me manquerait decrire tout entiere parmi ces produits je citerai pour memoire seulement elegant marteau royal de ocean indien dont les regulieres taches blanches ressortaient vivement sur un fond rouge et brun un spondyle imperial aux vives couleurs tout herisse epines rare specimen dans les museums europeens et dont estimai la valeur vingt mille francs un marteau commun des mers de la nouvellehollande qu on se procure difficilement des buccardes exotiques du senegal fragiles coquilles blanches doubles valves qu un souffle eut dissipees comme une bulle de savon plusieurs varietes des arrosoirs de java sortes de tubes calcaires bordes de replis foliaces et tresdisputes par les amateurs toute une serie de troques les uns jauneverdatre peches dans les mers amerique les autres un brun roux amis des eaux de la nouvellehollande ceuxci venus du golfe du mexique et remarquables par leur coquille imbriquee ceuxla des stellaires trouves dans les mers australes et enfin le plus rare de tous le magnifique eperon de la nouvellezelande puis admirables tellines sulfurees de precieuses especes de cytherees et de venus le cadran treillisse des cotes de tranquebar le sabot marbre nacre resplendissante les perroquets verts des mers de chine le cone presque inconnu du genre coenodulli toutes les varietes de porcelaines qui servent de monnaie dans inde et en afrique la gloire de la mer la plus precieuse coquille des indes orientales enfin des littorines des dauphinules des turritelles des janthines des ovules des volutes des olives des mitres des casques des pourpres des buccins des harpes des rochers des tritons des cerites des fuseaux des strombes des pteroceres des patelles des hyales des cleodores coquillages delicats et fragiles que la science baptises de ses noms les plus charmants part et dans des compartiments speciaux se deroulaient des chapelets de perles de la plus grande beaute que la lumiere electrique piquait de pointes de feu des perles roses arrachees aux pinnes marines de la mer rouge des perles vertes de haliotyde iris des perles jaunes bleues noires curieux produits des divers mollusques de tous les oceans et de certaines moules des cours eau du nord enfin plusieurs echantillons un prix inappreciable qui avaient ete distilles par les pintadines les plus rares quelquesunes de ces perles surpassaient en grosseur un oeuf de pigeon elles valaient et audela celle que le voyageur tavernier vendit trois millions au shah de perse et primaient cette autre perle de iman de mascate que je croyais sans rivale au monde ainsi donc chiffrer la valeur de cette collection etait pour ainsi dire impossible le capitaine nemo avait du depenser des millions pour acquerir ces echantillons divers et je me demandais quelle source il puisait pour satisfaire ainsi ses fantaisies de collectionneur quand je fus interrompu par ces mots vous examinez mes coquilles monsieur le professeur en effet elles peuvent interesser un naturaliste mais pour moi elles ont un charme de plus car je les ai toutes recueillies de ma main et il est pas une mer du globe qui ait echappe mes recherches je comprends capitaine je comprends cette joie de se promener au milieu de telles richesses vous etes de ceux qui ont fait euxmemes leur tresor aucun museum de europe ne possede une semblable collection des produits de ocean mais si epuise mon admiration pour elle que me resteratil pour le navire qui les porte je ne veux point penetrer des secrets qui sont les votres cependant avoue que ce nautilus la force motrice qu il renferme en lui les appareils qui permettent de le manoeuvrer agent si puissant qui anime tout cela excite au plus haut point ma curiosite je vois suspendus aux murs de ce salon des instruments dont la destination est inconnue puisje savoir monsieur aronnax me repondit le capitaine nemo je vous ai dit que vous seriez libre mon bord et par consequent aucune partie du nautilus ne vous est interdite vous pouvez donc le visiter en detail et je me ferai un plaisir etre votre cicerone je ne sais comment vous remercier monsieur mais je abuserai pas de votre complaisance je vous demanderai seulement quel usage sont destines ces instruments de physique monsieur le professeur ces memes instruments se trouvent dans ma chambre et est la que aurai le plaisir de vous expliquer leur emploi mais auparavant venez visiter la cabine qui vous est reservee il faut que vous sachiez comment vous serez installe bord du nautilus je suivis le capitaine nemo qui par une des portes percees chaque pan coupe du salon me fit rentrer dans les coursives du navire il me conduisit vers avant et la je trouvai non pas une cabine mais une chambre elegante avec lit toilette et divers autres meubles je ne pus que remercier mon hote votre chambre est contigue la mienne me ditil en ouvrant une porte et la mienne donne sur le salon que nous venons de quitter la chambre du capitaine nemo entrai dans la chambre du capitaine elle avait un aspect severe presque cenobitique une couchette de fer une table de travail quelques meubles de toilette le tout eclaire par un demijour rien de confortable le strict necessaire seulement le capitaine nemo me montra un siege veuillez vous asseoir me ditil je assis et il prit la parole en ces termes chapitre xii tout par electricite monsieur dit le capitaine nemo me montrant les instruments suspendus aux parois de sa chambre voici les appareils exiges par la navigation du nautilus ici comme dans le salon je les ai toujours sous les yeux et ils indiquent ma situation et ma direction exacte au milieu de ocean les uns vous sont connus tels que le thermometre qui donne la temperature interieure du nautilus le barometre qui pese le poids de air et predit les changements de temps hygrometre qui marque le degre de secheresse de atmosphere le stormglass dont le melange en se decomposant annonce arrivee des tempetes la boussole qui dirige ma route le sextant qui par la hauteur du soleil apprend ma latitude les chronometres qui me permettent de calculer ma longitude et enfin des lunettes de jour et de nuit qui me servent scruter tous les points de horizon quand le nautilus est remonte la surface des flots ce sont les instruments habituels au navigateur repondisje et en connais usage mais en voici autres qui repondent sans doute aux exigences particulieres du nautilus ce cadran que apercois et que parcourt une aiguille mobile estce pas un manometre est un manometre en effet mis en communication avec eau dont il indique la pression exterieure il me donne par la meme la profondeur laquelle se maintient mon appareil et ces sondes une nouvelle espece ce sont des sondes thermometriques qui rapportent la temperature des diverses couches eau et ces autres instruments dont je ne devine pas emploi ici monsieur le professeur je dois vous donner quelques explications dit le capitaine nemo veuillez donc ecouter il garda le silence pendant quelques instants puis il dit il est un agent puissant obeissant rapide facile qui se plie tous les usages et qui regne en maitre mon bord tout se fait par lui il eclaire il echauffe il est ame de mes appareils mecaniques cet agent est electricite electricite ecriaije assez surpris oui monsieur cependant capitaine vous possedez une extreme rapidite de mouvements qui accorde mal avec le pouvoir de electricite jusqu ici sa puissance dynamique est restee tresrestreinte et pu produire que de petites forces monsieur le professeur repondit le capitaine nemo mon electricite est pas celle de tout le monde et est la tout ce que vous me permettrez de vous en dire je insisterai pas monsieur et je me contenterai etre tres etonne un tel resultat une seule question cependant laquelle vous ne repondrez pas si elle est indiscrete les elements que vous employez pour produire ce merveilleux agent doivent user vite le zinc par exemple comment le remplacezvous puisque vous avez plus aucune communication avec la terre votre question aura sa reponse repondit le capitaine nemo je vous dirai abord qu il existe au fond des mers des mines de zinc de fer argent or dont exploitation serait trescertainement praticable mais je ai rien emprunte ces metaux de la terre et ai voulu ne demander qu la mer ellememe les moyens de produire mon electricite la mer oui monsieur le professeur et les moyens ne me manquaient pas aurais pu en effet en etablissant un circuit entre des fils plonges differentes profondeurs obtenir electricite par la diversite de temperatures qu ils eprouvaient mais ai prefere employer un systeme plus pratique et lequel vous connaissez la composition de eau de mer sur mille grammes on trouve quatrevingtseize centiemes et demi eau et deux centiemes deux tiers environ de chlorure de sodium puis en petite quantite des chlorures de magnesium et de potassium du bromure de magnesium du sulfate de magnesie du sulfate et du carbonate de chaux vous voyez donc que le chlorure de sodium rencontre dans une proportion notable or est ce sodium que extrais de eau de mer et dont je compose mes elements le sodium oui monsieur melange avec le mercure il forme un amalgame qui tient lieu du zinc dans les elements bunzen le mercure ne use jamais le sodium seul se consomme et la mer me le fournit ellememe je vous dirai en outre que les piles au sodium doivent etre considerees comme les plus energiques et que leur force electromotrice est double de celle des piles au zinc je comprends bien capitaine excellence du sodium dans les conditions ou vous vous trouvez la mer le contient bien mais il faut encore le fabriquer extraire en un mot et comment faitesvous vos piles pourraient evidemment servir cette extraction mais si je ne me trompe la depense du sodium necessitee par les appareils electriques depasserait la quantite extraite il arriverait donc que vous en consommeriez pour le produire plus que vous en produiriez aussi monsieur le professeur je ne extrais pas par la pile et emploie tout simplement la chaleur du charbon de terre de terre disje en insistant disons le charbon de mer si vous voulez repondit le capitaine nemo et vous pouvez exploiter des mines sousmarines de houille monsieur aronnax vous me verrez oeuvre je ne vous demande qu un peu de patience puisque vous avez le temps etre patient rappelezvous seulement ceci je dois tout ocean il produit electricite et electricite donne au nautilus la chaleur la lumiere le mouvement la vie en un mot mais non pas air que vous respirez oh je pourrais fabriquer air necessaire ma consommation mais est inutile puisque je remonte la surface de la mer quand il me plait cependant si electricite ne me fournit pas air respirable elle manoeuvre du moins des pompes puissantes qui emmagasinent dans des reservoirs speciaux ce qui me permet de prolonger au besoin et aussi longtemps que je le veux mon sejour dans les couches profondes capitaine repondisje je me contente admirer vous avez evidemment trouve ce que les hommes trouveront sans doute un jour la veritable puissance dynamique de electricite je ne sais ils la trouveront repondit froidement le capitaine nemo quoi qu il en soit vous connaissez deja la premiere application que ai faite de ce precieux agent est lui qui nous eclaire avec une egalite une continuite que pas la lumiere du soleil maintenant regardez cette horloge elle est electrique et marche avec une regularite qui defie celle des meilleurs chronometres je ai divisee en vingtquatre heures comme les horloges italiennes car pour moi il existe ni nuit ni jour ni soleil ni lune mais seulement cette lumiere factice que entraine jusqu au fond des mers voyez en ce moment il est dix heures du matin parfaitement autre application de electricite ce cadran suspendu devant nos yeux sert indiquer la vitesse du nautilus un fil electrique le met en communication avec helice du loch et son aiguille indique la marche reelle de appareil et tenez en ce moment nous filons avec une vitesse moderee de quinze milles heure est merveilleux repondisje et je vois bien capitaine que vous avez eu raison employer cet agent qui est destine remplacer le vent eau et la vapeur nous avons pas fini monsieur aronnax dit le capitaine nemo en se levant et si vous voulez me suivre nous visiterons arriere du nautilus en effet je connaissais deja toute la partie anterieure de ce bateau sousmarin dont voici la division exacte en allant du centre eperon la salle manger de cinq metres separee de la bibliotheque par une cloison etanche estadire ne pouvant etre penetree par eau la bibliotheque de cinq metres le grand salon de dix metres separe de la chambre du capitaine par une seconde cloison etanche ladite chambre du capitaine de cinq metres la mienne de deux metres cinquante et enfin un reservoir air de sept metres cinquante qui etendait jusqu etrave total trentecinq metres de longueur les cloisons etanches etaient percees de portes qui se fermaient hermetiquement au moyen obturateurs en caoutchouc et elles assuraient toute securite bord du nautilus au cas ou une voie eau se fut declaree je suivis le capitaine nemo travers les coursives situees en abord et arrivai au centre du navire la se trouvait une sorte de puits qui ouvrait entre deux cloisons etanches une echelle de fer cramponnee la paroi conduisait son extremite superieure je demandai au capitaine quel usage servait cette echelle elle aboutit au canot reponditil quoi vous avez un canot repliquaije assez etonne sans doute une excellente embarcation legere et insubmersible qui sert la promenade et la peche mais alors quand vous voulez vous embarquer vous etes force de revenir la surface de la mer aucunement ce canot adhere la partie superieure de la coque du nautilus et occupe une cavite disposee pour le recevoir il est entierement ponte absolument etanche et retenu par de solides boulons cette echelle conduit un trou homme perce dans la coque du nautilus qui correspond un trou pareil perce dans le flanc du canot est par cette double ouverture que je introduis dans embarcation on referme une celle du nautilus je referme autre celle du canot au moyen de vis de pression je largue les boulons et embarcation remonte avec une prodigieuse rapidite la surface de la mer ouvre alors le panneau du pont soigneusement clos jusquela je mate je hisse ma voile ou je prends mes avirons et je me promene mais comment revenezvous bord je ne reviens pas monsieur aronnax est le nautilus qui revient vos ordres mes ordres un fil electrique me rattache lui je lance un telegramme et cela suffit en effet disje grise par ces merveilles rien est plus simple apres avoir depasse la cage de escalier qui aboutissait la plateforme je vis une cabine longue de deux metres dans laquelle conseil et ned land enchantes de leur repas occupaient le devorer belles dents puis une porte ouvrit sur la cuisine longue de trois metres situee entre les vastes cambuses du bord la electricite plus energique et plus obeissante que le gaz luimeme faisait tous les frais de la cuisson les fils arrivant sous les fourneaux communiquaient des eponges de platine une chaleur qui se distribuait et se maintenait regulierement elle chauffait egalement des appareils distillatoires qui par la vaporisation fournissaient une excellente eau potable aupres de cette cuisine ouvrait une salle de bains confortablement disposee et dont les robinets fournissaient eau froide ou eau chaude volonte la cuisine succedait le poste de equipage long de cinq metres mais la porte en etait fermee et je ne pus voir son amenagement qui eut peutetre fixe sur le nombre hommes necessite par la manoeuvre du nautilus au fond elevait une quatrieme cloison etanche qui separait ce poste de la chambre des machines une porte ouvrit et je me trouvai dans ce compartiment ou le capitaine nemo ingenieur de premier ordre coup sur avait dispose ses appareils de locomotion la chambre des machines nettement eclairee cette chambre des machines nettement eclairee ne mesurait pas moins de vingt metres en longueur elle etait naturellement divisee en deux parties la premiere renfermait les elements qui produisaient electricite et la seconde le mecanisme qui transmettait le mouvement helice je fus surpris tout abord de odeur sui generis qui emplissait ce compartiment le capitaine nemo apercut de mon impression ce sont me ditil quelques degagements de gaz produits par emploi du sodium mais ce est qu un leger inconvenient tous les matins ailleurs nous purifions le navire en le ventilant grand air cependant examinais avec un interet facile concevoir la machine du nautilus vous le voyez me dit le capitaine nemo emploie des elements bunzen et non des elements ruhmkorff ceuxci eussent ete impuissants les elements bunzen sont peu nombreux mais forts et grands ce qui vaut mieux experience faite electricite produite se rend arriere ou elle agit par des electroaimants de grande dimension sur un systeme particulier de leviers et engrenages qui transmettent le mouvement arbre de helice celleci dont le diametre est de six metres et le pas de sept metres cinquante peut donner jusqu cent vingt tours par seconde et vous obtenez alors une vitesse de cinquante milles heure il avait la un mystere mais je insistai pas pour le connaitre comment electricite pouvaitelle agir avec une telle puissance ou cette force presque illimitee prenaitelle son origine etaitce dans sa tension excessive obtenue par des bobines une nouvelle sorte etaitce dans sa transmission qu un systeme de leviers inconnus pouvait accroitre infini est ce que je ne pouvais comprendre capitaine nemo disje je constate les resultats et je ne cherche pas les expliquer ai vu le nautilus manoeuvrer devant abrahamlincoln et je sais quoi en tenir sur sa vitesse mais marcher ne suffit pas il faut voir ou on va il faut pouvoir se diriger droite gauche en haut en bas comment atteignezvous les grandes profondeurs ou vous trouvez une resistance croissante qui evalue par des centaines atmospheres comment remontezvous la surface de ocean enfin comment vous maintenezvous dans le milieu qui vous convient suisje indiscret en vous le demandant aucunement monsieur le professeur me repondit le capitaine apres une legere hesitation puisque vous ne devez jamais quitter ce bateau sousmarin venez dans le salon est notre veritable cabinet de travail et la vous apprendrez tout ce que vous devez savoir sur le nautilus et precisement on parle une decouverte de ce genre dans laquelle un nouveau jeu de leviers produit des forces considerables inventeur estil donc rencontre avec le capitaine nemo chapitre xiii quelques chiffres nous etions assis sur un divan un instant apres nous etions assis sur un divan du salon le cigare aux levres le capitaine mit sous mes yeux une epure qui donnait les plan coupe et elevation du nautilus puis il commenca sa description en ces termes voici monsieur aronnax les diverses dimensions du bateau qui vous porte est un cylindre tresallonge bouts coniques il affecte sensiblement la forme un cigare forme deja adoptee londres dans plusieurs constructions du meme genre la longueur de ce cylindre de tete en tete est exactement de soixantedix metres et son bau sa plus grande largeur est de huit metres il est donc pas construit tout fait au dixieme comme vos steamers de grande marche mais ses lignes sont suffisamment longues et sa coulee assez prolongee pour que eau deplacee echappe aisement et oppose aucun obstacle sa marche ces deux dimensions vous permettent obtenir par un simple calcul la surface et le volume du nautilus sa surface comprend mille onze metres carres et quarantecinq centiemes son volume quinze cents metres cubes et deux dixiemes ce qui revient dire qu entierement immerge il deplace ou pese quinze cents metres cubes ou tonneaux lorsque ai fait les plans de ce navire destine une navigation sousmarine ai voulu qu en equilibre dans eau il plongeat des neuf dixiemes et qu il emergeat un dixieme seulement par consequent il ne devait deplacer dans ces conditions que les neuf dixiemes de son volume soit treize cent cinquantesix metres cubes et quarantehuit centiemes estadire ne peser que ce meme nombre de tonneaux ai donc du ne pas depasser ce poids en le construisant suivant les dimensions susdites le nautilus se compose de deux coques une interieure autre exterieure reunies entre elles par des fers en qui lui donnent une rigidite extreme en effet grace cette disposition cellulaire il resiste comme un bloc comme il etait plein son borde ne peut ceder il adhere par luimeme et non par le serrage des rivets et homogeneite de sa construction due au parfait assemblage des materiaux lui permet de defier les mers les plus violentes ces deux coques sont fabriquees en tole acier dont la densite par rapport eau est de sept huit dixiemes la premiere pas moins de cinq centimetres epaisseur et pese trois cent quatrevingtquatorze tonneaux quatrevingtseize centiemes la seconde enveloppe la quille haute de cinquante centimetres et large de vingtcinq pesant elle seule soixantedeux tonneaux la machine le lest les divers accessoires et amenagements les cloisons et les etresillons interieurs ont un poids de neuf cent soixante et un tonneaux soixantedeux centiemes qui ajoutes aux trois cent quatrevingtquatorze tonneaux et quatrevingtseize centiemes forment le total exige de treize cent cinquantesix tonneaux et quarantehuit centiemes estce entendu est entendu repondisje donc reprit le capitaine lorsque le nautilus se trouve flot dans ces conditions il emerge un dixieme or si ai dispose des reservoirs une capacite egale ce dixieme soit une contenance de cent cinquante tonneaux et soixantedouze centiemes et si je les remplis eau le bateau deplacant alors quinze cent sept tonneaux ou les pesant sera completement immerge est ce qui arrive monsieur le professeur ces reservoirs existent en abord dans les parties inferieures du nautilus ouvre des robinets ils se remplissent et le bateau enfoncant vient affleurer la surface de eau bien capitaine mais nous arrivons alors la veritable difficulte que vous puissiez affleurer la surface de ocean je le comprends mais plus bas en plongeant audessous de cette surface votre appareil sousmarin ne vatil pas rencontrer une pression et par consequent subir une poussee de bas en haut qui doit etre evaluee une atmosphere par trente pieds eau soit environ un kilogramme par centimetre carre parfaitement monsieur donc moins que vous ne remplissiez le nautilus en entier je ne vois pas comment vous pouvez entrainer au sein des masses liquides monsieur le professeur repondit le capitaine nemo il ne faut pas confondre la statique avec la dynamique sans quoi on expose de graves erreurs il tres peu de travail depenser pour atteindre les basses regions de ocean car les corps ont une tendance devenir fondriers suivez mon raisonnement je vous ecoute capitaine lorsque ai voulu determiner accroissement de poids qu il faut donner au nautilus pour immerger je ai eu me preoccuper que de la reduction du volume que eau de mer eprouve mesure que ses couches deviennent de plus en plus profondes est evident repondisje or si eau est pas absolument incompressible elle est du moins tres peu compressible en effet apres les calculs les plus recents cette reduction est que de quatre cent trentesix dix millioniemes par atmosphere ou par chaque trente pieds de profondeur agitil aller mille metres je tiens compte alors de la reduction du volume sous une pression equivalente celle une colonne eau de mille metres estadire sous une pression de cent atmospheres cette reduction sera alors de quatre cent trentesix cent milliemes je devrai donc accroitre le poids de facon peser quinze cent treize tonneaux soixantedixsept centiemes au lieu de quinze cent sept tonneaux deux dixiemes augmentation ne sera consequemment que de six tonneaux cinquantesept centiemes seulement seulement monsieur aronnax et le calcul est facile verifier or ai des reservoirs supplementaires capables embarquer cent tonneaux je puis donc descendre des profondeurs considerables lorsque je veux remonter la surface et affleurer il me suffit de chasser cette eau et de vider entierement tous les reservoirs si je desire que le nautilus emerge du dixieme de sa capacite totale ces raisonnements appuyes sur des chiffres je avais rien objecter admets vos calculs capitaine repondisje et aurais mauvaise grace les contester puisque experience leur donne raison chaque jour mais je pressens actuellement en presence une difficulte reelle laquelle monsieur lorsque vous etes par mille metres de profondeur les parois du nautilus supportent une pression de cent atmospheres si donc ce moment vous voulez vider les reservoirs supplementaires pour alleger votre bateau et remonter la surface il faut que les pompes vainquent cette pression de cent atmospheres qui est de cent kilogrammes par centimetre carre de la une puissance que electricite seule pouvait me donner se hata de dire le capitaine nemo je vous repete monsieur que le pouvoir dynamique de mes machines est peu pres infini les pompes du nautilus ont une force prodigieuse et vous avez du le voir quand leurs colonnes eau se sont precipitees comme un torrent sur abrahamlincoln ailleurs je ne me sers des reservoirs supplementaires que pour atteindre des profondeurs moyennes de quinze cent deux mille metres et cela dans le but de menager mes appareils aussi lorsque la fantaisie me prend de visiter les profondeurs de ocean deux ou trois lieues audessous de sa surface emploie des manoeuvres plus longues mais non moins infaillibles lesquelles capitaine demandaije ceci amene naturellement vous dire comment se manoeuvre le nautilus je suis impatient de apprendre pour gouverner ce bateau sur tribord sur babord pour evoluer en un mot suivant un plan horizontal je me sers un gouvernail ordinaire large safran fixe sur arriere de etambot et qu une roue et des palans font agir mais je puis aussi mouvoir le nautilus de bas en haut et de haut en bas dans un plan vertical au moyen de deux plans inclines attaches ses flancs sur son centre de flottaison plans mobiles aptes prendre toutes les positions et qui se manoeuvrent de interieur au moyen de leviers puissants ces plans sontils maintenus paralleles au bateau celuici se meut horizontalement sontils inclines le nautilus suivant la disposition de cette inclinaison et sous la poussee de son helice ou enfonce suivant une diagonale aussi allongee qu il me convient ou remonte suivant cette diagonale et meme si je veux revenir plus rapidement la surface embraye helice et la pression des eaux fait remonter verticalement le nautilus comme un ballon qui gonfle hydrogene eleve rapidement dans les airs bravo capitaine ecriaisje mais comment le timonier peutil suivre la route que vous lui donnez au milieu des eaux le timonier est place dans une cage vitree qui fait saillie la partie superieure de la coque du nautilus et que garnissent des verres lenticulaires des verres capables de resister de telles pressions parfaitement le cristal fragile au choc offre cependant une resistance considerable dans des experiences de peche la lumiere electrique faites en au milieu des mers du nord on vu des plaques de cette matiere sous une epaisseur de sept millimetres seulement resister une pression de seize atmospheres tout en laissant passer de puissants rayons calorifiques qui lui repartissaient inegalement la chaleur or les verres dont je me sers ont pas moins de vingt et un centimetres leur centre estadire trente fois cette epaisseur admis capitaine nemo mais enfin pour voir il faut que la lumiere chasse les tenebres et je me demande comment au milieu de obscurite des eaux en arriere de la cage du timonier est place un puissant reflecteur electrique dont les rayons illuminent la mer un demimille de distance ah bravo trois fois bravo capitaine je explique maintenant cette phosphorescence du pretendu narwal qui tant intrigue les savants ce propos je vous demanderai si abordage du nautilus et du scotia qui eu un si grand retentissement ete le resultat une rencontre fortuite purement fortuite monsieur je naviguais deux metres audessous de la surface des eaux quand le choc est produit ai ailleurs vu qu il avait eu aucun resultat facheux aucun monsieur mais quant votre rencontre avec abrahamlincoln monsieur le professeur en suis fache pour un des meilleurs navires de cette brave marine americaine mais on attaquait et ai du me defendre je me suis contente toutefois de mettre la fregate hors etat de me nuire elle ne sera pas genee de reparer ses avaries au port le plus prochain ah commandant ecriaije avec conviction est vraiment un merveilleux bateau que votre nautilus oui monsieur le professeur repondit avec une veritable emotion le capitaine nemo et je aime comme la chair de ma chair si tout est danger sur un de vos navires soumis aux hasards de ocean si sur cette mer la premiere impression est le sentiment de abime comme si bien dit le hollandais jansen audessous et bord du nautilus le coeur de homme plus rien redouter pas de deformation craindre car la double coque de ce bateau la rigidite du fer pas de greement que le roulis ou le tangage fatiguent pas de voiles que le vent emporte pas de chaudieres que la vapeur dechire pas incendie redouter puisque cet appareil est fait de tole et non de bois pas de charbon qui epuise puisque electricite est son agent mecanique pas de rencontre redouter puisqu il est seul naviguer dans les eaux profondes pas de tempete braver puisqu il trouve quelques metres audessous des eaux absolue tranquillite voila monsieur voila le navire par excellence et il est vrai que ingenieur ait plus de confiance dans le batiment que le constructeur et le constructeur plus que le capitaine luimeme comprenez donc avec quel abandon je me fie mon nautilus puisque en suis tout la fois le capitaine le constructeur et ingenieur le capitaine nemo parlait avec une eloquence entrainante le feu de son regard la passion de son geste le transfiguraient oui il aimait son navire comme un pere aime son enfant mais une question indiscrete peutetre se posait naturellement et je ne pus me retenir de la lui faire vous etes donc ingenieur capitaine nemo oui monsieur le professeur me reponditil ai etudie londres paris new york du temps que etais un habitant des continents de la terre mais comment avezvous pu construire en secret cet admirable nautilus chacun de ses morceaux monsieur aronnax est arrive un point different du globe et sous une destination deguisee sa quille ete forgee au creusot son arbre helice chez pen et cdeg de londres les plaques de tole de sa coque chez leard de liverpool son helice chez scott de glasgow ses reservoirs ont ete fabriques par cail et ce de paris sa machine par krupp en prusse son eperon dans les ateliers de motala en suede ses instruments de precision chez hart freres de new york etc et chacun de ces fournisseurs recu mes plans sous des noms divers mais reprisje ces morceaux ainsi fabriques il fallu les monter les ajuster le feu detruit toute trace de notre passage monsieur le professeur avais etabli mes ateliers sur un ilot desert en plein ocean la mes ouvriers estadire mes braves compagnons que ai instruits et formes et moi nous avons acheve notre nautilus puis operation terminee le feu detruit toute trace de notre passage sur cet ilot que aurais fait sauter si je avais pu alors il est permis de croire que le prix de revient de ce batiment est excessif monsieur aronnax un navire en fer coute onze cent vingtcinq francs par tonneau or le nautilus en jauge quinze cents il revient donc seize cent quatrevingtsept mille francs soit deux millions compris son amenagement soit quatre ou cinq millions avec les oeuvres art et les collections qu il renferme une derniere question capitaine nemo faites monsieur le professeur vous etes donc riche riche infini monsieur et je pourrais sans me gener payer les dix milliards de dettes de la france je regardai fixement le bizarre personnage qui me parlait ainsi abusaitil de ma credulite avenir devait me apprendre chapitre xiv le fleuve noir la portion du globe terrestre occupee par les eaux est evaluee trois millions huit cent trentedeux milles cinq cent cinquantehuit myriametres carres soit plus de trentehuit millions hectares cette masse liquide comprend deux milliards deux cent cinquante millions de milles cubes et formerait une sphere un diametre de soixante lieues dont le poids serait de trois quintillions de tonneaux et pour comprendre ce nombre il faut se dire que le quintillion est au milliard ce que le milliard est unite estadire qu il autant de milliards dans un quintillion que unites dans un milliard or cette masse liquide est peu pres la quantite eau que verseraient tous les fleuves de la terre pendant quarante mille ans durant les epoques geologiques la periode du feu succeda la periode de eau ocean fut abord universel puis peu peu dans les temps siluriens des sommets de montagnes apparurent des iles emergerent disparurent sous des deluges partiels se montrerent nouveau se souderent formerent des continents et enfin les terres se fixerent geographiquement telles que nous les voyons le solide avait conquis sur le liquide trentesept millions six cent cinquantesept milles carres soit douze mille neuf cent seize millions hectares la configuration des continents permet de diviser les eaux en cinq grandes parties ocean glacial arctique ocean glacial antarctique ocean indien ocean atlantique ocean pacifique ocean pacifique etend du nord au sud entre les deux cercles polaires et de ouest est entre asie et amerique sur une etendue de cent quarantecinq degres en longitude est la plus tranquille des mers ses courants sont larges et lents ses marees mediocres ses pluies abondantes tel etait ocean que ma destinee appelait abord parcourir dans les plus etranges conditions monsieur le professeur me dit le capitaine nemo nous allons si vous le voulez bien relever exactement notre position et fixer le point de depart de ce voyage il est midi moins le quart je vais remonter la surface des eaux le capitaine pressa trois fois un timbre electrique les pompes commencerent chasser eau des reservoirs aiguille du manometre marqua par les differentes pressions le mouvement ascensionnel du nautilus puis elle arreta nous sommes arrives dit le capitaine je me rendis escalier central qui aboutissait la plateforme je gravis les marches de metal et par les panneaux ouverts arrivai sur la partie superieure du nautilus la plateforme emergeait de quatrevingts centimetres seulement avant et arriere du nautilus presentaient cette disposition fusiforme qui le faisait justement comparer un long cigare je remarquai que ses plaques de toles imbriquees legerement ressemblaient aux ecailles qui revetent le corps des grands reptiles terrestres je expliquai donc tresnaturellement que malgre les meilleures lunettes ce bateau eut toujours ete pris pour un animal marin vers le milieu de la plateforme le canot demiengage dans la coque du navire formait une legere extumescence en avant et en arriere elevaient deux cages de hauteur mediocre parois inclinees et en partie fermees par epais verres lenticulaires une destinee au timonier qui dirigeait le nautilus autre ou brillait le puissant fanal electrique qui eclairait sa route la mer etait magnifique le ciel pur peine si le long vehicule ressentait les larges ondulations de ocean une legere brise de est ridait la surface des eaux horizon degage de brumes se pretait aux meilleures observations nous avions rien en vue pas un ecueil pas un ilot plus abrahamlincoln immensite deserte le capitaine nemo prit la hauteur du soleil le capitaine nemo muni de son sextant prit la hauteur du soleil qui devait lui donner sa latitude il attendit pendant quelques minutes que astre vint affleurer le bord de horizon tandis qu il observait pas un de ses muscles ne tressaillait et instrument eut pas ete plus immobile dans une main de marbre midi ditil monsieur le professeur quand vous voudrez je jetai un dernier regard sur cette mer un peu jaunatre des atterages japonais et je redescendis au grand salon la le capitaine fit son point et calcula chronometriquement sa longitude qu il controla par de precedentes observations angle horaires puis il me dit monsieur aronnax nous sommes par cent trentesept degres et quinze minutes de longitude ouest de quel meridien demandaije vivement esperant que la reponse du capitaine indiquerait peutetre sa nationalite monsieur me reponditil ai divers chronometres regles sur les meridiens de paris de greenwich et de washington mais en votre honneur je me servirai de celui de paris cette reponse ne apprenait rien je inclinai et le commandant reprit trentesept degres et quinze minutes de longitude ouest du meridien de paris et par trente degres et sept minutes de latitude nord estadire trois cents milles environ des cotes du japon est aujourd hui novembre midi que commence notre voyage exploration sous les eaux dieu nous garde repondisje et maintenant monsieur le professeur ajouta le capitaine je vous laisse vos etudes ai donne la route estnordest par cinquante metres de profondeur voici des cartes grands points ou vous pourrez la suivre le salon est votre disposition et je vous demande la permission de me retirer le capitaine nemo me salua je restai seul absorbe dans mes pensees toutes se portaient sur ce commandant du nautilus sauraisje jamais quelle nation appartenait cet homme etrange qui se vantait de appartenir aucune cette haine qu il avait vouee humanite cette haine qui cherchait peutetre des vengeances terribles qui avait provoquee etaitil un de ces savants meconnus un de ces genies auxquels on fait du chagrin suivant expression de conseil un galilee moderne ou bien un de ces hommes de science comme americain maury dont la carriere ete brisee par des revolutions politiques je ne pouvais encore le dire moi que le hasard venait de jeter son bord moi dont il tenait la vie entre les mains il accueillait froidement mais hospitalierement seulement il avait jamais pris la main que je lui tendais il ne avait jamais tendu la sienne une heure entiere je demeurai plonge dans ces reflexions cherchant percer ce mystere si interessant pour moi puis mes regards se fixerent sur le vaste planisphere etale sur la table et je placai le doigt sur le point meme ou se croisaient la longitude et la latitude observees la mer ses fleuves comme les continents ce sont des courants speciaux reconnaissables leur temperature leur couleur et dont le plus remarquable est connu sous le nom de courant du gulf stream la science determine sur le globe la direction de cinq courants principaux un dans atlantique nord un second dans atlantique sud un troisieme dans le pacifique nord un quatrieme dans le pacifique sud et un cinquieme dans ocean indien sud il est meme probable qu un sixieme courant existait autrefois dans ocean indien nord lorsque les mers caspienne et aral reunies aux grands lacs de asie ne formaient qu une seule et meme etendue eau or au point indique sur le planisphere se deroulait un de ces courants le kuroscivo des japonais le fleuvenoir qui sorti du golfe du bengale ou le chauffent les rayons perpendiculaires du soleil des tropiques traverse le detroit de malacca prolonge la cote asie arrondit dans le pacifique nord jusqu aux iles aleoutiennes charriant des troncs de camphriers et autres produits indigenes et tranchant par le pur indigo de ses eaux chaudes avec les flots de ocean est ce courant que le nautilus allait parcourir je le suivais du regard je le voyais se perdre dans immensite du pacifique et je me sentais entrainer avec lui quand ned land et conseil apparurent la porte du salon mes deux braves compagnons resterent petrifies la vue des merveilles entassees devant leurs yeux ou sommesnous ou sommesnous ecria le canadien au museum de quebec il plait monsieur repliqua conseil ce serait plutot hotel du sommerard mes amis repondisje en leur faisant signe entrer vous etes ni au canada ni en france mais bien bord du nautilus et cinquante metres audessous du niveau de la mer il faut croire monsieur puisque monsieur affirme repliqua conseil mais franchement ce salon est fait pour etonner meme un flamand comme moi etonnetoi mon ami et regarde car pour un classificateur de ta force il de quoi travailler ici je avais pas besoin encourager conseil le brave garcon penche sur les vitrines murmurait deja des mots de la langue des naturalistes classe des gasteropodes famille des buccinoides genre des porcelaines especes des cyproea madagascariensis etc pendant ce temps ned land assez peu conchyliologue interrogeait sur mon entrevue avec le capitaine nemo avaisje decouvert qui il etait ou il venait ou il allait vers quelles profondeurs il nous entrainait enfin mille questions auxquelles je avais pas le temps de repondre je lui appris tout ce que je savais ou plutot tout ce que je ne savais pas et je lui demandai ce qu il avait entendu ou vu de son cote rien vu rien entendu repondit le canadien je ai pas meme apercu equipage de ce bateau estce que par hasard il serait electrique aussi lui electrique par ma foi on serait tente de le croire mais vous monsieur aronnax demanda ned land qui avait toujours son idee vous ne pouvez me dire combien hommes il bord dix vingt cinquante cent je ne saurais vous repondre maitre land ailleurs croyezmoi abandonnez pour le moment cette idee de vous emparer du nautilus ou de le fuir ce bateau est un des chefsd oeuvre de industrie moderne et je regretterais de ne pas avoir vu bien des gens accepteraient la situation qui nous est faite ne futce que pour se promener travers ces merveilles ainsi tenezvous tranquille et tachons de voir ce qui se passe autour de nous voir ecria le harponneur mais on ne voit rien on ne verra rien de cette prison de tole nous marchons nous naviguons en aveugles ned land prononcait ces derniers mots quand obscurite se fit subitement mais une obscurite absolue le plafond lumineux eteignit et si rapidement que mes yeux en eprouverent une impression douloureuse analogue celle que produit le passage contraire des profondes tenebres la plus eclatante lumiere nous etions restes muets ne remuant pas ne sachant quelle surprise agreable ou desagreable nous attendait mais un glissement se fit entendre on eut dit que des panneaux se manoeuvraient sur les flancs du nautilus est la fin de la fin dit ned land ordre des hydromeduses murmura conseil soudain le jour se fit de chaque cote du salon travers deux ouvertures oblongues les masses liquides apparurent vivement eclairees par les effluences electriques deux plaques de cristal nous separaient de la mer je fremis abord la pensee que cette fragile paroi pouvait se briser mais de fortes armatures de cuivre la maintenaient et lui donnaient une resistance presque infinie la mer etait distinctement visible dans un rayon un mille autour du nautilus quel spectacle quelle plume le pourrait decrire qui saurait peindre les effets de la lumiere travers ces nappes transparentes et la douceur de ses degradations successives jusqu aux couches inferieures et superieures de ocean on connait la diaphaneite de la mer on sait que sa limpidite emporte sur celle de eau de roche les substances minerales et organiques qu elle tient en suspension accroissent meme sa transparence dans certaines parties de ocean aux antilles cent quarantecinq metres eau laissent apercevoir le lit de sable avec une surprenante nettete et la force de penetration des rayons solaires ne parait arreter qu une profondeur de trois cents metres mais dans ce milieu fluide que parcourait le nautilus eclat electrique se produisait au sein meme des ondes ce etait plus de eau lumineuse mais de la lumiere liquide une fenetre ouverte sur ces abimes inexplores si on admet hypothese erhemberg qui croit une illumination phosphorescente des fonds sousmarins la nature certainement reserve pour les habitants de la mer un de ses plus prodigieux spectacles et en pouvais juger ici par les mille jeux de cette lumiere de chaque cote avais une fenetre ouverte sur ces abimes inexplores obscurite du salon faisait valoir la clarte exterieure et nous regardions comme si ce pur cristal eut ete la vitre un immense aquarium le nautilus ne semblait pas bouger est que les points de repere manquaient parfois cependant les lignes eau divisees par son eperon filaient devant nos regards avec une vitesse excessive emerveilles nous etions accoudes devant ces vitrines et nul de nous avait encore rompu ce silence de stupefaction quand conseil dit vous vouliez voir ami ned eh bien vous voyez curieux curieux faisait le canadien qui oubliant ses coleres et ses projets evasion subissait une attraction irresistible et on viendrait de plus loin pour admirer ce spectacle ah ecriaije je comprends la vie de cet homme il est fait un monde part qui lui reserve ses plus etonnantes merveilles mais les poissons fit observer le canadien je ne vois pas de poissons que vous importe ami ned repondit conseil puisque vous ne les connaissez pas moi un pecheur ecria ned land et sur ce sujet une discussion eleva entre les deux amis car ils connaissaient les poissons mais chacun une facon tresdifferente tout le monde sait que les poissons forment la quatrieme et derniere classe de embranchement des vertebres on les tresjustement definis des vertebres circulation double et sang froid respirant par des branchies et destines vivre dans eau ils composent deux series distinctes la serie des poissons osseux estadire ceux dont epine dorsale est faite de vertebres osseuses et les poissons cartilagineux estadire ceux dont epine dorsale est faite de vertebres cartilagineuses le canadien connaissait peutetre cette distinction mais conseil en savait bien davantage et maintenant lie amitie avec ned il ne pouvait admettre qu il fut moins instruit que lui aussi lui ditil ami ned vous etes un tueur de poissons un treshabile pecheur vous avez pris un grand nombre de ces interessants animaux mais je gagerais que vous ne savez pas comment on les classe si repondit serieusement le harponneur on les classe en poissons qui se mangent et en poissons qui ne se mangent pas voila une distinction de gourmand repondit conseil mais ditesmoi si vous connaissez la difference qui existe entre les poissons osseux et les poissons cartilagineux peutetre bien conseil et la subdivision de ces deux grandes classes je ne en doute pas repondit le canadien eh bien ami ned ecoutez et retenez les poissons osseux se subdivisent en six ordres primo les acanthopterygiens dont la machoire superieure est complete mobile et dont les branchies affectent la forme un peigne cet ordre comprend quinze familles estadire les trois quarts des poissons connus type la perche commune assez bonne manger repondit ned land secundo reprit conseil les abdominaux qui ont les nageoires ventrales suspendues sous abdomen et en arriere des pectorales sans etre attachees aux os de epaule ordre qui se divise en cinq familles et qui comprend la plus grande partie des poissons eau douce type la carpe le brochet peuh fit le canadien avec un certain mepris des poissons eau douce tertio dit conseil les subrachiens dont les ventrales sont attachees sous les pectorales et immediatement suspendues aux os de epaule cet ordre contient quatre familles type plies limandes turbots barbues soles etc excellent excellent ecriait le harponneur qui ne voulait considerer les poissons qu au point de vue comestible quarto reprit conseil sans se demonter les apodes au corps allonge depourvus de nageoires ventrales et revetus une peau epaisse et souvent gluante ordre qui ne comprend qu une famille type anguille le gymnote mediocre mediocre repondit ned land quinto dit conseil les lophobranches qui ont les machoires completes et libres mais dont les branchies sont formees de petites houppes disposees par paires le long des arcs branchiaux cet ordre ne compte qu une famille type les hippocampes les pegases dragons mauvais mauvais repliqua le harponneur sexto enfin dit conseil les plectognathes dont os maxillaire est attache fixement sur le cote de intermaxillaire qui forme la machoire et dont arcade palatine engrene par suture avec le crane ce qui la rend immobile ordre qui manque de vraies ventrales et qui se compose de deux familles types les tetrodons les poissonslunes bons deshonorer une chaudiere ecria le canadien avezvous compris ami ned demanda le savant conseil pas le moins du monde ami conseil repondit le harponneur mais allez toujours car vous etes tresinteressant quant aux poissons cartilagineux reprit imperturbablement conseil ils ne comprennent que trois ordres tant mieux fit ned primo les cyclostomes dont les machoires sont soudees en un anneau mobile et dont les branchies ouvrent par des trous nombreux ordre ne comprenant qu une seule famille type la lamproie faut aimer repondit ned land secundo les selaciens avec branchies semblables celles des cyclostomes mais dont la machoire inferieure est mobile cet ordre qui est le plus important de la classe comprend deux familles types la raie et les squales quoi ecria ned des raies et des requins dans le meme ordre eh bien ami conseil dans interet des raies je ne vous conseille pas de les mettre ensemble dans le meme bocal tertio repondit conseil les sturioniens dont les branchies sont ouvertes comme ordinaire par une seule fente garnie un opercule ordre qui comprend quatre genres type esturgeon ah ami conseil vous avez garde le meilleur pour la fin mon avis du moins et est tout oui mon brave ned repondit conseil et remarquez que quand on sait cela on ne sait rien encore car les familles se subdivisent en genres en sousgenres en especes en varietes eh bien ami conseil dit le harponneur se penchant sur la vitre du panneau voici des varietes qui passent oui des poissons ecria conseil on se croirait devant un aquarium non repondisje car aquarium est qu une cage et ces poissonsla sont libres comme oiseau dans air eh bien ami conseil nommezles donc nommezles donc disait ned land moi repondit conseil je en suis pas capable cela regarde mon maitre et en effet le digne garcon classificateur enrage etait point un naturaliste et je ne sais pas il aurait distingue un thon une bonite en un mot le contraire du canadien qui nommait tous ces poissons sans hesiter un baliste avaisje dit et un baliste chinois repondait ned land genre des balistes famille des sclerodermes ordre des plectognathes murmurait conseil decidement eux deux ned et conseil auraient fait un naturaliste distingue le canadien ne etait pas trompe une troupe de balistes corps comprime peau grenue armes un aiguillon sur leur dorsale se jouaient autour du nautilus et agitaient les quatre rangees de piquants qui herissent chaque cote de leur queue rien de plus admirable que leur enveloppe grise pardessus blanche pardessous dont les taches or scintillaient dans le sombre remous des lames entre eux ondulaient des raies comme une nappe abandonnee aux vents et parmi elles apercus ma grande joie cette raie chinoise jaunatre sa partie superieure rose tendre sous le ventre et munie de trois aiguillons en arriere de son oeil espece rare et meme douteuse au temps de lacepede qui ne avait jamais vue que dans un recueil de dessins japonais pendant deux heures toute une armee aquatique fit escorte au nautilus au milieu de leurs jeux de leurs bonds tandis qu ils rivalisaient de beaute eclat et de vitesse je distinguai le labre vert le mulle barberin marque une double raie noire le gobie eleotre caudale arrondie blanc de couleur et tachete de violet sur le dos le scombre japonais admirable maquereau de ces mers au corps bleu et la tete argentee de brillants azurors dont le nom seul emporte toute description des spares rayes aux nageoires variees de bleu et de jaune des spares fasces releves une bande noire sur leur caudale des spares zonephores elegamment corsetes dans leurs six ceintures des aulostones veritables bouches en flute ou becasses de mer dont quelques echantillons atteignaient une longueur un metre des salamandres du japon des murenes echidnees longs serpents de six pieds aux yeux vifs et petits et la vaste bouche herissee de dents etc notre admiration se maintenait toujours au plus haut point nos interjections ne tarissaient pas ned nommait les poissons conseil les classait moi je extasiais devant la vivacite de leurs allures et la beaute de leurs formes jamais il ne avait ete donne de surprendre ces animaux vivants et libres dans leur element naturel je ne citerai pas toutes les varietes qui passerent ainsi devant nos yeux eblouis toute cette collection des mers du japon et de la chine ces poissons accouraient plus nombreux que les oiseaux dans air attires sans doute par eclatant foyer de lumiere electrique subitement le jour se fit dans le salon les panneaux de tole se refermerent enchanteresse vision disparut mais longtemps je revai encore jusqu au moment ou mes regards se fixerent sur les instruments suspendus aux parois la boussole montrait toujours la direction au nordnordest le manometre indiquait une pression de cinq atmospheres correspondant une profondeur de cinquante metres et le loch electrique donnait une marche de quinze milles heure attendais le capitaine nemo mais il ne parut pas horloge marquait cinq heures ned land et conseil retournerent leur cabine moi je regagnai ma chambre mon diner trouvait prepare il se composait une soupe la tortue faite des carets les plus delicats un surmulet chair blanche un peu feuilletee dont le foie prepare part fit un manger delicieux et de filets de cette viande de holocanteempereur dont la saveur me parut superieure celle du saumon je passai la soiree lire ecrire penser puis le sommeil me gagnant je etendis sur ma couche de zostere et je endormis profondement pendant que le nautilus se glissait travers le rapide courant du fleuvenoir chapitre xv une invitation par lettre le lendemain novembre je ne me reveillai qu apres un long sommeil de douze heures conseil vint suivant son habitude savoir comment monsieur avait passe la nuit et lui offrir ses services il avait laisse son ami le canadien dormant comme un homme qui aurait fait que cela toute sa vie je laissai le brave garcon babiller sa fantaisie sans trop lui repondre etais preoccupe de absence du capitaine nemo pendant notre seance de la veille et esperais le revoir aujourd hui bientot eus revetu mes vetements de byssus leur nature provoqua plus une fois les reflexions de conseil je lui appris qu ils etaient fabriques avec les filaments lustres et soyeux qui rattachent aux rochers les jambonneaux sortes de coquilles tres abondantes sur les rivages de la mediterranee autrefois on en faisait de belles etoffes des bas des gants car ils etaient la fois tres moelleux et tres chauds equipage du nautilus pouvait donc se vetir bon compte sans rien demander ni aux cotonniers ni aux moutons ni aux vers soie de la terre lorsque je fus habille je me rendis au grand salon il etait desert je me plongeai dans etude de ces tresors de conchyliologie entasses sous les vitrines je fouillai aussi de vastes herbiers emplis des plantes marines les plus rares et qui quoique dessechees conservaient leurs admirables couleurs parmi ces precieuses hydrophytes je remarquai des cladostephes verticillees des padinespaon des caulerpes feuilles de vigne des callithamnes graniferes de delicates ceramies teintes ecarlates des agares disposees en eventails des acetabules semblables des chapeaux de champignons tresdeprimes et qui furent longtemps classees parmi les zoophytes enfin toute une serie de varechs la journee entiere se passa sans que je fusse honore de la visite du capitaine nemo les panneaux du salon ne ouvrirent pas peutetre ne voulaiton pas nous blaser sur ces belles choses la direction du nautilus se maintint estnordest sa vitesse douze milles sa profondeur entre cinquante et soixante metres le lendemain novembre meme abandon meme solitude je ne vis personne de equipage ned et conseil passerent la plus grande partie de la journee avec moi ils etonnerent de inexplicable absence du capitaine cet homme singulier etaitil malade voulaitil modifier ses projets notre egard apres tout suivant la remarque de conseil nous jouissions une entiere liberte nous etions delicatement et abondamment nourris notre hote se tenait dans les termes de son traite nous ne pouvions nous plaindre et ailleurs la singularite meme de notre destinee nous reservait de si belles compensations que nous avions pas encore le droit de accuser ce jourla je commencai le journal de ces aventures ce qui permis de les raconter avec la plus scrupuleuse exactitude et detail curieux je ecrivis sur un papier fabrique avec la zostere marine le novembre de grand matin air frais repandu interieur du nautilus apprit que nous etions revenus la surface de ocean afin de renouveler les provisions oxygene je me dirigeai vers escalier central et je montai sur la plateforme il etait six heures je trouvai le temps couvert la mer grise mais calme peine de houle le capitaine nemo que esperais rencontrer la viendraitil je apercus que le timonier emprisonne dans sa cage de verre assis sur la saillie produite par la coque du canot aspirai avec delices les emanations salines la mer enflamma son regard peu peu la brume se dissipa sous action des rayons solaires astre radieux debordait de horizon oriental la mer enflamma sous son regard comme une trainee de poudre les nuages eparpilles dans les hauteurs se colorerent de tons vifs admirablement nuances et de nombreuses langues de chat annoncerent du vent pour toute la journee mais que faisait le vent ce nautilus que les tempetes ne pouvaient effrayer admirai donc ce joyeux lever de soleil si gai si vivifiant lorsque entendis quelqu un monter vers la plateforme je me preparais saluer le capitaine nemo mais ce fut son second que avais deja vu pendant la premiere visite du capitaine qui apparut il avanca sur la plateforme et ne sembla pas apercevoir de ma presence sa puissante lunette aux yeux il scruta tous les points de horizon avec une attention extreme puis cet examen fait il approcha du panneau et prononca une phrase dont voici exactement les termes je ai retenue car chaque matin elle se reproduisit dans des conditions identiques elle etait ainsi concue nautron respoc lorni virch ce qu elle signifiait je ne saurais le dire ces mots prononces le second redescendit je pensai que le nautilus allait reprendre sa navigation sousmarine je regagnai donc le panneau et par les coursives je revins ma chambre cinq jours ecoulerent ainsi sans que la situation se modifiat chaque matin je montais sur la plateforme la meme phrase etait prononcee par le meme individu le capitaine nemo ne paraissait pas avais pris mon parti de ne plus le voir quand le novembre rentre dans ma chambre avec ned et conseil je trouvai sur la table un billet mon adresse je ouvris une main impatiente il etait ecrit une ecriture franche et nette mais un peu gothique et qui rappelait les types allemands ce billet etait libelle en ces termes monsieur le professeur aronnax bord du nautilus novembre le capitaine nemo invite monsieur le professeur aronnax une partie de chasse qui aura lieu demain matin dans ses forets de ile crespo il espere que rien empechera monsieur le professeur assister et il verra avec plaisir que ses compagnons se joignent lui le commandant du nautilus capitaine nemo une chasse ecria ned et dans ses forets de ile crespo ajouta conseil mais il va donc terre ce particulierla reprit ned land cela me parait clairement indique disje en relisant la lettre eh bien il faut accepter repliqua le canadien une fois sur la terre ferme nous aviserons prendre un parti ailleurs je ne serai pas fache de manger quelques morceaux de venaison fraiche sans chercher concilier ce qu il avait de contradictoire entre horreur manifeste du capitaine nemo pour les continents et les iles et son invitation de chasser en foret je me contentai de repondre voyons abord ce que est que ile crespo je consultai le planisphere et par deg de latitude nord et deg de longitude ouest je trouvai un ilot qui fut reconnu en par le capitaine crespo et que les anciennes cartes espagnoles nommaient rocca de la plata estadire roche argent nous etions donc dixhuit cents milles environ de notre point de depart et la direction un peu modifiee du nautilus le ramenait vers le sudest je montrai mes compagnons ce petit roc perdu au milieu du pacifique nord si le capitaine nemo va quelquefois terre leur disje il choisit du moins des iles absolument desertes ned land hocha la tete sans repondre puis conseil et lui me quitterent apres un souper qui me fut servi par le stewart muet et impassible je endormis non sans quelque preoccupation le lendemain novembre mon reveil je sentis que le nautilus etait absolument immobile je habillai lestement et entrai dans le grand salon le capitaine nemo etait la il attendait se leva salua et me demanda il me convenait de accompagner comme il ne fit aucune allusion son absence pendant ces huit jours je abstins de lui en parler et je repondis simplement que mes compagnons et moi nous etions prets le suivre seulement monsieur ajoutaije je me permettrai de vous adresser une question adressez monsieur aronnax et si je puis repondre repondrai eh bien capitaine comment se faitil que vous qui avez rompu toute relation avec la terre vous possediez des forets dans ile crespo monsieur le professeur me repondit le capitaine les forets que je possede ne demandent au soleil ni sa lumiere ni sa chaleur ni les lions ni les tigres ni les pantheres ni aucun quadrupede ne les frequentent elles ne sont connues que de moi seul elles ne poussent que pour moi seul ce ne sont point des forets terrestres mais bien des forets sousmarines des forets sousmarines ecriaije oui monsieur le professeur et vous offrez de conduire precisement pied et meme pied sec en chassant en chassant le fusil la main le fusil la main je regardai le commandant du nautilus un air qui avait rien de flatteur pour sa personne decidement il le cerveau malade pensaije il eu un acces qui dure huit jours et meme qui dure encore est dommage je aimais mieux etrange que fou cette pensee se lisait clairement sur mon visage mais le capitaine nemo se contenta de inviter le suivre et je le suivis en homme resigne tout nous arrivames dans la salle manger ou le dejeuner se trouvait servi monsieur aronnax me dit le capitaine je vous prierai de partager mon dejeuner sans facon nous causerons en mangeant mais si je vous ai promis une promenade en foret je ne me suis point engage vous faire rencontrer un restaurant dejeunez donc en homme qui ne dinera probablement que fort tard je fis honneur au repas je fis honneur au repas il se composait de divers poissons et de tranches holoturies excellents zoophytes releves algues tres aperitives telles que la porphyria laciniata et la laurentia primafetida la boisson se composait eau limpide laquelle exemple du capitaine ajoutai quelques gouttes une liqueur fermentee extraite suivant la mode kamchatkienne de algue connue sous le nom de rhodomenie palmee le capitaine nemo mangea abord sans prononcer une seule parole puis il me dit monsieur le professeur quand je vous ai propose de venir chasser dans mes forets de crespo vous avez cru en contradiction avec moimeme quand je vous ai appris qu il agissait de forets sousmarines vous avez cru fou monsieur le professeur il ne faut jamais juger les hommes la legere mais capitaine croyez que veuillez ecouter et vous verrez si vous devez accuser de folie ou de contradiction je vous ecoute monsieur le professeur vous le savez aussi bien que moi homme peut vivre sous eau la condition emporter avec lui sa provision air respirable dans les travaux sousmarins ouvrier revetu un vetement impermeable et la tete emprisonnee dans une capsule de metal recoit air de exterieur au moyen de pompes foulantes et de regulateurs ecoulement est appareil des scaphandres disje en effet mais dans ces conditions homme est pas libre il est rattache la pompe qui lui envoie air par un tuyau de caoutchouc veritable chaine qui le rive la terre et si nous devions etre ainsi retenus au nautilus nous ne pourrions aller loin et le moyen etre libre demandaije est employer appareil rouquayroldenayrouze imagine par deux de vos compatriotes mais que ai perfectionne pour mon usage et qui vous permettra de vous risquer dans ces nouvelles conditions physiologiques sans que vos organes en souffrent aucunement il se compose un reservoir en tole epaisse dans lequel emmagasine air sous une pression de cinquante atmospheres ce reservoir se fixe sur le dos au moyen de bretelles comme un sac de soldat sa partie superieure forme une boite ou air maintenu par un mecanisme soufflet ne peut echapper qu sa tension normale dans appareil rouquayrol tel qu il est employe deux tuyaux en caoutchouc partant de cette boite viennent aboutir une sorte de pavillon qui emprisonne le nez et la bouche de operateur un sert introduction de air inspire autre issue de air expire et la langue ferme celuici ou celuila suivant les besoins de la respiration mais moi qui affronte des pressions considerables au fond des mers ai du enfermer ma tete comme celle des scaphandres dans une sphere de cuivre et est cette sphere qu aboutissent les deux tuyaux inspirateurs et expirateurs parfaitement capitaine nemo mais air que vous emportez doit user vite et des qu il ne contient plus que quinze pour cent oxygene il devient irrespirable sans doute mais je vous ai dit monsieur aronnax les pompes du nautilus me permettent de emmagasiner sous une pression considerable et dans ces conditions le reservoir de appareil peut fournir de air respirable pendant neuf ou dix heures je ai plus objection faire repondisje je vous demanderai seulement capitaine comment vous pouvez eclairer votre route au fond de ocean avec appareil ruhmkorff monsieur aronnax si le premier se porte sur le dos le second attache la ceinture il se compose une pile de bunzen que je mets en activite non avec du bichromate de potasse mais avec du sodium une bobine induction recueille electricite produite et la dirige vers une lanterne une disposition particuliere dans cette lanterne se trouve un serpentin de verre qui contient seulement un residu de gaz carbonique quand appareil fonctionne ce gaz devient lumineux en donnant une lumiere blanchatre et continue ainsi pourvu je respire et je vois capitaine nemo toutes mes objections vous faites de si ecrasantes reponses que je ose plus douter cependant si je suis bien force admettre les appareils rouquayrol et ruhmkorff je demande faire des reserves pour le fusil dont vous voulez armer mais ce est point un fusil poudre repondit le capitaine est donc un fusil vent sans doute comment voulezvous que je fabrique de la poudre mon bord ayant ni salpetre ni soufre ni charbon ailleurs disje pour tirer sous eau dans un milieu huit cent cinquantecinq fois plus dense que air il faudrait vaincre une resistance considerable ce ne serait pas une raison il existe certains canons perfectionnes apres fulton par les anglais philippe coles et burley par le francais furcy par italien landi qui sont munis un systeme particulier de fermeture et qui peuvent tirer dans ces conditions mais je vous le repete ayant pas de poudre je ai remplacee par de air haute pression que les pompes du nautilus me fournissent abondamment mais cet air doit rapidement user eh bien aije pas mon reservoir rouquayrol qui peut au besoin en fournir il suffit pour cela un robinet ad hoc ailleurs monsieur aronnax vous verrez par vousmeme que pendant ces chasses sousmarines on ne fait pas grande depense air ni de balles cependant il me semble que dans cette demiobscurite et au milieu de ce liquide tresdense par rapport atmosphere les coups ne peuvent porter loin et sont difficilement mortels monsieur avec ce fusil tous les coups sont mortels au contraire et des qu un animal est touche si legerement que ce soit il tombe foudroye pourquoi parce que ce ne sont pas des balles ordinaires que ce fusil lance mais de petites capsules de verre inventees par le chimiste autrichien leniebroek et dont ai un approvisionnement considerable ces capsules de verre recouvertes une armature acier et alourdies par un culot de plomb sont de veritables petites bouteilles de leyde dans lesquelles electricite est forcee une treshaute tension au plus leger choc elles se dechargent et animal si puissant qu il soit tombe mort ajouterai que ces capsules ne sont pas plus grosses que du numero quatre et que la charge un fusil ordinaire pourrait en contenir dix je ne discute plus repondisje en me levant de table et je ai plus qu prendre mon fusil ailleurs ou vous irez irai le capitaine nemo me conduisit vers arriere du nautilus et en passant devant la cabine de ned et de conseil appelai mes deux compagnons qui nous suivirent aussitot puis nous arrivames une cellule situee en abord pres de la chambre des machines et dans laquelle nous devions revetir nos vetements de promenade petits nuages blancs legers denteles sur leurs bords chapitre xvi promenade en plaine cette cellule etait proprement parler arsenal et le vestiaire du nautilus une douzaine appareils de scaphandres suspendus la paroi attendaient les promeneurs ned land en les voyant manifesta une repugnance evidente en revetir mais mon brave ned lui disje les forets de ile de crespo ne sont que des forets sousmarines bon fit le harponneur desappointe qui voyait evanouir ses reves de viande fraiche et vous monsieur aronnax vous allez vous introduire dans ces habitsla il le faut bien maitre ned libre vous monsieur repondit le harponneur haussant les epaules mais quant moi moins qu on ne force je entrerai jamais ladedans on ne vous forcera pas maitre ned dit le capitaine nemo et conseil va se risquer demanda ned je suis monsieur partout ou va monsieur repondit conseil sur un appel du capitaine deux hommes de equipage vinrent nous aider revetir ces lourds vetements impermeables faits en caoutchouc sans couture et prepares de maniere supporter des pressions considerables on eut dit une armure la fois souple et resistante ces vetements formaient pantalon et veste le pantalon se terminait par epaisses chaussures garnies de lourdes semelles de plomb le tissu de la veste etait maintenu par des lamelles de cuivre qui cuirassaient la poitrine la defendaient contre la poussee des eaux et laissaient les poumons fonctionner librement ses manches finissaient en forme de gants assouplis qui ne contrariaient aucunement les mouvements de la main il avait loin on le voit de ces scaphandres perfectionnes aux vetements informes tels que les cuirasses de liege les soubrevestes les habits de mer les coffres etc qui furent inventes et prones dans le xviiie siecle le capitaine nemo un de ses compagnons sorte hercule qui devait etre une force prodigieuse conseil et moi nous eumes bientot revetu ces habits de scaphandres il ne agissait plus que emboiter notre tete dans sa sphere metallique mais avant de proceder cette operation je demandai au capitaine la permission examiner les fusils qui nous etaient destines un des hommes du nautilus me presenta un fusil simple dont la crosse faite en tole acier et creuse interieur etait assez grande dimension elle servait de reservoir air comprime qu une soupape manoeuvree par une gachette laissait echapper dans le tube de metal une boite projectiles evidee dans epaisseur de la crosse renfermait une vingtaine de balles electriques qui au moyen un ressort se placaient automatiquement dans le canon du fusil des qu un coup etait tire autre etait pret partir capitaine nemo disje cette arme est parfaite et un maniement facile je ne demande plus qu essayer mais comment allonsnous gagner le fond de la mer en ce moment monsieur le professeur le nautilus est echoue par dix metres eau et nous avons plus qu partir mais comment sortironsnous vous allez voir le capitaine nemo introduisit sa tete dans la calotte spherique conseil et moi nous en fimes autant non sans avoir entendu le canadien nous lancer un bonne chasse ironique le haut de notre vetement etait termine par un collet de cuivre taraude sur lequel se vissait ce casque de metal trois trous proteges par des verres epais permettaient de voir suivant toutes les directions rien qu en tournant la tete interieur de cette sphere des qu elle fut en place les appareils rouquayrol places sur notre dos commencerent fonctionner et pour mon compte je respirai aise etais pret partir la lampe ruhmkorff suspendue ma ceinture le fusil la main etais pret partir mais pour etre franc emprisonne dans ces lourds vetements et cloue au tillac par mes semelles de plomb il eut ete impossible de faire un pas mais ce cas etait prevu car je sentis que on me poussait dans une petite chambre contigue au vestiaire mes compagnons egalement remorques me suivaient entendis une porte munie obturateurs se refermer sur nous et une profonde obscurite nous enveloppa apres quelques minutes un vif sifflement parvint mon oreille je sentis une certaine impression de froid monter de mes pieds ma poitrine evidemment de interieur du bateau on avait par un robinet donne entree eau exterieure qui nous envahissait et dont cette chambre fut bientot remplie une seconde porte percee dans le flanc du nautilus ouvrit alors un demijour nous eclaira un instant apres nos pieds foulaient le fond de la mer et maintenant comment pourraisje retracer les impressions que laissees cette promenade sous les eaux les mots sont impuissants raconter de telles merveilles quand le pinceau luimeme est inhabile rendre les effets particuliers element liquide comment la plume sauraitelle les reproduire le capitaine nemo marchait en avant et son compagnon nous suivait quelques pas en arriere conseil et moi nous restions un pres de autre comme si un echange de paroles eut ete possible travers nos carapaces metalliques je ne sentais deja plus la lourdeur de mes vetements de mes chaussures de mon reservoir air ni le poids de cette epaisse sphere au milieu de laquelle ma tete ballottait comme une amande dans sa coquille tous ces objets plonges dans eau perdaient une partie de leur poids egale celui du liquide deplace et je me trouvais tresbien de cette loi physique reconnue par archimede je etais plus une masse inerte et avais une liberte de mouvement relativement grande la lumiere qui eclairait le sol jusqu trente pieds audessous de la surface de ocean etonna par sa puissance les rayons solaires traversaient aisement cette masse aqueuse et en dissipaient la coloration je distinguais nettement les objets une distance de cent metres audela les fonds se nuancaient des fines degradations de outremer puis ils bleuissaient dans les lointains et effacaient au milieu une vague obscurite veritablement cette eau qui entourait etait qu une sorte air plus dense que atmosphere terrestre mais presque aussi diaphane audessus de moi apercevais la calme surface de la mer nous marchions sur un sable fin uni non ride comme celui des plages qui conserve empreinte de la houle ce tapis eblouissant veritable reflecteur repoussait les rayons du soleil avec une surprenante intensite de la cette immense reverberation qui penetrait toutes les molecules liquides seraije cru si affirme qu cette profondeur de trente pieds voyais comme en plein jour pendant un quart heure je foulai ce sable ardent seme une impalpable poussiere de coquillages la coque du nautilus dessinee comme un long ecueil disparaissait peu peu mais son fanal lorsque la nuit se serait faite au milieu des eaux devait faciliter notre retour bord en projetant ses rayons avec une nettete parfaite effet difficile comprendre pour qui vu que sur terre ces nappes blanchatres si vivement accusees la la poussiere dont air est sature leur donne apparence un brouillard lumineux mais sur mer comme sous mer ces traits electriques se transmettent avec une incomparable purete cependant nous allions toujours et la vaste plaine de sable semblait etre sans bornes ecartais de la main les rideaux liquides qui se refermaient derriere moi et la trace de mes pas effacait soudain sous la pression de eau bientot quelques formes objets peine estompees dans eloignement se dessinerent mes yeux je reconnus de magnifiques premiers plans de rochers tapisses de zoophytes du plus bel echantillon et je fus tout abord frappe un effet special ce milieu il etait alors dix heures du matin les rayons du soleil frappaient la surface des flots sous un angle assez oblique et au contact de leur lumiere decomposee par la refraction comme travers un prisme fleurs rochers plantules coquillages polypes se nuancaient sur leurs bords des sept couleurs du spectre solaire etait une merveille une fete des yeux que cet enchevetrement de tons colores une veritable kaleidoscopie de vert de jaune orange de violet indigo de bleu en un mot toute la palette un coloriste enrage que ne pouvaisje communiquer conseil les vives sensations qui me montaient au cerveau et rivaliser avec lui interjections admiratives que ne savaisje comme le capitaine nemo et son compagnon echanger mes pensees au moyen de signes convenus aussi faute de mieux je me parlais moimeme je criais dans la boite de cuivre qui coiffait ma tete depensant peutetre en vaines paroles plus air qu il ne convenait devant ce splendide spectacle conseil etait arrete comme moi evidemment le digne garcon en presence de ces echantillons de zoophytes et de mollusques classait classait toujours polypes et echinodermes abondaient sur le sol les isis variees les cornulaires qui vivent isolement des touffes oculines vierges designees autrefois sous le nom de corail blanc les fongies herissees en forme de champignons les anemones adherant par leur disque musculaire figuraient un parterre de fleurs emaille de porpites parees de leur collerette de tentacules azures etoiles de mer qui constellaient le sable et asterophytons verruqueux fines dentelles brodees par la main des naiades dont les festons se balancaient aux faibles ondulations provoquees par notre marche etait un veritable chagrin pour moi ecraser sous mes pas les brillants specimens de mollusques qui jonchaient le sol par milliers les peignes concentriques les marteaux les donaces veritables coquilles bondissantes les troques les casques rouges les strombes ailed ange les aphysies et tant autres produits de cet inepuisable ocean mais il fallait marcher et nous allions en avant pendant que voguaient audessus de nos tetes des troupes de physalies laissant leurs tentacules outremer flotter la traine des meduses dont ombrelle opaline ou rose tendre festonnee un liston azur nous abritait des rayons solaires et des pelagies panopyres qui dans obscurite eussent seme notre chemin de lueurs phosphorescentes toutes ces merveilles je les entrevis dans espace un quart de mille arretant peine et suivant le capitaine nemo qui me rappelait un geste bientot la nature du sol se modifia la plaine de sable succeda une couche de vase visqueuse que les americains nomment oaze uniquement composee de coquilles siliceuses ou calcaires puis nous parcourumes une prairie algues plantes pelagiennes que les eaux avaient pas encore arrachees et dont la vegetation etait fougueuse ces pelouses tissu serre douces au pied eussent rivalise avec les plus moelleux tapis tisses par la main des hommes mais en meme temps que la verdure etalait sous nos pas elle abandonnait pas nos tetes un leger berceau de plantes marines classees dans cette exuberante famille des algues dont on connait plus de deux mille especes se croisait la surface des eaux je voyais flotter de longs rubans de fucus les uns globuleux les autres tubules des laurencies des cladostephes au feuillage si delie des rhodymenes palmes semblables des eventails de cactus observai que les plantes vertes se maintenaient plus pres de la surface de la mer tandis que les rouges occupaient une profondeur moyenne laissant aux hydrophytes noires ou brunes le soin de former les jardins et les parterres des couches reculees de ocean ces algues sont veritablement un prodige de la creation une des merveilles de la flore universelle cette famille produit la fois les plus petits et les plus grands vegetaux du globe car de meme qu on compte quarante mille de ces imperceptibles plantules dans un espace de cinq millimetres carres de meme on recueilli des fucus dont la longueur depassait cinq cents metres nous avions quitte le nautilus depuis une heure et demie environ il etait pres de midi je en apercus la perpendicularite des rayons solaires qui ne se refractaient plus la magie des couleurs disparut peu peu et les nuances de emeraude et du saphir effacerent de notre firmament nous marchions un pas regulier qui resonnait sur le sol avec une intensite etonnante les moindres bruits se transmettaient avec une vitesse laquelle oreille est pas habituee sur la terre en effet eau est pour le son un meilleur vehicule que air et il propage avec une rapidite quadruple en ce moment le sol abaissa par une pente prononcee la lumiere prit une teinte uniforme nous atteignimes une profondeur de cent metres subissant alors une pression de dix atmospheres mais mon vetement de scaphandre etait etabli dans des conditions telles que je ne souffrais aucunement de cette pression je sentais seulement une certaine gene aux articulations des doigts et encore ce malaise ne tardatil pas disparaitre quant la fatigue que devait amener cette promenade de deux heures sous un harnachement dont avais si peu habitude elle etait nulle mes mouvements aides par eau se produisaient avec une surprenante facilite arrive cette profondeur de trois cents pieds je percevais encore les rayons du soleil mais faiblement leur eclat intense avait succede un crepuscule rougeatre moyen terme entre le jour et la nuit cependant nous voyions suffisamment nous conduire et il etait pas encore necessaire de mettre les appareils ruhmkorff en activite en ce moment le capitaine nemo arreta il attendit que je eusse rejoint et du doigt il me montra quelques masses obscures qui accusaient dans ombre une petite distance est la foret de ile crespo pensaije et je ne me trompais pas chapitre xvii une foret sousmarine nous etions enfin arrives la lisiere de cette foret sans doute une des plus belles de immense domaine du capitaine nemo il la considerait comme etant sienne et attribuait sur elle les memes droits qu avaient les premiers hommes aux premiers jours du monde ailleurs qui lui eut dispute la possession de cette propriete sousmarine quel autre pionnier plus hardi serait venu la hache la main en defricher les sombres taillis cette foret se composait de grandes plantes arborescentes et des que nous eumes penetre sous ses vastes arceaux mes regards furent tout abord frappes une singuliere disposition de leurs ramures disposition que je avais pas encore observee jusqu alors aucune des herbes qui tapissaient le sol aucune des branches qui herissaient les arbrisseaux ne rampait ni ne se courbait ni ne etendait dans un plan horizontal toutes montaient vers la surface de ocean pas de filaments pas de rubans si minces qu ils fussent qui ne se tinssent droit comme des tiges de fer les fucus et les lianes se developpaient suivant une ligne rigide et perpendiculaire commandee par la densite de element qui les avait produits immobiles ailleurs lorsque je les ecartais de la main ces plantes reprenaient aussitot leur position premiere etait ici le regne de la verticalite bientot je habituai cette disposition bizarre ainsi qu obscurite relative qui nous enveloppait le sol de la foret etait seme de blocs aigus difficiles eviter la flore sousmarine parut etre assez complete plus riche meme qu elle ne eut ete sous les zones arctiques ou tropicales ou ses produits sont moins nombreux mais pendant quelques minutes je confondis involontairement les regnes entre eux prenant des zoophytes pour des hydrophytes des animaux pour des plantes et qui ne fut pas trompe la faune et la flore se touchent de si pres dans ce monde sousmarin observai que toutes ces productions du regne vegetal ne tenaient au sol que par un empatement superficiel depourvues de racines indifferentes au corps solide sable coquillage test ou galet qui les supporte elles ne lui demandent qu un point appui non la vitalite ces plantes ne procedent que ellesmemes et le principe de leur existence est dans cette eau qui les soutient qui les nourrit la plupart au lieu de feuilles poussaient des lamelles de formes capricieuses circonscrites dans une gamme restreinte de couleurs qui ne comprenait que le rose le carmin le vert olivatre le fauve et le brun je revis la mais non plus dessechees comme les echantillons du nautilus des padinespaons deployees en eventails qui semblaient solliciter la brise des ceramies ecarlates des laminaires allongeant leurs jeunes pousses comestibles des nereocystees filiformes et fluxueuses qui epanouissaient une hauteur de quinze metres des bouquets acetabules dont les tiges grandissent par le sommet et nombre autres plantes pelagiennes toutes depourvues de fleurs curieuse anomalie bizarre element dit un spirituel naturaliste ou le regne animal fleurit et ou le regne vegetal ne fleurit pas entre ces divers arbrisseaux grands comme les arbres des zones temperees et sous leur ombre humide se massaient de veritables buissons fleurs vivantes des haies de zoophytes sur lesquels epanouissaient des meandrines zebrees de sillons tortueux des cariophylles jaunatres tentacules diaphanes des touffes gazonnantes de zoanthaires et pour completer illusion les poissonsmouches volaient de branches en branches comme un essaim de colibris tandis que de jaunes lepisacanthes la machoire herissee aux ecailles aigues des dactylopteres et des monocentres se levaient sous nos pas semblables une troupe de becassines vers une heure le capitaine nemo donna le signal de la halte en fus assez satisfait pour mon compte et nous nous etendimes sous un berceau alariees dont les longues lanieres amincies se dressaient comme des fleches cet instant de repos me parut delicieux il ne nous manquait que le charme de la conversation mais impossible de parler impossible de repondre approchai seulement ma grosse tete de cuivre de la tete de conseil je vis les yeux de ce brave garcon briller de contentement et en signe de satisfaction il agita dans sa carapace de air le plus comique du monde apres quatre heures de cette promenade je fus tres etonne de ne pas ressentir un violent besoin de manger quoi tenait cette disposition de estomac je ne saurais le dire mais en revanche eprouvais une insurmontable envie de dormir ainsi qu il arrive tous les plongeurs aussi mes yeux se fermerentils bientot derriere leur epaisse vitre et je tombai dans une invincible somnolence que le mouvement de la marche avait seul pu combattre jusqu alors le capitaine nemo et son robuste compagnon etendus dans ce limpide cristal nous donnaient exemple du sommeil combien de temps restaije ainsi plonge dans cet assoupissement je ne pus evaluer mais lorsque je me reveillai il me sembla que le soleil abaissait vers horizon le capitaine nemo etait deja releve et je commencais me detirer les membres quand une apparition inattendue me remit brusquement sur les pieds une monstrueuse araignee de mer quelques pas une monstrueuse araignee de mer haute un metre me regardait de ses yeux louches prete elancer sur moi quoique mon habit de scaphandre fut assez epais pour me defendre contre les morsures de cet animal je ne pus retenir un mouvement horreur conseil et le matelot du nautilus eveillerent en ce moment le capitaine nemo montra son compagnon le hideux crustace qu un coup de crosse abattit aussitot et je vis les horribles pattes du monstre se tordre dans des convulsions terribles cette rencontre me fit penser que autres animaux plus redoutables devaient hanter ces fonds obscurs et que mon scaphandre ne me protegerait pas contre leurs attaques je avais pas songe jusqu alors et je resolus de me tenir sur mes gardes je supposais ailleurs que cette halte marquait le terme de notre promenade mais je me trompais et au lieu de retourner au nautilus le capitaine nemo continua son audacieuse excursion le sol se deprimait toujours et sa pente accusant davantage nous conduisit de plus grandes profondeurs il devait etre peu pres trois heures quand nous atteignimes une etroite vallee creusee entre de hautes parois pic et situee par cent cinquante metres de fond grace la perfection de nos appareils nous depassions ainsi de quatrevingtdix metres la limite que la nature semblait avoir imposee jusqu ici aux excursions sousmarines de homme je dis cent cinquante metres bien qu aucun instrument ne me permit evaluer cette distance mais je savais que meme dans les mers les plus limpides les rayons solaires ne pouvaient penetrer plus avant or precisement obscurite devint profonde aucun objet etait visible dix pas je marchais donc en tatonnant quand je vis briller subitement une lumiere blanche assez vive le capitaine nemo venait de mettre son appareil electrique en activite son compagnon imita conseil et moi nous suivimes leur exemple etablis en tournant une vis la communication entre la bobine et le serpentin de verre et la mer eclairee par nos quatre lanternes illumina dans un rayon de vingtcinq metres le capitaine nemo continua de enfoncer dans les obscures profondeurs de la foret dont les arbrisseaux se rarefiaient de plus en plus observai que la vie vegetale disparaissait plus vite que la vie animale les plantes pelagiennes abandonnaient deja le sol devenu aride qu un nombre prodigieux animaux zoophytes articules mollusques et poissons pullulaient encore tout en marchant je pensais que la lumiere de nos appareils ruhmkorff devait necessairement attirer quelques habitants de ces sombres couches mais ils nous approcherent ils se tinrent du moins une distance regrettable pour des chasseurs plusieurs fois je vis le capitaine nemo arreter et mettre son fusil en joue puis apres quelques instants observation il se relevait et reprenait sa marche enfin vers quatre heures environ cette merveilleuse excursion acheva un mur de rochers superbes et une masse imposante se dressa devant nous entassement de blocs gigantesques enorme falaise de granit creusee de grottes obscures mais qui ne presentait aucune rampe praticable etaient les accores de ile crespo etait la terre un geste du capitaine nous fit faire halte le capitaine nemo arreta soudain un geste de lui nous fit faire halte et si desireux que je fusse de franchir cette muraille je dus arreter ici finissaient les domaines du capitaine nemo il ne voulait pas les depasser audela etait cette portion du globe qu il ne devait plus fouler du pied le retour commenca le capitaine nemo avait repris la tete de sa petite troupe se dirigeant toujours sans hesiter je crus voir que nous ne suivions pas le meme chemin pour revenir au nautilus cette nouvelle route tres raide et par consequent tres penible nous rapprocha rapidement de la surface de la mer cependant ce retour dans les couches superieures ne fut pas tellement subit que la decompression se fit trop rapidement ce qui aurait pu amener dans notre organisme des desordres graves et determiner ces lesions internes si fatales aux plongeurs trespromptement la lumiere reparut et grandit et le soleil etant deja bas sur horizon la refraction borda de nouveau les divers objets un anneau spectral dix metres de profondeur nous marchions au milieu un essaim de petits poissons de toute espece plus nombreux que les oiseaux dans air plus agiles aussi mais aucun gibier aquatique digne un coup de fusil ne etait encore offert nos regards en ce moment je vis arme du capitaine vivement epaulee suivre entre les buissons un objet mobile le coup partit entendis un faible sifflement et un animal retomba foudroye quelques pas etait une magnifique loutre de mer une enhydre le seul quadrupede qui soit exclusivement marin cette loutre longue un metre cinquante centimetres devait avoir un tresgrand prix sa peau un brun marron en dessus et argentee en dessous faisait une de ces admirables fourrures si recherchees sur les marches russes et chinois la finesse et le lustre de son poil lui assuraient une valeur minimum de deux mille francs admirai fort ce curieux mammifere la tete arrondie et ornee oreilles courtes aux yeux ronds aux moustaches blanches et semblables celles du chat aux pieds palmes et unguicules la queue touffue ce precieux carnassier chasse et traque par les pecheurs devient extremement rare et il est principalement refugie dans les portions boreales du pacifique ou vraisemblablement son espece ne tardera pas eteindre le compagnon du capitaine nemo vint prendre la bete la chargea sur son epaule et on se remit en route pendant une heure une plaine de sable se deroula devant nos pas elle remontait souvent moins de deux metres de la surface des eaux je voyais alors notre image nettement refletee se dessiner en sens inverse et audessus de nous apparaissait une troupe identique reproduisant nos mouvements et nos gestes de tout point semblable en un mot cela pres qu elle marchait la tete en bas et les pieds en air autre effet noter etait le passage de nuages epais qui se formaient et evanouissaient rapidement mais en reflechissant je compris que ces pretendus nuages etaient dus qu epaisseur variable des longues lames de fond et apercevais meme les moutons ecumeux que leur crete brisee multipliait sur les eaux il etait pas jusqu ombre des grands oiseaux qui passaient sur nos tetes dont je ne surprisse le rapide effleurement la surface de la mer un grand oiseau approchait en planant en cette occasion je fus temoin de un des plus beaux coups de fusil qui ait jamais fait tressaillir les fibres un chasseur un grand oiseau large envergure tres nettement visible approchait en planant le compagnon du capitaine nemo le mit en joue et le tira lorsqu il fut quelques metres seulement audessus des flots animal tomba foudroye et sa chute entraina jusqu la portee de adroit chasseur qui en empara etait un albatros de la plus belle espece admirable specimen des oiseaux pelagiens notre marche avait pas ete interrompue par cet incident pendant deux heures nous suivimes tantot des plaines sableuses tantot des prairies de varechs fort penibles traverser franchement je en pouvais plus quand apercus une vague lueur qui rompait un demimille obscurite des eaux etait le fanal du nautilus avant vingt minutes nous devions etre bord et la je respirerais aise car il me semblait que mon reservoir ne fournissait plus qu un air tres pauvre en oxygene mais je comptais sans une rencontre qui retarda quelque peu notre arrivee etais reste une vingtaine de pas en arriere lorsque je vis le capitaine nemo revenir brusquement vers moi de sa main vigoureuse il me courba terre tandis que son compagnon en faisait autant de conseil tout abord je ne sus trop que penser de cette brusque attaque mais je me rassurai en observant que le capitaine se couchait pres de moi et demeurait immobile etais donc etendu sur le sol et precisement abri un buisson de varechs quand relevant la tete apercus enormes masses passer bruyamment en jetant des lueurs phosphorescentes mon sang se glaca dans mes veines avais reconnu les formidables squales qui nous menacaient etait un couple de tintoreas requins terribles la queue enorme au regard terne et vitreux qui distillent une matiere phosphorescente par des trous perces autour de leur museau monstrueuses mouches feu qui broient un homme tout entier dans leurs machoires de fer je ne sais si conseil occupait les classer mais pour mon compte observais leur ventre argente leur gueule formidable herissee de dents un point de vue peu scientifique et plutot en victime qu en naturaliste tresheureusement ces voraces animaux voient mal ils passerent sans nous apercevoir nous effleurant de leurs nageoires brunatres et nous echappames comme par miracle ce danger plus grand coup sur que la rencontre un tigre en pleine foret une demiheure apres guides par la trainee electrique nous atteignions le nautilus la porte exterieure etait restee ouverte et le capitaine nemo la referma des que nous fumes rentres dans la premiere cellule puis il pressa un bouton entendis manoeuvrer les pompes audedans du navire je sentis eau baisser autour de moi et en quelques instants la cellule fut entierement videe la porte interieure ouvrit alors et nous passames dans le vestiaire la nos habits de scaphandre furent retires non sans peine et tres harasse tombant inanition et de sommeil je regagnai ma chambre tout emerveille de cette surprenante excursion au fond des mers chapitre xviii quatre mille lieues sous le pacifique le lendemain matin novembre etais parfaitement remis de mes fatigues de la veille et je montai sur la plateforme au moment ou le second du nautilus prononcait sa phrase quotidienne il me vint alors esprit qu elle se rapportait etat de la mer ou plutot qu elle signifiait nous avons rien en vue et en effet ocean etait desert pas une voile horizon les hauteurs de ile crespo avaient disparu pendant la nuit la mer absorbant les couleurs du prisme exception des rayons bleus reflechissait ceuxci dans toutes les directions et revetait une admirable teinte indigo une moire larges raies se dessinait regulierement sur les flots onduleux admirais ce magnifique aspect de ocean quand le capitaine nemo apparut il ne sembla pas apercevoir de ma presence et commenca une serie observations astronomiques puis son operation terminee il alla accouder sur la cage du fanal et ses regards se perdirent la surface de ocean cependant une vingtaine de matelots du nautilus tous gens vigoureux et bien constitues etaient montes sur la plateforme ils venaient retirer les filets qui avaient ete mis la traine pendant la nuit ces marins appartenaient evidemment des nations differentes bien que le type europeen fut indique chez tous je reconnus ne pas me tromper des irlandais des francais quelques slaves un grec ou un candiote du reste ces hommes etaient sobres de paroles et employaient entre eux que ce bizarre idiome dont je ne pouvais pas meme soupconner origine aussi je dus renoncer les interroger les filets furent hales bord etaient des especes de chaluts semblables ceux des cotes normandes vastes poches qu une vergue flottante et une chaine transfilee dans les mailles inferieures tiennent entr ouvertes ces poches ainsi trainees sur leurs gantiers de fer balayaient le fond de ocean et ramassaient tous ses produits sur leur passage ce jourla ils ramenerent de curieux echantillons de ces parages poissonneux des lophies auxquels leurs mouvements comiques ont valu le qualificatif histrions des commersons noirs munis de leurs antennes des balistes ondules entoures de bandelettes rouges des tetrodonscroissants dont le venin est extremement subtil quelques lamproies olivatres des macrorhinques couverts ecailles argentees des trichiures dont la puissance electrique est egale celle du gymnote et de la torpille des notopteres ecailleux bandes brunes et transversales des gades verdatres plusieurs varietes de gobies etc enfin quelques poissons de proportions plus vastes un caranx tete proeminente long un metre plusieurs beaux scombres bonites chamarres de couleurs bleues et argentees et trois magnifiques thons que la rapidite de leur marche avait pu sauver du chalut estimai que ce coup de filet rapportait plus de mille livres de poissons etait une belle peche mais non surprenante en effet ces filets restent la traine pendant plusieurs heures et enserrent dans leur prison de fil tout un monde aquatique nous ne devions donc pas manquer de vivres une excellente qualite que la rapidite du nautilus et attraction de sa lumiere electrique pouvaient renouveler sans cesse ces divers produits de la mer furent immediatement affales par le panneau vers les cambuses destines les uns etre manges frais les autres etre conserves la peche finie la provision air renouvelee je pensais que le nautilus allait reprendre son excursion sousmarine et je me preparais regagner ma chambre quand se tournant vers moi le capitaine nemo me dit sans autre preambule voyez cet ocean monsieur le professeur estil pas doue une vie reelle atil pas ses coleres et ses tendresses hier il est endormi comme nous et le voila qui se reveille apres une nuit paisible ni bonjour ni bonsoir euton pas dit que cet etrange personnage continuait avec moi une conversation deja commencee regardez repritil il eveille sous les caresses du soleil il va revivre de son existence diurne est une interessante etude que de suivre le jeu de son organisme il possede un pouls des arteres il ses spasmes et je donne raison ce savant maury qui decouvert en lui une circulation aussi reelle que la circulation sanguine chez les animaux il est certain que le capitaine nemo attendait de moi aucune reponse et il me parut inutile de lui prodiguer les evidemment les coup sur et les vous avez raison il se parlait plutot luimeme prenant de longs temps entre chaque phrase etait une meditation voix haute oui ditil ocean possede une circulation veritable et pour la provoquer il suffi au createur de toutes choses de multiplier en lui le calorique le sel et les animalcules le calorique en effet cree des densites differentes qui amenent les courants et les contrecourants evaporation nulle aux regions hyperboreennes tresactive dans les zones equatoriales constitue un echange permanent des eaux tropicales et des eaux polaires en outre ai surpris ces courants de haut en bas et de bas en haut qui forment la vraie respiration de ocean ai vu la molecule eau de mer echauffee la surface redescendre vers les profondeurs atteindre son maximum de densite deux degres audessous de zero puis se refroidissant encore devenir plus legere et remonter vous verrez aux poles les consequences de ce phenomene et vous comprendrez pourquoi par cette loi de la prevoyante nature la congelation ne peut jamais se produire qu la surface des eaux pendant que le capitaine nemo achevait sa phrase je me disais le pole estce que cet audacieux personnage pretend nous conduire jusquela cependant le capitaine etait tu et regardait cet element si completement si incessamment etudie par lui puis reprenant les sels ditil sont en quantite considerable dans la mer monsieur le professeur et si vous enleviez tous ceux qu elle contient en dissolution vous en feriez une masse de quatre millions et demi de lieues cubes qui etalee sur le globe formerait une couche de plus de dix metres de hauteur et ne croyez pas que la presence de ces sels ne soit due qu un caprice de la nature non ils rendent les eaux marines moins evaporables et empechent les vents de leur enlever une trop grande quantite de vapeurs qui en se resolvant submergeraient les zones temperees role immense role de ponderateur dans economie generale du globe le capitaine nemo arreta se leva meme fit quelques pas sur la plateforme et revint vers moi quant aux infusoires repritil quant ces milliards animalcules qui existent par millions dans une gouttelette et dont il faut huit cent mille pour peser un milligramme leur role est pas moins important ils absorbent les sels marins ils assimilent les elements solides de eau et veritables faiseurs de continents calcaires ils fabriquent des coraux et des madrepores et alors la goutte eau privee de son aliment mineral allege remonte la surface absorbe les sels abandonnes par evaporation alourdit redescend et rapporte aux animalcules de nouveaux elements absorber de la un double courant ascendant et descendant et toujours le mouvement toujours la vie la vie plus intense que sur les continents plus exuberante plus infinie epanouissant dans toutes les parties de cet ocean element de mort pour homme aton dit element de vie pour des myriades animaux et pour moi quand le capitaine nemo parlait ainsi il se transfigurait et provoquait en moi une extraordinaire emotion aussi ajoutatil la est la vraie existence et je concevrais la fondation de villes nautiques agglomerations de maisons sousmarines qui comme le nautilus reviendraient respirer chaque matin la surface des mers villes libres il en fut cites independantes et encore qui sait si quelque despote le capitaine nemo acheva sa phrase par un geste violent puis adressant directement moi comme pour chasser une pensee funeste monsieur aronnax me demandatil savezvous quelle est la profondeur de ocean je sais du moins capitaine ce que les principaux sondages nous ont appris pourriezvous me les citer afin que je les controle au besoin en voici quelquesuns repondisje qui me reviennent la memoire si je ne me trompe on trouve une profondeur moyenne de huit mille deux cents metres dans atlantique nord et de deux mille cinq cents metres dans la mediterranee les plus remarquables sondes ont ete faites dans atlantique sud pres du trentecinquieme degre et elles ont donne douze mille metres quatorze mille quatrevingtonze metres et quinze mille cent quaranteneuf metres en somme on estime que si le fond de la mer etait nivele sa profondeur moyenne serait de sept kilometres environ bien monsieur le professeur repondit le capitaine nemo nous vous montrerons mieux que cela je espere quant la profondeur moyenne de cette partie du pacifique je vous apprendrai qu elle est seulement de quatre mille metres ceci dit le capitaine nemo se dirigea vers le panneau et disparut par echelle je le suivis et je regagnai le grand salon helice se mit aussitot en mouvement et le loch accusa une vitesse de vingt milles heure pendant les jours pendant les semaines qui ecoulerent le capitaine nemo fut tressobre de visites je ne le vis qu de rares intervalles son second faisait regulierement le point que je trouvais reporte sur la carte de telle sorte que je pouvais relever exactement la route du nautilus conseil et land passaient de longues heures avec moi conseil avait raconte son ami les merveilles de notre promenade et le canadien regrettait de ne nous avoir point accompagnes mais esperais que occasion se representerait de visiter les forets oceaniennes presque chaque jour pendant quelques heures les panneaux du salon ouvraient et nos yeux ne se fatiguaient pas de penetrer les mysteres du monde sousmarin la direction generale du nautilus etait sudest et il se maintenait entre cent metres et cent cinquante metres de profondeur un jour cependant par je ne sais quel caprice entraine diagonalement au moyen de ses plans inclines il atteignit les couches eau situees par deux mille metres le thermometre indiquait une temperature de centigrades temperature qui sous cette profondeur parait etre commune toutes les latitudes le novembre trois heures du matin le nautilus franchit le tropique du cancer par deg de longitude le il passa en vue des sandwich ou illustre cook trouva la mort le fevrier nous avions alors fait quatre mille huit cent soixante lieues depuis notre point de depart le matin lorsque arrivai sur la plateforme apercus deux milles sous le vent haouai la plus considerable des sept iles qui forment cet archipel je distinguai nettement sa lisiere cultivee les diverses chaines de montagnes qui courent parallelement la cote et ses volcans que domine le mounarea eleve de cinq mille metres audessus du niveau de la mer entre autres echantillons de ces parages les filets rapporterent des flabellaires pavonees polypes comprimes de forme gracieuse et qui sont particuliers cette partie de ocean la direction du nautilus se maintint au sudest il coupa equateur le er decembre par deg de longitude et le du meme mois apres une rapide traversee que ne signala aucun incident nous eumes connaissance du groupe des marquises apercus trois milles par deg de latitude sud et deg de longitude ouest la pointe martin de noukahiva la principale de ce groupe qui appartient la france je vis seulement les montagnes boisees qui se dessinaient horizon car le capitaine nemo aimait pas rallier les terres la les filets rapporterent de beaux specimens de poissons des choryphenes aux nageoires azurees et la queue or dont la chair est sans rivale au monde des hologymnoses peu pres depourvus ecailles mais un gout exquis des ostorhinques machoire osseuse des thasards jaunatres qui valaient la bonite tous poissons dignes etre classes office du bord apres avoir quitte ces iles charmantes protegees par le pavillon francais du au decembre le nautilus parcourut environ deux mille milles cette navigation fut marquee par la rencontre une immense troupe de calmars curieux mollusques tres voisins de la seiche les pecheurs francais les designent sous le nom encornets et ils appartiennent la classe des cephalopodes et la famille des dibranchiaux qui comprend avec eux les seiches et les argonautes ces animaux furent particulierement etudies par les naturalistes de antiquite et ils fournissaient de nombreuses metaphores aux orateurs de agora en meme temps qu un plat excellent la table des riches citoyens il faut en croire athenee medecin grec qui vivait avant gallien on pouvait compter ces calamar par millions ce fut pendant la nuit du au decembre que le nautilus rencontra cette armee de mollusques qui sont particulierement nocturnes on pouvait les compter par millions ils emigraient des zones temperees vers les zones plus chaudes en suivant itineraire des harengs et des sardines nous les regardions travers les epaisses vitres de cristal nageant reculons avec une extreme rapidite se mouvant au moyen de leur tube locomoteur poursuivant les poissons et les mollusques mangeant les petits manges des gros et agitant dans une confusion indescriptible les dix pieds que la nature leur implantes sur la tete comme une chevelure de serpents pneumatiques le nautilus malgre sa vitesse navigua pendant plusieurs heures au milieu de cette troupe animaux et ses filets en ramenerent une innombrable quantite ou je reconnus les neuf especes que orbigny classees pour ocean pacifique on le voit pendant cette traversee la mer prodiguait incessamment ses plus merveilleux spectacles elle les variait infini elle changeait son decor et sa mise en scene pour le plaisir de nos yeux et nous etions appeles non seulement contempler les oeuvres du createur au milieu de element liquide mais encore penetrer les plus redoutables mysteres de ocean pendant la journee du decembre etais occupe lire dans le grand salon ned land et conseil observaient les eaux lumineuses par les panneaux entr ouverts le nautilus etait immobile ses reservoirs remplis il se tenait une profondeur de mille metres region peut habitee des oceans dans laquelle les gros poissons faisaient seuls de rares apparitions je lisais en ce moment un livre charmant de jean mace les serviteurs de estomac et en savourais les lecons ingenieuses lorsque conseil interrompit ma lecture monsieur veutil venir un instant me ditil une voix singuliere qu atil donc conseil que monsieur regarde je me levai allai accouder devant la vitre et je regardai en pleine lumiere electrique une enorme masse noiratre immobile se tenait suspendue au milieu des eaux je observai attentivement cherchant reconnaitre la nature de ce gigantesque cetace mais une pensee traversa subitement mon esprit un navire ecriaije oui repondit le canadien un batiment desempare qui coule pic nous etions en presence un navire ned land ne se trompait pas nous etions en presence un navire dont les haubans coupes pendaient encore leurs cadenes sa coque paraissait etre en bon etat et son naufrage datait au plus de quelques heures trois troncons de mats rases deux pieds audessus du pont indiquaient que ce navire engage avait du sacrifier sa mature mais couche sur le flanc il etait rempli et il donnait encore la bande babord triste spectacle que celui de cette carcasse perdue sous les flots mais plus triste encore la vue de son pont ou quelques cadavres amarres par des cordes gisaient encore en comptai quatre quatre hommes dont un se tenait debout au gouvernail puis une femme demisortie par la clairevoie de la dunette et tenant un enfant dans ses bras cette femme etait jeune je pus reconnaitre vivement eclaires par les feux du nautilus ses traits que eau avait pas encore decomposes dans un supreme effort elle avait eleve audessus de sa tete son enfant pauvre petit etre dont les bras enlacaient le cou de sa mere attitude des quatre marins me parut effrayante tordus qu ils etaient dans des mouvements convulsifs et faisant un dernier effort pour arracher des cordes qui les liaient au navire seul plus calme la face nette et grave ses cheveux grisonnants colles son front la main crispee la roue du gouvernail le timonier semblait encore conduire son troismats naufrage travers les profondeurs de ocean quelle scene nous etions muets le coeur palpitant devant ce naufrage pris sur le fait et pour ainsi dire photographie sa derniere minute et je voyais deja avancer oeil en feu enormes squales attires par cet appat de chair humaine cependant le nautilus evoluant tourna autour du navire submerge et un instant je pus lire sur son tableau arriere florida sunderland chapitre xix vanikoro ce terrible spectacle inaugurait la serie des catastrophes maritimes que le nautilus devait renconter sur sa route depuis qu il suivait des mers plus frequentees nous apercevions souvent des coques naufragees qui achevaient de pourrir entre deux eaux et plus profondement des canons des boulets des ancres des chaines et mille autres objets de fer que la rouille devorait cependant toujours entraines par ce nautilus ou nous vivions comme isoles le decembre nous eumes connaissance de archipel des pomotou ancien groupe dangereux de bougainville qui etend sur un espace de cinq cents lieues de estsudest ouestnordouest entre deg et deg de latitude sud et deg et deg de longitude ouest depuis ile ducie jusqu ile lazareff cet archipel couvre une superficie de trois cent soixantedix lieues carrees et il est forme une soixantaine de groupes iles parmi lesquels on remarque le groupe gambier auquel la france impose son protectorat ces iles sont coralligenes un soulevement lent mais continu provoque par le travail des polypes les reliera un jour entre elles puis cette nouvelle ile se soudera plus tard aux archipels voisins et un cinquieme continent etendra depuis la nouvellezelande et la nouvellecaledonie jusqu aux marquises le jour ou je developpai cette theorie devant le capitaine nemo il me repondit froidement ce ne sont pas de nouveaux continents qu il faut la terre mais de nouveaux hommes les hasards de sa navigation avaient precisement conduit le nautilus vers ile clermonttonnerre une des plus curieuses du groupe qui fut decouvert en par le capitaine bell de la minerve je pus alors etudier ce systeme madreporique auquel sont dues les iles de cet ocean les madrepores qu il faut se garder de confondre avec les coraux ont un tissu revetu un encroutement calcaire et les modifications de sa structure ont amene milneedwards mon illustre maitre les classer en cinq sections les petits animalcules qui secretent ce polypier vivent par milliards au fond de leurs cellules ce sont leurs depots calcaires qui deviennent rochers recifs ilots iles ici ils forment un anneau circulaire entourant un lagon ou un petit lac interieur que des breches mettent en communication avec la mer la ils figurent des barrieres de recifs semblables celles qui existent sur les cotes de la nouvellecaledonie et de diverses iles des pomotou en autres endroits comme la reunion et maurice ils elevent des recifs franges hautes murailles droites pres desquelles les profondeurs de ocean sont considerables en prolongeant quelques encablures seulement les accores de ile clermonttonnerre admirai ouvrage gigantesque accompli par ces travailleurs microscopiques ces murailles etaient specialement oeuvre des madreporaires designes par les noms de millepores de porites astrees et de meandrines ces polypes se developpent particulierement dans les couches agitees de la surface de la mer et par consequent est par leur partie superieure qu ils commencent ces substructions lesquelles enfoncent peu peu avec les debris de secretions qui les supportent telle est du moins la theorie de darwin qui explique ainsi la formation des atolls theorie superieure selon moi celle qui donne pour base aux travaux madreporiques des sommets de montagnes ou de volcans immerges quelques pieds audessous du niveau de la mer je pus observer de trespres ces curieuses murailles car leur aplomb la sonde accusait plus de trois cents metres de profondeur et nos nappes electriques faisaient etinceler ce brillant calcaire repondant une question que me posa conseil sur la duree accroissement de ces barrieres colossales je etonnai beaucoup en lui disant que les savants portaient cet accroissement un huitieme de pouce par siecle donc pour elever ces murailles me ditil il fallu cent quatrevingtdouze mille ans mon brave conseil ce qui allonge singulierement les jours bibliques ailleurs la formation de la houille estadire la mineralisation des forets enlisees par les deluges exige un temps beaucoup plus considerable mais ajouterai que les jours de la bible ne sont que des epoques et non intervalle qui ecoule entre deux levers de soleil car apres la bible ellememe le soleil ne date pas du premier jour de la creation lorsque le nautilus revint la surface de ocean je pus embrasser dans tout son developpement cette ile de clermonttonnerre basse et boisee ses roches madreporiques furent evidemment fertilisees par les trombes et les tempetes un jour quelque graine enlevee par ouragan aux terres voisines tomba sur les couches calcaires melees des detritus decomposes de poissons et de plantes marines qui formerent humus vegetal une noix de coco poussee par les lames arriva sur cette cote nouvelle le germe prit racine arbre grandissant arreta la vapeur eau le ruisseau naquit la vegetation gagna peu peu quelques animalcules des vers des insectes aborderent sur des troncs arraches aux iles du vent les tortues vinrent pondre leurs oeufs les oiseaux nicherent dans les jeunes arbres de cette facon la vie animale se developpa et attire par la verdure et la fertilite homme apparut ainsi se formerent ces iles oeuvres immenses animaux microscopiques vers le soir clermonttonnerre se fondit dans eloignement et la route du nautilus se modifia une maniere sensible apres avoir touche le tropique du capricorne par le cent trentecinquieme degre de longitude il se dirigea vers ouestnordouest remontant toute la zone intertropicale quoique le soleil de ete fut prodigue de ses rayons nous ne souffrions aucunement de la chaleur car trente ou quarante metres audessous de eau la temperature ne elevait pas audessus de dix douze degres le decembre nous laissions dans est le seduisant archipel de la societe et la gracieuse taiti la reine du pacifique apercus le matin quelques milles sous le vent les sommets eleves de cette ile ses eaux fournirent aux tables du bord excellents poissons des maquereaux des bonites des albicores et des varietes un serpent de mer nomme munerophis le nautilus avait franchi huit mille cent milles neuf mille sept cent vingt milles etaient releves au loch lorsqu il passa entre archipel de tongatabou ou perirent les equipages de argo du portauprince et du dukeofportland et archipel des navigateurs ou fut tue le capitaine de langle ami de la perouse puis il eut connaissance de archipel viti ou les sauvages massacrerent les matelots de union et le capitaine bureau de nantes commandant aimablejosephine cet archipel qui se prolonge sur une etendue de cent lieues du nord au sud et sur quatrevingtdix lieues de est ouest est compris entre deg et deg de latitude sud et deg et deg de longitude ouest il se compose un certain nombre iles ilots et ecueils parmi lesquels on remarque les iles de vitilevou de vanoualevou et de kandubon ce fut tasman qui decouvrit ce groupe en annee meme ou toricelli inventait le barometre et ou louis xiv montait sur le trone je laisse penser lequel de ces faits fut le plus utile humanite vinrent ensuite cook en entrecasteaux en et enfin dumontd urville en debrouilla tout le chaos geographique de cet archipel le nautilus approcha de la baie de wailea theatre des terribles aventures de ce capitaine dillon qui le premier eclaira le mystere du naufrage de la perouse cette baie draguee plusieurs reprises fournit abondamment des huitres excellentes nous en mangeames immoderement apres les avoir ouvertes sur notre table meme suivant le precepte de seneque ces mollusques appartenaient espece connue sous le nom ostrea lamellosa qui est trescommune en corse ce banc de wailea devait etre considerable et certainement sans des causes multiples de destruction ces agglomerations finiraient par combler les baies puisque on compte jusqu deux millions oeufs dans un seul individu et si maitre ned land eut pas se repentir de sa gloutonnerie en cette circonstance est que huitre est le seul mets qui ne provoque jamais indigestion en effet il ne faut pas moins de seize douzaines de ces mollusques acephales pour fournir les trois cent quinze grammes de substance azotee necessaires la nourriture quotidienne un seul homme le decembre le nautilus naviguait au milieu de archipel des nouvelleshebrides que quiros decouvrit en que bougainville explora en et auquel cook donna son nom actuel en ce groupe se compose principalement de neuf grandes iles et forme une bande de cent vingt lieues du nordnordouest au sudsudest comprise entre deg et deg de latitude sud et entre deg et deg de longitude nous passames assez pres de ile aurou qui au moment des observations de midi apparut comme une masse de bois verts dominee par un pic une grande hauteur ce jourla etait noel et ned land me sembla regretter vivement la celebration du christmas la veritable fete de la famille dont les protestants sont fanatiques je avais pas apercu le capitaine nemo depuis une huitaine de jours quand le au matin il entra dans le grand salon ayant toujours air un homme qui vous quitte depuis cinq minutes etais occupe reconnaitre sur le planisphere la route du nautilus le capitaine approcha posa un doigt sur un point de la carte et prononca ce seul mot vanikoro ce nom fut magique etait le nom des ilots sur lesquels vinrent se perdre les vaisseaux de la perouse je me relevai subitement le nautilus nous porte vanikoro demandaije oui monsieur le professeur repondit le capitaine et je pourrai visiter ces iles celebres ou se briserent la boussole et astrolabe si cela vous plait monsieur le professeur quand seronsnous vanikoro nous sommes monsieur le professeur suivi du capitaine nemo je montai sur la plateforme et de la mes regards parcoururent avidement horizon ile de vanikoro dans le nordest emergeaient deux iles volcaniques inegale grandeur entourees un recif de coraux qui mesurait quarante milles de circuit nous etions en presence de ile de vanikoro proprement dite laquelle dumont urville imposa le nom ile de la recherche et precisement devant le petit havre de vanou situe par deg de latitude sud et deg de longitude est les terres semblaient recouvertes de verdure depuis la plage jusqu aux sommets de interieur que dominait le mont kapogo haut de quatre cent soixanteseize toises le nautilus apres avoir franchi la ceinture exterieure de roches par une etroite passe se trouva en dedans des brisants ou la mer avait une profondeur de trente quarante brasses sous le verdoyant ombrage des paletuviers apercus quelques sauvages qui montrerent une extreme surprise notre approche dans ce long corps noiratre avancant fleur eau ne voyaientils pas quelque cetace formidable dont ils devaient se defier en ce moment le capitaine nemo me demanda ce que je savais du naufrage de la perouse ce que tout le monde en sait capitaine lui repondisje et pourriezvous apprendre ce que tout le monde en sait me demandatil un ton un peu ironique tresfacilement je lui racontai ce que les derniers travaux de dumont urville avaient fait connaitre travaux dont voici le resume tressuccinct la perouse et son second le capitaine de langle furent envoyes par louis xvi en pour accomplir un voyage de circumnavigation ils montaient les corvettes la boussole et astrolabe qui ne reparurent plus en le gouvernement francais justement inquiet du sort des deux corvettes arma deux grandes flutes la recherche et esperance qui quitterent brest le septembre sous les ordres de bruni entrecasteaux deux mois apres on apprenait par la deposition un certain bowen commandant albermale que des debris de navires naufrages avaient ete vus sur les cotes de la nouvellegeorgie mais entrecasteaux ignorant cette communication assez incertaine ailleurs se dirigea vers les iles de amiraute designees dans un rapport du capitaine hunter comme etant le lieu du naufrage de la perouse ses recherches furent vaines esperance et la recherche passerent meme devant vanikoro sans arreter et en somme ce voyage fut tresmalheureux car il couta la vie entrecasteaux deux de ses seconds et plusieurs marins de son equipage ce fut un vieux routier du pacifique le capitaine dillon qui le premier retrouva des traces indiscutables des naufrages le mai son navire le saintpatrick passa pres de ile de tikopia une des nouvelleshebrides la un lascar ayant accoste dans une pirogue lui vendit une poignee epee en argent qui portait empreinte de caracteres graves au burin ce lascar pretendait en outre que six ans auparavant pendant un sejour vanikoro il avait vu deux europeens qui appartenaient des navires echoues depuis de longues annees sur les recifs de ile dillon devina qu il agissait des navires de la perouse dont la disparition avait emu le monde entier il voulut gagner vanikoro ou suivant le lascar se trouvaient de nombreux debris du naufrage mais les vents et les courants en empecherent dillon revint calcutta la il sut interesser sa decouverte la societe asiatique et la compagnie des indes un navire auquel on donna le nom de la recherche fut mis sa disposition et il partit le janvier accompagne un agent francais la recherche apres avoir relache sur plusieurs points du pacifique mouilla devant vanikoro le juillet dans ce meme havre de vanou ou le nautilus flottait en ce moment la il recueillit de nombreux restes du naufrage des ustensiles de fer des ancres des estropes de poulies des pierriers un boulet de dixhuit des debris instruments astronomie un morceau de couronnement et une cloche en bronze portant cette inscription bazin fait marque de la fonderie de arsenal de brest vers le doute etait donc plus possible dillon completant ses renseignements resta sur le lieu du sinistre jusqu au mois octobre puis il quitta vanikoro se dirigea vers la nouvellezelande mouilla calcutta le avril et revint en france ou il fut tressympathiquement accueilli par charles mais ce moment dumont urville sans avoir eu connaissance des travaux de dillon etait deja parti pour chercher ailleurs le theatre du naufrage et en effet on avait appris par les rapports un baleinier que des medailles et une croix de saintlouis se trouvaient entre les mains des sauvages de la louisiade et de la nouvellecaledonie dumont urville commandant astrolabe avait donc pris la mer et deux mois apres que dillon venait de quitter vanikoro il mouillait devant hobarttown la il avait connaissance des resultats obtenus par dillon et de plus il apprenait qu un certain james hobbs second de union de calcutta ayant pris terre sur une ile situee par deg de latitude sud et deg de longitude est avait remarque des barres de fer et des etoffes rouges dont se servaient les naturels de ces parages dumont urville assez perplexe et ne sachant il devait ajouter foi ces recits rapportes par des journaux peu dignes de confiance se decida cependant se lancer sur les traces de dillon le fevrier astrolabe se presenta devant tikopia prit pour guide et interprete un deserteur fixe sur cette ile fit route vers vanikoro en eut connaissance le fevrier prolongea ses recifs jusqu au et le seulement mouilla audedans de la barriere dans le havre de vanou le plusieurs des officiers firent le tour de ile et rapporterent quelques debris peu importants les naturels adoptant un systeme de denegations et de fauxfuyants refusaient de les mener sur le lieu du sinistre cette conduite treslouche laissa croire qu ils avaient maltraite les naufrages et en effet ils semblaient craindre que dumont urville ne fut venu venger la perouse et ses infortunes compagnons cependant le decides par des presents et comprenant qu ils avaient craindre aucune represaille ils conduisirent le second jacquinot sur le theatre du naufrage la par trois ou quatre brasses eau entre les recifs pacou et vanou gisaient des ancres des canons des saumons de fer et de plomb empates dans les concretions calcaires la chaloupe et la baleiniere de astrolabe furent dirigees vers cet endroit et non sans de longues fatigues leurs equipages parvinrent retirer une ancre pesant dixhuit cents livres un canon de huit en fonte un saumon de plomb et deux pierriers de cuivre dumont urville interrogeant les naturels apprit aussi que la perouse apres avoir perdu ses deux navires sur les recifs de ile avait construit un batiment plus petit pour aller se perdre une seconde fois ou on ne savait le commandant de astrolabe fit alors elever sous une touffe de mangliers un cenotaphe la memoire du celebre navigateur et de ses compagnons ce fut une simple pyramide quadrangulaire assise sur une base de coraux et dans laquelle entra aucune ferrure qui put tenter la cupidite des naturels puis dumont urville voulut partir mais ses equipages etaient mines par les fievres de ces cotes malsaines et tresmalade luimeme il ne put appareiller que le mars cependant le gouvernement francais craignant que dumont urville ne fut pas au courant des travaux de dillon avait envoye vanikoro la corvette la bayonnaise commandee par legoarant de tromelin qui etait en station sur la cote ouest de amerique la bayonnaise mouilla devant vanikoro quelques mois apres le depart de astrolabe ne trouva aucun document nouveau mais constata que les sauvages avaient respecte le mausolee de la perouse telle est la substance du recit que je fis au capitaine nemo ainsi me ditil on ne sait encore ou est alle perir ce troisieme navire construit par les naufrages sur ile de vanikoro on ne sait le capitaine nemo ne repondit rien et me fit signe de le suivre au grand salon le nautilus enfonca de quelques metres audessous des flots et les panneaux ouvrirent je me precipitai vers la vitre et sous les empatements de coraux revetus de fongies de syphonules alcyons de cariophyllees travers des myriades de poissons charmants des girelles des glyphisidons des pompherides des diacopes des holocentres je reconnus certains debris que les dragues avaient pu arracher des etriers de fer des ancres des canons des boulets une garniture de cabestan une etrave tous objets provenant des navires naufrages et maintenant tapisses de fleurs vivantes et pendant que je regardais ces epaves desolees le capitaine nemo me dit une voix grave le commandant la perouse partit le decembre avec ses navires la boussole et astrolabe il mouilla abord botanybay visita archipel des amis la nouvellecaledonie se dirigea vers santacruz et relacha namouka une des iles du groupe hapai puis ses navires arriverent sur les recifs inconnus de vanikoro la boussole qui marchait en avant engagea sur la cote meridionale astrolabe vint son secours et echoua de meme le premier navire se detruisit presque immediatement le second engrave sous le vent resista quelques jours les naturels firent assez bon accueil aux naufrages ceuxci installerent dans ile et construisirent un batiment plus petit avec les debris des deux grands quelques matelots resterent volontairement vanikoro les autres affaiblis malades partirent avec la perouse ils se dirigerent vers les iles salomon et ils perirent corps et biens sur la cote occidentale de ile principale du groupe entre les caps deception et satisfaction et comment le savezvous ecriaije voici ce que ai trouve sur le lieu meme de ce dernier naufrage je vis une liasse de papiers jaunis le capitaine nemo me montra une boite de ferblanc estampillee aux armes de france et toute corrodee par les eaux salines il ouvrit et je vis une liasse de papiers jaunis mais encore lisibles etaient les instructions meme du ministre de la marine au commandant la perouse annotees en marge de la main de louis xvi ah est une belle mort pour un marin dit alors le capitaine nemo est une tranquille tombe que cette tombe de corail et fasse le ciel que mes compagnons et moi nous en ayons jamais autre chapitre xx le detroit de torres pendant la nuit du au decembre le nautilus abandonna les parages de vanikoro avec une vitesse excessive sa direction etait sudouest et en trois jours il franchit les sept cent cinquante lieues qui separent le groupe de la perouse de la pointe sudest de la papouasie le er janvier de grand matin conseil me rejoignit sur la plateforme monsieur me dit ce brave garcon monsieur me permettratil de lui souhaiter une bonne annee comment donc conseil mais exactement comme si etais paris dans mon cabinet du jardin des plantes accepte tes voeux et je en remercie seulement je te demanderai ce que tu entends par une bonne annee dans les circonstances ou nous nous trouvons estce annee qui amenera la fin de notre emprisonnement ou annee qui verra se continuer cet etrange voyage ma foi repondit conseil je ne sais trop que dire monsieur il est certain que nous voyons de curieuses choses et que depuis deux mois nous avons pas eu le temps de nous ennuyer la derniere merveille est toujours la plus etonnante et si cette progression se maintient je ne sais pas comment cela finira est avis que nous ne retrouverons jamais une occasion semblable jamais conseil en outre monsieur nemo qui justifie bien son nom latin est pas plus genant que il existait pas comme tu le dis conseil je pense donc en deplaise monsieur qu une bonne annee serait une annee qui nous permettrait de tout voir de tout voir conseil ce serait peutetre long mais qu en pense ned land ned land pense exactement le contraire de moi repondit conseil est un esprit positif et un estomac imperieux regarder les poissons et toujours en manger ne lui suffit pas le manque de vin de pain de viande cela ne convient guere un digne saxon auquel les beefsteaks sont familiers et que le brandy ou le gin pris dans une proportion moderee effrayent guere pour mon compte conseil ce est point la ce qui me tourmente et je accommode tres bien du regime du bord moi de meme repondit conseil aussi je pense autant rester que maitre land prendre la fuite donc si annee qui commence est pas bonne pour moi elle le sera pour lui et reciproquement de cette facon il aura toujours quelqu un de satisfait enfin pour conclure je souhaite monsieur ce qui fera plaisir monsieur merci conseil seulement je te demanderai de remettre plus tard la question des etrennes et de les remplacer provisoirement par une bonne poignee de main je ai que cela sur moi monsieur jamais ete si genereux repondit conseil et ladessus le brave garcon en alla le janvier nous avions fait onze mille trois cent quarante milles soit cinq mille deux cent cinquante lieues depuis notre point de depart dans les mers du japon devant eperon du nautilus etendaient les dangereux parages de la mer de corail sur la cote nordest de australie notre bateau prolongeait une distance de quelques milles ce redoutable banc sur lequel les navires de cook faillirent se perdre le juin le batiment que montait cook donna sur un roc et il ne coula pas ce fut grace cette circonstance que le morceau de corail detache au choc resta engage dans la coque entr ouverte aurais vivement souhaite de visiter ce recif long de trois cent soixante lieues contre lequel la mer toujours houleuse se brisait avec une intensite formidable et comparable aux roulements du tonnerre mais en ce moment les plans inclines du nautilus nous entrainaient une grande profondeur et je ne pus rien voir de ces hautes murailles coralligenes je dus me contenter des divers echantillons de poissons rapportes par nos filets je remarquai entre autres des germons especes de scombres grands comme des thons aux flancs bleuatres et rayes de bandes transversales qui disparaissent avec la vie de animal ces poissons nous accompagnaient par troupes et fournirent notre table une chair excessivement delicate on prit aussi un grand nombre de spares vertors longs un demidecimetre ayant le gout de la dorade et des pyrapedes volants veritables hirondelles sousmarines qui par les nuits obscures rayent alternativement les airs et les eaux de leurs lueurs phosphorescentes parmi les mollusques et les zoophytes je trouvai dans les mailles du chalut diverses especes alcyoniaires des oursins des marteaux des eperons des cadrans des cerites des hyalles la flore etait representee par de belles algues flottantes des laminaires et des macrocystes impregnees du mucilage qui transsudait travers leurs pores et parmi lesquelles je recueillis une admirable nemastoma geliniaroide qui fut classee parmi les curiosites naturelles du musee deux jours apres avoir traverse la mer de corail le janvier nous eumes connaissance des cotes de la papouasie cette occasion le capitaine nemo apprit que son intention etait de gagner ocean indien par le detroit de torres sa communication se borna la ned vit avec plaisir que cette route le rapprochait des mers europeennes ce detroit de torres est regarde comme non moins dangereux par les ecueils qui le herissent que par les sauvages habitants qui frequentent ses cotes il separe de la nouvellehollande la grande ile de la papouasie nommee aussi nouvelleguinee la papouasie quatre cents lieues de long sur cent trente lieues de large et une superficie de quarante mille lieues geographiques elle est situee en latitude entre deg et deg sud et en longitude entre deg et deg midi pendant que le second prenait la hauteur du soleil apercus les sommets des monts arfalxs eleves par plans et termines par des pitons aigus cette terre decouverte en par le portugais francisco serrano fut visitee successivement par don jose de meneses en par grijalva en par le general espagnol alvar de saavedra en par juigo ortez en par le hollandais shouten en par nicolas sruick en par tasman dampier fumel carteret edwards bougainville cook forrest mac cluer par entrecasteaux en par duperrey en et par dumont urville en est le foyer des noirs qui occupent toute la malaisie dit de rienzi et je ne me doutais guere que les hasards de cette navigation allaient me mettre en presence des redoutables andamenes le nautilus se presenta donc entree du plus dangereux detroit du globe de celui que les plus hardis navigateurs osent peine franchir detroit que louis paz de torres affronta en revenant des mers du sud dans la melanesie et dans lequel en les corvettes echouees de dumont urville furent sur le point de se perdre corps et biens le nautilus luimeme superieur tous les dangers de la mer allait cependant faire connaissance avec les recifs coralliens le detroit de torres environ trentequatre lieues de large mais il est obstrue par une innombrable quantite iles ilots de brisants de rochers qui rendent sa navigation presque impraticable en consequence le capitaine nemo prit toutes les precautions voulues pour le traverser le nautilus flottant fleur eau avancait sous une allure moderee son helice comme une queue de cetace battait les flots avec lenteur profitant de cette situation mes deux compagnons et moi nous avions pris place sur la plateforme toujours deserte devant nous elevait la cage du timonier et je me trompe fort ou le capitaine nemo devait etre la dirigeant luimeme son nautilus avais sous les yeux les excellentes cartes du detroit de torres levees et dressees par ingenieur hydrographe vincendon dumoulin et enseigne de vaisseau coupventdesbois maintenant amiral qui faisaient partie de etatmajor de dumontd urville pendant son dernier voyage de circumnavigation ce sont avec celles du capitaine king les meilleures cartes qui debrouillent imbroglio de cet etroit passage et je les consultais avec une scrupuleuse attention autour du nautilus la mer bouillonnait avec furie le courant de flots qui portait du sudest au nordouest avec une vitesse de deux milles et demi se brisait sur les coraux dont la tete emergeait ca et la voila une mauvaise mer me dit ned land detestable en effet repondisje et qui ne convient guere un batiment comme le nautilus il faut reprit le canadien que ce damne capitaine soit bien certain de sa route car je vois la des pates de coraux qui mettraient sa coque en mille pieces si elle les effleurait seulement en effet la situation etait perilleuse mais le nautilus semblait se glisser comme par enchantement au milieu de ces furieux ecueils il ne suivait pas exactement la route de astrolabe et de la zelee qui fut fatale dumont urville il prit plus au nord rangea ile murray et revint au sudouest vers le passage de cumberland je croyais qu il allait donner franchement quand remontant dans le nordouest il se porta travers une grande quantite iles et ilots peu connus vers ile tound et le canal mauvais je me demandais deja si le capitaine nemo imprudent jusqu la folie voulait engager son navire dans cette passe ou toucherent les deux corvettes de dumont urville quand modifiant une seconde fois sa direction et coupant droit ouest il se dirigea vers ile gueboroar il etait alors trois heures apresmidi le flot se cassait la maree etant presque pleine le nautilus approcha de cette ile que je vois encore avec sa remarquable lisiere de pendanus nous la rangions moins de deux milles le nautilus venait de toucher soudain un choc me renversa le nautilus venait de toucher contre un ecueil et il demeura immobile donnant une legere gite sur babord quand je me relevai apercus sur la plateforme le capitaine nemo et son second ils examinaient la situation du navire echangeant quelques mots dans leur incomprehensible idiome voici quelle etait cette situation deux milles par tribord apparaissait ile gueboroar dont la cote arrondissait du nord ouest comme un immense bras vers le sud et est se montraient deja quelques tetes de coraux que le jusant laissait decouvert nous nous etions echoues au plein et dans une de ces mers ou les marees sont mediocres circonstance facheuse pour le renflouage du nautilus cependant le navire avait aucunement souffert tant sa coque etait solidement liee mais il ne pouvait ni couler ni ouvrir il risquait fort etre jamais attache sur ces ecueils et alors en etait fait de appareil sousmarin du capitaine nemo je reflechissais ainsi quand le capitaine froid et calme toujours maitre de lui ne paraissant ni emu ni contrarie approcha un accident lui disje non un incident me reponditil mais un incident repliquaije qui vous obligera peutetre redevenir un habitant de ces terres que vous fuyez le capitaine nemo me regarda un air singulier et fit un geste negatif etait me dire assez clairement que rien ne le forcerait jamais remettre les pieds sur un continent puis il dit ailleurs monsieur aronnax le nautilus est pas en perdition il vous transportera encore au milieu des merveilles de ocean notre voyage ne fait que commencer et je ne desire pas me priver si vite de honneur de votre compagnie cependant capitaine nemo reprisje sans relever la tournure ironique de cette phrase le nautilus est echoue au moment de la pleine mer or les marees ne sont pas fortes dans le pacifique et si vous ne pouvez delester le nautilus ce qui me parait impossible je ne vois pas comment il sera renfloue les marees ne sont pas fortes dans le pacifique vous avez raison monsieur le professeur repondit le capitaine nemo mais au detroit de torres on trouve encore une difference un metre et demi entre le niveau des hautes et basses mers est aujourd hui le janvier et dans cinq jours la pleine lune or je serai bien etonne si ce complaisant satellite ne souleve pas suffisamment ces masses eau et ne me rend pas un service que je ne veux devoir qu lui seul ceci dit le capitaine nemo suivi de son second redescendit interieur du nautilus quant au batiment il ne bougeait plus et demeurait immobile comme si les polypes coralliens eussent deja maconne dans leur indestructible ciment eh bien monsieur me dit ned land qui vint moi apres le depart du capitaine eh bien ami ned nous attendrons tranquillement la maree du car il parait que la lune aura la complaisance de nous remettre flot tout simplement tout simplement et ce capitaine ne va pas mouiller ses ancres au large mettre sa machine sur ses chaines et tout faire pour se dehaler puisque la maree suffira repondit simplement conseil le canadien regarda conseil puis il haussa les epaules etait le marin qui parlait en lui monsieur repliquatil vous pouvez me croire quand je vous dis que ce morceau de fer ne naviguera plus jamais ni sur ni sous les mers il est bon qu vendre au poids je pense donc que le moment est venu de fausser compagnie au capitaine nemo ami ned repondisje je ne desespere pas comme vous de ce vaillant nautilus et dans quatre jours nous saurons quoi nous en tenir sur les marees du pacifique ailleurs le conseil de fuir pourrait etre opportun si nous etions en vue des cotes de angleterre ou de la provence mais dans les parages de la papouasie est autre chose et il sera toujours temps en venir cette extremite si le nautilus ne parvient pas se relever ce que je regarderais comme un evenement grave mais ne sauraiton tater au moins de ce terrain reprit ned land voila une ile sur cette ile il des arbres sous ces arbres des animaux terrestres des porteurs de cotelettes et de roastbeefs auxquels je donnerais volontiers quelques coups de dents ici ami ned raison dit conseil et je me range son avis monsieur ne pourraitil obtenir de son ami le capitaine nemo de nous transporter terre ne futce que pour ne pas perdre habitude de fouler du pied les parties solides de notre planete je peux le lui demander repondisje mais il refusera que monsieur se risque dit conseil et nous saurons quoi nous en tenir sur amabilite du capitaine ma grande surprise le capitaine nemo accorda la permission que je lui demandais et il le fit avec beaucoup de grace et empressement sans meme avoir exige de moi la promesse de revenir bord mais une fuite travers les terres de la nouvelleguinee eut ete tres perilleuse et je aurais pas conseille ned land de la tenter mieux valait etre prisonnier bord du nautilus que de tomber entre les mains des naturels de la papouasie le canot fut mis notre disposition pour le lendemain matin je ne cherchai pas savoir si le capitaine nemo nous accompagnerait je pensai meme qu aucun homme de equipage ne nous serait donne et que ned land serait seul charge de diriger embarcation ailleurs la terre se trouvait deux milles au plus et ce etait qu un jeu pour le canadien de conduire ce leger canot entre les lignes de recifs si fatales aux grands navires le lendemain janvier le canot deponte fut arrache de son alveole et lance la mer du haut de la plateforme deux hommes suffirent cette operation les avirons etaient dans embarcation et nous avions plus qu prendre place huit heures armes de fusils et de haches nous debordions du nautilus la mer etait assez calme une petite brise soufflait de terre conseil et moi places aux avirons nous nagions vigoureusement et ned gouvernait dans les etroites passes que les brisants laissaient entre eux le canot se maniait bien et filait rapidement ned land ne pouvait contenir sa joie etait un prisonnier echappe de sa prison et il ne songeait guere qu il lui faudrait rentrer de la viande repetaitil nous allons donc manger de la viande et quelle viande du veritable gibier pas de pain par exemple je ne dis pas que le poisson ne soit une bonne chose mais il ne faut pas en abuser et un morceau de fraiche venaison grille sur des charbons ardents variera agreablement notre ordinaire gourmand repondait conseil il en fait venir eau la bouche il reste savoir disje si ces forets sont giboyeuses et si le gibier est pas de telle taille qu il puisse luimeme chasser le chasseur bon monsieur aronnax repondit le canadien dont les dents semblaient etre affutees comme un tranchant de hache mais je mangerai du tigre de aloyau de tigre il pas autre quadrupede dans cette ile ami ned est inquietant repondit conseil quel qu il soit reprit ned land tout animal quatre pattes sans plumes ou deux pattes avec plumes sera salue de mon premier coup de fusil bon repondisje voila les imprudences de maitre land qui vont recommencer ayez pas peur monsieur aronnax repondit le canadien et nagez ferme je ne demande pas vingtcinq minutes pour vous offrir un mets de ma facon huit heures et demie le canot du nautilus venait echouer doucement sur une greve de sable apres avoir heureusement franchi anneau coralligene qui entourait ile de gueboroar chapitre xxi quelques jours terre je fus assez vivement impressionne en touchant terre ned land essayait le sol du pied comme pour en prendre possession il avait pourtant que deux mois que nous etions suivant expression du capitaine nemo les passagers du nautilus estadire en realite les prisonniers de son commandant tout horizon se cachait derriere un rideau de forets en quelques minutes nous fumes une portee de fusil de la cote le sol etait presque entierement madreporique mais certains lits de torrents desseches semes de debris granitiques demontraient que cette ile etait due une formation primordiale tout horizon se cachait derriere un rideau de forets admirables des arbres enormes dont la taille atteignait parfois deux cents pieds se reliaient un autre par des guirlandes de lianes vrais hamacs naturels que bercait une brise legere etaient des mimosas des ficus des casuarinas des teks des hibiscus des pendanus des palmiers melanges profusion et sous abri de leur voute verdoyante au pied de leur stipe gigantesque croissaient des orchidees des legumineuses et des fougeres mais sans remarquer tous ces beaux echantillons de la flore papouasienne le canadien abandonna agreable pour utile il apercut un cocotier abattit quelquesuns de ses fruits les brisa et nous bumes leur lait nous mangeames leur amande avec une satisfaction qui protestait contre ordinaire du nautilus excellent disait ned land exquis repondait conseil et je ne pense pas dit le canadien que votre nemo oppose ce que nous introduisions une cargaison de cocos son bord je ne le crois pas repondisje mais il voudra pas gouter tant pis pour lui dit conseil et tant mieux pour nous riposta ned land il en restera davantage un mot seulement maitre land disje au harponneur qui se disposait ravager un autre cocotier le coco est une bonne chose mais avant en remplir le canot il me parait sage de reconnaitre si ile ne produit pas quelque substance non moins utile des legumes frais seraient bien recus office du nautilus monsieur raison repondit conseil et je propose de reserver trois places dans notre embarcation une pour les fruits autre pour les legumes et la troisieme pour la venaison dont je ai pas encore entrevu le plus mince echantillon conseil il ne faut desesperer de rien repondit le canadien continuons donc notre excursion reprisje mais ayons oeil aux aguets quoique ile paraisse inhabitee elle pourrait renfermer cependant quelques individus qui seraient moins difficiles que nous sur la nature du gibier he he fit ned land avec un mouvement de machoire tressignificatif eh bien ned ecria conseil ma foi riposta le canadien je commence comprendre les charmes de anthropophagie ned ned que ditesvous la repliqua conseil vous anthropophage mais je ne serai plus en surete pres de vous moi qui partage votre cabine devraije donc me reveiller un jour demi devore ami conseil je vous aime beaucoup mais pas assez pour vous manger sans necessite je ne fie pas repondit conseil en chasse il faut absolument abattre quelque gibier pour satisfaire ce cannibale ou bien un de ces matins monsieur ne trouvera plus que des morceaux de domestique pour le servir tandis que echangeaient ces divers propos nous penetrions sous les sombres voutes de la foret et pendant deux heures nous la parcourumes en tous sens le hasard servit souhait cette recherche de vegetaux comestibles et un des plus utiles produits des zones tropicales nous fournit un aliment precieux qui manquait bord je veux parler de arbre pain tres abondant dans ile gueboroar et remarquai principalement cette variete depourvue de graines qui porte en malais le nom de rima cet arbre se distinguait des autres arbres par un tronc droit et haut de quarante pieds sa cime gracieusement arrondie et formee de grandes feuilles multilobees designait suffisamment aux yeux un naturaliste cet artocarpus qui ete tresheureusement naturalise aux iles mascareignes de sa masse de verdure se detachaient de gros fruits globuleux larges un decimetre et pourvus exterieurement de rugosites qui prenaient une disposition hexagonale utile vegetal dont la nature gratifie les regions auxquelles le ble manque et qui sans exiger aucune culture donne des fruits pendant huit mois de annee ned land les connaissait bien ces fruits il en avait deja mange pendant ses nombreux voyages et il savait preparer leur substance comestible aussi leur vue excitatelle ses desirs et il put tenir plus longtemps monsieur me ditil que je meure si je ne goute pas un peu de cette pate de arbre pain goutez ami ned goutez votre aise nous sommes ici pour faire des experiences faisonsles ce ne sera pas long repondit le canadien et arme une lentille il alluma un feu de bois mort qui petilla joyeusement pendant ce temps conseil et moi nous choisissions les meilleurs fruits de artocarpus quelquesuns avaient pas encore atteint un degre suffisant de maturite et leur peau epaisse recouvrait une pulpe blanche mais peu fibreuse autres en tres grand nombre jaunatres et gelatineux attendaient que le moment etre cueillis ces fruits ne renfermaient aucun noyau conseil en apporta une douzaine ned land qui les placa sur un feu de charbons apres les avoir coupes en tranches epaisses et ce faisant il repetait toujours vous verrez monsieur comme ce pain est bon surtout quand on en est prive depuis longtemps dit conseil ce est meme plus du pain ajouta le canadien est une patisserie delicate vous en avez jamais mange monsieur non ned eh bien preparezvous absorber une chose succulente si vous revenez pas je ne suis plus le roi des harponneurs au bout de quelques minutes la partie des fruits exposee au feu fut completement charbonnee interieur apparaissait une pate blanche sorte de mie tendre dont la saveur rappelait celle de artichaut il faut avouer ce pain etait excellent et en mangeai avec grand plaisir malheureusement disje une telle pate ne peut se garder fraiche et il me parait inutile en faire une provision pour le bord par exemple monsieur ecria ned land vous parlez la comme un naturaliste mais moi je vais agir comme un boulanger conseil faites une recolte de ces fruits que nous reprendrons notre retour et comment les preparerezvous demandaije au canadien en fabriquant avec leur pulpe une pate fermentee qui se gardera indefiniment et sans se corrompre lorsque je voudrai employer je la ferai cuire la cuisine du bord et malgre sa saveur un peu acide vous la trouverez excellente alors maitre ned je vois qu il ne manque rien ce pain si monsieur le professeur repondit le canadien il manque quelques fruits ou tout au moins quelques legumes cherchons les fruits et les legumes lorsque notre recolte fut terminee nous nous mimes en route pour completer ce diner terrestre nos recherches ne furent pas vaines et vers midi nous avions fait une ample provision de bananes ces produits delicieux de la zone torride murissent pendant toute annee et les malais qui leur ont donne le nom de pisang les mangent sans les faire cuire avec ces bananes nous recueillimes des jaks enormes dont le gout est tresaccuse des mangues savoureuses et des ananas une grosseur invraisemblable mais cette recolte prit une grande partie de notre temps que ailleurs il avait pas lieu de regretter conseil observait toujours ned le harponneur marchait en avant et pendant sa promenade travers la foret il glanait une main sure excellents fruits qui devaient completer sa provision enfin demanda conseil il ne vous manque plus rien ami ned hum fit le canadien quoi vous vous plaignez tous ces vegetaux ne peuvent constituer un repas repondit ned est la fin un repas est un dessert mais le potage mais le roti en effet disje ned nous avait promis des cotelettes qui me semblent fort problematiques monsieur repondit le canadien non seulement la chasse est pas finie mais elle est meme pas commencee patience nous finirons bien par rencontrer quelque animal de plume ou de poil et si ce est pas en cet endroit ce sera dans un autre et si ce est pas aujourd hui ce sera demain ajouta conseil car il ne faut pas trop eloigner je propose meme de revenir au canot quoi deja ecria ned nous devons etre de retour avant la nuit disje mais quelle heure estil donc demanda le canadien deux heures au moins repondit conseil comme le temps passe sur ce sol ferme ecria maitre ned land avec un soupir de regret en route repondit conseil nous revinmes donc travers la foret et nous completames notre recolte en faisant une razzia de chouxpalmistes qu il fallut cueillir la cime des arbres de petits haricots que je reconnus pour etre les abrou des malais et ignames une qualite superieure nous etions surcharges quand nous arrivames au canot cependant ned land ne trouvait pas encore sa provision suffisante mais le sort le favorisa au moment de embarquer il apercut plusieurs arbres hauts de vingtcinq trente pieds qui appartenaient espece des palmiers ces arbres aussi precieux que artocarpus sont justement comptes parmi les plus utiles produits de la malaisie etaient des sagoutiers vegetaux qui croissent sans culture se reproduisant comme les muriers par leurs rejetons et leurs graines ned land prit sa hache ned land connaissait la maniere de traiter ces arbres il prit sa hache et la maniant avec une grande vigueur il eut bientot couche sur le sol deux ou trois sagoutiers dont la maturite se reconnaissait la poussiere blanche qui saupoudrait leurs palmes je le regardai faire plutot avec les yeux un naturaliste qu avec les yeux un homme affame il commenca par enlever chaque tronc une bande ecorce epaisse un pouce qui recouvrait un reseau de fibres allongees formant inextricables noeuds que mastiquait une sorte de farine gommeuse cette farine etait le sagou substance comestible qui sert principalement alimentation des populations melanesiennes ned land se contenta pour le moment de couper ces troncs par morceaux comme il eut fait de bois bruler se reservant en extraire plus tard la farine de la passer dans une etoffe afin de la separer de ses ligaments fibreux en faire evaporer humidite au soleil et de la laisser durcir dans des moules enfin cinq heures du soir charges de toutes nos richesses nous quittions le rivage de ile et une demiheure apres nous accostions le nautilus personne ne parut notre arrivee enorme cylindre de tole semblait desert les provisions embarquees je descendis ma chambre trouvai mon souper pret je mangeai puis je endormis le lendemain janvier rien de nouveau bord pas un bruit interieur pas un signe de vie le canot etait reste le long du bord la place meme ou nous avions laisse nous resolumes de retourner ile gueboroar ned land esperait etre plus heureux que la veille au point de vue du chasseur et desirait visiter une autre partie de la foret au lever du soleil nous etions en route embarcation enlevee par le flot qui portait terre atteignit ile en peu instants nous debarquames et pensant qu il valait mieux en rapporter instinct du canadien nous suivimes ned land dont les longues jambes menacaient de nous distancer ned land remonta la cote vers ouest puis passant gue quelques lits de torrents il gagna la haute plaine que bordaient admirables forets quelques martinspecheurs rodaient le long des cours eau mais ils ne se laissaient pas approcher leur circonspection me prouva que ces volatiles savaient quoi en tenir sur des bipedes de notre espece et en conclus que si ile etait pas habitee du moins des etres humains la frequentaient apres avoir traverse une assez grasse prairie nous arrivames la lisiere un petit bois qu animaient le chant et le vol un grand nombre oiseaux ce ne sont encore que des oiseaux dit conseil mais il en qui se mangent repondit le harponneur point ami ned repliqua conseil car je ne vois la que de simples perroquets ami conseil repondit gravement ned le perroquet est le faisan de ceux qui ont pas autre chose manger et ajouterai disje que cet oiseau convenablement prepare vaut son coup de fourchette en effet sous epais feuillage de ce bois tout un monde de perroquets voltigeait de branche en branche attendant qu une education plus soignee pour parler la langue humaine pour le moment ils caquetaient en compagnie de perruches de toutes couleurs de graves kakatouas qui semblaient mediter quelque probleme philosophique tandis que des loris un rouge eclatant passaient comme un morceau etamine emporte par la brise au milieu de kalaos au vol bruyant de papouas peints des plus fines nuances de azur et de toute une variete de volatiles charmants mais generalement peu comestibles cependant un oiseau particulier ces terres et qui jamais depasse la limite des iles arrou et des iles des papouas manquait cette collection mais le sort me reservait de admirer avant peu apres avoir traverse un taillis de mediocre epaisseur nous avions retrouve une plaine obstruee de buissons je vis alors enlever de magnifiques oiseaux que la disposition de leurs longues plumes obligeait se diriger contre le vent leur vol ondule la grace de leurs courbes aeriennes le chatoiement de leurs couleurs attiraient et charmaient le regard je eus pas de peine les reconnaitre des oiseaux de paradis ecriaije ordre des passereaux section des clystomores repondit conseil famille des perdreaux demanda ned land je ne crois pas maitre land neanmoins je compte sur votre adresse pour attraper un de ces charmants produits de la nature tropicale on essayera monsieur le professeur quoique je sois plus habitue manier le harpon que le fusil les malais qui font un grand commerce de ces oiseaux avec les chinois ont pour les prendre divers moyens que nous ne pouvions employer tantot ils disposent des lacets au sommet des arbres eleves que les paradisiers habitent de preference tantot ils en emparent avec une glu tenace qui paralyse leurs mouvements ils vont meme jusqu empoisonner les fontaines ou ces oiseaux ont habitude de boire quant nous nous etions reduits les tirer au vol ce qui nous laissait peu de chances de les atteindre et en effet nous epuisames vainement une partie de nos munitions vers onze heures du matin le premier plan des montagnes qui forment le centre de ile etait franchi et nous avions encore rien tue la faim nous aiguillonnait les chasseurs etaient fies au produit de leur chasse et ils avaient eu tort tresheureusement conseil sa grande surprise fit un coup double et assura le dejeuner il abattit un pigeon blanc et un ramier qui lestement plumes et suspendus une brochette rotirent devant un feu ardent de bois mort pendant que ces interessants animaux cuisaient ned prepara des fruits de artocarpus puis le pigeon et le ramier furent devores jusqu aux os et declares excellents la muscade dont ils ont habitude de se gaver parfume leur chair et en fait un manger delicieux est comme si les poulardes se nourrissaient de truffes dit conseil et maintenant ned que vous manquetil demandaije au canadien un gibier quatre pattes monsieur aronnax repondit ned land tous ces pigeons ne sont que horsd oeuvre et amusettes de la bouche aussi tant que je aurai pas tue un animal cotelettes je ne serai pas content ni moi ned si je attrape pas un paradisier continuons donc la chasse repondit conseil mais en revenant vers la mer nous sommes arrives aux premieres pentes des montagnes et je pense qu il vaut mieux regagner la region des forets etait un avis sense et il fut suivi apres une heure de marche nous avions atteint une veritable foret de sagoutiers quelques serpents inoffensifs fuyaient sous nos pas les oiseaux de paradis se derobaient notre approche et veritablement je desesperais de les atteindre lorsque conseil qui marchait en avant se baissa soudain poussa un cri de triomphe et revint moi rapportant un magnifique paradisier ah bravo conseil ecriaije monsieur est bien bon repondit conseil mais non mon garcon tu as fait la un coup de maitre prendre un de ces oiseaux vivants et le prendre la main si monsieur veut examiner de pres il verra que je ai pas eu grand merite et pourquoi conseil parce que cet oiseau est ivre comme une caille ivre oui monsieur ivre des muscades qu il devorait sous le muscadier ou je ai pris voyez ami ned voyez les monstrueux effets de intemperance mille diables riposta le canadien pour ce que ai bu de gin depuis deux mois ce est pas la peine de me le reprocher cependant examinais le curieux oiseau conseil ne se trompait pas le paradisier enivre par le suc capiteux etait reduit impuissance il ne pouvait voler il marchait peine mais cela inquieta peu et je le laissai cuver ses muscades etait le paradisier grand emeraude cet oiseau appartenait la plus belle des huit especes que on compte en papouasie et dans les iles voisines etait le paradisier grandemeraude un des plus rares il mesurait trois decimetres de longueur sa tete etait relativement petite ses yeux places pres de ouverture du bec et petits aussi mais il offrait une admirable reunion de nuances etant jaune de bec brun de pieds et ongles noisette aux ailes empourprees leurs extremites jaune pale la tete et sur le derriere du cou couleur emeraude la gorge brun marron au ventre et la poitrine deux filets cornes et duveteux elevaient audessus de sa queue que prolongeaient de longues plumes treslegeres une finesse admirable et ils completaient ensemble de ce merveilleux oiseau que les indigenes ont poetiquement appele oiseau du soleil je souhaitais vivement de pouvoir ramener paris ce superbe specimen des paradisiers afin en faire don au jardin des plantes qui en possede pas un seul vivant est donc bien rare demanda le canadien du ton un chasseur qui estime fort peu le gibier au point de vue de art tresrare mon brave compagnon et surtout tresdifficile prendre vivant et meme morts ces oiseaux sont encore objet un important trafic aussi les naturels ontils imagine en fabriquer comme on fabrique des perles ou des diamants quoi ecria conseil on fait de faux oiseaux de paradis oui conseil et monsieur connaitil le procede des indigenes parfaitement les paradisiers pendant la mousson est perdent ces magnifiques plumes qui entourent leur queue et que les naturalistes ont appelees plumes subalaires ce sont ces plumes que recueillent les fauxmonnayeurs en volatiles et qu ils adaptent adroitement quelque pauvre perruche prealablement mutilee puis ils teignent la suture ils vernissent oiseau et ils expedient aux museums et aux amateurs europe ces produits de leur singuliere industrie bon fit ned land si ce est pas oiseau ce sont toujours ses plumes et tant que objet est pas destine etre mange je vois pas grand mal mais si mes desirs etaient satisfaits par la possession de ce paradisier ceux du chasseur canadien ne etaient pas encore heureusement vers deux heures ned land abattit un magnifique cochon des bois de ceux que les naturels appellent barioutang animal venait propos pour nous procurer de la vraie viande de quadrupede et il fut bien recu ned land se montra tres glorieux de son coup de fusil le cochon touche par la balle electrique etait tombe raide mort le canadien le depouilla et le vida proprement apres en avoir retire une demidouzaine de cotelettes destinees fournir une grillade pour le repas du soir puis cette chasse fut reprise qui devait encore etre marquee par les exploits de ned et de conseil en effet les deux amis battant les buissons firent lever une troupe de kangaroos qui enfuirent en bondissant sur leurs pattes elastiques mais ces animaux ne enfuirent pas si rapidement que la capsule electrique ne put les arreter dans leur course ah monsieur le professeur ecria ned land que la rage du chasseur prenait la tete quel gibier excellent cuit etuvee surtout quel approvisionnement pour le nautilus deux trois cinq terre et quand je pense que nous devorerons toute cette chair et que ces imbeciles du bord en auront pas miette ned land se contenta une douzaine de kangaroos je crois que dans exces de sa joie le canadien il avait pas tant parle aurait massacre toute la bande mais il se contenta une douzaine de ces interessants marsupiaux qui forment le premier ordre des mammiferes aplacentaires nous dit conseil ces animaux etaient de petite taille etait une espece de ces kangarooslapins qui gitent habituellement dans le creux des arbres et dont la velocite est extreme mais ils sont de mediocre grosseur ils fournissent du moins la chair la plus estimee nous etions tressatisfaits des resultats de notre chasse le joyeux ned se proposait de revenir le lendemain cette ile enchantee qu il voulait depeupler de tous ses quadrupedes comestibles mais il comptait sans les evenements six heures du soir nous avions regagne la plage notre canot etait echoue sa place habituelle le nautilus semblable un long ecueil emergeait des flots deux milles du rivage ned land sans plus tarder occupa de la grande affaire du diner il entendait admirablement toute cette cuisine les cotelettes de barioutang grillees sur des charbons repandirent bientot une delicieuse odeur qui parfuma atmosphere mais je apercois que je marche sur les traces du canadien me voici en extase devant une grillade de porc frais que on me pardonne comme ai pardonne maitre land et pour les memes motifs enfin le diner fut excellent deux ramiers completerent ce menu extraordinaire la pate de sagou le pain de artocarpus quelques mangues une demidouzaine ananas et la liqueur fermentee de certaines noix de cocos nous mirent en joie je crois meme que les idees de mes dignes compagnons avaient pas toute la nettete desirable si nous ne retournions pas ce soir au nautilus dit conseil si nous retournions jamais ajouta ned land en ce moment une pierre vint tomber nos pieds et coupa court la proposition du harponneur chapitre xxii la foudre du capitaine nemo nous avions regarde du cote de la foret sans nous lever ma main arretant dans son mouvement vers ma bouche celle de ned land achevant son office une pierre ne tombe pas du ciel dit conseil ou bien elle merite le nom aerolithe une seconde pierre soigneusement arrondie qui enleva de la main de conseil une savoureuse cuisse de ramier donna encore plus de poids son observation leves tous les trois le fusil epaule nous etions prets repondre toute attaque sontce des singes ecria ned land peu pres repondit conseil ce sont des sauvages au canot disje en me dirigeant vers la mer il fallait en effet battre en retraite car une vingtaine de naturels armes arcs et de frondes apparaissaient sur la lisiere un taillis qui masquait horizon de droite cent pas peine notre canot etait echoue dix toises de nous les sauvages approchaient sans courir mais ils prodiguaient les demonstrations les plus hostiles les pierres et les fleches pleuvaient ned land avait pas voulu abandonner ses provisions et malgre imminence du danger son cochon un cote ses kangaroos de autre il detalait avec une certaine rapidite en deux minutes nous etions sur la greve charger le canot des provisions et des armes le pousser la mer armer les deux avirons ce fut affaire un instant nous avions pas gagne deux encablures que cent sauvages hurlant et gesticulant entrerent dans eau jusqu la ceinture je regardais si leur apparition attirerait sur la plateforme quelques hommes du nautilus mais non enorme engin couche au large demeurait absolument desert vingt minutes plus tard nous montions bord les panneaux etaient ouverts apres avoir amarre le canot nous rentrames interieur du nautilus je descendis au salon ou echappaient quelques accords le capitaine nemo etait la courbe sur son orgue et plonge dans une extase musicale capitaine lui disje il ne entendit pas capitaine reprisje en le touchant de la main il frissonna et se retournant ah est vous monsieur le professeur me ditil eh bien avezvous fait bonne chasse avezvous herborise avec succes oui capitaine repondisje mais nous avons malheureusement ramene une troupe de bipedes dont le voisinage me parait inquietant quels bipedes des sauvages des sauvages repondit le capitaine nemo un ton ironique et vous vous etonnez monsieur le professeur qu ayant mis le pied sur une des terres de ce globe vous trouviez des sauvages des sauvages ou en atil pas et ailleurs sontils pires que les autres ceux que vous appelez des sauvages mais capitaine pour mon compte monsieur en ai rencontre partout eh bien repondisje si vous ne voulez pas en recevoir bord du nautilus vous ferez bien de prendre quelques precautions tranquillisezvous monsieur le professeur il pas la de quoi se preoccuper mais ces naturels sont nombreux combien en avezvous compte une centaine au moins monsieur aronnax repondit le capitaine nemo dont les doigts etaient replaces sur les touches de orgue quand tous les indigenes de la papouasie seraient reunis sur cette plage le nautilus aurait rien craindre de leurs attaques les doigts du capitaine couraient alors sur le clavier de instrument et je remarquai qu il en frappait que les touches noires ce qui donnait ses melodies une couleur essentiellement ecossaise bientot il eut oublie ma presence et fut plonge dans une reverie que je ne cherchai plus dissiper je remontai sur la plateforme la nuit etait deja venue car sous cette basse latitude le soleil se couche rapidement et sans crepuscule je apercus plus que confusement ile gueboroar mais des feux nombreux allumes sur la plage attestaient que les naturels ne songeaient pas la quitter je restai seul ainsi pendant plusieurs heures tantot songeant ces indigenes mais sans les redouter autrement car imperturbable confiance du capitaine me gagnait tantot les oubliant pour admirer les splendeurs de cette nuit des tropiques mon souvenir envolait vers la france la suite de ces etoiles zodiacales qui devaient eclairer dans quelques heures la lune resplendissait au milieu des constellations du zenith je pensai alors que ce fidele et complaisant satellite reviendrait apresdemain cette meme place pour soulever ces ondes et arracher le nautilus son lit de coraux vers minuit voyant que tout etait tranquille sur les flots assombris aussi bien que sous les arbres du rivage je regagnai ma cabine et je endormis paisiblement la nuit ecoula sans mesaventure les papouas effrayaient sans doute la seule vue du monstre echoue dans la baie car les panneaux restes ouverts leur eussent offert un acces facile interieur du nautilus six heures du matin janvier je remontai sur la plateforme les ombres du matin se levaient ile montra bientot travers les brumes dissipees ses plages abord ses sommets ensuite les indigenes etaient toujours la plus nombreux que la veille cinq ou six cents peutetre quelquesuns profitant de la maree basse etaient avances sur les tetes de coraux moins de deux encablures du nautilus je les distinguai facilement etaient bien de veritables papouas taille athletique hommes de belle race au front large et eleve au nez gros mais non epate aux dents blanches leur chevelure laineuse teinte en rouge tranchait sur un corps noir et luisant comme celui des nubiens au lobe de leur oreille coupe et distendu pendaient des chapelets en os ces sauvages etaient generalement nus parmi eux je remarquai quelques femmes habillees des hanches au genou une veritable crinoline herbes que soutenait une ceinture vegetale certains chefs avaient orne leur cou un croissant et de colliers de verroteries rouges et blanches presque tous armes arcs de fleches et de boucliers portaient leur epaule une sorte de filet contenant ces pierres arrondies que leur fronde lance avec adresse un de ces chefs assez rapproche du nautilus examinait avec attention ce devait etre un mado de haut rang car il se drapait dans une natte en feuilles de bananiers dentelee sur ses bords et relevee eclatantes couleurs aurais pu facilement abattre cet indigene qui se trouvait petite portee mais je crus qu il valait mieux attendre des demonstrations veritablement hostiles entre europeens et sauvages il convient que les europeens ripostent et attaquent pas ces indigenes roderent pres du nautilus pendant tout le temps de la maree basse ces indigenes roderent pres du nautilus mais ils ne se montrerent pas bruyants je les entendais repeter frequemment le mot assai et leurs gestes je compris qu ils invitaient aller terre invitation que je crus devoir decliner donc ce jourla le canot ne quitta pas le bord au grand deplaisir de maitre land qui ne put completer ses provisions cet adroit canadien employa son temps preparer les viandes et farines qu il avait rapportees de ile gueboroar quant aux sauvages ils regagnerent la terre vers onze heures du matin des que les tetes de corail commencerent disparaitre sous le flot de la maree montante mais je vis leur nombre accroitre considerablement sur la plage il etait probable qu ils venaient des iles voisines ou de la papouasie proprement dite cependant je avais pas apercu une seule pirogue indigene ayant rien de mieux faire je songeai draguer ces belles eaux limpides qui laissaient voir profusion des coquilles des zoophytes et des plantes pelagiennes etait ailleurs la derniere journee que le nautilus allait passer dans ces parages si toutefois il flottait la pleine mer du lendemain suivant la promesse du capitaine nemo appelai donc conseil qui apporta une petite drague legere peu pres semblable celles qui servent pecher les huitres et ces sauvages me demanda conseil en deplaise monsieur ils ne me semblent pas tres mechants ce sont pourtant des anthropophages mon garcon on peut etre anthropophage et brave homme repondit conseil comme on peut etre gourmand et honnete un exclut pas autre bon conseil je accorde que ce sont honnetes anthropophages et qu ils devorent honnetement leurs prisonniers cependant comme je ne tiens pas etre devore meme honnetement je me tiendrai sur mes gardes car le commandant du nautilus ne parait prendre aucune precaution et maintenant ouvrage pendant deux heures notre peche fut activement conduite mais sans rapporter aucune rarete la drague emplissait oreilles de midas de harpes de melanies et particulierement des plus beaux marteaux que eusse vu jusqu ce jour nous primes aussi quelques holoturies des huitres perlieres et une douzaine de petites tortues qui furent reservees pour office du bord mais au moment ou je attendais le moins je mis la main sur une merveille je devrais dire sur une difformite naturelle tres rare rencontrer conseil venait de donner un coup de drague et son appareil remontait charge de diverses coquilles assez ordinaires quand tout un coup il me vit plonger rapidement le bras dans le filet en retirer un coquillage et pousser un cri de conchyliologue estadire le cri le plus percant que puisse produire un gosier humain eh qu donc monsieur demanda conseil tres surpris monsieur atil ete mordu non mon garcon et cependant eusse volontiers paye un doigt ma decouverte quelle decouverte cette coquille disje en montrant objet de mon triomphe mais est tout simplement une olive porphyre genre olive ordre des pectinibranches classe des gasteropodes embranchement des mollusques oui conseil mais au lieu etre enroulee de droite gauche cette olive tourne de gauche droite estil possible ecria conseil oui mon garcon est une coquille senestre une coquille senestre repetait conseil le coeur palpitant regarde sa spire ah monsieur peut en croire dit conseil en prenant la precieuse coquille une main tremblante mais je ai jamais eprouve une emotion pareille et il avait de quoi etre emu on sait en effet comme ont fait observer les naturalistes que la dextrosite est une loi de nature les astres et leurs satellites dans leur mouvement de translation et de rotation se meuvent de droite gauche homme se sert plus souvent de sa main droite que de sa main gauche et consequemment ses instruments et ses appareils escaliers serrures ressorts de montres etc sont combines de maniere etre employes de droite gauche or la nature generalement suivi cette loi pour enroulement de ses coquilles elles sont toutes dextres de rares exceptions et quand par hasard leur spire est senestre les amateurs les payent au poids de or conseil se jeta sur mon fusil conseil et moi nous etions donc plonges dans la contemplation de notre tresor et je me promettais bien en enrichir le museum quand une pierre malencontreusement lancee par un indigene vint briser le precieux objet dans la main de conseil je poussai un cri de desespoir conseil se jeta sur mon fusil et visa un sauvage qui balancait sa fronde dix metres de lui je voulus arreter mais son coup partit et brisa le bracelet amulettes qui pendait au bras de indigene conseil ecriaije conseil eh quoi monsieur ne voitil pas que ce cannibale commence attaque une coquille ne vaut pas la vie un homme lui disje ah le gueux ecria conseil aurais mieux aime qu il eut casse epaule conseil etait sincere mais je ne fus pas de son avis cependant la situation avait change depuis quelques instants et nous ne nous en etions pas apercus une vingtaine de pirogues entouraient alors le naulilus ces pirogues creusees dans des troncs arbre longues etroites bien combinees pour la marche equilibraient au moyen un double balancier en bambous qui flottait la surface de eau elles etaient manoeuvrees par adroits pagayeurs demi nus et je ne les vis pas avancer sans inquietude il etait evident que ces papouas avaient eu deja des relations avec les europeens et qu ils connaissaient leurs navires mais ce long cylindre de fer allonge dans la baie sans mats sans cheminee que devaientils en penser rien de bon car ils en etaient abord tenus distance respectueuse cependant le voyant immobile ils reprenaient peu peu confiance et cherchaient se familiariser avec lui or etait precisement cette familiarite qu il fallait empecher nos armes auxquelles la detonation manquait ne pouvaient produire qu un effet mediocre sur ces indigenes qui ont de respect que pour les engins bruyants la foudre sans les roulements du tonnerre effraierait peu les hommes bien que le danger soit dans eclair non dans le bruit en ce moment les pirogues approcherent plus pres du nautilus et une nuee de fleches abattit sur lui diable il grele dit conseil et peutetre une grele empoisonnee il faut prevenir le capitaine nemo disje en rentrant par le panneau je descendis au salon je trouvai personne je me hasardai frapper la porte qui ouvrait sur la chambre du capitaine un entrez me repondit entrai et je trouvai le capitaine nemo plonge dans un calcul ou les et autres signes algebriques ne manquaient pas je vous derange disje par politesse en effet monsieur aronnax me repondit le capitaine mais je pense que vous avez eu des raisons serieuses de me voir tresserieuses les pirogues des naturels nous entourent et dans quelques minutes nous serons certainement assaillis par plusieurs centaines de sauvages ah fit tranquillement le capitaine nemo ils sont venus avec leurs pirogues oui monsieur eh bien monsieur il suffit de fermer les panneaux precisement et je venais vous dire rien est plus facile dit le capitaine nemo et pressant un bouton electrique il transmit un ordre au poste de equipage voila qui est fait monsieur me ditil apres quelques instants le canot est en place et les panneaux sont fermes vous ne craignez pas imagine que ces messieurs defoncent des murailles que les boulets de votre fregate ont pu entamer non capitaine mais il existe encore un danger lequel monsieur est que demain pareille heure il faudra rouvrir les panneaux pour renouveler air du nautilus sans contredit monsieur puisque notre batiment respire la maniere des cetaces or si ce moment les papouas occupent la plateforme je ne vois pas comment vous pourrez les empecher entrer alors monsieur vous supposez qu ils monteront bord en suis certain eh bien monsieur qu ils montent je ne vois aucune raison pour les en empecher au fond ce sont de pauvres diables ces papouas et je ne veux pas que ma visite ile gueboroar coute la vie un seul de ces malheureux cela dit allais me retirer mais le capitaine nemo me retint et invita asseoir pres de lui il me questionna avec interet sur nos excursions terre sur nos chasses et eut pas air de comprendre ce besoin de viande qui passionnait le canadien puis la conversation effleura divers sujets et sans etre plus communicatif le capitaine nemo se montra plus aimable entre autres choses nous en vinmes parler de la situation du nautilus precisement echoue dans ce detroit ou dumont urville fut sur le point de se perdre puis ce propos ce fut un de vos grands marins me dit le capitaine un de vos plus intelligents navigateurs que ce urville est votre capitaine cook vous autres francais infortune savant avoir brave les banquises du pole sud les coraux de oceanie les cannibales du pacifique pour perir miserablement dans un train de chemin de fer si cet homme energique pu reflechir pendant les dernieres secondes de son existence vous figurezvous quelles ont du etre ses supremes pensees en parlant ainsi le capitaine nemo semblait emu et je porte cette emotion son actif puis la carte la main nous revimes les travaux du navigateur francais ses voyages de circumnavigation sa double tentative au pole sud qui amena la decouverte des terres adelie et louisphilippe enfin ses leves hydrographiques des principales iles de oceanie ce que votre urville fait la surface des mers me dit le capitaine nemo je ai fait interieur de ocean et plus facilement plus completement que lui astrolabe et la zelee incessamment ballottees par les ouragans ne pouvaient valoir le nautilus tranquille cabinet de travail et veritablement sedentaire au milieu des eaux cependant capitaine disje il un point de ressemblance entre les corvettes de dumont urville et le nautilus lequel monsieur est que le nautilus est echoue comme elles le nautilus ne est pas echoue monsieur me repondit froidement le capitaine nemo le nautilus est fait pour reposer sur le lit des mers et les penibles travaux les manoeuvres qu imposa urville le renflouage de ses corvettes je ne les entreprendrai pas astrolabe et la zelee ont failli perir mais mon nautilus ne court aucun danger demain au jour dit heure dite la maree le soulevera paisiblement et il reprendra sa navigation travers les mers capitaine disje je ne doute pas demain ajouta le capitaine nemo en se levant demain deux heures quarante minutes du soir le nautilus flottera et quittera sans avarie le detroit de torres ces paroles prononcees un ton tres bref le capitaine nemo inclina legerement etait me donner conge et je rentrai dans ma chambre la je trouvai conseil qui desirait connaitre le resultat de mon entrevue avec le capitaine mon garcon repondisje lorsque ai eu air de croire que son nautilus etait menace par les naturels de la papouasie le capitaine repondu tres ironiquement je ai donc qu une chose dire aie confiance en lui et va dormir en paix monsieur pas besoin de mes services non mon ami que fait ned land que monsieur excuse repondit conseil mais ami ned confectionne un pate de kangaroo qui sera une merveille je restai seul je me couchai mais je dormis assez mal entendais le bruit des sauvages qui pietinaient sur la plateforme en poussant des cris assourdissants la nuit se passa ainsi et sans que equipage sortit de son inertie habituelle il ne inquietait pas plus de la presence de ces cannibales que les soldats un fort blinde ne se preoccupent des fourmis qui courent sur son blindage six heures du matin je me levai les panneaux avaient pas ete ouverts air ne fut donc pas renouvele interieur mais les reservoirs charges toute occurrence fonctionnerent propos et lancerent quelques metres cubes oxygene dans atmosphere appauvrie du nautilus je travaillai dans ma chambre jusqu midi sans avoir vu meme un instant le capitaine nemo on ne paraissait faire bord aucun preparatif de depart attendis quelque temps encore puis je me rendis au grand salon la pendule marquait deux heures et demie dans dix minutes le flot devait avoir atteint son maximum de hauteur et si le capitaine nemo avait point fait une promesse temeraire le nautilus serait immediatement degage sinon bien des mois se passeraient avant qu il put quitter son lit de corail cependant quelques tressaillements avantcoureurs se firent bientot sentir dans la coque du bateau entendis grincer sur son bordage les asperites calcaires du fond corallien deux heures trentecinq minutes le capitaine nemo parut dans le salon nous allons partir ditil ah fisje ai donne ordre ouvrir les panneaux et les papouas les papouas repondit le capitaine nemo haussant legerement les epaules ne vontils pas penetrer interieur du nautilus et comment en franchissant les panneaux que vous aurez fait ouvrir monsieur aronnax repondit tranquillement le capitaine nemo on entre pas ainsi par les panneaux du nautilus meme quand ils sont ouverts je regardai le capitaine vous ne comprenez pas me ditil aucunement eh bien venez et vous verrez je me dirigeai vers escalier central la ned land et conseil tres intrigues regardaient quelques hommes de equipage qui ouvraient les panneaux tandis que des cris de rage et epouvantables vociferations resonnaient audehors les mantelets furent rabattus exterieurement vingt figures horribles apparurent mais le premier de ces indigenes qui mit la main sur la rampe de escalier rejete en arriere par je ne sais quelle force invisible enfuit poussant des cris affreux et faisant des gambades exorbitantes dix de ses compagnons lui succederent dix eurent le meme sort dix de ses compagnons eurent le meme sort conseil etait dans extase ned land emporte par ses instincts violents elanca sur escalier mais des qu il eut saisi la rampe deux mains il fut renverse son tour mille diables ecriatil je suis foudroye ce mot expliqua tout ce etait plus une rampe mais un cable de metal tout charge de electricite du bord qui aboutissait la plateforme quiconque la touchait ressentait une formidable secousse et cette secousse eut ete mortelle si le capitaine nemo eut lance dans ce conducteur tout le courant de ses appareils on peut reellement dire qu entre ses assaillants et lui il avait tendu un reseau electrique que nul ne pouvait impunement franchir cependant les papouas epouvantes avaient battu en retraite affoles de terreur nous moitie riants nous consolions et frictionnions le malheureux ned land qui jurait comme un possede mais en ce moment le nautilus souleve par les dernieres ondulations du flot quitta son lit de corail cette quarantieme minute exactement fixee par le capitaine son helice battit les eaux avec une majestueuse lenteur sa vitesse accrut peu peu et naviguant la surface de ocean il abandonna sain et sauf les dangereuses passes du detroit de torres chapitre xxiii aegri somnia le jour suivant janvier le nautilus reprit sa marche entre deux eaux mais avec une vitesse remarquable que je ne puis estimer moins de trentecinq milles heure la rapidite de son helice etait telle que je ne pouvais ni suivre ses tours ni les compter quand je songeais que ce merveilleux agent electrique apres avoir donne le mouvement la chaleur la lumiere au nautilus le protegeait encore contre les attaques exterieures et le transformait en une arche sainte laquelle nul profanateur ne touchait sans etre foudroye mon admiration avait plus de bornes et de appareil elle remontait aussitot ingenieur qui avait cree nous marchions directement vers ouest et le janvier nous doublames ce cap wessel situe par deg de longitude et deg de latitude nord qui forme la pointe est du golfe de carpentarie les recifs etaient encore nombreux mais plus clairsemes et releves sur la carte avec une extreme precision le nautilus evita facilement les brisants de money babord et les recifs victoria tribord places par deg de longitude et sur ce dixieme parallele que nous suivions rigoureusement le janvier le capitaine nemo arrive dans la mer de timor avait connaissance de ile de ce nom par deg de longitude cette ile dont la superficie est de seize cent vingtcinq lieues carrees est gouvernee par des radjahs ces princes se disent fils de crocodiles estadire issus de la plus haute origine laquelle un etre humain puisse pretendre aussi ces ancetres ecailleux foisonnent dans les rivieres de ile et sont objet une veneration particuliere on les protege on les gate on les adule on les nourrit on leur offre des jeunes filles en pature et malheur etranger qui porte la main sur ces lezards sacres mais le nautilus eut rien demeler avec ces vilains animaux timor ne fut visible qu un instant midi pendant que le second relevait sa position egalement je ne fis qu entrevoir cette petite ile rotti qui fait partie du groupe et dont les femmes ont une reputation de beaute tres etablie sur les marches malais partir de ce point la direction du nautilus en latitude inflechit vers le sudouest le cap fut mis sur ocean indien ou la fantaisie du capitaine nemo allaitelle nous entrainer remonteraitil vers les cotes de asie se rapprocheraitil des rivages de europe resolutions peu probables de la part un homme qui fuyait les continents habites descendraitil donc vers le sud iraitil doubler le cap de bonneesperance puis le cap horn et pousser au pole antarctique reviendraitil enfin vers ses mers du pacifique ou son nautilus trouvait une navigation facile et independante avenir devait nous apprendre apres avoir prolonge les ecueils de cartier hibernia de seringapatam de scott derniers efforts de element solide contre element liquide le janvier nous etions audela de toutes terres la vitesse du nautilus fut singulierement ralentie et trescapricieux dans ses allures tantot il nageait au milieu des eaux et tantot il flottait leur surface pendant cette periode du voyage le capitaine nemo fit interessantes experiences sur les diverses temperatures de la mer des couches differentes dans les conditions ordinaires ces releves obtiennent au moyen instruments assez complique dont les rapports sont au moins douteux que ce soient des sondes thermometriques dont les verres se brisent souvent sous la pression des eaux ou des appareils bases sur la variation de resistance de metaux aux courants electriques ces resultats ainsi obtenus ne peuvent etre suffisamment controles au contraire le capitaine nemo allait luimeme chercher cette temperature dans les profondeurs de la mer et son thermometre mis en communication avec les diverses nappes liquides lui donnait immediatement et surement le degre recherche est ainsi que soit en surchargeant ses reservoirs soit en descendant obliquement au moyen de ses plans inclines le nautilus atteignit successivement des profondeurs de trois quatre cinq sept neuf et dix mille metres et le resultat definitif de ces experiences fut que la mer presentait une temperature permanente de quatre degres et demi une profondeur de mille metres sous toutes les latitudes je suivais ces experiences avec le plus vif interet le capitaine nemo apportait une veritable passion souvent je me demandai dans quel but il faisait ces observations etaitce au profit de ses semblables ce etait pas probable car un jour ou autre ses travaux devaient perir avec lui dans quelque mer ignoree moins qu il ne me destinat le resultat de ses experiences mais etait admettre que mon etrange voyage aurait un terme et ce terme je ne apercevais pas encore quoi qu il en soit le capitaine nemo me fit egalement connaitre divers chiffres obtenus par lui et qui etablissaient le rapport des densites de eau dans les principales mers du globe de cette communication je tirai un enseignement personnel qui avait rien de scientifique etait pendant la matinee du janvier le capitaine avec lequel je me promenais sur la plateforme me demanda si je connaissais les differentes densites que presentent les eaux de la mer je lui repondis negativement et ajoutai que la science manquait observations rigoureuses ce sujet je les ai faites ces observations me ditil et je puis en affirmer la certitude bien repondisje mais le nautilus est un monde part et les secrets de ses savants arrivent pas jusqu la terre vous avez raison monsieur le professeur me ditil apres quelques instants de silence est un monde part il est aussi etranger la terre que les planetes qui accompagnent ce globe autour du soleil et on ne connaitra jamais les travaux des savants de saturne ou de jupiter cependant puisque le hasard lie nos deux existences je puis vous communiquer le resultat de mes observations je vous ecoute capitaine vous savez monsieur le professeur que eau de mer est plus dense que eau douce mais cette densite est pas uniforme en effet si je represente par un la densite de eau douce je trouve un vingthuit millieme pour les eaux de atlantique un vingtsix millieme pour les eaux du pacifique un trentemillieme pour les eaux de la mediterranee ah pensaije il aventure dans la mediterranee un dixhuit millieme pour les eaux de la mer ionienne et un vingtneuf millieme pour les eaux de adriatique decidement le nautilus ne fuyait pas les mers frequentees de europe et en conclus qu il nous ramenerait peutetre avant peu vers des continents plus civilises je pensai que ned land apprendrait cette particularite avec une satisfaction tresnaturelle pendant plusieurs jours nos journees se passerent en experiences de toutes sortes qui porterent sur les degres de salure des eaux differentes profondeurs sur leur electrisation sur leur coloration sur leur transparence et dans toutes ces circonstances le capitaine nemo deploya une ingeniosite qui ne fut egalee que par sa bonne grace envers moi puis pendant quelques jours je ne le revis plus et demeurai de nouveau comme isole son bord le janvier le nautilus parut endormir quelques metres seulement audessous de la surface des flots ses appareils electriques ne fonctionnaient pas et son helice immobile le laissait errer au gre des courants je supposai que equipage occupait de reparations interieures necessitees par la violence des mouvements mecaniques de la machine mes compagnons et moi nous fumes alors temoins un curieux spectacle les panneaux du salon etaient ouverts et comme le fanal du nautilus etait pas en activite une vague obscurite regnait au milieu des eaux le ciel orageux et couvert epais nuages ne donnait aux premieres couches de ocean qu une insuffisante clarte observais etat de la mer dans ces conditions et les plus gros poissons ne apparaissaient plus que comme des ombres peine figurees quand le nautilus se trouva subitement transporte en pleine lumiere je crus abord que le fanal avait ete rallume et qu il projetait son eclat electrique dans la masse liquide je me trompais et apres une rapide observation je reconnus mon erreur le nautilus flottait au milieu une couche phosphorescente qui dans cette obscurite devenait eblouissante elle etait produite par des myriades animalcules lumineux dont etincellement accroissait en glissant sur la coque metallique de appareil je surprenais alors des eclairs au milieu de ces nappes lumineuses comme eussent ete des coulees de plomb fondu dans une fournaise ardente ou des masses metalliques portees au rouge blanc de telle sorte que par opposition certaines portions lumineuses faisaient ombre dans ce milieu igne dont toute ombre semblait devoir etre bannie non ce etait plus irradiation calme de notre eclairage habituel il avait la une vigueur et un mouvement insolites cette lumiere on la sentait vivante en effet etait une agglomeration infinie infusoires pelagiens de noctiluques miliaires veritables globules de gelee diaphane pourvus un tentacule filiforme et dont on compte jusqu vingtcinq mille dans trente centimetres cubes eau et leur lumiere etait encore doublee par ces lueurs particulieres aux meduses aux asteries aux aurelies aux pholadesdattes et autres zoophytes phosphorescents impregnes du graissin des matieres organiques decomposees par la mer et peutetre du mucus secrete par les poissons pendant plusieurs heures le nautilus flotta dans ces ondes brillantes et notre admiration accrut voir les gros animaux marins jouer comme des salamandres je vis la au milieu de ce feu qui ne brule pas des marsouins elegants et rapides infatigables clowns des mers et des istiophores longs de trois metres intelligents precurseurs des ouragans dont le formidable glaive heurtait parfois la vitre du salon puis apparurent des poissons plus petits des balistes varies des scomberoidessauteurs des nasonsloups et cent autres qui zebraient dans leur course la lumineuse atmosphere ce fut un enchantement que cet eblouissant spectacle peutetre quelque condition atmospherique augmentaitelle intensite de ce phenomene peutetre quelque orage se dechainaitil la surface des flots mais cette profondeur de quelques metres le nautilus ne ressentait pas sa fureur et il se balancait paisiblement au milieu des eaux tranquilles ainsi nous marchions incessamment charmes par quelque merveille nouvelle conseil observait et classait ses zoophytes ses articules ses mollusques ses poissons les journees ecoulaient rapidement et je ne les comptais plus ned suivant son habitude cherchait varier ordinaire du bord veritables colimacons nous etions faits notre coquille et affirme qu il est facile de devenir un parfait colimacon donc cette existence nous paraissait facile naturelle et nous imaginions plus qu il existat une vie differente la surface du globe terrestre quand un evenement vint nous rappeler etrangete de notre situation le janvier le nautilus se trouvait par deg de longitude et deg de latitude meridionale le temps etait menacant la mer dure et houleuse le vent soufflait de est en grande brise le barometre qui baissait depuis quelques jours annoncait une prochaine lutte des elements etais monte sur la plateforme au moment ou le second prenait ses mesures angles horaires attendais suivant la coutume que la phrase quotidienne fut prononcee mais ce jourla elle fut remplacee par une autre phrase non moins incomprehensible presque aussitot je vis apparaitre le capitaine nemo dont les yeux munis une lunette se dirigerent vers horizon pendant quelques minutes le capitaine resta immobile sans quitter le point enferme dans le champ de son objectif puis il abaissa sa lunette et echangea une dizaine de paroles avec son second celuici semblait etre en proie une emotion qu il voulait vainement contenir le capitaine nemo plus maitre de lui demeurait froid il paraissait ailleurs faire certaines objections auxquelles le second repondait par des assurances formelles du moins je le compris ainsi la difference de leur ton et de leurs gestes quant moi avais soigneusement regarde dans la direction observee sans rien apercevoir le ciel et eau se confondaient sur une ligne horizon une parfaite nettete cependant le capitaine nemo se promenait une extremite autre de la plateforme sans me regarder peutetre sans me voir son pas etait assure mais moins regulier que habitude il arretait parfois et les bras croises sur la poitrine il observait la mer que pouvaitil chercher sur cet immense espace le nautilus se trouvait alors quelques centaines de milles de la cote la plus rapprochee le second avait repris sa lunette et interrogeait obstinement horizon allant et venant frappant du pied contrastant avec son chef par son agitation nerveuse ailleurs ce mystere allait necessairement eclaircir et avant peu car sur un ordre du capitaine nemo la machine accroissant sa puissance propulsive imprima helice une rotation plus rapide en ce moment le second attira de nouveau attention du capitaine celuici suspendit sa promenade et dirigea sa lunette vers le point indique il observa longtemps de mon cote tresserieusement intrigue je descendis au salon et en rapportai une excellente longuevue dont je me servais ordinairement puis appuyant sur la cage du fanal qui formait saillie avant de la plateforme je me disposai parcourir toute la ligne du ciel et de la mer mais mon oeil ne etait pas encore applique oculaire que instrument me fut vivement arrache des mains je me retournai le capitaine nemo etait devant moi mais je ne le reconnus pas sa physionomie etait transfiguree son oeil brillant un feu sombre se derobait sous son sourcil fronce ses dents se decouvraient demi son corps raide ses poings fermes sa tete retiree entre les epaules temoignaient de la haine violente que respirait toute sa personne il ne bougeait pas ma lunette tombee de sa main avait roule ses pieds venaisje donc sans le vouloir de provoquer cette attitude de colere imaginaitil cet incomprehensible personnage que avais surpris quelque secret interdit aux hotes du nautilus non cette haine je en etais pas objet car il ne me regardait pas et son oeil restait obstinement fixe sur impenetrable point de horizon son oeil restait fixe sur horizon enfin le capitaine nemo redevint maitre de lui sa physionomie si profondement alteree reprit son calme habituel il adressa son second quelques mots en langue etrangere puis il se retourna vers moi monsieur aronnax me ditil un ton assez imperieux je reclame de vous observation de un des engagements qui vous lient moi de quoi agitil capitaine il faut vous laisser enfermer vos compagnons et vous jusqu au moment ou je jugerai convenable de vous rendre la liberte vous etes le maitre lui repondisje en le regardant fixement mais puisje vous adresser une question aucune monsieur sur ce mot je avais pas discuter mais obeir puisque toute resistance eut ete impossible je descendis la cabine qu occupaient ned land et conseil et je leur fis part de la determination du capitaine je laisse penser comment cette communication fut recue par le canadien ailleurs le temps manqua toute explication quatre hommes de equipage attendaient la porte et ils nous conduisirent cette cellule ou nous avions passe notre premiere nuit bord du nautilus ned land voulut reclamer mais la porte se ferma sur lui pour toute reponse monsieur me diratil ce que cela signifie me demanda conseil je racontai mes compagnons ce qui etait passe ils furent aussi etonnes que moi mais aussi peu avances cependant etais plonge dans un abime de reflexions et etrange apprehension de la physionomie du capitaine nemo ne quittait pas ma pensee etais incapable accoupler deux idees logiques et je me perdais dans les plus absurdes hypotheses quand je fus tire de ma contention esprit par ces paroles de ned land tiens le dejeuner est servi en effet la table etait preparee il etait evident que le capitaine nemo avait donne cet ordre en meme temps qu il faisait hater la marche du nautilus monsieur me permettratil de lui faire une recommandation me demanda conseil oui mon garcon repondisje eh bien que monsieur dejeune est prudent car nous ne savons ce qui peut arriver tu as raison conseil malheureusement dit ned land on ne nous donne que le menu du bord ami ned repliqua conseil que diriezvous donc si le dejeuner avait manque totalement cette raison coupa net aux recriminations du harponneur chacun de nous accota nous nous mimes table le repas se fit assez silencieusement je mangeai peu conseil se forca toujours par prudence et ned land quoi qu il en eut ne perdit pas un coup de dent puis le dejeuner termine chacun de nous accota dans son coin en ce moment le globe lumineux qui eclairait la cellule eteignit et nous laissa dans une obscurite profonde ned land ne tarda pas endormir et ce qui etonna conseil se laissa aller aussi un lourd assoupissement je me demandais ce qui avait pu provoquer chez lui cet imperieux besoin de sommeil quand je sentis mon cerveau impregner une epaisse torpeur mes yeux que je voulais tenir ouverts se fermerent malgre moi etais en proie une hallucination douloureuse evidemment des substances soporifiques avaient ete melees aux aliments que nous venions de prendre ce etait donc pas assez de la prison pour nous derober les projets du capitaine nemo il fallait encore le sommeil entendis alors les panneaux se refermer les ondulations de la mer qui provoquaient un leger mouvement de roulis cesserent le nautilus avaitil donc quitte la surface de ocean etaitil rentre dans la couche immobile des eaux je voulus resister au sommeil ce fut impossible ma respiration affaiblit je sentis un froid mortel glacer mes membres alourdis et comme paralyses mes paupieres veritables calottes de plomb tomberent sur mes yeux je ne pus les soulever un sommeil morbide plein hallucinations empara de tout mon etre puis les visions disparurent et me laisserent dans un complet aneantissement chapitre xxiv le royaume de corail le lendemain je me reveillai la tete singulierement degagee ma grande surprise etais dans ma chambre mes compagnons sans doute avaient ete reintegres dans leur cabine sans qu ils en fussent apercus plus que moi ce qui etait passe pendant cette nuit ils ignoraient comme je ignorais moimeme et pour devoiler ce mystere je ne comptais que sur les hasards de avenir je songeai alors quitter ma chambre etaisje encore une fois libre ou prisonnier libre entierement ouvris la porte je pris par les coursives je montai escalier central les panneaux fermes la veille etaient ouverts arrivai sur la plateforme ned land et conseil attendaient je les interrogeai ils ne savaient rien endormis un sommeil pesant qui ne leur laissait aucun souvenir ils avaient ete tressurpris de se retrouver dans leur cabine quant au nautilus il nous parut tranquille et mysterieux comme toujours il flottait la surface des flots sous une allure moderee rien ne semblait change bord ned land de ses yeux penetrants observa la mer elle etait deserte le canadien ne signala rien de nouveau horizon ni voile ni terre une brise ouest soufflait bruyamment et de longues lames echevelees par le vent imprimaient appareil un tressensible roulis le nautilus apres avoir renouvele son air se maintint une profondeur moyenne de quinze metres de maniere pouvoir revenir promptement la surface des flots operation qui contre habitude fut pratiquee plusieurs fois pendant cette journee du janvier le second montait alors sur la plateforme et la phrase accoutumee retentissait interieur du navire quant au capitaine nemo il ne parut pas des gens du bord je ne vis que impassible stewart qui me servit avec son exactitude et son mutisme ordinaires vers deux heures etais au salon occupe classer mes notes lorsque le capitaine ouvrit la porte et parut je le saluai il me rendit un salut presque imperceptible sans adresser la parole je me remis mon travail esperant qu il me donnerait peutetre des explications sur les evenements qui avaient marque la nuit precedente il en fit rien je le regardai sa figure me parut fatiguee ses yeux rougis avaient pas ete rafraichis par le sommeil sa physionomie exprimait une tristesse profonde un reel chagrin il allait et venait asseyait et se relevait prenait un livre au hasard abandonnait aussitot consultait ses instruments sans prendre ses notes habituelles et semblait ne pouvoir tenir un instant en place enfin il vint vers moi et me dit etesvous medecin monsieur aronnax je attendais si peu cette demande que je le regardai quelque temps sans repondre etesvous medecin repetatil plusieurs de vos collegues ont fait leurs etudes de medecine gratiolet moquintandon et autres en effet disje je suis docteur et interne des hopitaux ai pratique pendant plusieurs annees avant entrer au museum bien monsieur ma reponse avait evidemment satisfait le capitaine nemo mais ne sachant ou il en voulait venir attendis de nouvelles questions me reservant de repondre suivant les circonstances monsieur aronnax me dit le capitaine consentiriezvous donner vos soins un de mes hommes vous avez un malade oui je suis pret vous suivre venez avouerai que mon coeur battait je ne sais pourquoi je voyais une certaine connexite entre cette maladie un homme de equipage et les evenements de la veille et ce mystere me preoccupait au moins autant que le malade le capitaine nemo me conduisit arriere du nautilus et me fit entrer dans une cabine situee pres du poste des matelots la sur un lit reposait un homme une quarantaine annees figure energique vrai type de anglosaxon la sur un lit reposait un homme figure energique je me penchai sur lui ce etait pas seulement un malade etait un blesse sa tete emmaillotee de linges sanglants reposait sur un double oreiller je detachai ces linges et le blesse regardant de ses grands yeux fixes me laissa faire sans proferer une seule plainte la blessure etait horrible le crane fracasse par un instrument contondant montrait la cervelle nu et la substance cerebrale avait subi une attrition profonde des caillots sanguins etaient formes dans la masse diffluente qui affectait une couleur lie de vin il avait eu la fois contusion et commotion du cerveau la respiration du malade etait lente et quelques mouvements spasmodiques des muscles agitaient sa face la phlegmasie cerebrale etait complete et entrainait la paralysie du sentiment et du mouvement je pris le pouls du blesse il etait intermittent les extremites du corps se refroidissaient deja et je vis que la mort approchait sans qu il me parut possible de enrayer apres avoir panse ce malheureux je rajustai les linges de sa tete et je me retournai vers le capitaine nemo ou vient cette blessure lui demandaije qu importe repondit evasivement le capitaine un choc du nautilus brise un des leviers de la machine qui frappe cet homme mais votre avis sur son etat hesitais me prononcer vous pouvez parler me dit le capitaine cet homme entend pas le francais je regardai une derniere fois le blesse puis je repondis cet homme sera mort dans deux heures rien ne peut le sauver rien la main du capitaine nemo se crispa et quelques larmes glisserent de ses yeux que je ne croyais pas faits pour pleurer pendant quelques instants observai encore ce mourant dont la vie se retirait peu peu sa paleur accroissait encore sous eclat electrique qui baignait son lit de mort je regardais sa tete intelligente sillonnee de rides prematurees que le malheur la misere peutetre avaient creusees depuis longtemps je cherchais surprendre le secret de sa vie dans les dernieres paroles echappees ses levres vous pouvez vous retirer monsieur aronnax me dit le capitaine nemo je laissai le capitaine dans la cabine du mourant et je regagnai ma chambre tresemu de cette scene pendant toute la journee je fus agite de sinistres pressentiments la nuit je dormis mal et entre mes songes frequemment interrompus je crus entendre des soupirs lointains et comme une psalmodie funebre etaitce la priere des morts murmuree dans cette langue que je ne savais comprendre le lendemain matin je montai sur le pont le capitaine nemo avait precede des qu il apercut il vint moi monsieur le professeur me ditil vous conviendraitil de faire aujourd hui une excursion sousmarine avec mes compagnons demandaije si cela leur plait nous sommes vos ordres capitaine veuillez donc aller revetir vos scaphandres du mourant ou du mort il ne fut pas question je rejoignis ned land et conseil je leur fis connaitre la proposition du capitaine nemo conseil empressa accepter et cette fois le canadien se montra tresdispose nous suivre il etait huit heures du matin huit heures et demie nous etions vetus pour cette nouvelle promenade et munis des deux appareils eclairage et de respiration la double porte fut ouverte et accompagnes du capitaine nemo que suivaient une douzaine hommes de equipage nous prenions pied une profondeur de dix metres sur le sol ferme ou reposait le nautilus une legere pente aboutissait un fond accidente par quinze brasses de profondeur environ ce fond differait completement de celui que avais visite pendant ma premiere excursion sous les eaux de ocean pacifique ici point de sable fin point de prairies sousmarines nulle foret pelagienne je reconnus immediatement cette region merveilleuse dont ce jourla le capitaine nemo nous faisait les honneurs etait le royaume du corail dans embranchement des zoophytes et dans la classe des alcyonnaires on remarque ordre des gorgonaires qui renferme les trois groupes des gorgoniens des isidiens et des coralliens est ce dernier qu appartient le corail curieuse substance qui fut tour tour classee dans les regnes mineral vegetal et animal remede chez les anciens bijou chez les modernes ce fut seulement en que le marseillais peysonnel le rangea definitivement dans le regne animal le corail est un ensemble animalcules reunis sur un polypier de nature cassante et pierreuse ces polypes ont un generateur unique qui les produits par bourgeonnement et ils possedent une existence propre tout en participant la vie commune est donc une sorte de socialisme naturel je connaissais les derniers travaux faits sur ce bizarre zoophyte qui se mineralise tout en arborisant suivant la tres juste observation des naturalistes et rien ne pouvait etre plus interessant pour moi que de visiter une de ces forets petrifiees que la nature plantees au fond des mers les appareils rumhkorff furent mis en activite et nous suivimes un banc de corail en voie de formation qui le temps aidant fermera un jour cette portion de ocean indien la route etait bordee inextricables buissons formes par enchevetrement arbrisseaux que couvraient de petites fleurs etoilees rayons blancs seulement inverse des plantes de la terre ces arborisations fixees aux rochers du sol se dirigeaient toutes de haut en bas la lumiere produisait mille effets charmants en se jouant au milieu de ces ramures si vivement colorees il me semblait voir ces tubes membraneux et cylindriques trembler sous ondulation des eaux etais tente de cueillir leurs fraiches corolles ornees de delicats tentacules les unes nouvellement epanouies les autres naissant peine pendant que de legers poissons aux rapides nageoires les effleuraient en passant comme des volees oiseaux mais si ma main approchait de ces fleurs vivantes de ces sensitives animees aussitot alerte se mettait dans la colonie les corolles blanches rentraient dans leurs etuis rouges les fleurs evanouissaient sous mes regards et le buisson se changeait en un bloc de mamelons pierreux le hasard avait mis la en presence des plus precieux echantillons de ce zoophyte ce corail valait celui qui se peche dans la mediterranee sur les cotes de france italie et de barbarie il justifiait par ses tons vifs ces noms poetiques de fleur de sang et ecume de sang que le commerce donne ses plus beaux produits le corail se vend jusqu cinq cents francs le kilogramme et en cet endroit les couches liquides recouvraient la fortune de tout un monde de corailleurs cette precieuse matiere souvent melangee avec autres polypiers formait alors des ensembles compacts et inextricables appeles macciota et sur lesquels je remarquai admirables specimens de corail rose mais bientot les buissons se resserrerent les arborisations grandirent de veritables taillis petrifies et de longues travees une architecture fantaisiste ouvrirent devant nos pas le capitaine nemo engagea sous une obscure galerie dont la pente douce nous conduisit une profondeur de cent metres la lumiere de nos serpentins produisait parfois des effets magiques en accrochant aux rugueuses asperites de ces arceaux naturels et aux pendentifs disposes comme des lustres qu elle piquait de pointes de feu entre les arbrisseaux coralliens observai autres polypes non moins curieux des melites des iris aux ramifications articulees puis quelques touffes de corallines les unes vertes les autres rouges veritables algues encroutees dans leurs sels calcaires que les naturalistes apres longues discussions ont definitivement rangees dans le regne vegetal mais suivant la remarque un penseur est peutetre la le point reel ou la vie obscurement se souleve du sommeil de pierre sans se detacher encore de ce rude point de depart enfin apres deux heures de marche nous avions atteint une profondeur de trois cents metres environ estadire la limite extreme sur laquelle le corail commence se former mais la ce etait plus le buisson isole ni le modeste taillis de basse futaie etait la foret immense les grandes vegetations minerales les enormes arbres petrifies reunis par des guirlandes elegantes plumarias ces lianes de la mer toutes parees de nuances et de reflets nous passions librement sous leur haute ramure perdue dans ombre des flots tandis qu nos pieds les tubipores les meandrines les astrees les fongies les cariophylles formaient un tapis de fleurs seme de gemmes eblouissantes quel indescriptible spectacle ah que ne pouvionsnous communiquer nos sensations pourquoi etionsnous emprisonnes sous ce masque de metal et de verre pourquoi les paroles nous etaientelles interdites de un autre que ne vivionsnous du moins de la vie de ces poissons qui peuplent le liquide element ou plutot encore de celle de ces amphibies qui pendant de longues heures peuvent parcourir au gre de leur caprice le double domaine de la terre et des eaux cependant le capitaine nemo etait arrete mes compagnons et moi nous suspendimes notre marche et me retournant je vis que ses hommes formaient un demicercle autour de leur chef en regardant avec plus attention observai que quatre entre eux portaient sur leurs epaules un objet de forme oblongue nous occupions en cet endroit le centre une vaste clairiere entouree par les hautes arborisations de la foret sousmarine nos lampes projetaient sur cet espace une sorte de clarte crepusculaire qui allongeait demesurement les ombres sur le sol la limite de la clairiere obscurite redevenait profonde et ne recueillait que de petites etincelles retenues par les vives aretes du corail ned land et conseil etaient pres de moi nous regardions et il me vint la pensee que allais assister une scene etrange en observant le sol je vis qu il etait gonfle en de certains points par de legeres extumescences encroutees de depots calcaires et disposees avec une regularite qui trahissait la main de homme au milieu de la clairiere sur un piedestal de rocs grossierement entasses se dressait une croix de corail qui etendait ses longs bras qu on eut dit faits un sang petrifie sur un signe du capitaine nemo un de ses hommes avanca et quelques pieds de la croix il commenca creuser un trou avec une pioche qu il detacha de sa ceinture je compris tout cette clairiere etait un cimetiere ce trou une tombe cet objet oblong le corps de homme mort dans la nuit le capitaine nemo et les siens venaient enterrer leur compagnon dans cette demeure commune au fond de cet inaccessible ocean non jamais mon esprit ne fut surexcite ce point jamais idees plus impressionnantes envahirent mon cerveau je ne voulais pas voir ce que voyaient mes yeux cependant la tombe se creusait lentement les poissons fuyaient ca et la leur retraite troublee entendais resonner sur le sol calcaire le fer du pic qui etincelait parfois en heurtant quelque silex perdu au fond des eaux le trou allongeait elargissait et bientot il fut assez profond pour recevoir le corps alors les porteurs approcherent le corps enveloppe dans un tissu de byssus blanc descendit dans son humide tombe le capitaine nemo les bras croises sur la poitrine et tous les amis de celui qui les avait aimes agenouillerent dans attitude de la priere mes deux compagnons et moi nous nous etions religieusement inclines tous agenouillerent dans attitude de la priere la tombe fut alors recouverte des debris arraches au sol qui formerent un leger renflement quand ce fut fait le capitaine nemo et ses hommes se redresserent puis se rapprochant de la tombe tous flechirent encore le genou et tous etendirent leur main en signe de supreme adieu alors la funebre troupe reprit le chemin du nautilus repassant sous les arceaux de la foret au milieu des taillis le long des buissons de corail et toujours montant enfin les feux du bord apparurent leur trainee lumineuse nous guida jusqu au nautilus une heure nous etions de retour des que mes vetements furent changes je remontai sur la plateforme et en proie une terrible obsession idees allai asseoir pres du fanal le capitaine nemo me rejoignit je me levai et lui dis ainsi suivant mes previsions cet homme est mort dans la nuit oui monsieur aronnax repondit le capitaine nemo et il repose maintenant pres de ses compagnons dans ce cimetiere de corail oui oublies de tous mais non de nous nous creusons la tombe et les polypes se chargent sceller nos morts pour eternite et cachant un geste brusque son visage dans ses mains crispees le capitaine essaya vainement de comprimer un sanglot puis il ajouta est la notre paisible cimetiere quelques centaines de pieds audessous de la surface des flots vos morts dorment du moins tranquilles capitaine hors de atteinte des requins oui monsieur repondit gravement le capitaine nemo des requins et des hommes fin de la premiere partie chapitre premier ocean indien ici commence la seconde partie de ce voyage sous les mers la premiere est terminee sur cette emouvante scene du cimetiere de corail qui laisse dans mon esprit une impression profonde ainsi donc au sein de cette mer immense la vie du capitaine nemo se deroulait tout entiere et il etait pas jusqu sa tombe qu il eut preparee dans le plus impenetrable de ses abimes la pas un des monstres de ocean ne viendrait troubler le dernier sommeil de ces hotes du nautilus de ces amis rives les uns aux autres dans la mort aussi bien que dans la vie nul homme non plus avait ajoute le capitaine toujours cette meme defiance farouche implacable envers les societes humaines pour moi je ne me contentais plus des hypotheses qui satisfaisaient conseil ce digne garcon persistait ne voir dans le commandant du nautilus qu un de ces savants meconnus qui rendent humanite mepris pour indifference etait encore pour lui un genie incompris qui las des deceptions de la terre avait du se refugier dans cet inaccessible milieu ou ses instincts exercaient librement mais mon avis cette hypothese expliquait qu un des cotes du capitaine nemo en effet le mystere de cette derniere nuit pendant laquelle nous avions ete enchaines dans la prison et le sommeil la precaution si violemment prise par le capitaine arracher de mes yeux la lunette prete parcourir horizon la blessure mortelle de cet homme due un choc inexplicable du nautilus tout cela me poussait dans une voie nouvelle non le capitaine nemo ne se contentait pas de fuir les hommes son formidable appareil servait non seulement ses instincts de liberte mais peutetre aussi les interets de je ne sais quelles terribles represailles en ce moment rien est evident pour moi je entrevois encore dans ces tenebres que des lueurs et je dois me borner ecrire pour ainsi dire sous la dictee des evenements ailleurs rien ne nous lie au capitaine nemo il sait que echapper du nautilus est impossible nous ne sommes pas meme prisonniers sur parole aucun engagement honneur ne nous enchaine nous ne sommes que des captifs que des prisonniers deguises sous le nom hotes par un semblant de courtoisie toutefois ned land pas renonce espoir de recouvrer sa liberte il est certain qu il profitera de la premiere occasion que le hasard lui offrira je ferai comme lui sans doute et cependant ce ne sera pas sans une sorte de regret que emporterai ce que la generosite du capitaine nous aura laisse penetrer des mysteres du nautilus car enfin fautil hair cet homme ou admirer estce une victime ou un bourreau et puis pour etre franc je voudrais avant de abandonner jamais je voudrais avoir accompli ce tour du monde sousmarin dont les debuts sont si magnifiques je voudrais avoir observe la complete serie des merveilles entassees sous les mers du globe je voudrais avoir vu ce que nul homme vu encore quand je devrais payer de ma vie cet insatiable besoin apprendre qu aije decouvert jusqu ici rien ou presque rien puisque nous avons encore parcouru que six mille lieues travers le pacifique pourtant je sais bien que le nautilus se rapproche des terres habitees et que si quelque chance de salut offre nous il serait cruel de sacrifier mes compagnons ma passion pour inconnu il faudra les suivre peutetre meme les guider mais cette occasion se presenteratelle jamais homme prive par la force de son libre arbitre la desire cette occasion mais le savant le curieux la redoute ce jourla janvier midi le second vint prendre la hauteur du soleil je montai sur la plateforme allumai un cigare et je suivis operation il me parut evident que cet homme ne comprenait pas le francais car plusieurs fois je fis voix haute des reflexions qui auraient du lui arracher quelque signe involontaire attention il les eut comprises mais il resta impassible et muet pendant qu il observait au moyen du sextant un des matelots du nautilus cet homme vigoureux qui nous avait accompagnes lors de notre premiere excursion sousmarine ile crespo vint nettoyer les vitres du fanal examinai alors installation de cet appareil dont la puissance etait centuplee par des anneaux lenticulaires disposes comme ceux des phares et qui maintenaient sa lumiere dans le plan utile la lampe electrique etait combinee de maniere donner tout son pouvoir eclairant sa lumiere en effet se produisait dans le vide ce qui assurait la fois sa regularite et son intensite ce vide economisait aussi les pointes de graphite entre lesquelles se developpe arc lumineux economie importante pour le capitaine nemo qui aurait pu les renouveler aisement mais dans ces conditions leur usure etait presque insensible lorsque le nautilus se prepara reprendre sa marche sousmarine je redescendis au salon les panneaux se refermerent et la route fut donnee directement ouest nous sillonnions alors les flots de ocean indien vaste plaine liquide une contenance de cinq cent cinquante millions hectares et dont les eaux sont si transparentes qu elles donnent le vertige qui se penche leur surface le nautilus flottait generalement entre cent et deux cents metres de profondeur ce fut ainsi pendant quelques jours tout autre que moi pris un immense amour de la mer les heures eussent sans doute paru longues et monotones mais ces promenades quotidiennes sur la plateforme ou je me retrempais dans air vivifiant de ocean le spectacle de ces riches eaux travers les vitres du salon la lecture des livres de la bibliotheque la redaction de mes memoires employaient tout mon temps et ne me laissaient pas un moment de lassitude ou ennui notre sante tous se maintenait dans un etat tressatisfaisant le regime du bord nous convenait parfaitement et pour mon compte je me serais bien passe des variantes que ned land par esprit de protestation ingeniait apporter de plus dans cette temperature constante il avait pas meme un rhume craindre ailleurs ce madreporaire dendrophyllee connu en provence sous le nom de fenouil de mer et dont il existait une certaine reserve bord eut fourni avec la chair fondante de ses polypes une pate excellente contre la toux pendant quelques jours nous vimes une grande quantite oiseaux aquatiques palmipedes mouettes ou goelands quelquesuns furent adroitement tues et prepares une certaine facon ils fournirent un gibier eau tresacceptable parmi les grands voiliers emportes de longues distances de toutes terres et qui se reposent sur les flots des fatigues du vol apercus de magnifiques albatros au cri discordant comme un braiement ane oiseaux qui appartiennent la famille des longipennes la famille des totipalmes etait representee par des fregates rapides qui pechaient prestement les poissons de la surface et par de nombreux phaetons ou pailleenqueue entre autres ce phaeton brins rouges gros comme un pigeon et dont le plumage blanc est nuance de tons roses qui font valoir la teinte noire des ailes albatros fregates et phaetons les filets du nautilus rapporterent plusieurs sortes de tortues marines du genre caret dos bombe et dont ecaille est tresestimee ces reptiles qui plongent facilement peuvent se maintenir longtemps sous eau en fermant la soupape charnue situee orifice externe de leur canal nasal quelquesuns de ces carets lorsqu on les prit dormaient encore dans leur carapace abri des animaux marins la chair de ces tortues etait generalement mediocre mais leurs oeufs formaient un regal excellent quant aux poissons ils provoquaient toujours notre admiration quand nous surprenions travers les panneaux ouverts les secrets de leur vie aquatique je remarquai plusieurs especes qu il ne avait pas ete donne observer jusqu alors je citerai principalement des ostracions particuliers la mer rouge la mer des indes et cette partie de ocean qui baigne les cotes de amerique equinoxiale ces poissons comme les tortues les tatous les oursins les crustaces sont proteges par une cuirasse qui est ni cretacee ni pierreuse mais veritablement osseuse tantot elle affecte la forme un solide triangulaire tantot la forme un solide quadrangulaire parmi les triangulaires en notai quelquesuns une longueur un demidecimetre une chair salubre un gout exquis bruns la queue jaunes aux nageoires et dont je recommande acclimatation meme dans les eaux douces auxquelles ailleurs un certain nombre de poissons de mer accoutument aisement je citerai aussi des ostracions quadrangulaires surmontes sur le dos de quatre gros tubercules des ostracions mouchetes de points blancs sous la partie inferieure du corps qui apprivoisent comme des oiseaux des trigones pourvus aiguillons formes par la prolongation de leur croute osseuse et auxquels leur singulier grognement valu le surnom de cochons de mer puis des dromadaires grosses bosses en forme de cone dont la chair est dure et coriace je releve encore sur les notes quotidiennes tenues par maitre conseil certains poissons du genre tetrodons particuliers ces mers des spengleriens au dos rouge la poitrine blanche qui se distinguent par trois rangees longitudinales de filaments et des electriques longs de sept pouces pares des plus vives couleurs puis comme echantillons autres genres des ovoides semblables un oeuf un brun noir sillonnes de bandelettes blanches et depourvus de queue des diodons veritables porcsepics de la mer munis aiguillons et pouvant se gonfler de maniere former une pelote herissee de dards des hippocampes communs tous les oceans des pegases volants museau allonge auxquels leurs nageoires pectorales tresetendues et disposees en forme ailes permettent sinon de voler du moins de elancer dans les airs des pigeons spatules dont la queue est couverte de nombreux anneaux ecailleux des macrognathes longue machoire excellents poissons longs de vingtcinq centimetres et brillants des plus agreables couleurs des calliomores livides dont la tete est rugueuse des myriades de blenniessauteurs rayes de noir aux longues nageoires pectorales glissant la surface des eaux avec une prodigieuse velocite de delicieux veliferes qui peuvent hisser leurs nageoires comme autant de voiles deployees aux courants favorables des kurtes splendides auxquels la nature prodigue le jaune le bleu celeste argent et or des trichopteres dont les ailes sont formees de filaments des cottes toujours maculees de limon qui produisent un certain bruissement des trygles dont le foie est considere comme poison des bodians qui portent sur les yeux une oeillere mobile enfin des soufflets au museau long et tubuleux veritables gobemouches de ocean armes un fusil que ont prevu ni les chassepot ni les remington et qui tuent les insectes en les frappant une simple goutte eau dans le quatrevingtneuvieme genre des poissons classes par lacepede qui appartient la seconde sousclasse des osseux caracterises par un opercule et une membrane branchiale je remarquai la scorpene dont la tete est garnie aiguillons et qui ne possede qu une seule nageoire dorsale ces animaux sont revetus ou prives de petites ecailles suivant le sousgenre auquel ils appartiennent le second sousgenre nous donna des echantillons de dydactyles longs de trois quatre decimetres rayes de jaune mais dont la tete est un aspect fantastique quant au premier sousgenre il fournit plusieurs specimens de ce poisson bizarre justement surnomme crapaud de mer poisson tete grande tantot creusee de sinus profonds tantot boursouflee de protuberances herisse aiguillons et parseme de tubercules il porte des cornes irregulieres et hideuses son corps et sa queue sont garnis de callosites ses piquants font des blessures dangereuses il est repugnant et horrible du au janvier le nautilus marcha raison de deux cent cinquante lieues par vingtquatre heures soit cinq cent quarante milles ou vingtdeux milles heure si nous reconnaissions au passage les diverses varietes de poissons est que ceuxci attires par eclat electrique cherchaient nous accompagner la plupart distances par cette vitesse restaient bientot en arriere quelquesuns cependant parvenaient se maintenir pendant un certain temps dans les eaux du nautilus le au matin par deg de latitude sud et deg de longitude nous eumes connaissance de ile keeling soulevement madreporique plante de magnifiques cocos et qui fut visitee par darwin et le capitaine fitzroy le nautilus prolongea peu de distance les accores de cette ile deserte ses dragues rapporterent de nombreux echantillons de polypes et echinodermes et des tests curieux de embranchement des mollusques quelques precieux produits de espece des dauphinules accrurent les tresors du capitaine nemo auquel je joignis une astree punctifere sorte de polypier parasite souvent fixe sur une coquille bientot ile keeling disparut sous horizon et la route fut donnee au nordouest vers la pointe de la peninsule indienne des terres civilisees me dit ce jourla ned land cela vaudra mieux que ces iles de la papouasie ou on rencontre plus de sauvages que de chevreuils sur cette terre indienne monsieur le professeur il des routes des chemins de fer des villes anglaises francaises et indoues on ne ferait pas cinq milles sans rencontrer un compatriote hein estce que le moment est pas venu de bruler la politesse au capitaine nemo non ned non repondisje un ton tresdetermine laissons courir comme vous dites vous autres marins le nautilus se rapproche des continents habites il revient vers europe qu il nous conduise une fois arrives dans nos mers nous verrons ce que la prudence nous conseillera de tenter ailleurs je ne suppose pas que le capitaine nemo nous permette aller chasser sur les cotes du malabar ou de coromandel comme dans les forets de la nouvelleguinee eh bien monsieur ne peuton se passer de sa permission je ne repondis pas au canadien je ne voulais pas discuter au fond avais coeur epuiser jusqu au bout les hasards de la destinee qui avait jete bord du nautilus partir de ile keeling notre marche se ralentit generalement elle fut aussi plus capricieuse et nous entraina souvent de grandes profondeurs on fit plusieurs fois usage des plans inclines que des leviers interieurs pouvaient placer obliquement la ligne de flottaison nous allames ainsi jusqu deux et trois kilometres mais sans jamais avoir verifie les grands fonds de cette mer indienne que des sondes de treize mille metres ont pas pu atteindre quant la temperature des basses couches le thermometre indiqua toujours invariablement quatre degres audessus de zero observai seulement que dans les nappes superieures eau etait toujours plus froide sur les hauts fonds qu en pleine mer le janvier ocean etant absolument desert le nautilus passa la journee sa surface battant les flots de sa puissante helice et les faisant rejaillir une grande hauteur comment dans ces conditions ne euton pas pris pour un cetace gigantesque je passai les trois quarts de cette journee sur la plateforme je regardais la mer rien horizon si ce est vers quatre heures du soir un long steamer qui courait dans ouest contrebord sa mature fut visible un instant mais il ne pouvait apercevoir le nautilus trop ras sur eau je pensai que ce bateau vapeur appartenait la ligne peninsulaire et orientale qui fait le service de ile de ceyland sydney en touchant la pointe du roi georges et melbourne cinq heures du soir avant ce rapide crepuscule qui lie le jour la nuit dans les zones tropicales conseil et moi nous fumes emerveilles par un curieux spectacle il est un charmant animal dont la rencontre suivant les anciens presageait des chances heureuses aristote athenee pline oppien avaient etudie ses gouts et epuise son egard toute la poetique des savants de la grece et de italie ils appelerent nautilus et pompylius mais la science moderne pas ratifie leur appellation et ce mollusque est maintenant connu sous le nom argonaute qui eut consulte conseil eut appris de ce brave garcon que embranchement des mollusques se divise en cinq classes que la premiere classe celle des cephalopodes dont les sujets sont tantot nus tantot testaces comprend deux familles celles des dibranchiaux et des tetrabranchiaux qui se distinguent par le nombre de leurs branchies que la famille des dibranchiaux renferme trois genres argonaute le calmar et la seiche et que la famille des tetrabranchiaux en contient qu un seul le nautile si apres cette nomenclature un esprit rebelle eut confondu argonaute qui est acetabulifere estadire porteur de ventouses avec le nautile qui est tentaculifere estadire porteur de tentacules il aurait ete sans excuse or etait une troupe de ces argonautes qui voyageait alors la surface de ocean nous pouvions en compter plusieurs centaines ils appartenaient espece des argonautes tubercules qui est speciale aux mers de inde les argonautes ces gracieux mollusques se mouvaient reculons au moyen de leur tube locomoteur en chassant par ce tube eau qu ils avaient aspiree de leurs huit tentacules six allonges et amincis flottaient sur eau tandis que les deux autres arrondis en palmes se tendaient au vent comme une voile legere je voyais parfaitement leur coquille spiraliforme et ondulee que cuvier compare justement une elegante chaloupe veritable bateau en effet il transporte animal qui secrete sans que animal adhere argonaute est libre de quitter sa coquille disje conseil mais il ne la quitte jamais ainsi fait le capitaine nemo repondit judicieusement conseil est pourquoi il eut mieux fait appeler son navire argonaute pendant une heure environ le nautilus flotta au milieu de cette troupe de mollusques puis je ne sais quel effroi les prit soudain comme un signal toutes les voiles furent subitement amenees les bras se replierent les corps se contracterent les coquilles se renversant changerent leur centre de gravite et toute la flottille disparut sous les flots ce fut instantane et jamais navires une escadre ne manoeuvrerent avec plus ensemble en ce moment la nuit tomba subitement et les lames peine soulevees par la brise allongerent paisiblement sous les precintes du nautilus le lendemain janvier nous coupions equateur sur le quatrevingtdeuxieme meridien et nous rentrions dans hemisphere boreal pendant cette journee une formidable troupe de squales nous fit cortege terribles animaux qui pullulent dans ces mers et les rendent fort dangereuses etaient des squales philipps au dos brun et au ventre blanchatre armes de onze rangees de dents des squales oeilles dont le cou est marque une grande tache noire cerclee de blanc qui ressemble un oeil des squales isabelle museau arrondi et seme de points obscurs souvent ces puissants animaux se precipitaient contre la vitre du salon avec une violence peu rassurante ned land ne se possedait plus alors il voulait remonter la surface des flots et harponner ces monstres surtout certains squales emissoles dont la gueule est pavee de dents disposees comme une mosaique et de grands squales tigres longs de cinq metres qui le provoquaient avec une insistance toute particuliere mais bientot le nautilus accroissant sa vitesse laissa facilement en arriere les plus rapides de ces requins le janvier ouvert du vaste golfe du bengale nous rencontrames plusieurs reprises spectacle sinistre des cadavres qui flottaient la surface des flots etaient les morts des villes indiennes charries par le gange jusqu la haute mer et que les vautours les seuls ensevelisseurs du pays avaient pas acheve de devorer mais les squales ne manquaient pas pour les aider dans leur funebre besogne des cadavres flottaient vers sept heures du soir le nautilus demiimmerge navigua au milieu une mer de lait perte de vue ocean semblait etre lactifie etaitce effet des rayons lunaires non car la lune ayant deux jours peine etait encore perdue audessous de horizon dans les rayons du soleil tout le ciel quoique eclaire par le rayonnement sideral semblait noir par contraste avec la blancheur des eaux conseil ne pouvait en croire ses yeux et il interrogeait sur les causes de ce singulier phenomene heureusement etais en mesure de lui repondre est ce qu on appelle une mer de lait lui disje vaste etendue de flots blancs qui se voit frequemment sur les cotes amboine et dans ces parages mais demanda conseil monsieur peutil apprendre quelle cause produit un pareil effet car cette eau ne est pas changee en lait je suppose non mon garcon et cette blancheur qui te surprend est due qu la presence de myriades de bestioles infusoires sortes de petits vers lumineux un aspect gelatineux et incolore de epaisseur un cheveu et dont la longueur ne depasse pas un cinquieme de millimetre quelquesunes de ces bestioles adherent entre elles pendant espace de plusieurs lieues plusieurs lieues ecria conseil oui mon garcon et ne cherche pas supputer le nombre de ces infusoires tu parviendrais pas car si je ne me trompe certains navigateurs ont flotte sur ces mers de lait pendant plus de quarante milles je ne sais si conseil tint compte de ma recommandation mais il parut se plonger dans des reflexions profondes cherchant sans doute evaluer combien quarante milles carres contiennent de cinquiemes de millimetres pour moi je continuai observer le phenomene pendant plusieurs heures le nautilus trancha de son eperon ces flots blanchatres et je remarquai qu il glissait sans bruit sur cette eau savonneuse comme il eut flotte dans ces remous ecume que les courants et les contrecourants des baies laissaient quelquefois entre eux vers minuit la mer reprit subitement sa teinte ordinaire mais derriere nous jusqu aux limites de horizon le ciel reflechissant la blancheur des flots sembla longtemps impregne des vagues lueurs une aurore boreale chapitre ii une nouvelle proposition du capitaine nemo le fevrier lorsque le nautilus revint midi la surface de la mer par deg de latitude nord il se trouvait en vue une terre qui lui restait huit milles dans ouest observai tout abord une agglomeration de montagnes hautes de deux mille pieds environ dont les formes se modelaient trescapricieusement le point termine je rentrai dans le salon et lorsque le relevement eut ete reporte sur la carte je reconnus que nous etions en presence de ile de ceyland cette perle qui pend au lobe inferieur de la peninsule indienne allai chercher dans la bibliotheque quelque livre relatif cette ile une des plus fertiles du globe je trouvai precisement un volume de sirr esq intitule ceylan and the cingalese rentre au salon je notai abord les relevements de ceyland laquelle antiquite avait prodigue tant de noms divers sa situation etait entre deg et deg de latitude nord et entre deg et deg de longitude est du meridien de greenwich sa longueur deux cent soixantequinze milles sa largeur maximum cent cinquante milles sa circonference neuf cents milles sa superficie vingtquatre mille quatre cent quarantehuit milles estadire un peu inferieure celle de irlande le capitaine nemo et son second parurent en ce moment le capitaine jeta un coup oeil sur la carte puis se retournant vers moi ile de ceylan ditil une terre celebre par ses pecheries de perles vous seraitil agreable monsieur aronnax de visiter une de ses pecheries sans aucun doute capitaine bien ce sera chose facile seulement si nous voyons les pecheries nous ne verrons pas les pecheurs exploitation annuelle est pas encore commencee importe je vais donner ordre de rallier le golfe de manaar ou nous arriverons dans la nuit le capitaine dit quelques mots son second qui sortit aussitot bientot le nautilus rentra dans son liquide element et le manometre indiqua qu il tenait une profondeur de trente pieds la carte sous les yeux je cherchai alors ce golfe de manaar je le trouvai par le neuvieme parallele sur la cote nordouest de ceylan il etait forme par une ligne allongee de la petite ile manaar pour atteindre il fallait remonter tout le rivage occidental de ceylan monsieur le professeur me dit alors le capitaine nemo on peche des perles dans le golfe du bengale dans la mer des indes dans les mers de chine et du japon dans les mers du sud de amerique au golfe de panama au golfe de californie mais est ceyland que cette peche obtient les plus beaux resultats nous arrivons un peu tot sans doute les pecheurs ne se rassemblent que pendant le mois de mars au golfe de manaar et la pendant trente jours leurs trois cents bateaux se livrent cette lucrative exploitation des tresors de la mer chaque bateau est monte par dix rameurs et par dix pecheurs ceuxci divises en deux groupes plongent alternativement et descendent une profondeur de douze metres au moyen une lourde pierre qu ils saisissent entre leurs pieds et qu une corde rattache au bateau ainsi disje est toujours ce moyen primitif qui est encore en usage toujours me repondit le capitaine nemo bien que ces pecheries appartiennent au peuple le plus industrieux du globe aux anglais auxquels le traite amiens les cedees en il me semble cependant que le scaphandre tel que vous employez rendrait de grands services dans une telle operation oui car ces pauvres pecheurs ne peuvent demeurer longtemps sous eau anglais perceval dans son voyage ceylan parle bien un cafre qui restait cinq minutes sans remonter la surface mais le fait me parait peu croyable je sais que quelques plongeurs vont jusqu cinquantesept secondes et de tres habiles jusqu quatrevingtsept toutefois ils sont rares et revenus bord ces malheureux rendent par le nez et les oreilles de eau teintee de sang je crois que la moyenne de temps que les pecheurs peuvent supporter est de trente secondes pendant lesquelles ils se hatent entasser dans un petit filet toutes les huitres perlieres qu ils arrachent mais generalement ces pecheurs ne vivent pas vieux leur vue affaiblit des ulcerations se declarent leurs yeux des plaies se forment sur leur corps et souvent meme ils sont frappes apoplexie au fond de la mer oui disje est un triste metier et qui ne sert qu la satisfaction de quelques caprices mais ditesmoi capitaine quelle quantite huitres peut pecher un bateau dans sa journee quarante cinquante mille environ on dit meme qu en le gouvernement anglais ayant fait pecher pour son propre compte ses plongeurs dans vingt journees de travail rapporterent soixanteseize millions huitres au moins demandaije ces pecheurs sontils suffisamment retribues peine monsieur le professeur panama ils ne gagnent qu un dollar par semaine le plus souvent ils ont un sol par huitre qui renferme une perle et combien en ramenentils qui en contiennent pas un sol ces pauvres gens qui enrichissent leurs maitres est odieux ainsi monsieur le professeur me dit le capitaine nemo vos compagnons et vous vous visiterez le banc de manaar et si par hasard quelque pecheur hatif trouve deja eh bien nous le verrons operer est convenu capitaine propos monsieur aronnax vous avez pas peur des requins des requins ecriaije cette question me parut pour le moins tresoiseuse eh bien reprit le capitaine nemo je vous avouerai capitaine que je ne suis pas encore tresfamiliarise avec ce genre de poissons nous sommes habitues nous autres repliqua le capitaine nemo et avec le temps vous vous ferez ailleurs nous serons armes et chemin faisant nous pourrons peutetre chasser quelque squale est une chasse interessante ainsi donc demain monsieur le professeur et de grand matin cela dit un ton degage le capitaine nemo quitta le salon on vous inviterait chasser ours dans les montagnes de la suisse que vous diriez tres bien demain nous irons chasser ours on vous inviterait chasser le lion dans les plaines de atlas ou le tigre dans les jungles de inde que vous diriez ah ah il parait que nous allons chasser le tigre ou le lion mais on vous inviterait chasser le requin dans son element naturel que vous demanderiez peutetre reflechir avant accepter cette invitation pour moi je passai ma main sur mon front ou perlaient quelques gouttes de sueur froide reflechissons me disje et prenons notre temps chasser des loutres dans les forets sousmarines comme nous avons fait dans les forets de ile crespo passe encore mais courir le fond des mers quand on est peu pres certain rencontrer des squales est autre chose je sais bien que dans certains pays aux iles andamenes particulierement les negres hesitent pas attaquer le requin un poignard dans une main et un lacet dans autre mais je sais aussi que beaucoup de ceux qui affrontent ces formidables animaux ne reviennent pas vivants ailleurs je ne suis pas un negre et quand je serais un negre je crois que dans ce cas une legere hesitation de ma part ne serait pas deplacee et me voila revant de requins songeant ces vastes machoires armees de multiples rangees de dents et capables de couper un homme en deux je me sentais deja une certaine douleur autour des reins puis je ne pouvais digerer le sansfacon avec lequel le capitaine avait fait cette deplorable invitation euton pas dit qu il agissait aller traquer sous bois quelque renard inoffensif bon pensaije jamais conseil ne voudra venir et cela me dispensera accompagner le capitaine quant ned land avoue que je ne me sentais pas aussi sur de sa sagesse un peril si grand qu il fut avait toujours un attrait pour sa nature batailleuse je repris ma lecture du livre de sirr mais je le feuilletai machinalement je voyais entre les lignes des machoires formidablement ouvertes en ce moment conseil et le canadien entrerent air tranquille et meme joyeux ils ne savaient pas ce qui les attendait ma foi monsieur me dit ned land votre capitaine nemo que le diable emporte vient de nous faire une tresaimable proposition ah disje vous savez en deplaise monsieur repondit conseil le commandant du nautilus nous invites visiter demain en compagnie de monsieur les magnifiques pecheries de ceyland il fait en termes excellents et est conduit en veritable gentleman il ne vous rien dit de plus rien monsieur repondit le canadien si ce est qu il vous avait parle de cette petite promenade en effet disje et il ne vous donne aucun detail sur aucun monsieur le naturaliste vous nous accompagnerez estil pas vrai moi sans doute je vois que vous prenez gout maitre land oui est curieux trescurieux dangereux peutetre ajoutaije un ton insinuant dangereux repondit ned land une simple excursion sur un banc huitres decidement le capitaine nemo avait juge inutile eveiller idee de requins dans esprit de mes compagnons moi je les regardais un oeil trouble et comme il leur manquait deja quelque membre devaisje les prevenir oui sans doute mais je ne savais trop comment prendre monsieur me dit conseil monsieur voudratil nous donner des details sur la peche des perles sur la peche ellememe demandaije ou sur les incidents qui sur la peche repondit le canadien avant de engager sur le terrain il est bon de le connaitre eh bien asseyezvous mes amis et je vais vous apprendre tout ce que anglais sirr vient de apprendre moimeme ned et conseil prirent place sur un divan et tout abord le canadien me dit monsieur qu estce que est qu une perle mon brave ned repondisje pour le poete la perle est une larme de la mer pour les orientaux est une goutte de rosee solidifiee pour les dames est un bijou de forme oblongue un eclat hyalin une matiere nacree qu elles portent au doigt au cou ou oreille pour le chimiste est un melange de phosphate et de carbonate de chaux avec un peu de gelatine et enfin pour les naturalistes est une simple secretion maladive de organe qui produit la nacre chez certains bivalves embranchement des mollusques dit conseil classe des acephales ordre des testaces precisement savant conseil or parmi ces testaces oreilledemer iris les turbots les tridacnes les pinnesmarines en un mot tous ceux qui secretent la nacre estadire cette substance bleue bleuatre violette ou blanche qui tapisse interieur de leurs valves sont susceptibles de produire des perles les moules aussi demanda le canadien oui les moules de certains cours eau de ecosse du pays de galles de irlande de la saxe de la boheme de la france bon on fera attention desormais repondit le canadien mais reprisje le mollusque par excellence qui distille la perle est huitre perliere la meleagrina margaritifera la precieuse pintadine la perle est qu une concretion nacree qui se dispose sous une forme globuleuse ou elle adhere la coquille de huitre ou elle incruste dans les plis de animal sur les valves la perle est adherente sur les chairs elle est libre mais elle toujours pour noyau un petit corps dur soit un ovule sterile soit un grain de sable autour duquel la matiere nacree se depose en plusieurs annees successivement et par couches minces et concentriques trouveton plusieurs perles dans une meme huitre demanda conseil oui mon garcon il de certaines pintadines qui forment un veritable ecrin on meme cite une huitre mais je me permets en douter qui ne contenait pas moins de cent cinquante requins cent cinquante requins ecria ned land aije dit requins ecriaije vivement je veux dire cent cinquante perles requins aurait aucun sens en effet dit conseil mais monsieur nous apprendratil maintenant par quels moyens on extrait ces perles on procede de plusieurs facons et souvent meme quand les perles adherent aux valves les pecheurs les arrachent avec des pinces mais le plus communement les pintadines sont etendues sur des nattes de sparterie qui couvrent le rivage elles meurent ainsi air libre et au bout de dix jours elles se trouvent dans un etat satisfaisant de putrefaction on les plonge alors dans de vastes reservoirs eau de mer puis on les ouvre et on les lave est ce moment que commence le double travail des rogueurs abord ils separent les plaques de nacre connues dans le commerce sous le nom de franche argentee de batarde blanche et de batarde noire qui sont livrees par caisses de cent vingtcinq cent cinquante kilogrammes puis ils enlevent le parenchyme de huitre ils le font bouillir et ils le tamisent afin en extraire jusqu aux plus petites perles le prix de ces perles varie suivant leur grosseur demanda conseil nonseulement selon leur grosseur repondisje mais aussi selon leur forme selon leur eau estadire leur couleur et selon leur orient estadire cet eclat chatoyant et diapre qui les rend si charmantes oeil les plus belles perles sont appelees perles vierges ou paragons elles se forment isolement dans le tissu du mollusque elles sont blanches souvent opaques mais quelquefois une transparence opaline et le plus communement spheriques ou piriformes spheriques elles forment les bracelets piriformes des pendeloques et etant les plus precieuses elles se vendent la piece les autres perles adherent la coquille de huitre et plus irregulieres elles se vendent au poids enfin dans un ordre inferieur se classent les petites perles connues sous le nom de semences elles se vendent la mesure et servent plus particulierement executer des broderies sur les ornements eglise mais ce travail qui consiste separer les perles selon leur grosseur doit etre long et difficile dit le canadien non mon ami ce travail se fait au moyen de onze tamis ou cribles perces un nombre variable de trous les perles qui restent dans les tamis qui comptent de vingt quatrevingts trous sont de premier ordre celles qui ne echappent pas des cribles perces de cent huit cents trous sont de second ordre enfin les perles pour lesquelles on emploie les tamis perces de neuf cents mille trous forment la semence est ingenieux dit conseil et je vois que la division le classement des perles opere mecaniquement et monsieur pourratil nous dire ce que rapporte exploitation des bancs huitres perlieres en tenir au livre de sirr repondisje les pecheries de ceylan sont affermees annuellement pour la somme de trois millions de squales de francs reprit conseil oui de francs trois millions de francs reprisje mais je crois que ces pecheries ne rapportent plus ce qu elles rapportaient autrefois il en est de meme des pecheries americaines qui sous le regne de charlesquint produisaient quatre millions de francs presentement reduits aux deux tiers en somme on peut evaluer neuf millions de francs le rendement general de exploitation des perles mais demanda conseil estce que on ne cite pas quelques perles celebres qui ont ete cotees un treshaut prix oui mon garcon on dit que cesar offrit servillia une perle estimee cent vingt mille francs de notre monnaie ai meme entendu raconter dit le canadien qu une certaine dame antique buvait des perles dans son vinaigre cleopatre riposta conseil ca devait etre mauvais ajouta ned land detestable ami ned repondit conseil mais un petit verre de vinaigre qui coute quinze cents mille francs est un joli prix je regrette de ne pas avoir epouse cette dame dit le canadien en manoeuvrant son bras un air peu rassurant ned land epoux de cleopatre ecria conseil mais ai du me marier conseil repondit serieusement le canadien et ce est pas ma faute si affaire pas reussi avais meme achete un collier de perles kat tender ma fiancee qui ailleurs en epouse un autre eh bien ce collier ne avait pas coute plus un dollar et demi et cependant monsieur le professeur voudra bien me croire les perles qui le composaient auraient pas passe par le tamis de vingt trous mon brave ned repondisje en riant etaient des perles artificielles de simples globules de verre enduits interieur essence orient eh cette essence orient repondit le canadien cela doit couter cher si peu que rien ce est autre chose que la substance argentee de ecaille de ablette recueillie dans eau et conservee dans ammoniaque elle aucune valeur est peutetre pour cela que kat tender en epouse un autre repondit philosophiquement maitre land mais disje pour en revenir aux perles de haute valeur je ne crois pas que jamais souverain en ait possede une superieure celle du capitaine nemo celleci dit conseil en montrant le magnifique bijou enferme sous sa vitrine certainement je ne me trompe pas en lui assignant une valeur de deux millions de francs dit vivement conseil oui disje deux millions de francs et sans doute elle aura coute au capitaine que la peine de la ramasser eh ecria ned land qui dit que demain pendant notre promenade nous ne rencontrerons pas sa pareille bah fit conseil et pourquoi pas quoi des millions nous serviraientils bord du nautilus bord non dit ned land mais ailleurs oh ailleurs fit conseil en secouant la tete au fait disje maitre land raison et si nous rapportons jamais en europe ou en amerique une perle de quelques millions voila du moins qui donnera une grande authenticite et en meme temps un grand prix au recit de nos aventures je le crois dit le canadien mais dit conseil qui revenait toujours au cote instructif des choses estce que cette peche des perles est dangereuse non repondisje vivement surtout si on prend certaines precautions que risqueton dans ce metier dit ned land avaler quelques gorgees eau de mer comme vous dites ned propos disje en essayant de prendre le ton degage du capitaine nemo estce que vous avez peur des requins brave ned moi repondit le canadien un harponneur de profession est mon metier de me moquer eux il ne agit pas disje de les pecher avec un emerillon de les hisser sur le pont un navire de leur couper la queue coups de hache de leur ouvrir le ventre de leur arracher le coeur et de le jeter la mer alors il agit de oui precisement dans eau dans eau ma foi avec un bon harpon vous savez monsieur ces requins ce sont des betes assez mal faconnees il faut qu elles se retournent sur le ventre pour vous happer et pendant ce temps ned land avait une maniere de prononcer le mot happer qui donnait froid dans le dos eh bien et toi conseil que pensestu de ces squales moi dit conseil je serai franc avec monsieur la bonne heure pensaije si monsieur affronte les requins dit conseil je ne vois pas pourquoi son fidele domestique ne les affronterait pas avec lui chapitre iii une perle de dix millions la nuit arriva je me couchai je dormis assez mal les squales jouerent un role important dans mes reves et je trouvai tresjuste et tresinjuste la fois cette etymologie qui fait venir le mot requin du mot requiem le lendemain quatre heures du matin je fus reveille par le stewart que le capitaine nemo avait specialement mis mon service je me levai rapidement je habillai et je passai dans le salon le capitaine nemo attendait monsieur aronnax me ditil etesvous pret partir je suis pret veuillez me suivre et mes compagnons capitaine ils sont prevenus et nous attendent allonsnous pas revetir nos scaphandres demandaije pas encore je ai pas laisse le nautilus approcher de trop pres cette cote et nous sommes assez au large du banc de manaar mais ai fait parer le canot qui nous conduira au point precis de debarquement et nous epargnera un assez long trajet il emporte nos appareils de plongeurs que nous revetirons au moment ou commencera cette exploration sousmarine le capitaine nemo me conduisit vers escalier central dont les marches aboutissaient la plateforme ned et conseil se trouvaient la enchantes de la partie de plaisir qui se preparait cinq matelots du nautilus les avirons armes nous attendaient dans le canot qui avait ete bosse contre le bord la nuit etait encore obscure des plaques de nuages couvraient le ciel et ne laissaient apercevoir que de rares etoiles je portai mes yeux du cote de la terre mais je ne vis qu une ligne trouble qui fermait les trois quarts de horizon du sudouest au nordouest le nautilus ayant remonte pendant la nuit la cote occidentale de ceylan se trouvait ouest de la baie ou plutot de ce golfe forme par cette terre et ile de manaar la sous les sombres eaux etendait le banc de pintadines inepuisable champ de perles dont la longueur depasse vingt milles nous primes place arriere du canot le capitaine nemo conseil ned land et moi nous primes place arriere du canot le patron de embarcation se mit la barre ses quatre compagnons appuyerent sur leurs avirons la bosse fut larguee et nous debordames le canot se dirigea vers le sud ses nageurs ne se pressaient pas observai que leurs coups aviron vigoureusement engages sous eau ne se succedaient que de dix secondes en dix secondes suivant la methode generalement usitee dans les marines de guerre tandis que embarcation courait sur son erre les gouttelettes liquides frappaient en crepitant le fond noir des flots comme des bavures de plomb fondu une petite houle venue du large imprimait au canot un leger roulis et quelques cretes de lames clapotaient son avant nous etions silencieux quoi songeait le capitaine nemo peutetre cette terre dont il approchait et qu il trouvait trop pres de lui contrairement opinion du canadien auquel elle semblait encore trop eloignee quant conseil il etait la en simple curieux vers cinq heures et demie les premieres teintes de horizon accuserent plus nettement la ligne superieure de la cote assez plate dans est elle se renflait un peu vers le sud cinq milles la separaient encore et son rivage se confondait avec les eaux brumeuses entre elle et nous la mer etait deserte pas un bateau pas un plongeur solitude profonde sur ce lieu de rendezvous des pecheurs de perles ainsi que le capitaine nemo me avait fait observer nous arrivions un mois trop tot dans ces parages six heures le jour se fit subitement avec cette rapidite particuliere aux regions tropicales qui ne connaissent ni aurore ni le crepuscule les rayons solaires percerent le rideau de nuages amonceles sur horizon oriental et astre radieux eleva rapidement je vis distinctement la terre avec quelques arbres epars ca et la le canot avanca vers ile de manaar qui arrondissait dans le sud le capitaine nemo etait leve de son banc et observait la mer sur un signe de lui ancre fut mouillee et la chaine courut peine car le fond etait pas plus un metre et il formait en cet endroit un des plus hauts points du banc de pintadines le canot evita aussitot sous la poussee du jusant qui portait au large nous voici arrives monsieur aronnax dit alors le capitaine nemo vous voyez cette baie resserree est ici meme que dans un mois se reuniront les nombreux bateaux de peche des exploitants et ce sont ces eaux que leurs plongeurs iront audacieusement fouiller cette baie est heureusement disposee pour ce genre de peche elle est abritee des vents les plus forts et la mer est jamais treshouleuse circonstance tresfavorable au travail des plongeurs nous allons maintenant revetir nos scaphandres et nous commencerons notre promenade je ne repondis rien et tout en regardant ces flots suspects aide des matelots de embarcation je commencai revetir mon lourd vetement de mer le capitaine nemo et mes deux compagnons habillaient aussi aucun des hommes du nautilus ne devait nous accompagner dans cette nouvelle excursion bientot nous fumes emprisonnes jusqu au cou dans le vetement de caoutchouc et des bretelles fixerent sur notre dos les appareils air quant aux appareils ruhmkorff il en etait pas question avant introduire ma tete dans sa capsule de cuivre en fis observation au capitaine ces appareils nous seraient inutiles me repondit le capitaine nous irons pas de grandes profondeurs et les rayons solaires suffiront eclairer notre marche ailleurs il est pas prudent emporter sous ces eaux une lanterne electrique son eclat pourrait attirer inopinement quelque dangereux habitant de ces parages pendant que le capitaine nemo prononcait ces paroles je me retournai vers conseil et ned land mais ces deux amis avaient deja emboite leur tete dans la calotte metallique et ils ne pouvaient ni entendre ni repondre une derniere question me restait adresser au capitaine nemo et nos armes lui demandaije nos fusils des fusils quoi bon vos montagnards attaquentils pas ours un poignard la main et acier estil pas plus sur que le plomb voici une lame solide passezla votre ceinture et partons ned land brandissait son enorme harpon je regardai mes compagnons ils etaient armes comme nous et de plus ned land brandissait un enorme harpon qu il avait depose dans le canot avant de quitter le nautilus puis suivant exemple du capitaine je me laissai coiffer de la pesante sphere de cuivre et nos reservoirs air furent immediatement mis en activite un instant apres les matelots de embarcation nous debarquaient les uns apres les autres et par un metre et demi eau nous prenions pied sur un sable uni le capitaine nemo nous fit un signe de la main nous le suivimes et par une pente douce nous disparumes sous les flots la les idees qui obsedaient mon cerveau abandonnerent je redevins etonnamment calme la facilite de mes mouvements accrut ma confiance et etrangete du spectacle captiva mon imagination le soleil envoyait deja sous les eaux une clarte suffisante les moindres objets restaient perceptibles apres dix minutes de marche nous etions par cinq metres eau et le terrain devenait peu pres plat sur nos pas comme des compagnies de becassines dans un marais se levaient des volees de poissons curieux du genre des monopteres dont les sujets ont autre nageoire que celle de la queue je reconnus le javanais veritable serpent long de huit decimetres au ventre livide que on confondrait facilement avec le congre sans les lignes or de ses flancs dans le genre des stromatees dont le corps est tres comprime et ovale observai des parus aux couleurs eclatantes portant comme une faux leur nageoire dorsale poissons comestibles qui seches et marines forment un mets excellent connu sous le nom de karawade puis des tranquebars appartenant au genre des apsiphoroides dont le corps est recouvert une cuirasse ecailleuse huit pans longitudinaux cependant elevation progressive du soleil eclairait de plus en plus la masse des eaux le sol changeait peu peu au sable fin succedait une veritable chaussee de rochers arrondis revetus un tapis de mollusques et de zoophytes parmi les echantillons de ces deux embranchements je remarquai des placenes valves minces et inegales sortes ostracees particulieres la mer rouge et ocean indien des lucines orangees coquille orbiculaire des tarieres subulees quelquesunes de ces pourpres persiques qui fournissaient au nautilus une teinture admirable des rochers cornus longs de quinze centimetres qui se dressaient sous les flots comme des mains pretes vous saisir des turbinelles cornigeres toutes herissees epines des lingules hyantes des anatines coquillages comestibles qui alimentent les marches de hindoustan des pelagies panopyres legerement lumineuses et enfin admirables oculines flabelliformes magnifiques eventails qui forment une des plus riches arborisations de ces mers au milieu de ces plantes vivantes et sous les berceaux hydrophytes couraient de gauches legions articules particulierement des ranines dentees dont la carapace represente un triangle un peu arrondi des birgues speciales ces parages des parthenopes horribles dont aspect repugnait aux regards un animal non moins hideux que je rencontrai plusieurs fois ce fut ce crabe enorme observe par darwin auquel la nature donne instinct et la force necessaires pour se nourrir de noix de coco il grimpe aux arbres du rivage il fait tomber la noix qui se fend dans sa chute et il ouvre avec ses puissantes pinces ici sous ces flots clairs ce crabe courait avec une agilite sans pareille tandis que des chelonees franches de cette espece qui frequente les cotes du malabar se deplacaient lentement entre les roches ebranlees vers sept heures nous arpentions enfin le banc de pintadines sur lequel les huitres perlieres se reproduisent par millions ces mollusques precieux adheraient aux rocs et etaient fortement attaches par ce byssus de couleur brune qui ne leur permet pas de se deplacer en quoi ces huitres sont inferieures aux moules ellesmemes auxquelles la nature pas refuse toute faculte de locomotion la pintadine meleagrina la mere perle dont les valves sont peu pres egales se presente sous la forme une coquille arrondie aux epaisses parois tresrugueuses exterieur quelquesunes de ces coquilles etaient feuilletees et sillonnees de bandes verdatres qui rayonnaient de leur sommet elles appartenaient aux jeunes huitres les autres surface rude et noire vieilles de dix ans et plus mesuraient jusqu quinze centimetres de largeur le capitaine nemo me montra de la main cet amoncellement prodigieux de pintadines et je compris que cette mine etait veritablement inepuisable car la force creatrice de la nature emporte sur instinct destructif de homme ned land fidele cet instinct se hatait emplir des plus beaux mollusques un filet qu il portait son cote mais nous ne pouvions nous arreter il fallait suivre le capitaine qui semblait se diriger par des sentiers connus de lui seul le sol remontait sensiblement et parfois mon bras que elevais depassait la surface de la mer puis le niveau du banc se rabaissait capricieusement souvent nous tournions de hauts rocs effiles en pyramidions dans leurs sombres anfractuosites de gros crustaces pointes sur leurs hautes pattes comme des machines de guerre nous regardaient de leurs yeux fixes et sous nos pieds rampaient des myrianes des glyceres des aricies et des annelides qui allongeaient demesurement leurs antennes et leurs cyrrhes tentaculaires en ce moment ouvrit devant nos pas une vaste grotte creusee dans un pittoresque entassement de rochers tapisses de toutes les hauteslisses de la flore sousmarine abord cette grotte me parut profondement obscure les rayons solaires semblaient eteindre par degradations successives sa vague transparence etait plus que de la lumiere noyee le capitaine nemo entra nous apres lui mes yeux accoutumerent bientot ces tenebres relatives je distinguai les retombees si capricieusement contournees de la voute que supportaient des piliers naturels largement assis sur leur base granitique comme les lourdes colonnes de architecture toscane pourquoi notre incomprehensible guide nous entrainaitil au fond de cette crypte sousmarine allais le savoir avant peu apres avoir descendu une pente assez raide nos pieds foulerent le fond une sorte de puits circulaire la le capitaine nemo arreta et de la main il nous indiqua un objet que je avais pas encore apercu etait une huitre de dimension extraordinaire une tridacne gigantesque un benitier qui eut contenu un lac eau sainte une vasque dont la largeur depassait deux metres et consequemment plus grande que celle qui ornait le salon du nautilus je approchai de ce mollusque phenomenal je approchai de ce mollusque phenomenal par son byssus il adherait une table de granit et la il se developpait isolement dans les eaux calmes de la grotte estimai le poids de cette tridacne trois cents kilogrammes or une telle huitre contient quinze kilos de chair et il faudrait estomac un gargantua pour en absorber quelques douzaines le capitaine nemo connaissait evidemment existence de ce bivalve ce etait pas la premiere fois qu il le visitait et je pensais qu en nous conduisant en cet endroit il voulait seulement nous montrer une curiosite naturelle je me trompais le capitaine nemo avait un interet particulier constater etat actuel de cette tridacne les deux valves du mollusque etaient entr ouvertes le capitaine approcha et introduisit son poignard entre les coquilles pour les empecher de se rabattre puis de la main il souleva la tunique membraneuse et frangee sur ses bords qui formait le manteau de animal la entre les plis foliaces je vis une perle libre dont la grosseur egalait celle une noix de cocotier sa forme globuleuse sa limpidite parfaite son orient admirable en faisaient un bijou un inestimable prix emporte par la curiosite etendais la main pour la saisir pour la peser pour la palper mais le capitaine arreta fit un signe negatif et retirant son poignard par un mouvement rapide il laissa les deux valves se refermer subitement je compris alors quel etait le dessein du capitaine nemo en laissant cette perle enfouie sous le manteau de la tridacne il lui permettait de accroitre insensiblement avec chaque annee la secretion du mollusque ajoutait de nouvelles couches concentriques seul le capitaine connaissait la grotte ou murissait cet admirable fruit de la nature seul il elevait pour ainsi dire afin de la transporter un jour dans son precieux musee peutetre meme suivant exemple des chinois et des indiens avaitil determine la production de cette perle en introduisant sous les plis du mollusque quelque morceau de verre et de metal qui etait peu peu recouvert de la matiere nacree en tout cas comparant cette perle celles que je connaissais deja celles qui brillaient dans la collection du capitaine estimai sa valeur dix millions de francs au moins superbe curiosite naturelle et non bijou de luxe car je ne sais quelles oreilles feminines auraient pu la supporter la visite opulente tridacne etait terminee le capitaine nemo quitta la grotte et nous remontames sur le banc de pintadines au milieu de ces eaux claires que ne troublait pas encore le travail des plongeurs nous marchions isolement en veritables flaneurs chacun arretant ou eloignant au gre de sa fantaisie pour mon compte je avais plus aucun souci des dangers que mon imagination avait exageres si ridiculement le hautfond se rapprochait sensiblement de la surface de la mer et bientot par un metre eau ma tete depassa le niveau oceanique conseil me rejoignit et collant sa grosse capsule la mienne il me fit des yeux un salut amical mais ce plateau eleve ne mesurait que quelques toises et bientot nous fumes rentres dans notre element je crois avoir maintenant le droit de le qualifier ainsi dix minutes apres le capitaine nemo arretait soudain je crus qu il faisait halte pour retourner sur ses pas non un geste il nous ordonna de nous blottir pres de lui au fond une large anfractuosite sa main se dirigea vers un point de la masse liquide et je regardai attentivement cinq metres de moi une ombre apparut et abaissa jusqu au sol inquietante idee des requins traversa mon esprit mais je me trompais et cette fois encore nous avions pas affaire aux monstres de ocean etait un homme un homme vivant un indien un noir un pecheur un pauvre diable sans doute qui venait glaner avant la recolte apercevais les fonds de son canot mouille quelques pieds audessus de sa tete il plongeait et remontait successivement une pierre taillee en pain de sucre et qu il serrait du pied tandis qu une corde la rattachait son bateau lui servait descendre plus rapidement au fond de la mer etait la tout son outillage arrive au sol par cinq metres de profondeur environ il se precipitait genoux et remplissait son sac de pintadines ramassees au hasard puis il remontait vidait son sac ramenait sa pierre et recommencait son operation qui ne durait que trente secondes ce plongeur ne nous voyait pas ombre du rocher nous derobait ses regards et ailleurs comment ce pauvre indien auraitil jamais suppose que des hommes des etres semblables lui fussent la sous les eaux epiant ses mouvements ne perdant aucun detail de sa peche plusieurs fois il remonta ainsi et plongea de nouveau il ne rapportai pas plus une dizaine de pintadines chaque plongee car il fallait les arracher du banc auquel elles accrochaient par leur robuste byssus et combien de ces huitres etaient privees de ces perles pour lesquelles il risquait sa vie je observais avec une attention profonde sa manoeuvre se faisait regulierement et pendant une demiheure aucun danger ne parut le menacer je me familiarisais donc avec le spectacle de cette peche interessante quand tout un coup un moment ou indien etait agenouille sur le sol je lui vis faire un geste effroi se relever et prendre son elan pour remonter la surface des flots je compris son epouvante une ombre gigantesque apparaissait audessus du malheureux plongeur etait un requin de grande taille qui avancait diagonalement oeil en feu les machoires ouvertes etais muet horreur incapable de faire un mouvement le vorace animal un vigoureux coup de nageoire elanca vers indien qui se jeta de cote et evita la morsure du requin mais non le battement de sa queue car cette queue le frappant la poitrine etendit sur le sol cette scene avait dure quelques secondes peine le requin revint et se retournant sur le dos il appretait couper indien en deux quand je sentis le capitaine nemo poste pres de moi se lever subitement puis son poignard la main il marcha droit au monstre pret lutter corps corps avec lui le squale au moment ou il allait happer le malheureux pecheur apercut son nouvel adversaire et se replacant sur le ventre il se dirigea rapidement vers lui je vois encore la pose du capitaine nemo replie sur luimeme il attendait avec un admirable sangfroid le formidable squale et lorsque celuici se precipita sur lui le capitaine se jetant de cote avec une prestesse prodigieuse evita le choc et lui enfonca son poignard dans le ventre mais tout etait pas dit un combat terrible engagea un combat terrible engagea le requin avait rugi pour ainsi dire le sang sortait flots de ses blessures la mer se teignit de rouge et travers ce liquide opaque je ne vis plus rien plus rien jusqu au moment ou dans une eclaircie apercus audacieux capitaine cramponne une des nageoires de animal luttant corps corps avec le monstre labourant de coups de poignard le ventre de son ennemi sans pouvoir toutefois porter le coup definitif estadire atteindre en plein coeur le squale se debattant agitait la masse des eaux avec furie et leur remous menacait de me renverser aurais voulu courir au secours du capitaine mais cloue par horreur je ne pouvais remuer je regardais oeil hagard je voyais les phases de la lutte se modifier le capitaine tomba sur le sol renverse par la masse enorme qui pesait sur lui puis les machoires du requin ouvrirent demesurement comme une cisaille usine et en etait fait du capitaine si prompt comme la pensee son harpon la main ned land se precipitant vers le requin ne eut frappe de sa terrible pointe les flots impregnerent une masse de sang ils agiterent sous les mouvements du squale qui les battait avec une indescriptible fureur ned land avait pas manque son but etait le rale du monstre frappe au coeur il se debattait dans des spasmes epouvantables dont le contrecoup renversa conseil cependant ned land avait degage le capitaine celuici releve sans blessures alla droit indien coupa vivement la corde qui le liait sa pierre le prit dans ses bras et un vigoureux coup de talon il remonta la surface de la mer nous le suivimes tous trois et en quelques instants miraculeusement sauves nous atteignions embarcation du pecheur le premier soin du capitaine nemo fut de rappeler ce malheureux la vie je ne savais il reussirait je esperais car immersion de ce pauvre diable avait pas ete longue mais le coup de queue du requin pouvait avoir frappe mort heureusement sous les vigoureuses frictions de conseil et du capitaine je vis peu peu le noye revenir au sentiment il ouvrit les yeux quelle dut etre sa surprise son epouvante meme voir les quatre grosses tetes de cuivre qui se penchaient sur lui et surtout que dutil penser quand le capitaine nemo tirant une poche de son vetement un sachet de perles le lui eut mis dans la main cette magnifique aumone de homme des eaux au pauvre indien de ceylan fut acceptee par celuici une main tremblante ses yeux effares indiquaient du reste qu il ne savait quels etres surhumains il devait la fois la fortune et la vie sur un signe du capitaine nous regagnames le banc de pintadines et suivant la route deja parcourue apres une demiheure de marche nous rencontrions ancre qui rattachait au sol le canot du nautilus une fois embarques chacun de nous avec aide des matelots se debarrassa de sa lourde carapace de cuivre la premiere parole du capitaine nemo fut pour le canadien merci maitre land lui ditil est une revanche capitaine repondit ned land je vous devais cela un pale sourire glissa sur les levres du capitaine et ce fut tout au nautilus ditil embarcation vola sur les flots quelques minutes plus tard nous rencontrions le cadavre du requin qui flottait la couleur noire marquant extremite de ses nageoires je reconnus le terrible melanoptere de la mer des indes de espece des requins proprement dits sa longueur depassait vingtcinq pieds sa bouche enorme occupait le tiers de son corps etait un adulte ce qui se voyait aux six rangees de dents disposees en triangles isoceles sur la machoire superieure conseil le regardait avec un interet tout scientifique et je suis sur qu il le rangeait non sans raison dans la classe des cartilagineux ordre des chondropterygiens branchies fixes famille des selaciens genre des squales pendant que je considerais cette masse inerte une douzaine de ces voraces melanopteres apparut tout un coup autour de embarcation mais sans se preoccuper de nous ils se jeterent sur le cadavre et en disputerent les lambeaux huit heures et demie nous etions de retour bord du nautilus la je me pris reflechir sur les incidents de notre excursion au banc de manaar deux observations en degageaient inevitablement une portant sur audace sans pareille du capitaine nemo autre sur son devouement pour un etre humain un des representants de cette race qu il fuyait sous les mers quoi qu il en dit cet homme etrange etait pas parvenu encore tuer son coeur tout entier lorsque je lui fis cette observation il me repondit un ton legerement emu cet indien monsieur le professeur est un habitant du pays des opprimes et je suis encore et jusqu mon dernier souffle je serai de ce paysla chapitre iv la mer rouge pendant la journee du janvier ile de ceyland disparut sous horizon et le nautilus avec une vitesse de vingt milles heure se glissa dans ce labyrinthe de canaux qui separent les maledives des laquedives il rangea meme ile kittan terre origine madreporique decouverte par vasco de gama en et une des dixneuf principales iles de cet archipel des laquedives situe entre deg et deg de latitude nord et deg et deg de longitude est nous avions fait alors seize mille deux cent vingt milles ou sept mille cinq cents lieues depuis notre point de depart dans les mers du japon le lendemain janvier lorsque le nautilus remonta la surface de ocean il avait plus aucune terre en vue il faisait route au nordnordouest et se dirigeait vers cette mer oman creusee entre arabie et la peninsule indienne qui sert de debouche au golfe persique etait evidemment une impasse sans issue possible ou nous conduisait donc le capitaine nemo je aurais pu le dire ce qui ne satisfit pas le canadien qui ce jourla me demanda ou nous allions nous allons maitre ned ou nous conduit la fantaisie du capitaine cette fantaisie repondit le canadien ne peut nous mener loin le golfe persique pas issue et si nous entrons nous ne tarderons guere revenir sur nos pas eh bien nous reviendrons maitre land et si apres le golfe persique le nautilus veut visiter la mer rouge le detroit de babelmandeb est toujours la pour lui livrer passage je ne vous apprendrai pas monsieur repondit ned land que la mer rouge est non moins fermee que le golfe puisque isthme de suez est pas encore perce et le futil un bateau mysterieux comme le notre ne se hasarderait pas dans ses canaux coupes ecluses donc la mer rouge est pas encore le chemin qui nous ramenera en europe aussi aije pas dit que nous reviendrions en europe que supposezvous donc je suppose qu apres avoir visite ces curieux parages de arabie et de egypte le nautilus redescendra ocean indien peutetre travers le canal de mozambique peutetre au large des mascareignes de maniere gagner le cap de bonneesperance et une fois au cap de bonneesperance demanda le canadien avec une insistance toute particuliere eh bien nous penetrerons dans cet atlantique que nous ne connaissons pas encore ah ca ami ned vous vous fatiguez donc de ce voyage sous les mers vous vous blasez donc sur le spectacle incessamment varie des merveilles sousmarines pour mon compte je verrai avec un extreme depit finir ce voyage qu il aura ete donne si peu hommes de faire mais savezvous monsieur aronnax repondit le canadien que voila bientot trois mois que nous sommes emprisonnes bord de ce nautilus non ned je ne le sais pas je ne veux pas le savoir et je ne compte ni les jours ni les heures mais la conclusion la conclusion viendra en son temps ailleurs nous pouvons rien et nous discutons inutilement si vous veniez me dire mon brave ned une chance evasion nous est offerte je la discuterais avec vous mais tel est pas le cas et vous parler franchement je ne crois pas que le capitaine nemo aventure jamais dans les mers europeennes par ce court dialogue on verra que fanatique du nautilus etais incarne dans la peau de son commandant quant ned land il termina la conversation par ces mots en forme de monologue tout cela est bel et bon mais mon avis ou il de la gene il plus de plaisir pendant quatre jours jusqu au fevrier le nautilus visita la mer oman sous diverses vitesses et diverses profondeurs il semblait marcher au hasard comme il eut hesite sur la route suivre mais il ne depassa jamais le tropique du cancer en quittant cette mer nous eumes un instant connaissance de mascate la plus importante ville du pays oman admirai son aspect etrange au milieu des noirs rochers qui entourent et sur lesquels se detachent en blanc ses maisons et ses forts apercus le dome arrondi de ses mosquees la pointe elegante de ses minarets ses fraiches et verdoyantes terrasses mais ce ne fut qu une vision et le nautilus enfonca bientot sous les flots sombres de ces parages puis il prolongea une distance de six milles les cotes arabiques du mahrah et de hadramant et sa ligne ondulee de montagnes relevee de quelques ruines anciennes le fevrier nous donnions enfin dans le golfe aden veritable entonnoir introduit dans ce goulot de babelmandeb qui entonne les eaux indiennes dans la mer rouge le fevrier le nautilus flottait en vue aden perche sur un promontoire qu un isthme etroit reunit au continent sorte de gibraltar inaccessible dont les anglais ont refait les fortifications apres en etre empares en entrevis les minarets octogones de cette ville qui fut autrefois entrepot le plus riche et le plus commercant de la cote au dire de historien edrisi je croyais bien que le capitaine nemo parvenu ce point allait revenir en arriere mais je me trompais et ma grande surprise il en fut rien le lendemain fevrier nous embouquions le detroit de babelmandeb dont le nom veut dire en langue arabe la porte des larmes sur vingt milles de large il ne compte que cinquantedeux kilometres de long et pour le nautilus lance toute vitesse le franchir fut affaire une heure peine mais je ne vis rien pas meme cette ile de perim dont le gouvernement britannique fortifie la position aden trop de steamers anglais ou francais des lignes de suez bombay calcutta melbourne bourbon maurice sillonnaient cet etroit passage pour que le nautilus tentat de montrer aussi se tintil prudemment entre deux eaux enfin midi nous sillonnions les flots de la mer rouge la mer rouge lac celebre des traditions bibliques que les pluies ne rafraichissent guere qu aucun fleuve important arrose qu une excessive evaporation pompe incessamment et qui perd chaque annee une tranche liquide haute un metre et demi singulier golfe qui ferme et dans les conditions un lac serait peutetre entierement desseche inferieur en ceci ses voisines la caspienne ou asphaltite dont le niveau seulement baisse jusqu au point ou leur evaporation precisement egale la somme des eaux recues dans leur sein cette mer rouge deux mille six cents kilometres de longueur sur une largeur moyenne de deux cent quarante au temps des ptolemees et des empereurs romains elle fut la grande artere commerciale du monde et le percement de isthme lui rendra cette antique importance que les railways de suez ont deja ramenee en partie je ne voulus meme pas chercher comprendre ce caprice du capitaine nemo qui pouvait le decider nous entrainer dans ce golfe mais approuvai sans reserve le nautilus etre entre il prit une allure moyenne tantot se tenant la surface tantot plongeant pour eviter quelque navire et je pus observer ainsi le dedans et le dessus de cette mer si curieuse le fevrier des les premieres heures du jour moka nous apparut ville maintenant ruinee dont les murailles tombent au seul bruit du canon et qu abritent ca et la quelques dattiers verdoyants cite importante autrefois qui renfermait six marches publics vingtsix mosquees et laquelle ses murs defendus par quatorze forts faisaient une ceinture de trois kilometres puis le nautilus se rapprocha des rivages africains ou la profondeur de la mer est plus considerable la entre deux eaux une limpidite de cristal par les panneaux ouverts il nous permit de contempler admirables buissons de coraux eclatants et de vastes pans de rochers revetus une splendide fourrure verte algues et de fucus quel indescriptible spectacle et quelle variete de sites et de paysages arasement de ces ecueils et de ces ilots volcaniques qui confinent la cote lybienne mais ou ces arborisations apparurent dans toute leur beaute ce fut vers les rives orientales que le nautilus ne tarda pas rallier ce fut sur les cotes du tehama car alors nonseulement ces etalages de zoophytes fleurissaient audessous du niveau de la mer mais ils formaient aussi des entrelacements pittoresques qui se deroulaient dix brasses audessus ceuxci plus capricieux mais moins colores que ceuxla dont humide vitalite des eaux entretenait la fraicheur des pans de rochers recouverts une fourrure algues que heures charmantes je passai ainsi la vitre du salon que echantillons nouveaux de la flore et de la faune sousmarine admirai sous eclat de notre fanal electrique des fongies agariciformes des actinies de couleur ardoisee entre autres le thalassianthus aster des tubipores disposes comme des flutes et attendant que le souffle du dieu pan des coquilles particulieres cette mer qui etablissent dans les excavations madreporiques et dont la base est contournee en courte spirale et enfin mille specimens un polypier que je avais pas observe encore la vulgaire eponge la classe des spongiaires premiere du groupe des polypes ete precisement creee par ce curieux produit dont utilite est incontestable eponge est point un vegetal comme admettent encore quelques naturalistes mais un animal du dernier ordre un polypier inferieur celui du corail son animalite est pas douteuse et on ne peut meme adopter opinion des anciens qui la regardaient comme un etre intermediaire entre la plante et animal je dois dire cependant que les naturalistes ne sont pas accord sur le mode organisation de eponge pour les uns est un polypier et pour autres tels que milne edwards est un individu isole et unique la classe des spongiaires contient environ trois cents especes qui se rencontrent dans un grand nombre de mers et meme dans certains cours eau ou elles ont recu le nom de fluviatiles mais leurs eaux de predilection sont celles de la mediterranee de archipel grec de la cote de syrie et de la mer rouge la se reproduisent et se developpent ces eponges finesdouces dont la valeur eleve jusqu cent cinquante francs eponge blonde de syrie eponge dure de barbarie etc mais puisque je ne pouvais esperer etudier ces zoophytes dans les echelles du levant dont nous etions separes par infranchissable isthme de suez je me contentai de les observer dans les eaux de la mer rouge appelai donc conseil pres de moi pendant que le nautilus par une profondeur moyenne de huit neuf metres rasait lentement tous ces beaux rochers de la cote orientale la peche des eponges la croissaient des eponges de toutes formes des eponges pediculees foliacees globuleuses digitees elles justifiaient assez exactement ces noms de corbeilles de calices de quenouilles de cornes elan de pied de lion de queue de paon de gant de neptune que leur ont attribues les pecheurs plus poetes que les savants de leur tissu fibreux enduit une substance gelatineuse demi fluide echappaient incessamment de petits filets eau qui apres avoir porte la vie dans chaque cellule en etaient expulses par un mouvement contractile cette substance disparait apres la mort du polype et se putrefie en degageant de ammoniaque il ne reste plus alors que ces fibres cornees ou gelatineuses dont se compose eponge domestique qui prend une teinte roussatre et qui emploie des usages divers selon son degre elasticite de permeabilite ou de resistance la maceration ces polypiers adheraient aux rochers aux coquilles des mollusques et meme aux tiges hydrophytes ils garnissaient les plus petites anfractuosites les uns etalant les autres se dressant ou pendant comme des excroissances coralligenes appris conseil que ces eponges se pechaient de deux manieres soit la drague soit la main cette derniere methode qui necessite emploi des plongeurs est preferable car en respectant le tissu du polypier elle lui laisse une valeur tressuperieure les autres zoophytes qui pullulaient aupres des spongiaires consistaient principalement en meduses une espece treselegante les mollusques etaient representes par des varietes de calmars qui apres orbigny sont speciales la mer rouge et les reptiles par des tortues virgata appartenant au genre des chelonees qui fournirent notre table un mets sain et delicat quant aux poissons ils etaient nombreux et souvent remarquables voici ceux que les filets du nautilus rapportaient plus frequemment bord des raies parmi lesquelles les limmes de forme ovale de couleur brique au corps seme inegales taches bleues et reconnaissables leur double aiguillon dentele des arnacks au dos argente des pastenaques la queue pointillee et des bockats vastes manteaux longs de deux metres qui ondulaient entre les eaux des aodons absolument depourvus de dents sortes de cartilagineux qui se rapprochent du squale des ostracionsdromadaires dont la bosse se termine par un aiguillon recourbe long un pied et demi des ophidies veritables murenes la queue argentee au dos bleuatre aux pectorales brunes bordees un lisere gris des fiatoles especes de stromatees zebres etroites raies or et pares des trois couleurs de la france des blemiesgaramits longs de quatre decimetres de superbes caranx decores de sept bandes transversales un beau noir de nageoires bleues et jaunes et ecailles or et argent des centropodes des mulles auriflammes tete jaune des scares des labres des balistes des gobies etc et mille autres poissons communs aux oceans que nous avions deja traverses le fevrier le nautilus flottait dans cette partie la plus large de la mer rouge qui est comprise entre souakin sur la cote ouest et quonfodah sur la cote est sur un diametre de cent quatrevingtdix milles ce jourla midi apres le point le capitaine nemo monta sur la plateforme ou je me trouvais je me promis de ne point le laisser redescendre sans avoir au moins pressenti sur ses projets ulterieurs il vint moi des qu il apercut offrit gracieusement un cigare et me dit eh bien monsieur le professeur cette mer rouge vous plaitelle avezvous suffisamment observe les merveilles qu elle recouvre ses poissons et ses zoophytes ses parterres eponges et ses forets de corail avezvous entrevu les villes jetees sur ses bords oui capitaine nemo repondisje et le nautilus est merveilleusement prete toute cette etude ah est un intelligent bateau oui monsieur intelligent audacieux et invulnerable il ne redoute ni les terribles tempetes de la mer rouge ni ses courants ni ses ecueils en effet disje cette mer est citee entre les plus mauvaises et si je ne me trompe au temps des anciens sa renommee etait detestable detestable monsieur aronnax les historiens grecs et latins en parlent pas son avantage et strabon dit qu elle est particulierement dure epoque des vents etesiens et de la saison des pluies arabe edrisi qui la depeint sous le nom de golfe de colzoum raconte que les navires perissaient en grand nombre sur ses bancs de sable et que personne ne se hasardait naviguer la nuit est pretendil une mer sujette affreux ouragans semee iles inhospitalieres et qui offre rien de bon ni dans ses profondeurs ni sa surface en effet telle est opinion qui se trouve dans arrien agatharchide et artemidore on voit bien repliquaije que ces historiens ont pas navigue bord du nautilus en effet repondit en souriant le capitaine et sous ce rapport les modernes ne sont pas plus avances que les anciens il fallu bien des siecles pour trouver la puissance mecanique de la vapeur qui sait si dans cent ans on verra un second nautilus les progres sont lents monsieur aronnax est vrai repondisje votre navire avance un siecle de plusieurs peutetre sur son epoque quel malheur qu un secret pareil doive mourir avec son inventeur le capitaine nemo ne me repondit pas apres quelques minutes de silence vous me parliez ditil de opinion des anciens historiens sur les dangers qu offre la navigation de la mer rouge est vrai repondisje mais leurs craintes etaientelles pas exagerees oui et non monsieur aronnax me repondit le capitaine nemo qui me parut posseder fond sa mer rouge ce qui est plus dangereux pour un navire moderne bien gree solidement construit maitre de sa direction grace obeissante vapeur offrait des perils de toutes sortes aux batiments des anciens il faut se representer ces premiers navigateurs aventurant sur des barques faites de planches cousues avec des cordes de palmier calfatees de resine pilee et enduites de graisse de chiens de mer ils avaient pas meme instruments pour relever leur direction et ils marchaient estime au milieu de courants qu ils connaissaient peine dans ces conditions les naufrages etaient et devaient etre nombreux mais de notre temps les steamers qui font le service entre suez et les mers du sud ont plus rien redouter des coleres de ce golfe en depit des moussons contraires leurs capitaines et leurs passagers ne se preparent pas au depart par des sacrifices propitiatoires et au retour ils ne vont plus ornes de guirlandes et de bandelettes dorees remercier les dieux dans le temple voisin en conviens disje et la vapeur me parait avoir tue la reconnaissance dans le coeur des marins mais capitaine puisque vous semblez avoir specialement etudie cette mer pouvezvous apprendre quelle est origine de son nom il existe monsieur aronnax de nombreuses explications ce sujet voulezvous connaitre opinion un chroniqueur du xive siecle volontiers ce fantaisiste pretend que son nom lui fut donne apres le passage des israelites lorsque le pharaon eut peri dans les flots qui se refermerent la voix de moise en signe de cette merveille devint la mer rouge et vermeille non puis ne surent la nommer autrement que la rouge mer explication de poete capitaine nemo repondisje mais je ne saurais en contenter je vous demanderai donc votre opinion personnelle la voici suivant moi monsieur aronnax il faut voir dans cette appellation de mer rouge une traduction du mot hebreu edrom et si les anciens lui donnerent ce nom ce fut cause de la coloration particuliere de ses eaux jusqu ici cependant je ai vu que des flots limpides et sans aucune teinte particuliere sans doute mais en avancant vers le fond du golfe vous remarquerez cette singuliere apparence je me rappelle avoir vu la baie de tor entierement rouge comme un lac de sang et cette couleur vous attribuez la presence une algue microscopique oui est une matiere mucilagineuse pourpre produite par ces chetives plantules connues sous le nom de trichodesmies et dont il faut quarante mille pour occuper espace un millimetre carre peutetre en rencontrerezvous quand nous serons tor ainsi capitaine nemo ce est pas la premiere fois que vous parcourez la mer rouge bord du nautilus non monsieur alors puisque vous parliez plus haut du passage des israelites et de la catastrophe des egyptiens je vous demanderai si vous avez reconnu sous les eaux des traces de ce grand fait historique non monsieur le professeur et cela pour une excellente raison laquelle est que endroit meme ou moise passe avec tout son peuple est tellement ensable maintenant que les chameaux peuvent peine baigner leurs jambes vous comprenez que mon nautilus aurait pas assez eau pour lui et cet endroit demandaije cet endroit est situe un peu audessus de suez dans ce bras qui formait autrefois un profond estuaire alors que la mer rouge etendait jusqu aux lacs amers maintenant que ce passage soit miraculeux ou non les israelites en ont pas moins passe la pour gagner la terre promise et armee de pharaon precisement peri en cet endroit je pense donc que des fouilles pratiquees au milieu de ces sables mettraient decouvert une grande quantite armes et instruments origine egyptienne est evident repondisje et il faut esperer pour les archeologues que ces fouilles se feront tot ou tard lorsque des villes nouvelles etabliront sur cet isthme apres le percement du canal de suez un canal bien inutile pour un navire tel que le nautilus sans doute mais utile au monde entier dit le capitaine nemo les anciens avaient bien compris cette utilite pour leurs affaires commerciales etablir une communication entre la mer rouge et la mediterranee mais ils ne songerent point creuser un canal direct et ils prirent le nil pour intermediaire tresprobablement le canal qui reunissait le nil la mer rouge fut commence sous sesostris si on en croit la tradition ce qui est certain est que ans avant jesuschrist necos entreprit les travaux un canal alimente par les eaux du nil travers la plaine egypte qui regarde arabie ce canal se remontait en quatre jours et sa largeur etait telle que deux triremes pouvaient passer de front il fut continue par darius fils hytaspe et probablement acheve par ptolemee ii strabon le vit employe la navigation mais la faiblesse de sa pente entre son point de depart pres de bubaste et la mer rouge ne le rendait navigable que pendant quelques mois de annee ce canal servit au commerce jusqu au siecle des antonins abandonne ensable puis retabli par les ordres du calife omar il fut definitivement comble en ou par le calife almansor qui voulut empecher les vivres arriver mohammedbenabdoallah revolte contre lui pendant expedition egypte votre general bonaparte retrouva les traces de ces travaux dans le desert de suez et surpris par la maree il faillit perir quelques heures avant de rejoindre hadjaroth la meme ou moise avait campe trois mille trois cents ans avant lui eh bien capitaine ce que les anciens avaient ose entreprendre cette jonction entre les deux mers qui abregera de neuf mille kilometres la route de cadix aux indes de lesseps fait et avant peu il aura change afrique en une ile immense oui monsieur aronnax et vous avez le droit etre fier de votre compatriote est un homme qui honore plus une nation que les plus grands capitaines il commence comme tant autres par les ennuis et les rebuts mais il triomphe car il le genie de la volonte et il est triste de penser que cette oeuvre qui aurait du etre une oeuvre internationale qui aurait suffi illustrer un regne aura reussi que par energie un seul homme donc honneur de lesseps oui honneur ce grand citoyen repondisje tout surpris de accent avec lequel le capitaine nemo venait de parler malheureusement repritil je ne puis vous conduire travers ce canal de suez mais vous pourrez apercevoir les longues jetees de portsaid apresdemain quand nous serons dans la mediterranee dans la mediterranee ecriaije oui monsieur le professeur cela vous etonne ce qui etonne est de penser que nous serons apresdemain vraiment oui capitaine bien que je dusse etre habitue ne etonner de rien depuis que je suis votre bord mais quel propos cette surprise propos de effroyable vitesse que vous serez force imprimer au nautilus il doit se retrouver apresdemain en pleine mediterranee ayant fait le tour de afrique et double le cap de bonneesperance et qui vous dit qu il fera le tour de afrique monsieur le professeur qui vous parle de doubler le cap de bonneesperance cependant moins que le nautilus ne navigue en terre ferme et qu il ne passe pardessus isthme ou pardessous monsieur aronnax pardessous sans doute repondit tranquillement le capitaine nemo depuis longtemps la nature fait sous cette langue de terre ce que les hommes font aujourd hui sa surface quoi il existerait un passage oui un passage souterrain que ai nomme arabiantunnel il prend audessous de suez et aboutit au golfe de peluse mais cet isthme est compose que de sables mouvants jusqu une certaine profondeur mais cinquante metres seulement se rencontre une inebranlable assise de roc et est par hasard que vous avez decouvert ce passage demandaije de plus en plus surpris hasard et raisonnement monsieur le professeur et meme raisonnement plus que hasard capitaine je vous ecoute mais mon oreille resiste ce qu elle entend ah monsieur aures habent et non audient est de tous les temps non seulement ce passage existe mais en ai profite plusieurs fois sans cela je ne me serais pas aventure aujourd hui dans cette impasse de la mer rouge estil indiscret de vous demander comment vous avez decouvert ce tunnel monsieur me repondit le capitaine il peut avoir rien de secret entre gens qui ne doivent plus se quitter je ne relevai pas insinuation et attendis le recit du capitaine nemo monsieur le professeur me ditil est un simple raisonnement de naturaliste qui conduit decouvrir ce passage que je suis seul connaitre avais remarque que dans la mer rouge et dans la mediterranee il existait un certain nombre de poissons especes absolument identiques des ophidies des fiatoles des girelles des persegues des joels des exocets certain de ce fait je me demandai il existait pas de communication entre les deux mers si elle existait le courant souterrain devait forcement aller de la mer rouge la mediterranee par le seul effet de la difference des niveaux je pechai donc un grand nombre de poissons aux environs de suez je leur passai la queue un anneau de cuivre et je les rejetai la mer quelques mois plus tard sur les cotes de syrie je reprenais quelques echantillons de mes poissons ornes de leur anneau indicateur la communication entre les deux etait donc demontree je la cherchai avec mon nautilus je la decouvris je aventurai et avant peu monsieur le professeur vous aussi vous aurez franchi mon tunnel arabique chapitre arabiantunnel ce jour meme je rapportai conseil et ned land la partie de cette conversation qui les interessait directement lorsque je leur appris que dans deux jours nous serions au milieu des eaux de la mediterranee conseil battit des mains mais le canadien haussa les epaules un tunnel sousmarin ecriatil une communication entre les deux mers qui jamais entendu parler de cela ami ned repondit conseil aviezvous jamais entendu parler du nautilus non il existe cependant donc ne haussez pas les epaules si legerement et ne repoussez pas les choses sous pretexte que vous en avez jamais entendu parler nous verrons bien riposta ned land en secouant la tete apres tout je ne demande pas mieux que de croire son passage ce capitaine et fasse le ciel qu il nous conduise en effet dans la mediterranee le soir meme par deg de latitude nord le nautilus flottant la surface de la mer se rapprocha de la cote arabe apercus djeddah important comptoir de egypte de la syrie de la turquie et des indes je distinguai assez nettement ensemble de ses constructions les navires amarres le long des quais et ceux que leur tirant eau obligeait mouiller en rade le soleil assez bas sur horizon frappait en plein les maisons de la ville et faisait ressortir leur blancheur en dehors quelques cabanes de bois ou de roseaux indiquaient le quartier habite par les bedouins quelques cabanes de bois ou de roseaux bientot djeddah effaca dans les ombres du soir et le nautilus rentra sous les eaux legerement phosphorescentes le lendemain fevrier plusieurs navires apparurent qui couraient contrebord de nous le nautilus reprit sa navigation sousmarine mais midi au moment du point la mer etant deserte il remonta jusqu sa ligne de flottaison accompagne de ned et de conseil je vins asseoir sur la plateforme la cote est se montrait comme une masse peine estompee dans un humide brouillard appuyes sur les flancs du canot nous causions de choses et autres quand ned land tendant sa main vers un point de la mer me dit voyezvous la quelque chose voyezvous la quelque chose monsieur le professeur non ned repondisje mais je ai pas vos yeux vous le savez regardez bien reprit ned la par tribord devant peu pres la hauteur du fanal vous ne voyez pas une masse qui semble remuer en effet disje apres une attentive observation apercois comme un long corps noiratre la surface des eaux un autre nautilus dit conseil non repondit le canadien mais je me trompe fort ou est la quelque animal marin atil des baleines dans la mer rouge demanda conseil oui mon garcon repondisje on en rencontre quelquefois ce est point une baleine reprit ned land qui ne perdait pas des yeux objet signale les baleines et moi nous sommes de vieilles connaissances et je ne me tromperais pas leur allure attendons dit conseil le nautilus se dirige de ce cote et avant peu nous saurons quoi nous en tenir en effet cet objet noiratre ne fut bientot qu un mille de nous il ressemblait un gros ecueil echoue en pleine mer qu etaitce je ne pouvais encore me prononcer ah il marche il plonge ecria ned land mille diables quel peut etre cet animal il pas la queue bifurquee comme les baleines ou les cachalots et ses nageoires ressemblent des membres tronques mais alors fisje bon reprit le canadien le voila sur le dos et il dresse ses mamelles en air est une sirene ecria conseil une veritable sirene en deplaise monsieur ce nom de sirene me mit sur la voie et je compris que cet animal appartenait cet ordre etres marins dont la fable fait les sirenes moitie femmes et moitie poissons non disje conseil ce est point une sirene mais un etre curieux dont il reste peine quelques echantillons dans la mer rouge est un dugong ordre des syreniens groupe des pisciformes sousclasse des monodelphiens classe des mammiferes embranchement des vertebres repondit conseil et lorsque conseil avait ainsi parle il avait plus rien dire cependant ned land regardait toujours ses yeux brillaient de convoitise la vue de cet animal sa main semblait prete le harponner on eut dit qu il attendait le moment de se jeter la mer pour attaquer dans son element oh monsieur me ditil une voix tremblante emotion je ai jamais tue de cela tout le harponneur etait dans ce mot en cet instant le capitaine nemo parut sur la plateforme il apercut le dugong il comprit attitude du canadien et adressant directement lui si vous teniez un harpon maitre land estce qu il ne vous brulerait pas la main comme vous dites monsieur et il ne vous deplairait pas de reprendre pour un jour votre metier de pecheur et ajouter ce cetace la liste de ceux que vous avez deja frappes cela ne me deplairait point eh bien vous pouvez essayer merci monsieur repondit ned land dont les yeux enflammerent seulement reprit le capitaine je vous engage ne pas manquer cet animal et cela dans votre interet estce que ce dugong est dangereux attaquer demandaije malgre le haussement epaule du canadien oui quelquefois repondit le capitaine cet animal revient sur ses assaillants et chavire leur embarcation mais pour maitre land ce danger est pas craindre son coup oeil est prompt son bras est sur si je lui recommande de ne pas manquer ce dugong est qu on le regarde justement comme un fin gibier et je sais que maitre land ne deteste pas les bons morceaux ah fit le canadien cette betela se donne aussi le luxe etre bonne manger oui maitre land sa chair une viande veritable est extremement estimee et on la reserve dans toute la malaisie pour la table des princes aussi faiton cet excellent animal une chasse tellement acharnee que de meme que le lamantin son congenere il devient de plus en plus rare alors monsieur le capitaine dit serieusement conseil si par hasard celuici etait le dernier de sa race ne conviendraitil pas de epargner dans interet de la science peutetre repliqua le canadien mais dans interet de la cuisine il vaut mieux lui donner la chasse faites donc maitre land repondit le capitaine nemo en ce moment sept hommes de equipage muets et impassibles comme toujours monterent sur la plateforme un portait un harpon et une ligne semblable celles qu emploient les pecheurs de baleines le canot fut deponte arrache de son alveole lance la mer six rameurs prirent place sur leurs bancs et le patron se mit la barre ned conseil et moi nous nous assimes arriere vous ne venez pas capitaine demandaije non monsieur mais je vous souhaite une bonne chasse le canot deborda et enleve par ses six avirons il se dirigea rapidement vers le dugong qui flottait alors deux milles du nautilus arrive quelques encablures du cetace il ralentit sa marche et les rames plongerent sans bruit dans les eaux tranquilles ned land son harpon la main alla se placer debout sur avant du canot le harpon qui sert frapper la baleine est ordinairement attache une tres longue corde qui se devide rapidement lorsque animal blesse entraine avec lui mais ici la corde ne mesurait pas plus une dizaine de brasses et son extremite etait seulement frappee sur un petit baril qui en flottant devait indiquer la marche du dugong sous les eaux je etais leve et observais distinctement adversaire du canadien ce dugong qui porte aussi le nom halicore ressemblait beaucoup au lamantin son corps oblong se terminait par une caudale tres allongee et ses nageoires laterales par de veritables doigts sa difference avec le lamantin consistait en ce que sa machoire superieure etait armee de deux dents longues et pointues qui formaient de chaque cote des defenses divergentes ce dugong que ned land se preparait attaquer avait des dimensions colossales et sa longueur depassait au moins sept metres il ne bougeait pas et semblait dormir la surface des flots circonstance qui rendait sa capture plus facile le canot approcha prudemment trois brasses de animal les avirons resterent suspendus sur leurs dames je me levai demi ned land le corps un peu rejete en arriere brandissait son harpon une main exercee soudain un sifflement se fit entendre et le dugong disparut le harpon lance avec force avait frappe que eau sans doute mille diables ecria le canadien furieux je ai manque non disje animal est blesse voici son sang mais votre engin ne lui est pas reste dans le corps mon harpon mon harpon cria ned land les matelots se remirent nager et le patron dirigea embarcation vers le baril flottant le harpon repeche le canot se mit la poursuite de animal celuici revenait de temps en temps la surface de la mer pour respirer sa blessure ne avait pas affaibli car il filait avec une rapidite extreme embarcation manoeuvree par des bras vigoureux volait sur ses traces plusieurs fois elle approcha quelques brasses et le canadien se tenait pret frapper mais le dugong se derobait par un plongeon subit et il etait impossible de atteindre on juge de la colere qui surexcitait impatient ned land il lancait au malheureux animal les plus energiques jurons de la langue anglaise pour mon compte je en etais encore qu au depit de voir le dugong dejouer toutes nos ruses on le poursuivit sans relache pendant une heure et je commencais croire qu il serait tresdifficile de en emparer quand cet animal fut pris une malencontreuse idee de vengeance dont il eut se repentir il revint sur le canot pour assaillir son tour cette manoeuvre echappa point au canadien attention ditil le patron prononca quelques mots de sa langue bizarre et sans doute il prevint ses hommes de se tenir sur leurs gardes le dugong arrive vingt pieds du canot arreta huma brusquement air avec ses vastes narines percees non extremite mais la partie superieure de son museau puis prenant son elan il se precipita sur nous le gigantesque animal soulevait embarcation le canot ne put eviter son choc demi renverse il embarqua une ou deux tonnes eau qu il fallut vider mais grace habilete du patron aborde de biais et non de plein il ne chavira pas ned land cramponne etrave lardait de coups de harpon le gigantesque animal qui de ses dents incrustees dans le platbord soulevait embarcation hors de eau comme un lion fait un chevreuil nous etions renverses les uns sur les autres et je ne sais trop comment aurait fini aventure si le canadien toujours acharne contre la bete ne eut enfin frappee au coeur entendis le grincement des dents sur la tole et le dugong disparut entrainant le harpon avec lui mais bientot le baril revint la surface et peu instants apres apparut le corps de animal retourne sur le dos le canot le rejoignit le prit la remorque et se dirigea vers le nautilus il fallut employer des palans une grande puissance pour hisser le dugong sur la plateforme il pesait cinq mille kilogrammes on le depeca sous les yeux du canadien qui tenait suivre tous les details de operation le jour meme le stewart me servit au diner quelques tranches de cette chair habilement appretee par le cuisinier du bord je la trouvai excellente et meme superieure celle du veau sinon du boeuf le lendemain fevrier office du nautilus enrichit encore un gibier delicat une compagnie hirondelles de mer abattit sur le nautilus etait une espece de sterna nilotica particuliere egypte dont le bec est noir la tete grise et pointillee oeil entoure de points blancs le dos les ailes et la queue grisatres le ventre et la gorge blancs les pattes rouges on prit aussi quelques douzaines de canards du nil oiseaux sauvages un haut gout dont le cou et le dessus de la tete sont blancs et tachetes de noir la vitesse du nautilus etait alors moderee il avancait en flanant pour ainsi dire observai que eau de la mer rouge devenait de moins en moins salee mesure que nous approchions de suez vers cinq heures du soir nous relevions au nord le cap de rasmohammed est ce cap qui forme extremite de arabie petree comprise entre le golfe de suez et le golfe acabah le nautilus penetra dans le detroit de jubal qui conduit au golfe de suez apercus distinctement une haute montagne dominant entre les deux golfes le rasmohammed etait le mont oreb ce sinai au sommet duquel moise vit dieu face face et que esprit se figure incessamment couronne eclairs six heures le nautilus tantot flottant tantot immerge passait au large de tor assise au fond une baie dont les eaux paraissaient teintees de rouge observation deja faite par le capitaine nemo puis la nuit se fit au milieu un lourd silence que rompaient parfois le cri du pelican et de quelques oiseaux de nuit le bruit du ressac irrite par les rocs ou le gemissement lointain un steamer battant les eaux du golfe de ses pales sonores de huit neuf heures le nautilus demeura quelques metres sous les eaux suivant mon calcul nous devions etre trespres de suez travers les panneaux du salon apercevais des fonds de rochers vivement eclaires par notre lumiere electrique il me semblait que le detroit se retrecissait de plus en plus neuf heures un quart le bateau etant revenu la surface je montai sur la plateforme tres impatient de franchir le tunnel du capitaine nemo je ne pouvais tenir en place et je cherchais respirer air frais de la nuit bientot dans ombre apercus un feu pale demi decolore par la brume qui brillait un mille de nous un phare flottant diton pres de moi je me retournai et je reconnus le capitaine est le feu flottant de suez repritil nous ne tarderons pas gagner orifice du tunnel entree en doit pas etre facile non monsieur aussi ai pour habitude de me tenir dans la cage du timonier pour diriger moimeme la manoeuvre et maintenant si vous voulez descendre monsieur aronnax le nautilus va enfoncer sous les flots et il ne reviendra leur surface qu apres avoir franchi arabiantunnel je suivis le capitaine nemo le panneau se ferma les reservoirs eau emplirent et appareil immergea une dizaine de metres au moment ou je me disposais regagner ma chambre le capitaine arreta monsieur le professeur me ditil vous plairaitil de accompagner dans la cage du pilote je osais vous le demander repondisje venez donc vous verrez ainsi tout ce que on peut voir de cette navigation la fois sousterrestre et sousmarine le capitaine nemo me conduisit vers escalier central mirampe il ouvrit une porte suivit les coursives superieures et arriva dans la cage du pilote qui on le sait elevait extremite de la plateforme etait une cabine mesurant six pieds sur chaque face peu pres semblable celles qu occupent les timoniers des steamboats du mississipi ou de hudson au milieu se manoeuvrait une roue disposee verticalement engrenee sur les drosses du gouvernail qui couraient jusqu arriere du nautilus quatre hublots de verres lenticulaires evides dans les parois de la cabine permettaient homme de barre de regarder dans toutes les directions cette cabine etait obscure mais bientot mes yeux accoutumerent cette obscurite et apercus le pilote un homme vigoureux dont les mains appuyaient sur les jantes de la roue audehors la mer apparaissait vivement eclairee par le fanal qui rayonnait en arriere de la cabine autre extremite de la plateforme maintenant dit le capitaine nemo cherchons notre passage des fils electriques reliaient la cage du timonier avec la chambre des machines et de la le capitaine pouvait communiquer simultanement son nautilus la direction et le mouvement il pressa un bouton de metal et aussitot la vitesse de helice fut tres diminuee je regardais en silence la haute muraille tresaccore que nous longions en ce moment inebranlable base du massif sableux de la cote nous la suivimes ainsi pendant une heure quelques metres de distance seulement le capitaine nemo ne quittait pas du regard la boussole suspendue dans la cabine ses deux cercles concentriques sur un simple geste le timonier modifiait chaque instant la direction du nautilus je etais place au hublot de babord et apercevais de magnifiques substructions de coraux des zoophytes des algues et des crustaces agitant leurs pattes enormes qui allongeaient hors des anfractuosites du roc le capitaine nemo prit la barre dix heures un quart le capitaine nemo prit luimeme la barre une large galerie noire et profonde ouvrait devant nous le nautilus engouffra hardiment un bruissement inaccoutume se fit entendre sur ses flancs etaient les eaux de la mer rouge que la pente du tunnel precipitait vers la mediterranee le nautilus suivait le torrent rapide comme une fleche malgre les efforts de sa machine qui pour resister battait les flots contrehelice sur les murailles etroites du passage je ne voyais plus que des raies eclatantes des lignes droites des sillons de feu traces par la vitesse sous eclat de electricite mon coeur palpitait et je le comprimais de la main dix heures trentecinq minutes le capitaine nemo abandonna la roue du gouvernail et se retournant vers moi la mediterranee me ditil en moins de vingt minutes le nautilus entraine par ce torrent venait de franchir isthme de suez chapitre vi archipel grec le lendemain fevrier au lever du jour le nautilus remonta la surface des flots je me precipitai sur la plateforme trois milles dans le sud se dessinait la vague silhouette de peluse un torrent nous avait portes une mer autre mais ce tunnel facile descendre devait etre impraticable remonter vers sept heures ned et conseil me rejoignirent ces deux inseparables compagnons avaient tranquillement dormi sans se preoccuper autrement des prouesses du nautilus eh bien monsieur le naturaliste demanda le canadien un ton legerement goguenard et cette mediterranee nous flottons sa surface ami ned hein fit conseil cette nuit meme oui cette nuit meme en quelques minutes nous avons franchi cet isthme infranchissable je en crois rien repondit le canadien et vous avez tort maitre land reprisje cette cote basse qui arrondit vers le sud est la cote egyptienne autres monsieur repliqua entete canadien mais puisque monsieur affirme lui dit conseil il faut croire monsieur ailleurs ned le capitaine nemo fait les honneurs de son tunnel et etais pres de lui dans la cage du timonier pendant qu il dirigeait luimeme le nautilus travers cet etroit passage vous entendez ned dit conseil et vous qui avez de si bons yeux ajoutaije vous pouvez ned apercevoir les jetees de portsaid qui allongent dans la mer le canadien regarda attentivement en effet ditil vous avez raison monsieur le professeur et votre capitaine est un maitre homme nous sommes dans la mediterranee bon causons donc il vous plait de nos petites affaires mais de facon ce que personne ne puisse nous entendre je vis bien ou le canadien voulait en venir en tout cas je pensai qu il valait mieux causer puisqu il le desirait et tous les trois nous allames nous asseoir pres du fanal ou nous etions moins exposes recevoir humide embrun des lames maintenant ned nous vous ecoutons disje qu avezvous nous apprendre ce que ai vous apprendre est tressimple repondit le canadien nous sommes en europe et avant que les caprices du capitaine nemo nous entrainent jusqu au fond des mers polaires ou nous ramenent en oceanie je demande quitter le nautilus avouerai que cette discussion avec le canadien embarrassait toujours je ne voulais en aucune facon entraver la liberte de mes compagnons et cependant je eprouvais nul desir de quitter le capitaine nemo grace lui grace son appareil je completais chaque jour mes etudes sousmarines et je refaisais mon livre des fonds sousmarins au milieu meme de son element retrouveraisje jamais une telle occasion observer les merveilles de ocean non certes je ne pouvais donc me faire cette idee abandonner le nautilus avant notre cycle investigations accompli ami ned disje repondezmoi franchement vous ennuyezvous bord regrettezvous que la destinee vous ait jete entre les mains du capitaine nemo le canadien resta quelques instants sans repondre puis se croisant les bras franchement ditil je ne regrette pas ce voyage sous les mers je serai content de avoir fait mais pour avoir fait il faut qu il se termine voila mon sentiment il se terminera ned ou et quand ou je en sais rien quand je ne peux le dire ou plutot je suppose qu il achevera lorsque ces mers auront plus rien nous apprendre tout ce qui commence forcement une fin en ce monde je pense comme monsieur repondit conseil et il est fort possible qu apres avoir parcouru toutes les mers du globe le capitaine nemo nous donne la volee tous trois la volee ecria le canadien une volee voulezvous dire exagerons pas maitre land reprisje nous avons rien craindre du capitaine mais je ne partage pas non plus les idees de conseil nous sommes maitres des secrets du nautilus et je espere pas que son commandant pour nous rendre notre liberte se resigne les voir courir le monde avec nous mais alors qu esperezvous donc demanda le canadien que des circonstances se rencontreront dont nous pourrons dont nous devrons profiter aussi bien dans six mois que maintenant ouais fit ned land et ou seronsnous dans six mois il vous plait monsieur le naturaliste peutetre ici peutetre en chine vous le savez le nautilus est un rapide marcheur il traverse les oceans comme une hirondelle traverse les airs ou un express les continents il ne craint point les mers frequentees qui nous dit qu il ne va pas rallier les cotes de france angleterre ou amerique sur lesquelles une fuite pourra etre aussi avantageusement tentee qu ici monsieur aronnax repondit le canadien vos arguments pechent par la base vous parlez au futur nous serons la nous serons ici moi je parle au present nous sommes ici et il faut en profiter etais presse de pres par la logique de ned land et je me sentais battu sur ce terrain je ne savais plus quels arguments faire valoir en ma faveur monsieur reprit ned supposons par impossible que le capitaine nemo vous offre aujourd hui meme la liberte accepterezvous je ne sais repondisje et il ajoute que cette offre qu il vous fait aujourd hui il ne la renouvellera pas plus tard accepterezvous je ne repondis pas et qu en pense ami conseil demanda ned land ami conseil repondit tranquillement ce digne garcon ami conseil rien dire il est absolument desinteresse dans la question ainsi que son maitre ainsi que son camarade ned il est celibataire ni femme ni parents ni enfants ne attendent au pays il est au service de monsieur il pense comme monsieur il parle comme monsieur et son grand regret on ne doit pas compter sur lui pour faire une majorite deux personnes seulement sont en presence monsieur un cote ned land de autre cela dit ami conseil ecoute et il est pret marquer les points je ne pus empecher de sourire voir conseil annihiler si completement sa personnalite au fond le canadien devait etre enchante de ne pas avoir contre lui alors monsieur dit ned land puisque conseil existe pas ne discutons qu entre nous deux ai parle vous avez entendu qu avezvous repondre il fallait evidemment conclure et les fauxfuyants me repugnaient ami ned disje voici ma reponse vous avez raison contre moi et mes arguments ne peuvent tenir devant les votres il ne faut pas compter sur la bonne volonte du capitaine nemo la prudence la plus vulgaire lui defend de nous mettre en liberte par contre la prudence veut que nous profitions de la premiere occasion de quitter le nautilus bien monsieur aronnax voila qui est sagement parle seulement disje une observation une seule il faut que occasion soit serieuse il faut que notre premiere tentative de fuite reussisse car si elle avorte nous ne retrouverons pas occasion de la reprendre et le capitaine nemo ne nous pardonnera pas tout cela est juste repondit le canadien mais votre observation applique toute tentative de fuite qu elle ait lieu dans deux ans ou dans deux jours donc la question est toujours celleci si une occasion favorable se presente il faut la saisir accord et maintenant me direzvous ned ce que vous entendez par une occasion favorable ce serait celle qui par une nuit sombre amenerait le nautilus peu de distance une cote europeenne et vous tenteriez de vous sauver la nage oui si nous etions suffisamment rapproches un rivage et si le navire flottait la surface non si nous etions eloignes et si le navire naviguait sous les eaux et dans ce cas dans ce cas je chercherais emparer du canot je sais comment il se manoeuvre nous nous introduirions interieur et les boulons enleves nous remonterions la surface sans meme que le timonier place avant apercut de notre fuite bien ned epiez donc cette occasion mais oubliez pas qu un echec nous perdrait je ne oublierai pas monsieur et maintenant ned voulezvous connaitre toute ma pensee sur votre projet volontiers monsieur aronnax eh bien je pense je ne dis pas espere je pense que cette occasion favorable ne se presentera pas pourquoi cela parce que le capitaine nemo ne peut se dissimuler que nous avons pas renonce espoir de recouvrer notre liberte et qu il se tiendra sur ses gardes surtout dans les mers et en vue des cotes europeennes je suis de avis de monsieur dit conseil nous verrons bien repondit ned land qui secouait la tete un air determine et maintenant ned land ajoutaije restonsen la plus un mot sur tout ceci le jour ou vous serez pret vous nous previendrez et nous vous suivrons je en rapporte completement vous cette conversation qui devait avoir plus tard de si graves consequences se termina ainsi je dois dire maintenant que les faits semblerent confirmer mes previsions au grand desespoir du canadien le capitaine nemo se defiaitil de nous dans ces mers frequentees ou voulaitil seulement se derober la vue des nombreux navires de toutes nations qui sillonnent la mediterranee je ignore mais il se maintint le plus souvent entre deux eaux et au large des cotes ou le nautilus emergeait ne laissant passer que la cage du timonier ou il en allait de grandes profondeurs car entre archipel grec et asie mineure nous ne trouvions pas le fond par deux mille metres aussi je eus connaissance de ile de carpathos une des sporades que par ce vers de virgile que le capitaine nemo me cita en posant son doigt sur un point du planisphere est in carpathio neptuni gurgite vates coeruleus proteus etait en effet antique sejour de protee le vieux pasteur des troupeaux de neptune maintenant ile de scarpanto situee entre rhodes et la crete je en vis que les soubassements granitiques travers la vitre du salon le lendemain fevrier je resolus employer quelques heures etudier les poissons de archipel mais par un motif quelconque les panneaux demeurerent hermetiquement fermes en relevant la direction du nautilus je remarquai qu il marchait vers candie ancienne ile de crete au moment ou je etais embarque sur abrahamlincoln cette ile venait de insurger tout entiere contre le despotisme turc mais ce qu etait devenue cette insurrection depuis cette epoque je ignorais absolument et ce etait pas le capitaine nemo prive de toute communication avec la terre qui aurait pu me apprendre je ne fis donc aucune allusion cet evenement lorsque le soir je me trouvai seul avec lui dans le salon ailleurs il me sembla taciturne preoccupe puis contrairement ses habitudes il ordonna ouvrir les deux panneaux du salon et allant de un autre il observa attentivement la masse des eaux dans quel but je ne pouvais le deviner et de mon cote employai mon temps etudier les poissons qui passaient devant mes yeux entre autres je remarquai ces gobies aphyses citees par aristote et vulgairement connues sous le nom de loches de mer que on rencontre particulierement dans les eaux salees avoisinant le delta du nil pres elles se deroulaient des pagres demi phosphorescents sortes de spares que les egyptiens rangeaient parmi les animaux sacres et dont arrivee dans les eaux du reuve dont elles annoncaient le fecond debordement etait fetee par des ceremonies religieuses je notai egalement des cheilines longues de trois decimetres poissons osseux ecailles transparentes dont la couleur livide est melangee de taches rouges ce sont de grands mangeurs de vegetaux marins ce qui leur donne un gout exquis aussi ces cheilines etaientelles tresrecherchees des gourmets de ancienne rome et leurs entrailles accommodees avec des laites de murenes des cervelles de paons et des langues de phenicopteres composaient ce plat divin qui ravissait vitellius un autre habitant de ces mers attira mon attention et ramena dans mon esprit tous les souvenirs de antiquite ce fut le remora qui voyage attache au ventre des requins au dire des anciens ce petit poisson accroche la carene un navire pouvait arreter dans sa marche et un eux retenant le vaisseau antoine pendant la bataille actium facilita ainsi la victoire auguste quoi tiennent les destinees des nations observai egalement admirables anthias qui appartiennent ordre des lutjans poissons sacres pour les grecs qui leur attribuaient le pouvoir de chasser les monstres marins des eaux qu ils frequentaient leur nom signifie fleur et ils le justifiaient par leurs couleurs chatoyantes leurs nuances comprises dans la gamme du rouge depuis la paleur du rose jusqu eclat du rubis et les fugitifs reflets qui moiraient leur nageoire dorsale mes yeux ne pouvaient se detacher de ces merveilles de la mer quand ils furent frappes soudain par une apparition inattendue au milieu des eaux un homme apparut un plongeur portant sa ceinture une bourse de cuir ce etait pas un corps abandonne aux flots etait un homme vivant qui nageait une main vigoureuse disparaissant parfois pour aller respirer la surface et replongeant aussitot je me retournai vers le capitaine nemo et une voix emue un homme un naufrage ecriaije il faut le sauver tout prix un homme un naufrage ecriaije le capitaine ne me repondit pas et vint appuyer la vitre homme etait rapproche et la face collee au panneau il nous regardait ma profonde stupefaction le capitaine nemo lui fit un signe le plongeur lui repondit de la main remonta immediatement vers la surface de la mer et ne reparut plus ne vous inquietez pas me dit le capitaine est nicolas du cap matapan surnomme le pesce il est bien connu dans toutes les cyclades un hardi plongeur eau est son element et il vit plus que sur terre allant sans cesse une ile autre et jusqu la crete vous le connaissez capitaine pourquoi pas monsieur aronnax cela dit le capitaine nemo se dirigea vers un meuble place pres du panneau gauche du salon pres de ce meuble je vis un coffre cercle de fer dont le couvercle portait sur une plaque de cuivre le chiffre du nautilus avec sa devise mobilis in mobile en ce moment le capitaine sans se preoccuper de ma presence ouvrit le meuble sorte de coffrefort qui renfermait un grand nombre de lingots etaient des lingots or ou venait ce precieux metal qui representait une somme enorme ou le capitaine recueillaitil cet or et qu allaitil faire de celuici je ne prononcai pas un mot je regardai le capitaine nemo prit un un ces lingots et les rangea methodiquement dans le coffre qu il remplit entierement estimai qu il contenait alors plus de mille kilogrammes or estadire pres de cinq millions de francs le coffre fut solidement ferme et le capitaine ecrivit sur son couvercle une adresse en caracteres qui devaient appartenir au grec moderne ceci fait le capitaine nemo pressa un bouton dont le fil correspondait avec le poste de equipage quatre hommes parurent et non sans peine ils pousserent le coffre hors du salon puis entendis qu ils le hissaient au moyen de palans sur escalier de fer en ce moment le capitaine nemo se tourna vers moi et vous disiez monsieur le professeur me demandatil je ne disais rien capitaine alors monsieur vous me permettrez de vous souhaiter le bonsoir et sur ce le capitaine nemo quitta le salon je rentrai dans ma chambre tresintrigue on le concoit essayai vainement de dormir je cherchais une relation entre apparition de ce plongeur et ce coffre rempli or bientot je sentis certains mouvements de roulis et de tangage que le nautilus quittant les couches inferieures revenait la surface des eaux puis entendis un bruit de pas sur la plateforme je compris que on detachait le canot qu on le lancait la mer il heurta un instant les flancs du nautilus et tout bruit cessa deux heures apres le meme bruit les memes allees et venues se reproduisaient embarcation hissee bord etait rajustee dans son alveole et le nautilus se replongeait sous les flots ainsi donc ces millions avaient ete transportes leur adresse sur quel point du continent quel etait le correspondant du capitaine nemo le lendemain je racontai conseil et au canadien les evenements de cette nuit qui surexcitaient ma curiosite au plus haut point mes compagnons ne furent pas moins surpris que moi mais ou prendil ces millions demanda ned land cela pas de reponse possible je me rendis au salon apres avoir dejeune et je me mis au travail jusqu cinq heures du soir je redigeai mes notes en ce moment devaisje attribuer une disposition personnelle je sentis une chaleur extreme et je dus enlever mon vetement de byssus effet incomprehensible car nous etions pas sous de hautes latitudes et ailleurs le nautilus immerge ne devait eprouver aucune elevation de temperature je regardai le manometre il marquait une profondeur de soixante pieds laquelle la chaleur atmospherique aurait pu atteindre je continuai mon travail mais la temperature eleva au point de devenir intolerable estce que le feu serait bord me demandaije allais quitter le salon quand le capitaine nemo entra il approcha du thermometre le consulta et se retournant vers moi quarantedeux degres ditil le capitaine nemo ouvrit le meuble je en apercois capitaine repondisje et pour peu que cette chaleur augmente nous ne pourrons la supporter oh monsieur le professeur cette chaleur augmentera que si nous le voulons bien vous pouvez donc la moderer votre gre non mais je puis eloigner du foyer qui la produit elle est donc exterieure sans doute nous flottons dans un courant eau bouillante estil possible ecriaije regardez les panneaux ouvrirent et je vis la mer entierement blanche autour du nautilus une fumee de vapeurs sulfureuses se deroulait au milieu des flots qui bouillonnaient comme eau une chaudiere appuyai ma main sur une des vitres mais la chaleur etait telle que je dus la retirer ou sommesnous demandaije pres de ile santorin monsieur le professeur me repondit le capitaine et precisement dans ce canal qui separe neakamenni de paleakamenni ai voulu vous donner le curieux spectacle une eruption sousmarine je croyais disje que la formation de ces iles nouvelles etait terminee rien est jamais termine dans les parages volcaniques repondit le capitaine nemo et le globe est toujours travaille par les feux souterrains deja en an dixneuf de notre ere suivant cassiodore et pline une ile nouvelle theia la divine apparut la place meme ou se sont recemment formes ces ilots puis elle abima sous les flots pour se remontrer en an soixanteneuf et abimer encore une fois depuis cette epoque jusqu nos jours le travail plutonien fut suspendu mais le fevrier un nouvel ilot qu on nomma ilot de george emergea au milieu des vapeurs sulfureuses pres de neakamenni et souda le du meme mois sept jours apres le fevrier ilot aphroessa parut laissant entre neakamenni et lui un canal de dix metres etais dans ces mers quand le phenomene se produisit et ai pu en observer toutes les phases ilot aphroessa de forme arrondie mesurait trois cents pieds de diametre sur trente pieds de hauteur il se composait de laves noires et vitreuses melees de fragments feldspathiques enfin le mars un ilot plus petit appele reka se montra pres de neakamenni et depuis lors ces trois ilots soudes ensemble ne forment plus qu une seule et meme ile et le canal ou nous sommes en ce moment demandaije le voici repondit le capitaine nemo en me montrant une carte de archipel vous voyez que ai porte les nouveaux ilots mais ce canal se comblera un jour est probable monsieur aronnax car depuis huit petits ilots de lave ont surgi en face du port saintnicolas de paleakamenni il est donc evident que nea et palea se reuniront dans un temps rapproche si au milieu du pacifique ce sont les infusoires qui forment les continents ici ce sont les phenomenes eruptifs voyez monsieur voyez le travail qui accomplit sous ces flots je revins vers la vitre le nautilus ne marchait plus la chaleur devenait intolerable de blanche qu elle etait la mer se faisait rouge coloration due la presence un sel de fer malgre hermetique fermeture du salon une odeur sulfureuse insupportable se degageait et apercevais des flammes ecarlates dont la vivacite tuait eclat de electricite etais en nage etouffais allais cuire oui en verite je me sentais cuire on ne peut rester plus longtemps dans cette eau bouillante disje au capitaine non ce ne serait pas prudent repondit impassible nemo un ordre fut donne le nautilus vira de bord et eloigna de cette fournaise qu il ne pouvait impunement braver un quart heure plus tard nous respirions la surface des flots la pensee me vint alors que si ned land avait choisi ces parages pour effectuer notre fuite nous ne serions pas sortis vivants de cette mer de feu le lendemain fevrier nous quittions ce bassin qui entre rhodes et alexandrie compte des profondeurs de trois mille metres et le nautilus passant au large de cerigo abandonnait archipel grec apres avoir double le cap matapan chapitre vii la mediterranee en quarantehuit heures la mediterranee la mer bleue par excellence la grande mer des hebreux la mer des grecs le mare nostrum des romains bordee orangers aloes de cactus de pins maritimes embaumee du parfum des myrtes encadree de rudes montagnes saturee un air pur et transparent mais incessamment travaillee par les feux de la terre est un veritable champ de bataille ou neptune et pluton se disputent encore empire du monde est la sur ses rivages et sur ses eaux dit michelet que homme se retrempe dans un des plus puissants climats du globe mais si beau qu il soit je ai pu prendre qu un apercu rapide de ce bassin dont la superficie couvre deux millions de kilometres carres les connaissances personnelles du capitaine nemo me firent meme defaut car enigmatique personnage ne parut pas une seule fois pendant cette traversee grande vitesse estime six cents lieues environ le chemin que le nautilus parcourut sous les flots de cette mer et ce voyage il accomplit en deux fois vingtquatre heures partis le matin du fevrier des parages de la grece le au soleil levant nous avions franchi le detroit de gibraltar il fut evident pour moi que cette mediterranee resserree au milieu de ces terres qu il voulait fuir deplaisait au capitaine nemo ses flots et ses brises lui rapportaient trop de souvenirs sinon trop de regrets il avait plus ici cette liberte allures cette independance de manoeuvres que lui laissaient les oceans et son nautilus se sentait etroit entre ces rivages rapproches de afrique et de europe aussi notre vitesse futelle de vingtcinq milles heure soit douze lieues de quatre kilometres il va sans dire que ned land son grand ennui dut renoncer ses projets de fuite il ne pouvait se servir du canot entraine raison de douze treize metres par seconde quitter le nautilus dans ces conditions eut ete sauter un train marchant avec cette rapidite manoeuvre imprudente il en fut ailleurs notre appareil ne remontait que la nuit la surface des flots afin de renouveler sa provision air et il se dirigeait seulement suivant les indications de la boussole et les relevements du loch je ne vis donc de interieur de cette mediterranee que ce que le voyageur un express apercoit du paysage qui fuit devant ses yeux estadire les horizons lointains et non les premiers plans qui passent comme un eclair cependant conseil et moi nous pumes observer quelquesuns de ces poissons mediterraneens que la puissance de leurs nageoires maintenait quelques instants dans les eaux du nautilus nous restions affut devant les vitres du salon et nos notes me permettent de refaire en quelques mots ichtyologie de cette mer des divers poissons qui habitent ai vu les uns entrevu les autres sans parler de ceux que la vitesse du nautilus deroba mes yeux qu il me soit donc permis de les classer apres cette classification fantaisiste elle rendra mieux mes rapides observations au milieu de la masse des eaux vivement eclairees par les nappes electriques serpentaient quelquesunes de ces lamproies longues un metre qui sont communes presque tous les climats des oxyrhinques sortes de raies larges de cinq pieds au ventre blanc au dos gris cendre et tachete se developpaient comme de vastes chales emportes par les courants autres raies passaient si vite que je ne pouvais reconnaitre si elles meritaient ce nom aigles qui leur fut donne par les grecs ou ces qualifications de rat de crapaud et de chauvesouris dont les pecheurs modernes les ont affublees des squalesmilandres longs de douze pieds et particulierement redoutes des plongeurs luttaient de rapidite entre eux des renards marins longs de huit pieds et doues une extreme finesse odorat apparaissaient comme de grandes ombres bleuatres des dorades du genre spare dont quelquesunes mesuraient jusqu treize decimetres se montraient dans leur vetement argent et azur entoure de bandelettes qui tranchait sur le ton sombre de leurs nageoires poissons consacres venus et dont oeil est enchasse dans un sourcil or espece precieuse amie de toutes les eaux douces ou salees habitant les fleuves les lacs et les oceans vivant sous tous les climats supportant toutes les temperatures et dont la race qui remonte aux epoques geologiques de la terre conserve toute sa beaute des premiers jours des esturgeons magnifiques longs de neuf dix metres animaux de grande marche heurtaient une queue puissante la vitre des panneaux montrant leur dos bleuatre petites taches brunes ils ressemblent aux squales dont ils egalent pas la force et se rencontrent dans toutes les mers au printemps ils aiment remonter les grands fleuves lutter contre les courants du volga du danube du po du rhin de la loire de oder et se nourrissent de harengs de maquereaux de saumons et de gades bien qu ils appartiennent la classe des cartilagineux ils sont delicats on les mange frais seches marines ou sales et autrefois on les portait triomphalement sur la table des lucullus mais de ces divers habitants de la mediterranee ceux que je pus observer le plus utilement lorsque le nautilus se rapprochait de la surface appartenaient au soixantetroisieme genre des poissons osseux etaient des scombresthons au dos bleunoir au ventre cuirasse argent et dont les rayons dorsaux jettent des lueurs or ils ont la reputation de suivre la marche des navires dont ils recherchent ombre fraiche sous les feux du ciel tropical et ils ne la dementirent pas en accompagnant le nautilus comme ils accompagnerent autrefois les vaisseaux de laperouse pendant de longues heures ils lutterent de vitesse avec notre appareil je ne pouvais me lasser admirer ces animaux veritablement tailles pour la course leur tete petite leur corps lisse et fusiforme qui chez quelquesuns depassait trois metres leurs pectorales douees une remarquable vigueur et leurs caudales fourchues ils nageaient en triangle comme certaines troupes oiseaux dont ils egalaient la rapidite ce qui faisait dire aux anciens que la geometrie et la strategie leur etaient familieres et cependant ils echappent point aux poursuites des provencaux qui les estiment comme les estimaient les habitants de la propontide et de italie et est en aveugles en etourdis que ces precieux animaux vont se jeter et perir par milliers dans les madragues marseillaises je citerai pour memoire seulement ceux des poissons mediterraneens que conseil ou moi nous ne fimes qu entrevoir etaient des gymontesfierasfers blanchatres qui passaient comme insaisissables vapeurs des murenescongres serpents de trois quatre metres enjolives de vert de bleu et de jaune des gadesmerlus longs de trois pieds dont le foie formait un morceau delicat des coepolestenias qui flottaient comme de fines algues des trygles que les poetes appellent poissonslyres et les marins poissonssiffleurs et dont le museau est orne de deux lames triangulaires et dentelees qui figurent instrument du vieil homere des trygleshirondelles nageant avec la rapidite de oiseau dont ils ont pris le nom des holocentresmerons tete rouge dont la nageoire dorsale est garnie de filaments des aloses agrementees de taches noires grises brunes bleues jaunes vertes qui sont sensibles la voix argentine des clochettes et de splendides turbots ces faisans de la mer sortes de losanges nageoires jaunatres pointilles de brun et dont le cote superieur le cote gauche est generalement marbre de brun et de jaune enfin des troupes admirables mullesrougets veritables paradisiers de ocean que les romains payaient jusqu dix mille sesterces la piece et qu ils faisaient mourir sur leur table pour suivre un oeil cruel leurs changements de couleurs depuis le rouge cinabre de la vie jusqu au blanc pale de la mort et si je ne pus observer ni miralets ni balistes ni tetrodons ni hippocampes ni jouans ni centrisques ni blennies ni surmulets ni labres ni eperlans ni exocets ni anchois ni pagels ni bogues ni orphes ni tous ces principaux representants de ordre des pleuronectes les limandes les flez les plies les soles les carrelets communs atlantique et la mediterranee il faut en accuser la vertigineuse vitesse qui emportait le nautilus travers ces eaux opulentes quant aux mammiferes marins je crois avoir reconnu en passant ouvert de adriatique deux ou trois cachalots munis une nageoire dorsale du genre des physeteres quelques dauphins du genre des globicephales speciaux la mediterranee et dont la partie anterieure de la tete est zebree de petites lignes claires et aussi une douzaine de phoques au ventre blanc au pelage noir connus sous le nom de moines et qui ont absolument air de dominicains longs de trois metres pour sa part conseil croit avoir apercu une tortue large de six pieds ornee de trois aretes saillantes dirigees longitudinalement je regrettai de ne pas avoir vu ce reptile car la description que en fit conseil je crus reconnaitre le luth qui forme une espece assez rare je ne remarquai pour mon compte que quelques cacouannes carapace allongee quant aux zoophytes je pus admirer pendant quelques instants une admirable galeolaire orangee qui accrocha la vitre du panneau de babord etait un long filament tenu arborisant en branches infinies et terminees par la plus fine dentelle qu eussent jamais filee les rivales arachne je ne pus malheureusement pecher cet admirable echantillon et aucun autre zoophyte mediterraneen ne se fut sans doute offert mes regards si le nautilus dans la soiree du eut singulierement ralenti sa vitesse voici dans quelles circonstances nous passions alors entre la sicile et la cote de tunis dans cet espace resserre entre le cap bon et le detroit de messine le fond de la mer remonte presque subitement la est formee une veritable crete sur laquelle il ne reste que dixsept metres eau tandis que de chaque cote la profondeur est de cent soixantedix metres le nautilus dut donc manoeuvrer prudemment afin de ne pas se heurter contre cette barriere sousmarine je montrai conseil sur la carte de la mediterranee emplacement qu occupait ce long recif mais en deplaise monsieur fit observer conseil est comme un isthme veritable qui reunit europe afrique oui mon garcon repondisje il barre en entier le detroit de libye et les sondages de smith ont prouve que les continents etaient autrefois reunis entre le cap boco et le cap furina je le crois volontiers dit conseil ajouterai reprisje qu une barriere semblable existe entre gibraltar et ceuta qui aux temps geologiques fermait completement la mediterranee eh fit conseil si quelque poussee volcanique relevait un jour ces deux barrieres audessus des flots ce est guere probable conseil enfin que monsieur me permette achever si ce phenomene se produisait ce serait facheux pour monsieur de lesseps qui se donne tant de mal pour percer son isthme en conviens mais je te le repete conseil ce phenomene ne se produira pas la violence des forces souterraines va toujours diminuant les volcans si nombreux aux premiers jours du monde eteignent peu peu la chaleur interne affaiblit la temperature des couches inferieures du globe baisse une quantite appreciable par siecle et au detriment de notre globe car cette chaleur est sa vie cependant le soleil le soleil est insuffisant conseil peutil rendre la chaleur un cadavre non que je sache eh bien mon ami la terre sera un jour ce cadavre refroidi elle deviendra inhabitable et sera inhabitee comme la lune qui depuis longtemps perdu sa chaleur vitale dans combien de siecles demanda conseil dans quelques centaines de mille ans mon garcon alors repondit conseil nous avons le temps achever notre voyage si toutefois ned land ne en mele pas et conseil rassure se remit etudier le hautfond que le nautilus rasait de pres avec une vitesse moderee la sous un sol rocheux et volcanique epanouissait toute une flore vivante des eponges des holoturies des cydippes hyalines ornees de cyrrhes rougeatres et qui emettaient une legere phosphorescence des beroes vulgairement connus sous le nom de concombres de mer et baignes dans les miroitements un spectre solaire des comatules ambulantes larges un metre et dont la pourpre rougissait les eaux des euryales arborescentes de la plus grande beaute des pavonacees longues tiges un grand nombre oursins comestibles especes variees et des actinies vertes au tronc grisatre au disque brun qui se perdaient dans leur chevelure olivatre de tentacules conseil etait occupe plus particulierement observer les mollusques et les articules et bien que la nomenclature en soit un peu aride je ne veux pas faire tort ce brave garcon en omettant ses observations personnelles dans embranchement des mollusques il cite de nombreux petoncles pectiniformes des spondyles piedsd ane qui entassaient les uns sur les autres des donaces triangulaires des hyalles tridentees nageoires jaunes et coquilles transparentes des pleurobranches oranges des oeufs pointilles ou semes de points verdatres des aplysies connues aussi sous le nom de lievres de mer des dolabelles des aceres charnus des ombrelles speciales la mediterranee des oreilles de mer dont la coquille produit une nacre tres recherchee des petoncles flammules des anomies que les languedociens diton preferent aux huitres des clovis si chers aux marseillais des praires doubles blanches et grasses quelquesuns de ces clams qui abondent sur les cotes de amerique du nord et dont il se fait un debit si considerable new york des peignes operculaires de couleurs variees des lithodonces enfoncees dans leurs trous et dont je goutais fort le gout poivre des venericardes sillonnees dont la coquille sommet bombe presentait des cotes saillantes des cynthies herissees de tubercules ecarlates des carniaires pointe recourbees et semblables de legeres gondoles des feroles couronnees des atlantes coquilles spiraliformes des thetys grises tachetees de blanc et recouvertes de leur mantille frangee des eolides semblables de petites limaces des cavolines rampant sur le dos des auricules et entre autres auricule myosotis coquille ovale des scalaires fauves des littorines des janthures des cineraires des petricoles des lamellaires des cabochons des pandores etc quant aux articules conseil les sur ses notes tresjustement divises en six classes dont trois appartiennent au monde marin ce sont les classes des crustaces des cirrhopodes et des annelides les crustaces se subdivisent en neuf ordres et le premier de ces ordres comprend les decapodes estadire les animaux dont la tete et le thorax sont le plus generalement soudes entre eux dont appareil buccal est compose de plusieurs paires de membres et qui possedent quatre cinq ou six paires de pattes thoraciques ou ambulatoires conseil avait suivi la methode de notre maitre milne edwards qui fait trois sections des decapodes les brachyoures les macroures et les anomoures ces noms sont legerement barbares mais ils sont justes et precis parmi les macroures conseil cite des amathies dont le front est arme de deux grandes pointes divergentes inachus scorpion qui je ne sais pourquoi symbolisait la sagesse chez les grecs des lambresmassena des lambresspinimanes probablement egares sur ce hautfond car ordinaire ils vivent de grandes profondeurs des xhantes des pilumnes des rhomboides des calappiens granuleux tresfaciles digerer fait observer conseil des corystes edentes des ebalies des cymopolies des dorripes laineuses etc parmi les macroures subdivises en cinq familles les cuirasses les fouisseurs les astaciens les salicoques et les ochyzopodes il cite des langoustes communes dont la chair est si estimee chez les femelles des scyllaresours ou cigales de mer des gebies riveraines et toutes sortes especes comestibles mais il ne dit rien de la subdivision des astaciens qui comprend les homards car les langoustes sont les seuls homards de la mediterranee enfin parmi les anomoures il vit des drocines communes abritees derriere cette coquille abandonnee dont elles emparent des homoles front epineux des bernardl ermite des porcellanes etc la arretait le travail de conseil le temps lui avait manque pour completer la classe des crustaces par examen des stomapodes des amphipodes des homopodes des isopodes des trilobites des branchiapodes des ostracodes et des entomostracees et pour terminer etude des articules marins il aurait du citer la classe des cyrrhopodes qui renferme les cyclopes les argules et la classe des annelides qu il eut pas manque de diviser en tubicoles et en dorsibranches mais le nautilus ayant depasse le hautfond du detroit de libye reprit dans les eaux plus profondes sa vitesse accoutumee des lors plus de mollusques plus articules plus de zoophytes peine quelques gros poissons qui passaient comme des ombres pendant la nuit du au fevrier nous etions entres dans ce second bassin mediterraneen dont les plus grandes profondeurs se trouvent par trois mille metres le nautilus sous impulsion de son helice glissant sur ses plans inclines enfonca jusqu aux dernieres couches de la mer la defaut des merveilles naturelles la masse des eaux offrit mes regards bien des scenes emouvantes et terribles en effet nous traversions alors toute cette partie de la mediterranee si feconde en sinistres de la cote algerienne aux rivages de la provence que de navires ont fait naufrage que de batiments ont disparu la mediterranee est qu un lac comparee aux vastes plaines liquides du pacifique mais est un lac capricieux aux flots changeants aujourd hui propice et caressant pour la frele tartane qui semble flotter entre le double outremer des eaux et du ciel demain rageur tourmente demonte par les vents brisant les plus forts navires de ses lames courtes qui les frappent coups precipites ainsi dans cette promenade rapide travers les couches profondes que epaves apercus gisant sur le sol les unes deja empatees par les coraux les autres revetues seulement une couche de rouille des ancres des canons des boulets des garnitures de fer des branches helice des morceaux de machines des cylindres brises des chaudieres defoncees puis des coques flottant entre deux eaux cellesci droites cellesla renversees de ces navires naufrages les uns avaient peri par collision les autres pour avoir heurte quelque ecueil de granit en vis qui avaient coule pic la mature droite le greement raidi par eau ils avaient air etre ancre dans une immense rade foraine et attendre le moment du depart lorsque le nautilus passait entre eux et les enveloppait de ses nappes electriques il semblait que ces navires allaient le saluer de leur pavillon et lui envoyer leur numero ordre mais non rien que le silence et la mort sur ce champ des catastrophes le fond etait encombre de sinistres epaves observai que les fonds mediterraneens etaient plus encombres de ces sinistres epaves mesure que le nautilus se rapprochait du detroit de gibraltar les cotes afrique et europe se resserrent alors et dans cet etroit espace les rencontres sont frequentes je vis la de nombreuses carenes de fer des ruines fantastiques de steamers les uns couches les autres debout semblables des animaux formidables un de ces bateaux aux flancs ouverts sa cheminee courbee ses roues dont il ne restait plus que la monture son gouvernail separe de etambot et retenu encore par une chaine de fer son tableau arriere ronge par les sels marins se presentait sous un aspect terrible combien existences brisees dans son naufrage combien de victimes entrainees sous les flots quelque matelot du bord avaitil survecu pour raconter ce terrible desastre ou les flots gardaientils encore le secret de ce sinistre je ne sais pourquoi il me vint la pensee que ce bateau enfoui sous la mer pouvait etre atlas disparu corps et biens depuis une vingtaine annees et dont on jamais entendu parler ah quelle sinistre histoire serait faire que celle de ces fonds mediterraneens de ce vaste ossuaire ou tant de richesses se sont perdues ou tant de victimes ont trouve la mort cependant le nautilus indifferent et rapide courait toute helice au milieu de ces ruines le fevrier vers trois heures du matin il se presentait entree du detroit de gibraltar la existent deux courants un courant superieur depuis longtemps reconnu qui amene les eaux de ocean dans le bassin de la mediterranee puis un contrecourant inferieur dont le raisonnement demontre aujourd hui existence en effet la somme des eaux de la mediterranee incessamment accrue par les flots de atlantique et par les fleuves qui jettent devrait elever chaque annee le niveau de cette mer car son evaporation est insuffisante pour retablir equilibre or il en est pas ainsi et on du naturellement admettre existence un courant inferieur qui par le detroit de gibraltar verse dans le bassin de atlantique le tropplein de la mediterranee le temple hercule fait exact en effet est de ce contrecourant que profita le nautilus il avanca rapidement par etroite passe un instant je pus entrevoir les admirables ruines du temple hercule enfoui au dire de pline et avienus avec ile basse qui le supportait et quelques minutes plus tard nous flottions sur les flots de atlantique chapitre viii la baie de vigo atlantique vaste etendue eau dont la superficie couvre vingtcinq millions de milles carres longue de neuf mille milles sur une largeur moyenne de deux mille sept cents importante mer presque ignoree des anciens sauf peutetre des carthaginois ces hollandais de antiquite qui dans leurs peregrinations commerciales suivaient les cotes ouest de europe et de afrique ocean dont les rivages aux sinuosites paralleles embrassent un perimetre immense arrose par les plus grands fleuves du monde le saintlaurent le mississipi amazone la plata orenoque le niger le senegal elbe la loire le rhin qui lui apportent les eaux des pays les plus civilises et des contrees les plus sauvages magnifique plaine incessamment sillonnee par les navires de toutes les nations abritee sous tous les pavillons du monde et que terminent ces deux pointes terribles redoutees des navigateurs le cap horn et le cap des tempetes le nautilus en brisait les eaux sous le tranchant de son eperon apres avoir accompli pres de dix mille lieues en trois mois et demi parcours superieur un des grands cercles de la terre ou allionsnous maintenant et que nous reservait avenir le nautilus sorti du detroit de gibraltar avait pris le large il revint la surface des flots et nos promenades quotidiennes sur la plateforme nous furent ainsi rendues montai aussitot accompagne de ned land et de conseil une distance de douze milles apparaissait vaguement le cap saintvincent qui forme la pointe sudouest de la peninsule hispanique il ventait un assez fort coup de vent du sud la mer etait grosse houleuse elle imprimait de violentes secousses de roulis au nautilus il etait presque impossible de se maintenir sur la plateforme que enormes paquets de mer battaient chaque instant nous redescendimes donc apres avoir hume quelques bouffees air je regagnai ma chambre conseil revint sa cabine mais le canadien air assez preoccupe me suivit notre rapide passage travers la mediterranee ne lui avait pas permis de mettre ses projets execution et il dissimulait peu son desappointement lorsque la porte de ma chambre fut fermee il assit et me regarda silencieusement ami ned lui disje je vous comprends mais vous avez rien vous reprocher dans les conditions ou naviguait le nautilus songer le quitter eut ete de la folie ned land ne repondit rien ses levres serrees ses sourcils fronces indiquaient chez lui la violente obsession une idee fixe voyons reprisje rien est desespere encore nous remontons la cote du portugal non loin sont la france angleterre ou nous trouverions facilement un refuge ah si le nautilus sorti du detroit de gibraltar avait mis le cap au sud il nous eut entraines vers ces regions ou les continents manquent je partagerais vos inquietudes mais nous le savons maintenant le capitaine nemo ne fuit pas les mers civilisees et dans quelques jours je crois que vous pourrez agir avec quelque securite ned land me regarda plus fixement encore et desserrant enfin les levres est pour ce soir ditil je me redressai subitement etais je avoue peu prepare cette communication aurais voulu repondre au canadien mais les mots ne me vinrent pas nous etions convenus attendre une circonstance reprit ned land la circonstance je la tiens ce soir nous ne serons qu quelques milles de la cote espagnole la nuit est sombre le vent souffle du large ai votre parole monsieur aronnax et je compte sur vous comme je me taisais toujours le canadien se leva et se rapprochant de moi ce soir neuf heures ditil ai prevenu conseil ce momentla le capitaine nemo sera enferme dans sa chambre et probablement couche ni les mecaniciens ni les hommes de equipage ne peuvent nous voir conseil et moi nous gagnerons escalier central vous monsieur aronnax vous resterez dans la bibliotheque deux pas de nous attendant mon signal les avirons le mat et la voile sont dans le canot je suis meme parvenu porter quelques provisions je me suis procure une clef anglaise pour devisser les ecrous qui attachent le canot la coque du nautilus ainsi tout est pret ce soir la mer est mauvaise disje en conviens repond le canadien mais il faut risquer cela la liberte vaut qu on la paye ailleurs embarcation est solide et quelques milles avec un vent qui porte ne sont pas une affaire qui sait si demain nous ne serons pas cent lieues au large que les circonstances nous favorisent et entre dix et onze heures nous serons debarques sur quelque point de la terre ferme ou morts donc la grace de dieu et ce soir sur ce mot le canadien se retira me laissant presque abasourdi avais imagine que le cas echeant aurais eu le temps de reflechir de discuter mon opiniatre compagnon ne me le permettait pas que lui auraisje dit apres tout ned land avait cent fois raison etait presque une circonstance il en profitait pouvaisje revenir sur ma parole et assumer cette responsabilite de compromettre dans un interet tout personnel avenir de mes compagnons demain le capitaine nemo ne pouvaitil pas nous entrainer au large de toutes terres en ce moment un sifflement assez fort apprit que les reservoirs se remplissaient et le nautilus enfonca sous les flots de atlantique je demeurai dans ma chambre je voulais eviter le capitaine pour cacher ses yeux emotion qui me dominait triste journee que je passai ainsi entre le desir de rentrer en possession de mon libre arbitre et le regret abandonner ce merveilleux nautilus laissant inachevees mes etudes sousmarines quitter ainsi cet ocean mon atlantique comme je me plaisais le nommer sans en avoir observe les dernieres couches sans lui avoir derobe ces secrets que avaient reveles les mers des indes et du pacifique mon roman me tombait des mains des le premier volume mon reve interrompait au plus beau moment quelles heures mauvaises ecoulerent ainsi tantot me voyant en surete terre avec mes compagnons tantot souhaitant en depit de ma raison que quelque circonstance imprevue empechat la realisation des projets de ned land deux fois je vins au salon je voulais consulter le compas je voulais voir si la direction du nautilus nous rapprochait en effet ou nous eloignait de la cote mais non le nautilus se tenait toujours dans les eaux portugaises il pointait au nord en prolongeant les rivages de ocean il fallait donc en prendre son parti et se preparer fuir mon bagage etait pas lourd mes notes rien de plus quant au capitaine nemo je me demandai ce qu il penserait de notre evasion quelles inquietudes quels torts peutetre elle lui causerait et ce qu il ferait dans le double cas ou elle serait ou revelee ou manquee sans doute je avais pas me plaindre de lui au contraire jamais hospitalite ne fut plus franche que la sienne en le quittant je ne pouvais etre taxe ingratitude aucun serment ne nous liait lui etait sur la force des choses seule qu il comptait et non sur notre parole pour nous fixer jamais aupres de lui mais cette pretention hautement avouee de nous retenir eternellement prisonniers son bord justifiait toutes nos tentatives je avais pas revu le capitaine depuis notre visite ile de santorin le hasard devaitil me mettre en sa presence avant notre depart je le desirais et je le craignais tout la fois ecoutai si je ne entendrais pas marcher dans sa chambre contigue la mienne aucun bruit ne parvint mon oreille cette chambre devait etre deserte alors en vins me demander si cet etrange personnage etait bord depuis cette nuit pendant laquelle le canot avait quitte le nautilus pour un service mysterieux mes idees etaient en ce qui le concerne legerement modifiees je pensais bien qu il eut pu dire que le capitaine nemo devait avoir conserve avec la terre quelques relations une certaine espece ne quittaitil jamais le nautilus des semaines entieres etaient souvent ecoulees sans que je eusse rencontre que faisaitil pendant ce temps et alors que je le croyais en proie des acces de misanthropie accomplissaitil pas au loin quelque acte secret dont la nature echappait jusqu ici toutes ces idees et mille autres assaillirent la fois le champ des conjectures ne peut etre qu infini dans etrange situation ou nous sommes eprouvais un malaise insupportable cette journee attente me semblait eternelle les heures sonnaient trop lentement au gre de mon impatience mon diner me fut comme toujours servi dans ma chambre je mangeai mal etant trop preoccupe je quittai la table sept heures cent vingt minutes je les comptais me separaient encore du moment ou je devais rejoindre ned land mon agitation redoublait mon pouls battait avec violence je ne pouvais rester immobile allais et venais esperant calmer par le mouvement le trouble de mon esprit idee de succomber dans notre temeraire entreprise etait le moins penible de mes soucis mais la pensee de voir notre projet decouvert avant avoir quitte le nautilus la pensee etre ramene devant le capitaine nemo irrite ou ce qui eut ete pis contriste de mon abandon mon coeur palpitait je voulus revoir le salon une derniere fois je pris par les coursives et arrivai dans ce musee ou avais passe tant heures agreables et utiles je regardai toutes ces richesses tous ces tresors comme un homme la veille un eternel exil et qui part pour ne plus revenir ces merveilles de la nature ces chefsd oeuvre de art entre lesquels depuis tant de jours se concentrait ma vie allais les abandonner pour jamais aurais voulu plonger mes regards par la vitre du salon travers les eaux de atlantique mais les panneaux etaient hermetiquement fermes et un manteau de tole me separait de cet ocean que je ne connaissais pas encore en parcourant ainsi le salon arrivai pres de la porte menagee dans le pan coupe qui ouvrait sur la chambre du capitaine mon grand etonnement cette porte etait entrebaillee je reculai involontairement si le capitaine nemo etait dans sa chambre il pouvait me voir cependant entendant aucun bruit je approchai la chambre etait deserte je poussai la porte je fis quelques pas interieur toujours le meme aspect severe cenobitique en cet instant quelques eauxfortes suspendues la paroi et que je avais pas remarquees pendant ma premiere visite frapperent mes regards etaient des portraits des portraits de ces grands hommes historiques dont existence ete qu un perpetuel devouement une grande idee humaine kosciusko le heros tombe au cri de finis polonioe botzaris le leonidas de la grece moderne connell le defenseur de irlande washington le fondateur de union americaine manin le patriote italien lincoln tombe sous la balle un esclavagiste et enfin ce martyr de affranchissement de la race noire john brown suspendu son gibet tel que si terriblement dessine le crayon de victor hugo quel lien existaitil entre ces ames heroiques et ame du capitaine nemo pouvaisje enfin de cette reunion de portraits degager le mystere de son existence etaitil le champion des peuples opprimes le liberateur des races esclaves avaitil figure dans les dernieres commotions politiques ou sociales de ce siecle avaitil ete un des heros de la terrible guerre americaine guerre lamentable et jamais glorieuse tout coup horloge sonna huit heures le battement du premier coup de marteau sur le timbre arracha mes reves je tressaillis comme si un oeil invisible eut pu plonger au plus secret de mes pensees et je me precipitai hors de la chambre la mes regards arreterent sur la boussole notre direction etait toujours au nord le loch indiquait une vitesse moderee le manometre une profondeur de soixante pieds environ les circonstances favorisaient donc les projets du canadien je regagnai ma chambre je me vetis chaudement bottes de mer bonnet de loutre casaque de byssus doublee de peau de phoque etais pret attendis les fremissements de helice troublaient seuls le silence profond qui regnait bord ecoutais je tendais oreille quelque eclat de voix ne apprendraitil pas tout coup que ned land venait etre surpris dans ses projets evasion une inquietude mortelle envahit essayai vainement de reprendre mon sangfroid neuf heures moins quelques minutes je collai mon oreille pres de la porte du capitaine nul bruit je quittai ma chambre et je revins au salon qui etait plonge dans une demiobscurite mais desert ouvris la porte communiquant avec la bibliotheque meme clarte insuffisante meme solitude allai me poster pres de la porte qui donnait sur la cage de escalier central attendis le signal de ned land en ce moment les fremissements de helice diminuerent sensiblement puis ils cesserent tout fait pourquoi ce changement dans les allures du nautilus cette halte favorisaitelle ou genaitelle les desseins de ned land je aurais pu le dire le silence etait plus trouble que par les battements de mon coeur soudain un leger choc se fit sentir je compris que le nautilus venait de arreter sur le fond de ocean mon inquietude redoubla le signal du canadien ne arrivait pas avais envie de rejoindre ned land pour engager remettre sa tentative je sentais que notre navigation ne se faisait plus dans les conditions ordinaires en ce moment la porte du grand salon ouvrit et le capitaine nemo parut il apercut et sans autre preambule ah monsieur le professeur ditil un ton aimable je vous cherchais savezvous votre histoire espagne on saurait fond histoire de son propre pays que dans les conditions ou je me trouvais esprit trouble la tete perdue on ne pourrait en citer un mot eh bien reprit le capitaine nemo vous avez entendu ma question savezvous histoire espagne tresmal repondisje voila bien les savants dit le capitaine ils ne savent pas alors asseyezvous ajoutatil et je vais vous raconter un curieux episode de cette histoire le capitaine etendit sur un divan et machinalement je pris place aupres de lui dans la penombre monsieur le professeur me ditil ecoutezmoi bien cette histoire vous interessera par un certain cote car elle repondra une question que sans doute vous avez pu resoudre je vous ecoute capitaine disje ne sachant ou mon interlocuteur voulait en venir et me demandant si cet incident se rapportait nos projets de fuite monsieur le professeur reprit le capitaine nemo si vous le voulez bien nous remonterons vous ignorez pas qu cette epoque votre roi louis xiv croyant qu il suffisait un geste de potentat pour faire rentrer les pyrenees sous terre avait impose le duc anjou son petitfils aux espagnols ce prince qui regna plus ou moins mal sous le nom de philippe eut affaire audehors forte partie en effet annee precedente les maisons royales de hollande autriche et angleterre avaient conclu la haye un traite alliance dans le but arracher la couronne espagne philippe pour la placer sur la tete un archiduc auquel elles donnerent prematurement le nom de charles iii espagne dut resister cette coalition mais elle etait peu pres depourvue de soldats et de marins cependant argent ne lui manquait pas la condition toutefois que ses galions charges de or et de argent de amerique entrassent dans ses ports or vers la fin de elle attendait un riche convoi que la france faisait escorter par une flotte de vingttrois vaisseaux commandes par amiral de chateaurenaud car les marines coalisees couraient alors atlantique ce convoi devait se rendre cadix mais amiral ayant appris que la flotte anglaise croisait dans ces parages resolut de rallier un port de france les commandants espagnols du convoi protesterent contre cette decision ils voulurent etre conduits dans un port espagnol et defaut de cadix dans la baie de vigo situee sur la cote nordouest de espagne et qui etait pas bloquee amiral de chateaurenaud eut la faiblesse obeir cette injonction et les galions entrerent dans la baie de vigo malheureusement cette baie forme une rade ouverte qui ne peut etre aucunement defendue il fallait donc se hater de decharger les galions avant arrivee des flottes coalisees et le temps eut pas manque ce debarquement si une miserable question de rivalite eut surgi tout coup vous suivez bien enchainement des faits me demanda le capitaine nemo parfaitement disje ne sachant encore quel propos etait faite cette lecon histoire je continue voici ce qui se passa les commercants de cadix avaient un privilege apres lequel ils devaient recevoir toutes les marchandises qui venaient des indes occidentales or debarquer les lingots des galions au port de vigo etait aller contre leur droit ils se plaignirent donc madrid et ils obtinrent du faible philippe que le convoi sans proceder son dechargement resterait en sequestre dans la rade de vigo jusqu au moment ou les flottes ennemies se seraient eloignees or pendant que on prenait cette decision le octobre les vaisseaux anglais arriverent dans la baie de vigo amiral de chateaurenaud malgre ses forces inferieures se battit courageusement mais quand il vit que les richesses du convoi allaient tomber entre les mains des ennemis il incendia et saborda les galions qui engloutirent avec leurs immenses tresors amiral incendia et saborda ses galions le capitaine nemo etait arrete je avoue je ne voyais pas encore en quoi cette histoire pouvait interesser eh bien lui demandaije eh bien monsieur aronnax me repondit le capitaine nemo nous sommes dans cette baie de vigo et il ne tient qu vous en penetrer les mysteres le capitaine se leva et me pria de le suivre avais eu le temps de me remettre obeis le salon etait obscur mais travers les vitres transparentes etincelaient les flots de la mer je regardai autour du nautilus dans un rayon un demimille les eaux apparaissaient impregnees de lumiere electrique le fond sableux etait net et clair des hommes de equipage revetus de scaphandres occupaient deblayer des tonneaux demi pourris des caisses eventrees au milieu epaves encore noircies de ces caisses de ces barils echappaient des lingots or et argent des cascades de piastres et de bijoux le sable en etait jonche puis charges de ce precieux butin ces hommes revenaient au nautilus deposaient leur fardeau et allaient reprendre cette inepuisable peche argent et or de ces caisses echappaient des lingots je comprenais etait ici le theatre de la bataille du octobre ici meme avaient coule les galions charges pour le compte du gouvernement espagnol ici le capitaine nemo venait encaisser suivant ses besoins les millions dont il lestait son nautilus etait pour lui pour lui seul que amerique avait livre ses precieux metaux il etait heritier direct et sans partage de ces tresors arraches aux incas et aux vaincus de fernand cortez saviezvous monsieur le professeur me demandatil en souriant que la mer contint tant de richesse je savais repondisje que on evalue deux millions de tonnes argent qui est tenu en suspension dans ses eaux sans doute mais pour extraire cet argent les depenses emporteraient sur le profit ici au contraire je ai qu ramasser ce que les hommes ont perdu et non seulement dans cette baie de vigo mais encore sur mille theatres de naufrages dont ma carte sousmarine note la place comprenezvous maintenant que je sois riche milliards je le comprends capitaine permettezmoi pourtant de vous dire qu en exploitant precisement cette baie de vigo vous avez fait que devancer les travaux une societe rivale et laquelle une societe qui recu du gouvernement espagnol le privilege de rechercher les galions engloutis les actionnaires sont alleches par appat un enorme benefice car on evalue cinq cents millions la valeur de ces richesses naufragees cinq cents millions me repondit le capitaine nemo ils etaient mais ils sont plus en effet disje aussi un bon avis ces actionnaires seraitil acte de charite qui sait pourtant il serait bien recu ce que les joueurs regrettent pardessus tout ordinaire est moins la perte de leur argent que celle de leurs folles esperances je les plains moins apres tout que ces milliers de malheureux auxquels tant de richesses bien reparties eussent pu profiter tandis qu elles seront jamais steriles pour eux je avais pas plutot exprime ce regret que je sentis qu il avait du blesser le capitaine nemo steriles reponditil en animant croyezvous donc monsieur que ces richesses soient perdues alors que est moi qui les ramasse estce pour moi selon vous que je me donne la peine de recueillir ces tresors qui vous dit que je en fais pas un bon usage croyezvous que ignore qu il existe des etres souffrants des races opprimees sur cette terre des miserables soulager des victimes venger ne comprenezvous pas le capitaine nemo arreta sur ces dernieres paroles regrettant peutetre avoir trop parle mais avais devine quels que fussent les motifs qui avaient force chercher independance sous les mers avant tout il etait reste un homme son coeur palpitait encore aux souffrances de humanite et son immense charite adressait aux races asservies comme aux individus et je compris alors qui etaient destines ces millions expedies par le capitaine nemo lorsque le nautilus naviguait dans les eaux de la crete insurgee chapitre ix un continent disparu le lendemain matin fevrier je vis entrer le canadien dans ma chambre attendais sa visite il avait air tresdesappointe eh bien monsieur me ditil eh bien ned le hasard est mis contre nous hier oui il fallu que ce damne capitaine arretat precisement heure ou nous allions fuir son bateau oui ned il avait affaire chez son banquier son banquier ou plutot sa maison de banque entends par la cet ocean ou ses richesses sont plus en surete qu elles ne le seraient dans les caisses un etat je racontai alors au canadien les incidents de la veille dans le secret espoir de le ramener idee de ne point abandonner le capitaine mais mon recit eut autre resultat que le regret energiquement exprime par ned de avoir pu faire pour son compte une promenade sur le champ de bataille de vigo enfin ditil tout est pas fini ce est qu un coup de harpon perdu une autre fois nous reussirons et des ce soir il le faut quelle est la direction du nautilus demandaije je ignore repondit ned eh bien midi nous verrons le point le canadien retourna pres de conseil des que je fus habille je passai dans le salon le compas etait pas rassurant la route du nautilus etait sudsudouest nous tournions le dos europe attendis avec une certaine impatience que le point fut reporte sur la carte vers onze heures et demie les reservoirs se viderent et notre appareil remonta la surface de ocean je elancai vers la plateforme ned land avait precede plus de terres en vue rien que la mer immense quelques voiles horizon de celles sans doute qui vont chercher jusqu au cap sanroque les vents favorables pour doubler le cap de bonneesperance le temps etait couvert un coup de vent se preparait ned rageant essayait de percer horizon brumeux il esperait encore que derriere tout ce brouillard etendait cette terre si desiree midi le soleil se montra un instant le second profita de cette eclaircie pour prendre sa hauteur puis la mer devenant plus houleuse nous redescendimes et le panneau fut referme une heure apres lorsque je consultai la carte je vis que la position du nautilus etait indiquee par deg de longitude et deg de latitude cent cinquante lieues de la cote la plus rapprochee il avait pas moyen de songer fuir et je laisse penser quelles furent les coleres du canadien quand je lui fis connaitre notre situation pour mon compte je ne me desolai pas outre mesure je me sentis comme soulage du poids qui oppressait et je pus reprendre avec une sorte de calme relatif mes travaux habituels le soir vers onze heures je recus la visite tres inattendue du capitaine nemo il me demanda fort gracieusement si je me sentais fatigue avoir veille la nuit precedente je repondis negativement alors monsieur aronnax je vous proposerai une curieuse excursion proposez capitaine vous avez encore visite les fonds sousmarins que le jour et sous la clarte du soleil vous conviendraitil de les voir par une nuit obscure tresvolontiers cette promenade sera fatigante je vous en previens il faudra marcher longtemps et gravir une montagne les chemins ne sont pas tres bien entretenus ce que vous me dites la capitaine redouble ma curiosite je suis pret vous suivre venez donc monsieur le professeur nous allons revetir nos scaphandres arrive au vestiaire je vis que ni mes compagnons ni aucun homme de equipage ne devait nous suivre pendant cette excursion le capitaine nemo ne avait pas meme propose emmener ned ou conseil en quelques instants nous eumes revetu nos appareils on placa sur notre dos les reservoirs abondamment charges air mais les lampes electriques etaient pas preparees je le fis observer au capitaine elles nous seraient inutiles reponditil je crus avoir mal entendu mais je ne pus reiterer mon observation car la tete du capitaine avait deja disparu dans son enveloppe metallique achevai de me harnacher je sentis qu on me placait dans la main un baton ferre et quelques minutes plus tard apres la manoeuvre habituelle nous prenions pied sur le fond de atlantique une profondeur de trois cents metres minuit approchait les eaux etaient profondement obscures mais le capitaine nemo me montra dans le lointain un point rougeatre une sorte de large lueur qui brillait deux milles environ du nautilus ce qu etait ce feu quelles matieres alimentaient pourquoi et comment il se revivifiait dans la masse liquide je aurais pu le dire en tout cas il nous eclairait vaguement il est vrai mais je accoutumai bientot ces tenebres particulieres et je compris dans cette circonstance inutilite des appareils ruhmkorff le capitaine nemo et moi nous marchions un pres de autre directement sur le feu signale le sol plat montait insensiblement nous faisions de larges enjambees nous aidant du baton mais notre marche etait lente en somme car nos pieds enfoncaient souvent dans une sorte de vase petrie avec des algues et semee de pierres plates tout en avancant entendais une sorte de gresillement audessus de ma tete ce bruit redoublait parfois et produisait comme un petillement continu en compris bientot la cause etait la pluie qui tombait violemment en crepitant la surface des flots instinctivement la pensee me vint que allais etre trempe par eau au milieu de eau je ne pus empecher de rire cette idee baroque mais pour tout dire sous epais habit du scaphandre on ne sent plus le liquide element et on se croit au milieu une atmosphere un peu plus dense que atmosphere terrestre voila tout apres une demiheure de marche le sol devint rocailleux les meduses les crustaces microscopiques les pennatules eclairaient legerement de lueurs phosphorescentes entrevoyais des monceaux de pierres que couvraient quelques millions de zoophytes et des fouillis algues le pied me glissait souvent sur ces visqueux tapis de varech et sans mon baton ferre je serais tombe plus une fois en me retournant je voyais toujours le fanal blanchatre du nautilus qui commencait palir dans eloignement ces amoncellements pierreux dont je viens de parler etaient disposes sur le fond oceanique suivant une certaine regularite que je ne expliquais pas apercevais de gigantesques sillons qui se perdaient dans obscurite lointaine et dont la longueur echappait toute evaluation autres particularites se presentaient aussi que je ne savais admettre il me semblait que mes lourdes semelles de plomb ecrasaient une litiere ossements qui craquaient avec un bruit sec qu etait donc cette vaste plaine que je parcourais ainsi aurais voulu interroger le capitaine mais son langage par signes qui lui permettait de causer avec ses compagnons lorsqu ils le suivaient dans ses excursions sousmarines etait encore incomprehensible pour moi cependant la clarte rougeatre qui nous guidait accroissait et enflammait horizon la presence de ce foyer sous les eaux intriguait au plus haut degre etaitce quelque effluence electrique qui se manifestait allaisje vers un phenomene naturel encore inconnu des savants de la terre ou meme car cette pensee traversa mon cerveau la main de homme intervenaitelle dans cet embrasement soufflaitelle cet incendie devaisje rencontrer sous ces couches profondes des compagnons des amis du capitaine nemo vivant comme lui de cette existence etrange et auxquels il allait rendre visite trouveraisje labas toute une colonie exiles qui las des miseres de la terre avaient cherche et trouve independance au plus profond de ocean toutes ces idees folles inadmissibles me poursuivaient et dans cette disposition esprit surexcite sans cesse par la serie de merveilles qui passaient sous mes yeux je aurais pas ete surpris de rencontrer au fond de cette mer une de ces villes sousmarines que revait le capitaine nemo notre route eclairait de plus en plus la lueur blanchissante rayonnait au sommet une montagne haute de huit cents pieds environ mais ce que apercevais etait qu une simple reverberation developpee par le cristal des couches eau le foyer source de cette inexplicable clarte occupait le versant oppose de la montagne au milieu des dedales pierreux qui sillonnaient le fond de atlantique le capitaine nemo avancait sans hesitation il connaissait cette sombre route il avait souvent parcourue sans doute et ne pouvait perdre je le suivais avec une confiance inebranlable il apparaissait comme un des genies de la mer et quand il marchait devant moi admirais sa haute stature qui se decoupait en noir sur le fond lumineux de horizon il etait une heure du matin nous etions arrives aux premieres rampes de la montagne mais pour les aborder il fallut aventurer par les sentiers difficiles un vaste taillis un taillis arbre morts oui un taillis arbres morts sans feuilles sans seve arbres mineralises sous action des eaux et que dominaient ca et la des pins gigantesques etait comme une houillere encore debout tenant par ses racines au sol effondre et dont la ramure la maniere des fines decoupures de papier noir se dessinait nettement sur le plafond des eaux que on se figure une foret du hartz accrochee aux flancs une montagne mais une foret engloutie les sentiers etaient encombres algues et de fucus entre lesquels grouillait un monde de crustaces allais gravissant les rocs enjambant les troncs etendus brisant les lianes de mer qui se balancaient un arbre autre effarouchant les poissons qui volaient de branche en branche entraine je ne sentais plus la fatigue je suivais mon guide qui ne se fatiguait pas quel spectacle comment le rendre comment peindre aspect de ces bois et de ces rochers dans ce milieu liquide leurs dessous sombres et farouches leurs dessus colores de tons rouges sous cette clarte que doublait la puissance reverberante des eaux nous gravissions des rocs qui eboulaient ensuite par pans enormes avec un sourd grondement avalanche droite gauche se creusaient de tenebreuses galeries ou se perdait le regard ici ouvraient de vastes clairieres que la main de homme semblait avoir degagees et je me demandais parfois si quelque habitant de ces regions sousmarines allait pas tout coup apparaitre mais le capitaine nemo montait toujours je ne voulais pas rester en arriere je le suivais hardiment mon baton me pretait un utile secours un faux pas eut ete dangereux sur ces etroites passes evidees aux flancs des gouffres mais marchais un pied ferme et sans ressentir ivresse du vertige tantot je sautais une crevasse dont la profondeur eut fait reculer au milieu des glaciers de la terre tantot je aventurais sur le tronc vacillant des arbres jetes un abime autre sans regarder sous mes pieds ayant des yeux que pour admirer les sites sauvages de cette region la des rocs monumentaux penchant sur leurs bases irregulierement decoupees semblaient defier les lois de equilibre entre leurs genoux de pierre des arbres poussaient comme un jet sous une pression formidable et soutenaient ceux qui les soutenaient euxmemes puis des tours naturelles de larges pans tailles pic comme des courtines inclinaient sous un angle que les lois de la gravitation eussent pas autorise la surface des regions terrestres et moimeme ne sentaisje pas cette difference due la puissante densite de eau quand malgre mes lourds vetements ma tete de cuivre mes semelles de metal je elevais sur des pentes une impraticable raideur les franchissant pour ainsi dire avec la legerete un isard ou un chamois au recit que je fais de cette excursion sous les eaux je sens bien que je ne pourrai etre vraisemblable je suis historien des choses apparence impossible qui sont pourtant reelles incontestables je ai point reve ai vu et senti deux heures apres avoir quitte le nautilus nous avions franchi la ligne des arbres et cent pieds audessus de nos tetes se dressait le pic de la montagne dont la projection faisait ombre sur eclatante irradiation du versant oppose quelques arbrisseaux petrifies couraient ca et la en zigzags grimacants les poissons se levaient en masse sous nos pas comme des oiseaux surpris dans les hautes herbes la masse rocheuse etait creusee impenetrables anfractuosites de grottes profondes insondables trous au fond desquels entendais remuer des choses formidables le sang me refluait jusqu au coeur quand apercevais une antenne enorme qui me barrait la route ou quelque pince effrayante se refermant avec bruit dans ombre des cavites des milliers de points lumineux brillaient au milieu des tenebres etaient les yeux de crustaces gigantesques tapis dans leur taniere des homards geants se redressant comme des hallebardiers et remuant leurs pattes avec un cliquetis de ferraille des crabes titanesques braques comme des canons sur leurs affuts et des poulpes effroyables entrelacant leurs tentacules comme une broussaille vivante de serpents des homards geants des crabes titanesques quel etait ce monde exorbitant que je ne connaissais pas encore quel ordre appartenaient ces articules auxquels le roc formait comme une seconde carapace ou la nature avaitelle trouve le secret de leur existence vegetative et depuis combien de siecles vivaientils ainsi dans les dernieres couches de ocean mais je ne pouvais arreter le capitaine nemo familiarise avec ces terribles animaux prenait plus garde nous etions arrives un premier plateau ou autres surprises attendaient encore la se dessinaient de pittoresques ruines qui trahissaient la main de homme et non plus celle du createur etaient de vastes amoncellements de pierres ou on distinguait de vagues formes de chateaux de temples revetus un monde de zoophytes en fleurs et auxquels au lieu de lierre les algues et les fucus faisaient un epais manteau vegetal mais qu etait donc cette portion du globe engloutie par les cataclysmes qui avait dispose ces roches et ces pierres comme des dolmens des temps antehistoriques ou etaisje ou avait entraine la fantaisie du capitaine nemo aurais voulu interroger ne le pouvant je arretai je saisis son bras mais lui secouant la tete et me montrant le dernier sommet de la montagne sembla me dire viens viens encore viens toujours je le suivis dans un dernier elan et en quelques minutes eus gravi le pic qui dominait une dizaine de metres toute cette masse rocheuse je regardai ce cote que nous venions de franchir la montagne ne elevait que de sept huit cents pieds audessus de la plaine mais de son versant oppose elle dominait une hauteur double le fond en contre bas de cette portion de atlantique mes regards etendaient au loin et embrassaient un vaste espace eclaire par une fulguration violente en effet etait un volcan que cette montagne cinquante pieds audessous du pic au milieu une pluie de pierres et de scories un large cratere vomissait des torrents de lave qui se dispersaient en cascade de feu au sein de la masse liquide ainsi pose ce volcan comme un immense flambeau eclairait la plaine inferieure jusqu aux dernieres limites de horizon ai dit que le cratere sousmarin rejetait des laves mais non des flammes il faut aux flammes oxygene de air et elles ne sauraient se developper sous les eaux mais des coulees de lave qui ont en elles le principe de leur incandescence peuvent se porter au rouge blanc lutter victorieusement contre element liquide et se vaporiser son contact de rapides courants entrainaient tous ces gaz en diffusion et les torrents laviques glissaient jusqu au bas de la montagne comme les dejections du vesuve sur un autre torre del greco la sous mes yeux apparaissait une ville detruite en effet la sous mes yeux ruinee abimee jetee bas apparaissait une ville detruite ses toits effondres ses temples abattus ses arcs disloques ses colonnes gisant terre ou on sentait encore les solides proportions une sorte architecture toscane plus loin quelques restes un gigantesque aqueduc ici exhaussement empate une acropole avec les formes flottantes un parthenon la des vestiges de quai comme si quelque antique port eut abrite jadis sur les bords un ocean disparu les vaisseaux marchands et les triremes de guerre plus loin encore de longues lignes de murailles ecroulees de larges rues desertes toute une pompei enfouie sous les eaux que le capitaine nemo ressuscitait mes regards ou etaisje ou etaisje je voulais le savoir tout prix je voulais parler je voulais arracher la sphere de cuivre qui emprisonnait ma tete mais le capitaine nemo vint moi et arreta un geste puis ramassant un morceau de pierre crayeuse il avanca vers un roc de basalte noire et traca ce seul mot atlantide quel eclair traversa mon esprit atlantide ancienne meropide de theopompe atlantide de platon ce continent nie par origene porphyre jamblique anville maltebrun humboldt qui mettaient sa disparition au compte des recits legendaires admis par possidonius pline ammienmarcellin tertullien engel sherer tournefort buffon avezac je avais la sous les yeux portant encore les irrecusables temoignages de sa catastrophe etait donc cette region engloutie qui existait en dehors de europe de asie de la libye audela des colonnes hercule ou vivait ce peuple puissant des atlantes contre lequel se firent les premieres guerres de ancienne grece historien qui consigne dans ses ecrits les hauts faits de ces temps heroiques est platon luimeme son dialogue de timee et de critias ete pour ainsi dire trace sous inspiration de solon poete et legislateur un jour solon entretenait avec quelques sages vieillards de sais ville deja vieille de huit cents ans ainsi que le temoignaient ses annales gravees sur le mur sacre de ses temples un de ces vieillards raconta histoire une autre ville plus ancienne de mille ans cette premiere cite athenienne agee de neuf cents siecles avait ete envahie et en partie detruite par les atlantes ces atlantes disaitil occupaient un continent immense plus grand que afrique et asie reunies qui couvrait une surface comprise du douzieme degre de latitude au quarantieme degre nord leur domination etendait meme egypte ils voulurent imposer jusqu en grece mais ils durent se retirer devant indomptable resistance des hellenes des siecles ecoulerent un cataclysme se produisit inondations tremblements de terre une nuit et un jour suffirent aneantissement de cette atlantide dont les plus hauts sommets madere les acores les canaries les iles du cap vert emergent encore tels etaient ces souvenirs historiques que inscription du capitaine nemo faisait palpiter dans mon esprit ainsi donc conduit par la plus etrange destinee je foulais du pied une des montagnes de ce continent je touchais de la main ces ruines mille fois seculaires et contemporaines des epoques geologiques je marchais la meme ou avaient marche les contemporains du premier homme ecrasais sous mes lourdes semelles ces squelettes animaux des temps fabuleux que ces arbres maintenant mineralises couvraient autrefois de leur ombre ah pourquoi le temps me manquaitil aurais voulu descendre les pentes abruptes de cette montagne parcourir en entier ce continent immense qui sans doute reliait afrique amerique et visiter ces grandes cites antediluviennes la peutetre sous mes regards etendaient makhimos la guerriere eusebes la pieuse dont les gigantesques habitants vivaient des siecles entiers et auxquels la force ne manquait pas pour entasser ces blocs qui resistaient encore action des eaux un jour peutetre quelque phenomene eruptif les ramenera la surface des flots ces ruines englouties on signale de nombreux volcans sousmarins dans cette portion de ocean et bien des navires ont senti des secousses extraordinaires en passant sur ces fonds tourmentes les uns ont entendu des bruits sourds qui annoncaient la lutte profonde des elements les autres ont recueilli des cendres volcaniques projetees hors de la mer tout ce sol jusqu equateur est encore travaille par les forces plutoniennes et qui sait si dans une epoque eloignee accrus par les dejections volcaniques et par les couches successives de laves des sommets de montagnes ignivomes apparaitront pas la surface de atlantique pendant que je revais ainsi tandis que je cherchais fixer dans mon souvenir tous les details de ce paysage grandiose le capitaine nemo accoude sur une stele moussue demeurait immobile et comme petrifie dans une muette extase songeaitil ces generations disparues et leur demandaitil le secret de la destinee humaine etaitce cette place que cet homme etrange venait se retremper dans les souvenirs de histoire et revivre de cette vie antique lui qui ne voulait pas de la vie moderne que auraisje donne pour connaitre ses pensees pour les partager pour les comprendre nous restames cette place pendant une heure entiere contemplant la vaste plaine sous eclat des laves qui prenaient parfois une intensite surprenante les bouillonnements interieurs faisaient courir de rapides frissonnements sur ecorce de la montagne des bruits profonds nettement transmis par ce milieu liquide se repercutaient avec une majestueuse ampleur en ce moment la lune apparut un instant travers la masse des eaux et jeta quelques pales rayons sur le continent englouti ce ne fut qu une lueur mais un indescriptible effet le capitaine se leva jeta un dernier regard cette immense plaine puis de la main il me fit signe de le suivre nous descendimes rapidement la montagne la foret minerale une fois depassee apercus le fanal du nautilus qui brillait comme une etoile le capitaine marcha droit lui et nous etions rentres bord au moment ou les premieres teintes de aube blanchissaient la surface de ocean chapitre les houilleres sousmarines le lendemain fevrier je me reveillais fort tard les fatigues de la nuit avaient prolonge mon sommeil jusqu onze heures je habillai promptement avais hate de connaitre la direction du nautilus les instruments indiquerent qu il courait toujours vers le sud avec une vitesse de vingt milles heure par une profondeur de cent metres conseil entra je lui racontai notre excursion nocturne et les panneaux etant ouverts il put encore entrevoir une partie de ce continent submerge en effet le nautilus rasait dix metres du sol seulement la plaine de atlantide il filait comme un ballon emporte par le vent audessus des prairies terrestres mais il serait plus vrai de dire que nous etions dans ce salon comme dans le wagon un train express les premiers plans qui passaient devant nos yeux etaient des rocs decoupes fantastiquement des forets arbres passes du regne vegetal au regne animal et dont immobile silhouette grimacait sous les flots etaient aussi des masses pierreuses enfouies sous des tapis axidies et anemones herissees de longues hydrophytes verticales puis des blocs de laves etrangement contournes qui attestaient toute la fureur des expansions plutoniennes tandis que ces sites bizarres resplendissaient sous nos feux electriques je racontais conseil histoire de ces atlantes qui au point de vue purement imaginaire inspirerent bailly tant de pages charmantes je lui disais les guerres de ces peuples heroiques je discutais la question de atlantide en homme qui ne peut plus douter mais conseil distrait ecoutait peu et son indifference traiter ce point historique me fut bientot expliquee en effet de nombreux poissons attiraient ses regards et quand passaient des poissons conseil emporte dans les abimes de la classification sortait du monde reel dans ce cas je avais plus qu le suivre et reprendre avec lui nos etudes ichtyologiques du reste ces poissons de atlantique ne differaient pas sensiblement de ceux que nous avions observes jusqu ici etaient des raies une taille gigantesque longues de cinq metres et douees une grande force musculaire qui leur permet de elancer audessus des flots des squales especes diverses entre autres un glauque de quinze pieds dents triangulaires et aigues que sa transparence rendait presque invisible au milieu des eaux des sagres bruns des humantins en forme de prismes et cuirasses une peau tuberculeuse des esturgeons semblables leurs congeneres de la mediterranee des syngnathestrompettes longs un pied et demi jaunebrun pourvus de petites nageoires grises sans dents ni langue et qui defilaient comme de fins et souples serpents parmi les poissons osseux conseil nota des makairas noiratres longs de trois metres et armes leur machoire superieure une epee percante des vives aux couleurs animees connues du temps aristote sous le nom de dragons marins et que les aiguillons de leur dorsale rendent tresdangereux saisir puis des coryphemes au dos brun raye de petites raies bleues et encadre dans une bordure or de belles dorades des chrysostoneslune sortes de disques reflets azur qui eclaires en dessus par les rayons solaires formaient comme des taches argent enfin des xyphiasespadons longs de huit metres marchant par troupes portant des nageoires jaunatres taillees en faux et de longs glaives de six pieds intrepides animaux plutot herbivores que piscivores qui obeissaient au moindre signe de leurs femelles comme des maris bien styles mais tout en observant ces divers echantillons de la faune marine je ne laissais pas examiner les longues plaines de atlantide parfois de capricieux accidents du sol obligeaient le nautilus ralentir sa vitesse et il se glissait alors avec adresse un cetace dans etroits etranglements de collines si ce labyrinthe devenait inextricable appareil elevait alors comme un aerostat et obstacle franchi il reprenait sa course rapide quelques metres audessus du fond admirable et charmante navigation qui rappelait les manoeuvres une promenade aerostatique avec cette difference toutefois que le nautilus obeissait passivement la main de son timonier vers quatre heures du soir le terrain generalement compose une vase epaisse et entremelee de branches mineralisees se modifia peu peu il devint plus rocailleux et parut seme de conglomerats de tufs basaltiques avec quelques semis de laves et obsidiennes sulfureuses je pensai que la region des montagnes allait bientot succeder aux longues plaines et en effet dans certaines evolutions du nautilus apercus horizon meridional barre par une haute muraille qui semblait fermer toute issue son sommet depassait evidemment le niveau de ocean ce devait etre un continent ou tout au moins une ile soit une des canaries soit une des iles du cap vert le point ayant pas ete fait dessein peutetre ignorais notre position en tout cas une telle muraille me parut marquer la fin de cette atlantide dont nous avions parcouru en somme qu une minime portion la nuit interrompit pas mes observations etais reste seul conseil avait regagne sa cabine le nautilus ralentissant son allure voltigeait audessus des masses confuses du sol tantot les effleurant comme il eut voulu poser tantot remontant capricieusement la surface des flots entrevoyais alors quelques vives constellations travers le cristal des eaux et precisement cinq ou six de ces etoiles zodiacales qui trainent la queue orion longtemps encore je serais reste ma vitre admirant les beautes de la mer et du ciel quand les panneaux se refermerent ce moment le nautilus etait arrive aplomb de la haute muraille comment manoeuvreraitil je ne pouvais le deviner je regagnai ma chambre le nautilus ne bougeait plus je endormis avec la ferme intention de me reveiller apres quelques heures de sommeil mais le lendemain il etait huit heures lorsque je revins au salon je regardai le manometre il apprit que le nautilus flottait la surface de ocean entendais ailleurs un bruit de pas sur la plateforme cependant aucun roulis ne trahissait ondulation des lames superieures je montai jusqu au panneau il etait ouvert mais au lieu du grand jour que attendais je me vis environne une obscurite profonde ou etionsnous etaisje trompe faisaitil encore nuit non pas une etoile ne brillait et la nuit pas de ces tenebres absolues je ne savais que penser quand une voix me dit est vous monsieur le professeur ah capitaine nemo repondisje ou sommesnous sous terre monsieur le professeur sous terre ecriaije et le nautilus flotte encore il flotte toujours mais je ne comprends pas attendez quelques instants notre fanal va allumer et si vous aimez les situations claires vous serez satisfait je mis le pied sur la plateforme et attendis obscurite etait si complete que je apercevais meme pas le capitaine nemo cependant en regardant au zenith exactement audessus de ma tete je crus saisir une lueur indecise une sorte de demijour qui emplissait un trou circulaire en ce moment le fanal alluma soudain et son vif eclat fit evanouir cette vague lumiere je regardai apres avoir un instant ferme mes yeux eblouis par le jet electrique le nautilus etait stationnaire il flottait aupres une berge disposee comme un quai cette mer qui le supportait en ce moment etait un lac emprisonne dans un cirque de murailles qui mesurait deux milles de diametre soit six milles de tour son niveau le manometre indiquait ne pouvait etre que le niveau exterieur car une communication existait necessairement entre ce lac et la mer les hautes parois inclinees sur leur base arrondissaient en voute et figuraient un immense entonnoir retourne dont la hauteur comptait cinq ou six cents metres au sommet ouvrait un orifice circulaire par lequel avais surpris cette legere clarte evidemment due au rayonnement diurne le nautilus flottait aupres une berge avant examiner plus attentivement les dispositions interieures de cette enorme caverne avant de me demander si etait la ouvrage de la nature ou de homme allai vers le capitaine nemo ou sommesnous disje au centre meme un volcan eteint me repondit le capitaine un volcan dont la mer envahi interieur la suite de quelque convulsion du sol pendant que vous dormiez monsieur le professeur le nautilus penetre dans ce lagon par un canal naturel ouvert dix metres audessous de la surface de ocean est ici son port attache un port sur commode mysterieux abrite de tous les rhumbs du vent trouvezmoi sur les cotes de vos continents ou de vos iles une rade qui vaille ce refuge assure contre la fureur des ouragans en effet repondisje ici vous etes en surete capitaine nemo qui pourrait vous atteindre au centre un volcan mais son sommet aije pas apercu une ouverture oui son cratere un cratere empli jadis de laves de vapeurs et de flammes et qui maintenant donne passage cet air vivifiant que nous respirons mais quelle est donc cette montagne volcanique demandaije elle appartient un des nombreux ilots dont cette mer est semee simple ecueil pour les navires pour nous caverne immense le hasard me fait decouvrir et en cela le hasard bien servi mais ne pourraiton descendre par cet orifice qui forme le cratere du volcan pas plus que je ne saurais monter jusqu une centaine de pieds la base interieure de cette montagne est praticable mais audessus les parois surplombent et leurs rampes ne pourraient etre franchies je vois capitaine que la nature vous sert partout et toujours vous etes en surete sur ce lac et nul que vous en peut visiter les eaux mais quoi bon ce refuge le nautilus pas besoin de port non monsieur le professeur mais il besoin electricite pour se mouvoir elements pour produire son electricite de sodium pour alimenter ses elements de charbon pour faire son sodium et de houilleres pour extraire son charbon or precisement ici la mer recouvre des forets entieres qui furent enlisees dans les temps geologiques mineralisees maintenant et transformees en houille elles sont pour moi une mine inepuisable vos hommes capitaine font donc ici le metier de mineurs precisement ces mines etendent sous les flots comme les houilleres de newcastle est ici que revetus du scaphandre le pic et la pioche la main mes hommes vont extraire cette houille que je ai pas meme demandee aux mines de la terre lorsque je brule ce combustible pour la fabrication du sodium la fumee qui echappe par le cratere de cette montagne lui donne encore apparence un volcan en activite et nous les verrons oeuvre vos compagnons non pas cette fois du moins car je suis presse de continuer notre tour du monde sousmarin aussi me contenteraije de puiser aux reserves de sodium que je possede le temps de les embarquer estadire un jour seulement et nous reprendrons notre voyage si donc vous voulez parcourir cette caverne et faire le tour du lagon profitez de cette journee monsieur aronnax je remerciai le capitaine et allai chercher mes deux compagnons qui avaient pas encore quitte leur cabine je les invitai me suivre sans leur dire ou ils se trouvaient ils monterent sur la plateforme conseil qui ne etonnait de rien regarda comme une chose tres naturelle de se reveiller sous une montagne apres etre endormi sous les flots mais ned land eut autre idee que de chercher si la caverne presentait quelque issue apres dejeuner vers dix heures nous descendions sur la berge nous voici donc encore une fois terre dit conseil je appelle pas cela la terre repondit le canadien et ailleurs nous ne sommes pas dessus mais dessous entre le pied des parois de la montagne et les eaux du lac se developpait un rivage sablonneux qui dans sa plus grande largeur mesurait cinq cents pieds sur cette greve on pouvait faire aisement le tour du lac mais la base des hautes parois formait un sol tourmente sur lequel gisaient dans un pittoresque entassement des blocs volcaniques et enormes pierres ponces toutes ces masses desagregees recouvertes un email poli sous action des feux souterrains resplendissaient au contact des jets electriques du fanal la poussiere micacee du rivage que soulevaient nos pas envolait comme une nuee etincelles le sol elevait sensiblement en eloignant du relais des flots et nous fumes bientot arrives des rampes longues et sinueuses veritables raidillons qui permettaient de elever peu peu mais il fallait marcher prudemment au milieu de ces conglomerats qu aucun ciment ne reliait entre eux et le pied glissait sur ces trachytes vitreux faits de cristaux de feldspath et de quartz la nature volcanique de cette enorme excavation affirmait de toutes parts je le fis observer mes compagnons vous figurezvous leur demandaije ce que devait etre cet entonnoir lorsqu il emplissait de laves bouillonnantes et que le niveau de ce liquide incandescent elevait jusqu orifice de la montagne comme la fonte sur les parois un fourneau je me le figure parfaitement repondit conseil mais monsieur me diratil pourquoi le grand fondeur suspendu son operation et comment il se fait que la fournaise est remplacee par les eaux tranquilles un lac tresprobablement conseil parce que quelque convulsion produit audessous de la surface de ocean cette ouverture qui servi de passage au nautilus alors les eaux de atlantique se sont precipitees interieur de la montagne il eu lutte terrible entre les deux elements lutte qui est terminee avantage de neptune mais bien des siecles se sont ecoules depuis lors et le volcan submerge est change en grotte paisible tresbien repliqua ned land accepte explication mais je regrette dans notre interet que cette ouverture dont parle monsieur le professeur ne soit pas produite audessus du niveau de la mer mais ami ned repliqua conseil si ce passage eut pas ete sousmarin le nautilus aurait pu penetrer et ajouterai maitre land que les eaux ne se seraient pas precipitees sous la montagne et que le volcan serait reste volcan donc vos regrets sont superflus notre ascension continua les rampes se faisaient de plus en plus raides et etroites de profondes excavations les coupaient parfois qu il fallait franchir des masses surplombantes voulaient etre tournees on se glissait sur les genoux on rampait sur le ventre mais adresse de conseil et la force du canadien aidant tous les obstacles furent surmontes une hauteur de trente metres environ la nature du terrain se modifia sans qu il devint plus praticable aux conglomerats et aux trachytes succederent de noirs basaltes ceuxci etendus par nappes toutes grumelees de soufflures ceuxla formant des prismes reguliers disposes comme une colonnade qui supportait les retombees de cette voute immense admirable specimen de architecture naturelle puis entre ces basaltes serpentaient de longues coulees de laves refroidies incrustees de raies bitumineuses et par places etendaient de larges tapis de soufre un jour plus puissant entrant par le cratere superieur inondait une vague clarte toutes ces dejections volcaniques jamais ensevelies au sein de la montagne eteinte cependant notre marche ascensionnelle fut bientot arretee une hauteur de deux cent cinquante pieds environ par infranchissables obstacles la voussure interieure revenait en surplomb et la montee dut se changer en promenade circulaire ce dernier plan le regne vegetal commencait lutter avec le regne mineral quelques arbustes et meme certains arbres sortaient des anfractuosites de la paroi je reconnus des euphorbes qui laissaient couler leur suc caustique des heliotropes tresinhabiles justifier leur nom puisque les rayons solaires arrivaient jamais jusqu eux penchaient tristement leurs grappes de fleurs aux couleurs et aux parfums demipasses ca et la quelques chrysanthemes poussaient timidement au pied aloes longues feuilles tristes et maladifs mais entre les coulees de laves apercus de petites violettes encore parfumees une legere odeur et avoue que je les respirai avec delices le parfum est ame de la fleur et les fleurs de la mer ces splendides hydrophytes ont pas ame nous etions arrives au pied un bouquet de dragonniers robustes qui ecartaient les roches sous effort de leurs musculeuses racines quand ned land ecria ah monsieur une ruche une ruche repliquaije en faisant un geste de parfaite incredulite oui une ruche repeta le canadien et des abeilles qui bourdonnent autour je approchai et je dus me rendre evidence il avait la orifice un trou creuse dans le trou un dragonnier quelques milliers de ces ingenieux insectes si communs dans toutes les canaries et dont les produits sont particulierement estimes tout naturellement le canadien voulut faire sa provision de miel et aurais eu mauvaise grace opposer une certaine quantite de feuilles seches melangees de soufre allumerent sous etincelle de son briquet et il commenca enfumer les abeilles les bourdonnements cesserent peu peu et la ruche eventree livra plusieurs livres un miel parfume ned land en remplit son havresac quand aurai melange ce miel avec la pate de artocarpus nous ditil je serai en mesure de vous offrir un gateau succulent parbleu fit conseil ce sera du pain epice va pour le pain epice disje mais reprenons cette interessante promenade certains detours du sentier que nous suivions alors le lac apparaissait dans toute son etendue le fanal eclairait en entier sa surface paisible qui ne connaissait ni les rides ni les ondulations le nautilus gardait une immobilite parfaite sur sa plateforme et sur la berge agitaient les hommes de son equipage ombres noires nettement decoupees au milieu de cette lumineuse atmosphere en ce moment nous contournions la crete la plus elevee de ces premiers plans de roches qui soutenaient la voute je vis alors que les abeilles etaient pas les seuls representants du regne animal interieur de ce volcan des oiseaux de proie planaient et tournoyaient ca et la dans ombre ou enfuyaient de leurs nids perches sur des pointes de roc etaient des eperviers au ventre blanc et des crecelles criardes sur les pentes detalaient aussi de toute la rapidite de leurs echasses de belles et grasses outardes je laisse penser si la convoitise du canadien fut allumee la vue de ce gibier savoureux et il regretta de ne pas avoir un fusil entre ses mains il essaya de remplacer le plomb par les pierres et apres plusieurs essais infructueux il parvint blesser une de ces magnifiques outardes dire qu il risqua vingt fois sa vie pour en emparer ce est que verite pure mais il fit si bien que animal alla rejoindre dans son sac les gateaux de miel il risqua vingt fois sa vie nous dumes alors redescendre vers le rivage car la crete devenait impraticable audessus de nous le cratere beant apparaissait comme une large ouverture de puits de cette place le ciel se laissait distinguer assez nettement et je voyais courir des nuages echeveles par le vent ouest qui laissaient trainer jusqu au sommet de la montagne leurs brumeux haillons preuve certaine que ces nuages se tenaient une hauteur mediocre car le volcan ne elevait pas plus de huit cents pieds audessus du niveau de ocean une demiheure apres le dernier exploit du canadien nous avions regagne le rivage interieur ici la flore etait representee par de larges tapis de cette cristemarine petite plante ombellifere tres bonne confire qui porte aussi les noms de percepierre de passepierre et de fenouilmarin conseil en recolta quelques bottes quant la faune elle comptait par milliers des crustaces de toutes sortes des homards des crabestourteaux des palemons des mysis des faucheurs des galatees et un nombre prodigieux de coquillages porcelaines rochers et patelles en cet endroit ouvrait une magnifique grotte mes compagnons et moi nous primes plaisir nous etendre sur son sable fin le feu avait poli ses parois emaillees et etincelantes toutes saupoudrees de la poussiere du mica ned land en tatait les murailles et cherchait sonder leur epaisseur je ne pus empecher de sourire la conversation se mit alors sur ses eternels projets evasion et je crus pouvoir sans trop avancer lui donner cette esperance est que le capitaine nemo etait descendu au sud que pour renouveler sa provision de sodium esperais donc que maintenant il rallierait les cotes de europe et de amerique ce qui permettrait au canadien de reprendre avec plus de succes sa tentative avortee nous etions etendus depuis une heure dans cette grotte charmante la conversation animee au debut languissait alors une certaine somnolence emparait de nous comme je ne voyais aucune raison de resister au sommeil je me laissai aller un assoupissement profond je revais on ne choisit pas ses reves je revais que mon existence se reduisait la vie vegetative un simple mollusque il me semblait que cette grotte formait la double valve de ma coquille tout un coup je fus reveille par la voix de conseil alerte alerte criait ce digne garcon qu atil demandaije me soulevant demi eau nous gagne je me redressai la mer se precipitait comme un torrent dans notre retraite et decidement puisque nous etions pas des mollusques il fallait se sauver la mer se precipitait comme un torrent en quelques instants nous fumes en surete sur le sommet de la grotte meme que se passetil donc demanda conseil quelque nouveau phenomene eh non mes amis repondisje est la maree ce est que la maree qui failli nous surprendre comme le heros de walter scott ocean se gonfle audehors et par une loi toute naturelle equilibre le niveau du lac monte egalement nous en sommes quittes pour un demibain allons nous changer au nautilus trois quarts heure plus tard nous avions acheve notre promenade circulaire et nous rentrions bord les hommes de equipage achevaient en ce moment embarquer les provisions de sodium et le nautilus aurait pu partir instant cependant le capitaine nemo ne donna aucun ordre voulaitil attendre la nuit et sortir secretement par son passage sousmarin peutetre quoi qu il en soit le lendemain le nautilus ayant quitte son port attache naviguait au large de toute terre et quelques metres audessous des flots de atlantique chapitre xi la mer de sargasses la direction du nautilus ne etait pas modifiee tout espoir de revenir vers les mers europeennes devait donc etre momentanement rejete le capitaine nemo maintenait le cap vers le sud ou nous entrainaitil je osais imaginer ce jourla le nautilus traversa une singuliere portion de ocean atlantique personne ignore existence de ce grand courant eau chaude connu sous le nom de gulf stream apres etre sorti des canaux de floride il se dirige vers le spitzberg mais avant de penetrer dans le golfe du mexique vers le quarantequatrieme degre de latitude nord ce courant se divise en deux bras le principal se porte vers les cotes irlande et de norwege tandis que le second flechit vers le sud la hauteur des acores puis frappant les rivages africains et decrivant un ovale allonge il revient vers les antilles or ce second bras est plutot un collier qu un bras entoure de ses anneaux eau chaude cette portion de ocean froide tranquille immobile que on appelle la mer de sargasses veritable lac en plein atlantique les eaux du grand courant ne mettent pas moins de trois ans en faire le tour la mer de sargasses proprement parler couvre toute la partie immergee de atlantide certains auteurs ont meme admis que ces nombreuses herbes dont elle est semee sont arrachees aux prairies de cet ancien continent il est plus probable cependant que ces herbages algues et fucus enleves au rivage de europe et de amerique sont entraines jusqu cette zone par le gulf stream ce fut la une des raisons qui amenerent colomb supposer existence un nouveau monde lorsque les navires de ce hardi chercheur arriverent la mer de sargasses ils naviguerent non sans peine au milieu de ces herbes qui arretaient leur marche au grand effroi des equipages et ils perdirent trois longues semaines les traverser telle etait cette region que le nautilus visitait en ce moment une prairie veritable un tapis serre algues de fucus natans de raisins du tropique si epais si compact que etrave un batiment ne eut pas dechire sans peine aussi le capitaine nemo ne voulant pas engager son helice dans cette masse herbeuse se tintil quelques metres de profondeur audessous de la surface des flots ce nom de sargasses vient du mot espagnol sargazzo qui signifie varech ce varech le varechnageur ou portebaie forme principalement ce banc immense et voici pourquoi suivant le savant maury auteur de la geographie physique du globe ces hydrophytes se reunissent dans ce paisible bassin de atlantique explication qu on en peut donner ditil me semble resulter une experience connue de tout le monde si on place dans un vase des fragments de bouchons ou de corps flottants quelconques et que on imprime eau de ce vase un mouvement circulaire on verra les fragments eparpilles se reunir en groupe au centre de la surface liquide estadire au point le moins agite dans le phenomene qui nous occupe le vase est atlantique le gulf stream est le courant circulaire et la mer de sargasses le point central ou viennent se reunir les corps flottants je partage opinion de maury et ai pu etudier le phenomene dans ce milieu special ou les navires penetrent rarement audessus de nous flottaient des corps de toute provenance entasses au milieu de ces herbes brunatres des troncs arbres arraches aux andes ou aux montagnesrocheuses et flottes par amazone ou le mississipi de nombreuses epaves des restes de quilles ou de carenes des bordages defonces et tellement alourdis par les coquilles et les anatifes qu ils ne pouvaient remonter la surface de ocean et le temps justifiera un jour cette autre opinion de maury que ces matieres ainsi accumulees pendant des siecles se mineraliseront sous action des eaux et formeront alors inepuisables houilleres reserve precieuse que prepare la prevoyante nature pour ce moment ou les hommes auront epuise les mines des continents au milieu de cet inextricable tissu herbes et de fucus je remarquai de charmants alcyons stelles aux couleurs roses des actinies qui laissaient trainer leur longue chevelure de tentacules des meduses vertes rouges bleues et particulierement ces grandes rhizostomes de cuvier dont ombrelle bleuatre est bordee un feston violet toute cette journee du fevrier se passa dans la mer de sargasses ou les poissons amateurs de plantes marines et de crustaces trouvent une abondante nourriture le lendemain ocean avait repris son aspect accoutume depuis ce moment pendant dixneuf jours du fevrier au mars le nautilus tenant le milieu de atlantique nous emporta avec une vitesse constante de cent lieues par vingtquatre heures le capitaine nemo voulait evidemment accomplir son programme sousmarin et je ne doutais pas qu il ne songeat apres avoir double le cap horn revenir vers les mers australes du pacifique ned land avait donc eu raison de craindre dans ces larges mers privees iles il ne fallait plus tenter de quitter le bord nul moyen non plus de opposer aux volontes du capitaine nemo le seul parti etait de se soumettre mais ce qu on ne devait plus attendre de la force ou de la ruse aimais penser qu on pourrait obtenir par la persuasion ce voyage termine le capitaine nemo ne consentiraitil pas nous rendre la liberte sous serment de ne jamais reveler son existence serment honneur que nous aurions tenu mais il fallait traiter cette delicate question avec le capitaine or seraisje bien venu reclamer cette liberte luimeme avaitil pas declare des le debut et une facon formelle que le secret de sa vie exigeait notre emprisonnement perpetuel bord du nautilus mon silence depuis quatre mois ne devaitil pas lui paraitre une acceptation tacite de cette situation revenir sur ce sujet auraitil pas pour resultat de donner des soupcons qui pourraient nuire nos projets si quelque circonstance favorable se presentait plus tard de les reprendre toutes ces raisons je les pesais je les retournais dans mon esprit je les soumettais conseil qui etait pas moins embarrasse que moi en somme bien que je ne fusse pas facile decourager je comprenais que les chances de jamais revoir mes semblables diminuaient de jour en jour surtout en ce moment ou le capitaine nemo courait en temeraire vers le sud de atlantique pendant les dixneuf jours que ai mentionnes plus haut aucun incident particulier ne signala notre voyage je vis peu le capitaine il travaillait dans la bibliotheque je trouvais souvent des livres qu il laissait entr ouverts et surtout des livres histoire naturelle mon ouvrage sur les fonds sousmarins feuillete par lui etait couvert de notes en marge qui contredisaient parfois mes theories et mes systemes mais le capitaine se contentait epurer ainsi mon travail et il etait rare qu il discutat avec moi quelquefois entendais resonner les sons melancoliques de son orgue dont il jouait avec beaucoup expression mais la nuit seulement au milieu de la plus secrete obscurite lorsque le nautilus endormait dans les deserts de ocean entendais resonner les sons de orgue pendant cette partie du voyage nous naviguames des journees entieres la surface des flots la mer etait comme abandonnee peine quelques navires voiles en charge pour les indes se dirigeant vers le cap de bonneesperance un jour nous fumes poursuivis par les embarcations un baleinier qui nous prenait sans doute pour quelque enorme baleine un haut prix mais le capitaine nemo ne voulut pas faire perdre ces braves gens leur temps et leurs peines et il termina la chasse en plongeant sous les eaux cet incident avait paru vivement interesser ned land je ne crois pas me tromper en disant que le canadien avait du regretter que notre cetace de tole ne put etre frappe mort par le harpon de ces pecheurs les poissons observes par conseil et par moi pendant cette periode differaient peu de ceux que nous avions deja etudies sous autres latitudes les principaux furent quelques echantillons de ce terrible genre de cartilagineux divise en trois sousgenres qui ne comptent pas moins de trentedeux especes des squalesgalonnes longs de cinq metres tete deprimee et plus large que le corps nageoire caudale arrondie et dont le dos porte sept grandes bandes noires paralleles et longitudinales puis des squalesperlons griscendre perces de sept ouvertures branchiales et pourvus une seule nageoire dorsale placee peu pres vers le milieu du corps passaient aussi de grands chiens de mer poissons voraces il en fut on le droit de ne point croire aux recits des pecheurs mais voici ce qu ils racontent on trouve dans le corps de un de ces animaux une tete de buffle et un veau tout entier dans un autre deux thons et un matelot en uniforme dans un autre un soldat avec son sabre dans un autre enfin un cheval avec son cavalier tout ceci vrai dire est pas article de foi toujours estil qu aucun de ces animaux ne se laissa prendre aux filets du nautilus et que je ne pus verifier leur voracite des troupes elegantes et folatres de dauphins nous accompagnerent pendant des jours entiers ils allaient par bandes de cinq ou six chassant en meute comme les loups dans les campagnes ailleurs non moins voraces que les chiens de mer si en crois un professeur de copenhague qui retira de estomac un dauphin treize marsouins et quinze phoques etait il est vrai un epaulard appartenant la plus grande espece connue et dont la longueur depasse quelquefois vingtquatre pieds cette famille des delphiniens compte dix genres et ceux que apercus tenaient du genre des delphinorinques remarquables par un museau excessivement etroit et quatre fois long comme le crane leur corps mesurant trois metres noir en dessus etait en dessous un blanc rose seme de petites taches tresrares je citerai aussi dans ces mers de curieux echantillons de ces poissons de ordre des acanthopterigiens et de la famille des scienoides quelques auteurs plus poetes que naturalistes pretendent que ces poissons chantent melodieusement et que leurs voix reunies forment un concert qu un choeur de voix humaines ne saurait egaler je ne dis pas non mais ces scienes ne nous donnerent aucune serenade notre passage et je le regrette pour terminer enfin conseil classa une grande quantite de poissons volants rien etait plus curieux que de voir les dauphins leur donner la chasse avec une precision merveilleuse quelle que fut la portee de son vol quelque trajectoire qu il decrivit meme audessus du nautilus infortune poisson trouvait toujours la bouche du dauphin ouverte pour le recevoir etaient ou des pirapedes ou des triglesmilans bouche lumineuse qui pendant la nuit apres avoir trace des raies de feu dans atmosphere plongeaient dans les eaux sombres comme autant etoiles filantes jusqu au mars notre navigation se continua dans ces conditions ce jourla le nautilus fut employe des experiences de sondages qui interesserent vivement nous avions fait alors pres de treize mille lieues depuis notre depart dans les hautes mers du pacifique le point nous mettait par deg de latitude sud et deg de longitude ouest etaient ces memes parages ou le capitaine denham de herald fila quatorze mille metres de sonde sans trouver de fond la aussi le lieutenant parcker de la fregate americaine congress avait pu atteindre le sol sousmarin par quinze mille cent quarante metres le capitaine nemo resolut envoyer son nautilus la plus extreme profondeur fin de controler ces differents sondages je me preparai noter tous les resultats de experience les panneaux du salon furent ouverts et les manoeuvres commencerent pour atteindre ces couches si prodigieusement reculees on pense bien qu il ne fut pas question de plonger en remplissant les reservoirs peutetre eussentils pu accroitre suffisamment la pesanteur specifique du nautilus ailleurs pour remonter il aurait fallu chasser cette surcharge eau et les pompes auraient pas ete assez puissantes pour vaincre la pression exterieure le capitaine nemo resolut aller chercher le fond oceanique par une diagonale suffisamment allongee au moyen de ses plans lateraux qui furent places sous un angle de quarantecinq degres avec les lignes eau du nautilus puis helice fut portee son maximum de vitesse et sa quadruple branche battit les flots avec une indescriptible violence sous cette poussee puissante la coque du nautilus fremit comme une corde sonore et enfonca regulierement sous les eaux le capitaine et moi postes dans le salon nous suivions aiguille du manometre qui deviait rapidement bientot fut depassee cette zone habitable ou resident la plupart des poissons si quelquesuns de ces animaux ne peuvent vivre qu la surface des mers ou des fleuves autres moins nombreux se tiennent des profondeurs assez grandes parmi ces derniers observais hexanche espece de chien de mer muni de six fentes respiratoires le telescope aux yeux enormes le malarmatcuirasse aux thoracines grises aux pectorales noires que protegeait son plastron de plaques osseuses un rouge pale puis enfin le grenadier qui vivant par douze cents metres de profondeur supportait alors une pression de cent vingt atmospheres je demandai au capitaine nemo il avait observe des poissons des profondeurs plus considerables des poissons me reponditil rarement mais dans etat actuel de la science que presumeton que saiton le voici capitaine on sait que en allant vers les basses couches de ocean la vie vegetale disparait plus vite que la vie animale on sait que la ou se rencontrent encore des etres animes ne vegete plus une seule hydrophyte on sait que les pelerines les huitres vivent par deux mille metres eau et que mac clintock le heros des mers polaires retire une etoile vivante une profondeur de deux mille cinq cents metres on sait que equipage du bulldog de la marine royale peche une asterie par deux mille six cent vingt brasses soit plus une lieue de profondeur mais capitaine nemo peutetre me direzvous qu on ne sait rien non monsieur le professeur repondit le capitaine je aurai pas cette impolitesse toutefois je vous demanderai comment vous expliquez que des etres puissent vivre de telles profondeurs je explique par deux raisons repondisje abord parce que les courants verticaux determines par les differences de salure et de densite des eaux produisent un mouvement qui suffit entretenir la vie rudimentaire des encrines et des asteries juste fit le capitaine ensuite parce que si oxygene est la base de la vie on sait que la quantite oxygene dissous dans eau de mer augmente avec la profondeur au lieu de diminuer et que la pression des couches basses contribue comprimer ah on sait cela repondit le capitaine nemo un ton legerement surpris eh bien monsieur le professeur on raison de le savoir car est la verite ajouterai en effet que la vessie natatoire des poissons renferme plus azote que oxygene quand ces animaux sont peches la surface des eaux et plus oxygene que azote au contraire quand ils sont tires des grandes profondeurs ce qui donne raison votre systeme mais continuons nos observations mes regards se reporterent sur le manometre instrument indiquait une profondeur de six mille metres notre immersion durait depuis une heure le nautilus glissant sur ses plans inclines enfoncait toujours les eaux desertes etaient admirablement transparentes et une diaphanite que rien ne saurait peindre une heure plus tard nous etions par treize mille metres trois lieues et quart environ et le fond de ocean ne se laissait pas pressentir cependant par quatorze mille metres apercus des pics noiratres qui surgissaient au milieu des eaux mais ces sommets pouvaient appartenir des montagnes hautes comme hymalaya ou le montblanc plus hautes meme et la profondeur de ces abimes demeurait inevaluable le nautilus descendit plus bas encore malgre les puissantes pressions qu il subissait je sentais ses toles trembler sous la jointure de leurs boulons ses barreaux arquaient ses cloisons gemissaient les vitres du salon semblaient se gondoler sous la pression des eaux et ce solide appareil eut cede sans doute si ainsi que avait dit son capitaine il eut ete capable de resister comme un bloc plein en rasant les pentes de ces roches perdues sous les eaux apercevais encore quelques coquilles des serpula des spinorbis vivantes et certains echantillons asteries mais bientot ces derniers representants de la vie animale disparurent et audessous de trois lieues le nautilus depassa les limites de existence sousmarine comme fait le ballon qui eleve dans les airs audessus des zones respirables nous avions atteint une profondeur de seize mille metres quatre lieues et les flancs du nautilus supportaient alors une pression de seize cents atmospheres estadire seize cents kilogrammes par chaque centimetre carre de sa surface quelle situation ecriaije parcourir dans ces regions profondes ou homme est jamais parvenu voyez capitaine voyez ces rocs magnifiques ces grottes inhabitees ces derniers receptacles du globe ou la vie est plus possible quels sites inconnus et pourquoi fautil que nous soyons reduits en conserver que le souvenir vous plairaitil me demanda le capitaine nemo en rapporter mieux que le souvenir que voulezvous dire par ces paroles je veux dire que rien est plus facile que de prendre une vue photographique de cette regions sousmarine je avais pas eu le temps exprimer la surprise que me causait cette nouvelle proposition que sur un appel du capitaine nemo un objectif etait apporte dans le salon par les panneaux largement ouverts le milieu liquide eclaire electriquement se distribuait avec une clarte parfaite nulle ombre nulle degradation de notre lumiere factice le soleil eut pas ete plus favorable une operation de cette nature le nautilus sous la poussee de son helice maitrisee par inclinaison de ses plans demeurait immobile instrument fut braque sur ces sites du fond oceanique et en quelques secondes nous avions obtenu un negatif une extreme purete est epreuve positive que en donne ici est epreuve positive que en donne ici on voit ces roches primordiales qui ont jamais connu la lumiere des cieux ces granits inferieurs qui forment la puissante assise du globe ces grottes profondes evidees dans la masse pierreuse ces profils une incomparable nettete et dont le trait terminal se detache en noir comme il etait du au pinceau de certains artistes flamands puis audela un horizon de montagnes une admirable ligne ondulee qui compose les arriereplans du paysage je ne puis decrire cet ensemble de roches lisses noires polies sans une mousse sans une tache aux formes etrangement decoupees et solidement etablies sur ce tapis de sable qui etincelait sous les jets de la lumiere electrique cependant le capitaine nemo apres avoir termine son operation avait dit remontons monsieur le professeur il ne faut pas abuser de cette situation ni exposer trop longtemps le nautilus de pareilles pressions remontons repondisje tenezvous bien je avais pas encore eu le temps de comprendre pourquoi le capitaine me faisait cette recommandation quand je fus precipite sur le tapis son helice embrayee sur un signal du capitaine ses plans dresses verticalement le nautilus emporte comme un ballon dans les airs enlevait avec une rapidite foudroyante il coupait la masse des eaux avec un fremissement sonore aucun detail etait visible en quatre minutes il avait franchi les quatre lieues qui le separaient de la surface de ocean et apres avoir emerge comme un poisson volant il retombait en faisant jaillir les flots une prodigieuse hauteur chapitre xii cachalots et baleines pendant la nuit du au mars le nautilus reprit sa direction vers le sud je pensais qu la hauteur du cap horn il mettrait le cap ouest afin de rallier les mers du pacifique et achever son tour du monde il en fit rien et continua de remonter vers les regions australes ou voulaitil donc aller au pole etait insense je commencai croire que les temerites du capitaine justifiaient suffisamment les apprehensions de ned land quand ned rencontrait le capitaine le canadien depuis quelque temps ne me parlait plus de ses projets de fuite il etait devenu moins communicatif presque silencieux je voyais combien cet emprisonnement prolonge lui pesait je sentais ce qui amassait de colere en lui lorsqu il rencontrait le capitaine ses yeux allumaient un feu sombre et je craignais toujours que sa violence naturelle ne le portat quelque extremite ce jourla mars conseil et lui vinrent me trouver dans ma chambre je leur demandai la raison de leur visite une simple question vous poser monsieur me repondit le canadien parlez ned combien hommes croyezvous qu il ait bord du nautilus je ne saurais le dire mon ami il me semble reprit ned land que sa manoeuvre ne necessite pas un nombreux equipage en effet repondisje dans les conditions ou il se trouve une dizaine hommes au plus doivent suffire le manoeuvrer eh bien dit le canadien pourquoi en auraitil davantage pourquoi repliquaije je regardai fixement ned land dont les intentions etaient faciles deviner parce que disje si en crois mes pressentiments si ai bien compris existence du capitaine le nautilus est pas seulement un navire ce doit etre un lieu de refuge pour ceux qui comme son commandant ont rompu toute relation avec la terre peutetre dit conseil mais enfin le nautilus ne peut contenir qu un certain nombre hommes et monsieur ne pourraitil evaluer ce maximum comment cela conseil par le calcul etant donne la capacite du navire que monsieur connait et par consequent la quantite air qu il renferme sachant autre part ce que chaque homme depense dans acte de la respiration et comparant ces resultats avec la necessite ou le nautilus est de remonter toutes les vingtquatre heures la phrase de conseil en finissait pas mais je vis bien ou il voulait en venir je te comprends disje mais ce calculla facile etablir ailleurs ne peut donner qu un chiffre tres incertain importe reprit ned land en insistant voici le calcul repondisje chaque homme depense en une heure oxygene contenu dans cent litres air soit en vingtquatre heures oxygene contenu dans deux mille quatre cents litres il faut donc chercher combien de fois le nautilus renferme deux mille quatre cents litres air precisement dit conseil or reprisje la capacite du nautilus etant de quinze cents tonneaux et celle du tonneau de mille litres le nautilus renferme quinze cent mille litres air qui divises par deux mille quatre cents je calculai rapidement au crayon donnent au quotient six cent vingtcinq ce qui revient dire que air contenu dans le nautilus pourrait rigoureusement suffire six cent vingtcinq hommes pendant vingtquatre heures six cent vingtcinq repeta ned mais tenez pour certain ajoutaije que tant passagers que marins ou officiers nous ne formons pas la dixieme partie de ce chiffre est encore trop pour trois hommes murmura conseil donc mon pauvre ned je ne puis que vous conseiller la patience et meme mieux que la patience repondit conseil la resignation conseil avait employe le mot juste apres tout repritil le capitaine nemo ne peut pas aller toujours au sud il faudra bien qu il arrete ne futce que devant la banquise et qu il revienne vers des mers plus civilisees alors il sera temps de reprendre les projets de ned land le canadien secoua la tete passa la main sur son front ne repondit pas et se retira que monsieur me permette de lui faire une observation me dit alors conseil ce pauvre ned pense tout ce qu il ne peut pas avoir tout lui revient de sa vie passee tout lui semble regrettable de ce qui nous est interdit ses anciens souvenirs oppressent et il le coeur gros il faut le comprendre qu estce qu il faire ici rien il est pas un savant comme monsieur et ne saurait prendre le meme gout que nous aux choses admirables de la mer il risquerait tout pour pouvoir entrer dans une taverne de son pays il est certain que la monotonie du bord devait paraitre insupportable au canadien habitue une vie libre et active les evenements qui pouvaient le passionner etaient rares cependant ce jourla un incident vint lui rappeler ses beaux jours de harponneur vers onze heures du matin etant la surface de ocean le nautilus tomba au milieu une troupe de baleines rencontre qui ne me surprit pas car je savais que ces animaux chasses outrance se sont refugies dans les bassins des hautes latitudes le nautilus tomba au milieu un troupeau de baleines le role joue par la baleine dans le monde marin et son influence sur les decouvertes geographiques ont ete considerables est elle qui entrainant sa suite les basques abord puis les asturiens les anglais et les hollandais les enhardit contre les dangers de ocean et les conduisit une extremite de la terre autre les baleines aiment frequenter les mers australes et boreales anciennes legendes pretendent meme que ces cetaces amenerent les pecheurs jusqu sept lieues seulement du pole nord si le fait est faux il sera vrai un jour et est probablement ainsi en chassant la baleine dans les regions arctiques ou antarctiques que les hommes atteindront ce point inconnu du globe nous etions assis sur la plateforme par une mer tranquille mais le mois octobre de ces latitudes nous donnait de belles journees automne ce fut le canadien il ne pouvait tromper qui signala une baleine horizon dans est en regardant attentivement on voyait son dos noiratre elever et abaisser alternativement audessus des flots cinq milles du nautilus ah ecria ned land si etais bord un baleinier voila une rencontre qui me ferait plaisir est un animal de grande taille voyez avec quelle puissance ses events rejettent des colonnes air et de vapeur mille diables pourquoi fautil que je sois enchaine sur ce morceau de tole quoi ned repondisje vous etes pas encore revenu de vos vieilles idees de peche estce qu un pecheur de baleines monsieur peut oublier son ancien metier estce qu on se lasse jamais des emotions une pareille chasse vous avez jamais peche dans ces mers ned jamais monsieur dans les mers boreales seulement et autant dans le detroit de bering que dans celui de davis alors la baleine australe vous est encore inconnue est la baleine franche que vous avez chassee jusqu ici et elle ne se hasarderait pas passer les eaux chaudes de equateur ah monsieur le professeur que me ditesvous la repliqua le canadien un ton passablement incredule je dis ce qui est par exemple moi qui vous parle en soixantecinq voila deux ans et demi ai amarine pres du groenland une baleine qui portait encore dans son flanc le harpon poinconne un baleinier de bering or je vous demande comment apres avoir ete frappe ouest de amerique animal serait venu se faire tuer est il avait apres avoir double soit le cap horn soit le cap de bonne esperance franchi equateur ai amarine pres du groenland une baleine je pense comme ami ned dit conseil et attends ce que repondra monsieur monsieur vous repondra mes amis que les baleines sont localisees suivant leurs especes dans certaines mers qu elles ne quittent pas et si un de ces animaux est venu du detroit de bering dans celui de davis est tout simplement parce qu il existe un passage une mer autre soit sur les cotes de amerique soit sur celles de asie fautil vous croire demanda le canadien en fermant un oeil il faut croire monsieur repondit conseil deslors reprit le canadien puisque je ai jamais peche dans ces parages je ne connais point les baleines qui les frequentent je vous ai dit ned raison de plus pour faire leur connaissance repliqua conseil voyez voyez ecria le canadien la voix emue elle approche elle vient sur nous elle me nargue elle sait que je ne peux rien contre elle ned frappait du pied sa main fremissait en brandissant un harpon imaginaire ces cetaces demandatil sontils aussi gros que ceux des mers boreales peu pres ned est que ai vu de grosses baleines monsieur des baleines qui mesuraient jusqu cent pieds de longueur je me suis meme laisse dire que le hullamock et umgallick des iles aleoutiennes depassaient quelquefois cent cinquante pieds ceci me parait exagere repondisje ces animaux ne sont que des baleinopteres pourvus de nageoires dorsales et de meme que les cachalots ils sont generalement plus petits que la baleine franche ah ecria le canadien dont les regards ne quittaient pas ocean elle se rapproche elle vient dans les eaux du nautilus puis reprenant sa conversation vous parlez ditil du cachalot comme une petite bete on cite cependant des cachalots gigantesques ce sont des cetaces intelligents quelquesuns diton se couvrent algues et de fucus on les prend pour des ilots on campe dessus on installe on fait du feu on batit des maisons dit conseil oui farceur repondit ned land puis un beau jour animal plonge et entraine tous ses habitants au fond de abime comme dans les voyages de simbad le marin repliquaije en riant ah maitre land il parait que vous aimez les histoires extraordinaires quels cachalots que les votres espere que vous croyez pas monsieur le naturaliste repondit serieusement le canadien il faut tout croire de la part des baleines comme elle marche celleci comme elle se derobe on pretend que ces animauxla peuvent faire le tour du monde en quinze jours je ne dis pas non mais ce que vous ne savez sans doute pas monsieur aronnax est que au commencement du monde les baleines filaient plus rapidement encore ah vraiment ned et pourquoi cela parce que alors elles avaient la queue en travers comme les poissons estadire que cette queue comprimee verticalement frappait eau de gauche droite et de droite gauche mais le createur apercevant qu elles marchaient trop vite leur tordit la queue et depuis ce tempsla elles battent les flots de haut en bas au detriment de leur rapidite bon ned disje en reprenant une expression du canadien fautil vous croire pas trop repondit ned land et pas plus que si je vous disais qu il existe des baleines longues de trois cents pieds et pesant cent mille livres est beaucoup en effet disje cependant il faut avouer que certains cetaces acquierent un developpement considerable puisque diton ils fournissent jusqu cent vingt tonnes huile pour ca je ai vu dit le canadien je le crois volontiers ned comme je crois que certaines baleines egalent en grosseur cent elephants jugez des effets produits par une telle masse lancee toute vitesse estil vrai demanda conseil qu elles peuvent couler des navires des navires je ne le crois pas repondisje on raconte cependant qu en precisement dans ces mers du sud une baleine se precipita sur essex et le fit reculer avec une vitesse de quatre metres par seconde des lames penetrerent par arriere et essex sombra presque aussitot ned me regarda un air narquois pour mon compte ditil ai recu un coup de queue de baleine dans mon canot cela va sans dire mes compagnons et moi nous avons ete lances une hauteur de six metres mais aupres de la baleine de monsieur le professeur la mienne etait qu un baleineau estce que ces animauxla vivent longtemps demanda conseil mille ans repondit le canadien sans hesiter et comment le savezvous ned parce qu on le dit et pourquoi le diton parce qu on le sait non ned on ne le sait pas mais on le suppose et voici le raisonnement sur lequel on appuie il quatre cents ans lorsque les pecheurs chasserent pour la premiere fois les baleines ces animaux avaient une taille superieure celle qu ils acquierent aujourd hui on suppose donc assez logiquement que inferiorite des baleines actuelles vient de ce qu elles ont pas eu le temps atteindre leur complet developpement est ce qui fait dire buffon que ces cetaces pouvaient et devaient meme vivre mille ans vous entendez ned land entendait pas il ecoutait plus la baleine approchait toujours il la devorait des yeux ah ecriatil ce est plus une baleine est dix est vingt est un troupeau tout entier et ne pouvoir rien faire etre la pieds et poings lies mais ami ned dit conseil pourquoi ne pas demander au capitaine nemo la permission de chasser conseil avait pas acheve sa phrase que ned land etait affale par le panneau et courait la recherche du capitaine quelques instants apres tous deux reparaissaient sur la plateforme le capitaine nemo observa le troupeau de cetaces qui se jouait sur les eaux un mille du nautilus ce sont des baleines australes ditil il la la fortune une flotte de baleiniers eh bien monsieur demanda le canadien ne pourraisje leur donner la chasse ne futce que pour ne pas oublier mon ancien metier de harponneur quoi bon repondit le capitaine nemo chasser uniquement pour detruire nous avons que faire huile de baleine bord cependant monsieur reprit le canadien dans la mer rouge vous nous avez autorises poursuivre un dugong il agissait alors de procurer de la viande fraiche mon equipage ici ce serait tuer pour tuer je sais bien que est un privilege reserve homme mais je admets pas ces passetemps meurtriers en detruisant la baleine australe comme la baleine franche etres inoffensifs et bons vos pareils maitre land commettent une action blamable est ainsi qu ils ont deja depeuple toute la baie de baffin et qu ils aneantiront une classe animaux utiles laissez donc tranquilles ces malheureux cetaces ils ont bien assez de leurs ennemis naturels les cachalots les espadons et les scies sans que vous vous en meliez je laisse imaginer la figure que faisait le canadien pendant ce cours de morale donner de semblables raisons un chasseur etait perdre ses paroles ned land regardait le capitaine nemo et ne comprenait evidemment pas ce qu il voulait lui dire cependant le capitaine avait raison acharnement barbare et inconsidere des pecheurs fera disparaitre un jour la derniere baleine de ocean ned land siffla entre les dents son yankee doodle fourra ses mains dans ses poches et nous tourna le dos cependant le capitaine nemo observait le troupeau de cetaces et adressant moi avais raison de pretendre que sans compter homme les baleines ont assez autres ennemis naturels cellesci vont avoir affaire forte partie avant peu apercevezvous monsieur aronnax huit milles sous le vent ces points noiratres qui sont en mouvement oui capitaine repondisje ce sont des cachalots animaux terribles que ai quelquefois rencontres par troupes de deux ou trois cents quant ceuxla betes cruelles et malfaisantes on raison de les exterminer le canadien se retourna vivement ces derniers mots eh bien capitaine disje il est temps encore dans interet meme des baleines inutile de exposer monsieur le professeur le nautilus suffira disperser ces cachalots il est arme un eperon acier qui vaut bien le harpon de maitre land imagine le canadien ne se gena pas pour hausser les epaules attaquer des cetaces coups eperon qui avait jamais entendu parler de cela attendez monsieur aronnax dit le capitaine nemo nous vous montrerons une chasse que vous ne connaissez pas encore pas de pitie pour ces feroces cetaces ils ne sont que bouche et dents ce ne sont que bouche et dents bouche et dents on ne pouvait mieux peindre le cachalot macrocephale dont la taille depasse quelque fois vingtcinq metres la tete enorme de ce cetace occupe environ le tiers de son corps mieux arme que la baleine dont la machoire superieure est seulement garnie de fanons il est muni de vingtcinq grosses dents hautes de vingt centimetres cylindriques et coniques leur sommet et qui pesent deux livres chacune est la partie superieure de cette enorme tete et dans de grandes cavites separees par des cartilages que se trouvent trois quatre cents kilogrammes de cette huile precieuse dite blanc de baleine le cachalot est un animal disgracieux plutot tetard que poisson suivant la remarque de fredol il est mal construit etant pour ainsi dire manque dans toute la partie gauche de sa charpente et voyant guere que de oeil droit cependant le monstrueux troupeau approchait toujours il avait apercu les baleines et se preparait les attaquer on pouvait prejuger avance la victoire des cachalots non seulement parce qu ils sont mieux batis pour attaque que leurs inoffensifs adversaires mais aussi parce qu ils peuvent rester plus longtemps sous les flots sans venir respirer leur surface il etait que temps aller au secours des baleines le nautilus se mit entre deux eaux conseil ned et moi nous primes place devant les vitres du salon le capitaine nemo se rendit pres du timonier pour manoeuvrer son appareil comme un engin de destruction bientot je sentis les battements de helice se precipiter et notre vitesse accroitre le combat etait deja commence entre les cachalots et les baleines lorsque le nautilus arriva il manoeuvra de maniere couper la troupe des macrocephales ceuxci tout abord se montrerent peu emus la vue du nouveau monstre qui se melait la bataille mais bientot ils durent se garer de ses coups quelle lutte ned land luimeme bientot enthousiasme finit par battre des mains le nautilus etait plus qu un harpon formidable brandi par la main de son capitaine il se lancait contre ces masses charnues et les traversait de part en part laissant apres son passage deux grouillantes moities animal les formidables coups de queue qui frappaient ses flancs il ne les sentait pas les chocs qu il produisait pas davantage un cachalot extermine il courait un autre virait sur place pour ne pas manquer sa proie allant de avant de arriere docile son gouvernail plongeant quand le cetace enfoncait dans les couches profondes remontant avec lui lorsqu il revenait la surface le frappant de plein ou echarpe le coupant ou le dechirant et dans toutes les directions et sous toutes les allures le percant de son terrible eperon quel carnage quel bruit la surface des flots quels sifflements aigus et quels ronflements particuliers ces animaux epouvantes au milieu de ces couches ordinairement si paisibles leur queue creait de veritables houles pendant une heure se prolongea cet homerique massacre auquel les macrocephales ne pouvaient se soustraire plusieurs fois dix ou douze reunis essayerent ecraser le nautilus sous leur masse on voyait la vitre leur gueule enorme pavee de dents leur oeil formidable ned land qui ne se possedait plus les menacait et les injuriait on sentait qu ils se cramponnaient notre appareil comme des chiens qui coiffent un ragot sous les taillis mais le nautilus forcant son helice les emportait les entrainait ou les ramenait vers le niveau superieur des eaux sans se soucier ni de leur poids enorme ni de leurs puissantes etreintes enfin la masse des cachalots eclaircit les flots redevinrent tranquilles je sentis que nous remontions la surface de ocean le panneau fut ouvert et nous nous precipitames sur la plateforme la mer etait couverte de cadavres mutiles une explosion formidable eut pas divise dechire dechiquete avec plus de violence ces masses charnues nous flottions au milieu de corps gigantesques bleuatres sur le dos blanchatres sous le ventre et tout bossues enormes protuberances quelques cachalots epouvantes fuyaient horizon les flots etaient teints en rouge sur un espace de plusieurs milles et le nautilus flottait au milieu une mer de sang le capitaine nemo nous rejoignit eh bien maitre land ditil eh bien monsieur repondit le canadien chez lequel enthousiasme etait calme est un spectacle terrible en effet mais je ne suis pas un boucher je suis un chasseur et ceci est qu une boucherie est un massacre animaux malfaisants repondit le capitaine et le nautilus est pas un couteau de boucher aime mieux mon harpon repliqua le canadien chacun son arme repondit le capitaine en regardant fixement ned land je craignais que celuici ne se laissat emporter quelque violence qui aurait eu des consequences deplorables mais sa colere fut detournee par la vue une baleine que le nautilus accostait en ce moment animal avait pu echapper la dent des cachalots je reconnus la baleine australe tete deprimee qui est entierement noire anatomiquement elle se distingue de la baleine blanche et du nordcaper par la soudure des sept vertebres cervicales et elle compte deux cotes de plus que ses congeneres le malheureux cetace couche sur le flanc le ventre troue de morsures etait mort au bout de sa nageoire mutilee pendait encore un petit baleineau qu il avait pu sauver du massacre sa bouche ouverte laissait couler eau qui murmurait comme un ressac travers ses fanons le capitaine nemo conduisit le nautilus pres du cadavre de animal deux de ses hommes monterent sur le flanc de la baleine et je vis non sans etonnement qu ils retiraient de ses mamelles tout le lait qu elles contenaient estadire la valeur de deux trois tonneaux le capitaine offrit une tasse de ce lait encore chaud je ne pus empecher de lui marquer ma repugnance pour ce breuvage il assura que ce lait etait excellent et qu il ne se distinguait en aucune facon du lait de vache je le goutai et je fus de son avis etait donc pour nous une reserve utile car ce lait sous la forme de beurre sale ou de fromage devait apporter une agreable variete notre ordinaire de ce jourla je remarquai avec inquietude que les dispositions de ned land envers le capitaine nemo devenaient de plus en plus mauvaises et je resolus de surveiller de pres les faits et gestes du canadien chapitre xiii la banquise le nautilus avait repris son imperturbable direction vers le sud il suivait le cinquantieme meridien avec une vitesse considerable voulaitil donc atteindre le pole je ne le pensais pas car jusqu ici toutes les tentatives pour elever jusqu ce point du globe avaient echoue la saison ailleurs etait deja fort avancee puisque le mars des terres antarctiques correspond au septembre des regions boreales qui commence la periode equinoxiale le mars apercus des glaces flottantes par deg de latitude simples debris blafards de vingt vingtcinq pieds formant des ecueils sur lesquels la mer deferlait le nautilus se maintenait la surface de ocean ned land ayant deja peche dans les mers arctiques etait familiarise avec ce spectacle des icebergs conseil et moi nous admirions pour la premiere fois dans atmosphere vers horizon du sud etendait une bande blanche un eblouissant aspect les baleiniers anglais lui ont donne le nom de iceblinck quelque epais que soient les nuages ils ne peuvent obscurcir elle annonce la presence un pack ou banc de glace en effet bientot apparurent des blocs plus considerables dont eclat se modifiait suivant les caprices de la brume quelquesunes de ces masses montraient des veines vertes comme si le sulfate de cuivre en eut trace les lignes ondulees autres semblables enormes amethystes se laissaient penetrer par la lumiere cellesci reverberaient les rayons du jour sur les mille facettes de leurs cristaux cellesla nuancees des vifs reflets du calcaire auraient suffi la construction de toute une ville de marbre plus nous descendions au sud plus ces iles flottantes gagnaient en nombre et en importance les oiseaux polaires nichaient par milliers etaient des petrels des damiers des puffins qui nous assourdissaient de leurs cris quelquesuns prenant le nautilus pour le cadavre une baleine venaient reposer et piquaient de coups de bec sa tole sonore pendant cette navigation au milieu des glaces le capitaine nemo se tint souvent sur la plateforme il observait avec attention ces parages abandonnes je voyais son calme regard animer parfois se disaitil que dans ces mers polaires interdites homme il etait la chez lui maitre de ces infranchissables espaces peutetre mais il ne parlait pas il restait immobile ne revenant lui que lorsque ses instincts de manoeuvrier reprenaient le dessus dirigeant alors son nautilus avec une adresse consommee il evitait habilement le choc de ces masses dont quelquesunes mesuraient une longueur de plusieurs milles sur une hauteur qui variait de soixantedix quatrevingts metres souvent horizon paraissait entierement ferme la hauteur du soixantieme degre de latitude toute passe avait disparu mais le capitaine nemo cherchant avec soin trouvait bientot quelque etroite ouverture par laquelle il se glissait audacieusement sachant bien cependant qu elle se refermerait derriere lui ce fut ainsi que le nautilus guide par cette main habile depassa toutes ces glaces classees suivant leur forme ou leur grandeur avec une precision qui enchantait conseil icebergs ou montagnes icefields ou champs unis et sans limites driftice ou glaces flottantes packs ou champs brises nommes palchs quand ils sont circulaires et streams lorsqu ils sont faits de morceaux allonges la temperature etait assez basse le thermometre expose air exterieur marquait deux trois degres audessous de zero mais nous etions chaudement habilles de fourrures dont les phoques ou les ours marins avaient fait les frais interieur du nautilus regulierement chauffe par ses appareils electriques defiait les froids les plus intenses ailleurs il lui eut suffi de enfoncer quelques metres audessous des flots pour trouver une temperature supportable deux mois plus tot nous aurions joui sous cette latitude un jour perpetuel mais deja la nuit se faisait pendant trois ou quatre heures et plus tard elle devait jeter six mois ombre sur ces regions circumpolaires le mars la latitude des iles newshetland et des orkney du sud fut depassee le capitaine apprit qu autrefois de nombreuses tribus de phoques habitaient ces terres mais les baleiniers anglais et americains dans leur rage de destruction massacrant les adultes et les femelles pleines la ou existait animation de la vie avaient laisse apres eux le silence de la mort le mars vers huit heures du matin le nautilus suivant le cinquantecinquieme meridien coupa le cercle polaire antarctique les glaces nous entouraient de toutes parts et fermaient horizon cependant le capitaine nemo marchait de passe en passe et elevait toujours mais ou vatil demandaije devant lui repondait conseil apres tout lorsqu il ne pourra pas aller plus loin il arretera je en jurerais pas repondisje et pour etre franc avouerai que cette excursion aventureuse ne me deplaisait point quel degre emerveillaient les beautes de ces regions nouvelles je ne saurais exprimer les glaces prenaient des attitudes superbes ici leur ensemble formait une ville orientale avec ses minarets et ses mosquees innombrables la une cite ecroulee et comme jetee terre par une convulsion du sol aspects incessamment varies par les obliques rayons du soleil ou perdus dans les brumes grises au milieu des ouragans de neige puis de toutes parts des detonations des eboulements de grandes culbutes icebergs qui changeaient le decor comme le paysage un diorama lorsque le nautilus etait immerge au moment ou se rompaient ces equilibres le bruit se propageait sous les eaux avec une effrayante intensite et la chute de ces masses creait de redoutables remous jusque dans les couches profondes de ocean le nautilus roulait et tanguait alors comme un navire abandonne la furie des elements souvent ne voyant plus aucune issue je pensais que nous etions definitivement prisonniers mais instinct le guidant sur le plus leger indice le capitaine nemo decouvrait des passes nouvelles il ne se trompait jamais en observant les minces filets eau bleuatre qui sillonnaient les icefields aussi ne mettaisje pas en doute qu il eut aventure deja le nautilus au milieu des mers antarctiques cependant dans la journee du mars les champs de glace nous barrerent absolument la route ce etait pas encore la banquise mais de vastes icefields cimentes par le froid cet obstacle ne pouvait arreter le capitaine nemo et il se lanca contre icefield avec une effroyable violence le nautilus entrait comme un coin dans cette masse friable et la divisait avec des craquements terribles etait antique belier pousse par une puissance infinie les debris de glace haut projetes retombaient en grele autour de nous par sa seule force impulsion notre appareil se creusait un chenal quelquefois emporte par son elan il montait sur le champ de glace et ecrasait de son poids ou par instants enfourne sous icefield il le divisait par un simple mouvement de tangage qui produisait de larges dechirures pendant ces journees de violents grains nous assaillirent par certaines brumes epaisses on ne se fut pas vu une extremite de la plateforme autre le vent sautait brusquement tous les points du compas la neige accumulait en couches si dures qu il fallait la briser coups de pic rien qu la temperature de cinq degres audessous de zero toutes les parties exterieures du nautilus se recouvraient de glaces un greement aurait pu se manoeuvrer car tous les garants eussent ete engages dans la gorge des poulies un batiment sans voiles et mu par un moteur electrique qui se passait de charbon pouvait seul affronter aussi hautes latitudes dans ces conditions le barometre se tint generalement tres bas il tomba meme deg les indications de la boussole offraient plus aucune garantie ses aiguilles affolees marquaient des directions contradictoires en approchant du pole magnetique meridional qui ne se confond pas avec le sud du monde en effet suivant hansten ce pole est situe peu pres par deg de latitude et deg de longitude et apres les observations de duperrey par deg de longitude et deg de latitude il fallait faire alors des observations nombreuses sur les compas transportes differentes parties du navire et prendre une moyenne mais souvent on en rapportait estime pour relever la route parcourue methode peu satisfaisante au milieu de ces passes sinueuses dont les points de repere changent incessamment enfin le mars apres vingt assauts inutiles le nautilus se vit definitivement enraye ce etaient plus ni les streams ni les palks ni les icefields mais une interminable et immobile barriere formee de montagnes soudees entre elles la banquise me dit le canadien la banquise dit ned land je compris que pour ned land comme pour tous les navigateurs qui nous avaient precede etait infranchissable obstacle le soleil ayant un instant paru vers midi le capitaine nemo obtint une observation assez exacte qui donnait notre situation par deg de longitude et deg de latitude meridionale etait deja un point avance des regions antarctiques de mer de surface liquide il avait plus apparence devant nos yeux sous eperon du nautilus etendait une vaste plaine tourmentee enchevetree de blocs confus avec tout ce pelemele capricieux qui caracterise la surface un fleuve quelque temps avant la debacle des glaces mais sur des proportions gigantesques ca et la des pics aigus des aiguilles deliees elevant une hauteur de deux cents pieds plus loin une suite de falaises taillees pic et revetues de teintes grisatres vastes miroirs qui refletaient quelques rayons de soleil demi noyes dans les brumes puis sur cette nature desolee un silence farouche peine rompu par le battement ailes des petrels ou des puffins tout etait gele alors meme le bruit le nautilus dut donc arreter dans son aventureuse course au milieu des champs de glace monsieur me dit ce jourla ned land si votre capitaine va plus loin eh bien ce sera un maitre homme pourquoi ned parce que personne ne peut franchir la banquise il est puissant votre capitaine mais mille diables il est pas plus puissant que la nature et la ou elle mis des bornes il faut que on arrete bon gre mal gre en effet ned land et cependant aurais voulu savoir ce qu il derriere cette banquise un mur voila ce qui irrite le plus monsieur raison dit conseil les murs ont ete inventes que pour agacer les savants il ne devrait avoir de murs nulle part bon fit le canadien derriere cette banquise on sait bien ce qui se trouve quoi donc demandaije de la glace et toujours de la glace vous etes certain de ce fait ned repliquaije mais moi je ne le suis pas voila pourquoi je voudrais aller voir eh bien monsieur le professeur repondit le canadien renoncez cette idee vous etes arrive la banquise ce qui est deja suffisant et vous irez pas plus loin ni votre capitaine nemo ni son nautilus et qu il le veuille ou non nous reviendrons vers le nord estadire au pays des honnetes gens je dois convenir que ned land avait raison et tant que les navires ne seront pas faits pour naviguer sur les champs de glace ils devront arreter devant la banquise en effet malgre ses efforts malgre les moyens puissants employes pour disjoindre les glaces le nautilus fut reduit immobilite ordinairement qui ne peut aller plus loin en est quitte pour revenir sur ses pas mais ici revenir etait aussi impossible qu avancer car les passes etaient refermees derriere nous et pour peu que notre appareil demeurat stationnaire il ne tarderait pas etre bloque ce fut meme ce qui arriva vers deux heures du soir et la jeune glace se forma sur ses flancs avec une etonnante rapidite je dus avouer que la conduite du capitaine nemo etait plus qu imprudente le nautilus fut bloque etais en ce moment sur la plateforme le capitaine qui observait la situation depuis quelques instants me dit eh bien monsieur le professeur qu en pensezvous je pense que nous sommes pris capitaine pris et comment entendezvous entends que nous ne pouvons aller ni en avant ni en arriere ni aucun cote est je crois ce qui appelle pris du moins sur les continents habites ainsi monsieur aronnax vous pensez que le nautilus ne pourra pas se degager difficilement capitaine car la saison est deja trop avancee pour que vous comptiez sur une debacle des glaces ah monsieur le professeur repondit le capitaine nemo un ton ironique vous serez toujours le meme vous ne voyez qu empechements et obstacles moi je vous affirme que non seulement le nautilus se degagera mais qu il ira plus loin encore plus loin au sud demandaije en regardant le capitaine oui monsieur il ira au pole au pole ecriaije ne pouvant retenir un mouvement incredulite oui repondit froidement le capitaine au pole antarctique ce point inconnu ou se croisent tous les meridiens du globe vous savez si je fais du nautilus ce que je veux oui je le savais je savais cet homme audacieux jusqu la temerite mais vaincre ces obstacles qui herissent le pole sud plus inaccessible que ce pole nord non encore atteint par les plus hardis navigateurs etaitce pas une entreprise absolument insensee et que seul esprit un fou pouvait concevoir il me vint alors idee de demander au capitaine nemo il avait deja decouvert ce pole que avait jamais foule le pied une creature humaine non monsieur me reponditil et nous le decouvrirons ensemble la ou autres ont echoue je echouerai pas jamais je ai promene mon nautilus aussi loin sur les mers australes mais je vous le repete il ira plus loin encore je veux vous croire capitaine reprisje un ton un peu ironique je vous crois allons en avant il pas obstacles pour nous brisons cette banquise faisonsla sauter et si elle resiste donnons des ailes au nautilus afin qu il puisse passer pardessus pardessus monsieur le professeur repondit tranquillement le capitaine nemo non point pardessus mais pardessous pardessous ecriaije une subite revelation des projets du capitaine venait illuminer mon esprit avais compris les merveilleuses qualites du nautilus allaient le servir encore dans cette surhumaine entreprise je vois que nous commencons nous entendre monsieur le professeur me dit le capitaine souriant demi vous entrevoyez deja la possibilite moi je dirai le succes de cette tentative ce qui est impraticable avec un navire ordinaire devient facile au nautilus si un continent emerge au pole il arretera devant ce continent mais si au contraire est la mer libre qui le baigne il ira au pole meme en effet disje entraine par le raisonnement du capitaine si la surface de la mer est solidifiee par les glaces ses couches inferieures sont libres par cette raison providentielle qui place un degre superieur celui de la congelation le maximum de densite de eau de mer et si je ne me trompe la partie immergee de cette banquise est la partie emergeante comme quatre est un peu pres monsieur le professeur pour un pied que les icebergs ont audessus de la mer ils en ont trois audessous or puisque ces montagnes de glaces ne depassent pas une hauteur de cent metres elles ne enfoncent que de trois cents or qu estce que trois cents metres pour le nautilus rien monsieur il pourra meme aller chercher une profondeur plus grande cette temperature uniforme des eaux marines et la nous braverons impunement les trente ou quarante degres de froid de la surface juste monsieur tres juste repondisje en animant la seule difficulte reprit le capitaine nemo sera de rester plusieurs jours immerges sans renouveler notre provision air estce que cela repliquaije le nautilus de vastes reservoirs nous les remplirons et ils nous fourniront tout oxygene dont nous aurons besoin bien imagine monsieur aronnax repondit en souriant le capitaine mais ne voulant pas que vous puissiez accuser de temerite je vous soumets avance toutes mes objections en avezvous encore une seule il est possible si la mer existe au pole sud que cette mer soit entierement prise et par consequent que nous ne puissions revenir sa surface bon monsieur oubliezvous que le nautilus est arme un redoutable eperon et ne pourronsnous le lancer diagonalement contre ces champs de glace qui ouvriront au choc eh monsieur le professeur vous avez des idees aujourd hui ailleurs capitaine ajoutaije en enthousiasmant de plus belle pourquoi ne rencontreraiton pas la mer libre au pole sud comme au pole nord les poles du froid et les poles de la terre ne se confondent ni dans hemisphere austral ni dans hemisphere boreal et jusqu preuve contraire on doit supposer ou un continent ou un ocean degage de glaces ces deux points du globe je le crois aussi monsieur aronnax repondit le capitaine nemo je vous ferai seulement observer qu apres avoir emis tant objections contre mon projet maintenant vous ecrasez arguments en sa faveur le capitaine nemo disait vrai en etais arrive le vaincre en audace etait moi qui entrainais au pole je le devancais je le distancais mais non pauvre fou le capitaine nemo savait mieux que toi le pour et le contre de la question et il amusait te voir emporte dans les reveries de impossible cependant il avait pas perdu un instant un signal le second parut ces deux hommes entretinrent rapidement dans leur incomprehensible langage et soit que le second eut ete anterieurement prevenu soit qu il trouvat le projet praticable il ne laissa voir aucune surprise mais si impassible qu il fut il ne montra pas une plus complete impassibilite que conseil lorsque annoncai ce digne garcon notre intention de pousser jusqu au pole sud un comme il plaira monsieur accueillit ma communication et je dus en contenter quant ned land si jamais epaules se leverent haut ce furent celles du canadien voyezvous monsieur me ditil vous et votre capitaine nemo vous me faites pitie mais nous irons au pole maitre ned possible mais vous en reviendrez pas et ned land rentra dans sa cabine pour ne pas faire un malheur ditil en me quittant cependant les preparatifs de cette audacieuse tentative venaient de commencer les puissantes pompes du nautilus refoulaient air dans les reservoirs et emmagasinaient une haute pression vers quatre heures le capitaine nemo annonca que les panneaux de la plateforme allaient etre fermes je jetai un dernier regard sur epaisse banquise que nous allions franchir le temps etait clair atmosphere assez pure le froid tres vif douze degres audessous de zero mais le vent etant calme cette temperature ne semblait pas trop insupportable une dizaine hommes monterent sur les flancs du nautilus et armes de pics ils casserent la glace autour de la carene qui fut bientot degagee operation rapidement pratiquee car la jeune glace etait mince encore tous nous rentrames interieur les reservoirs habituels se remplirent de cette eau tenue libre la flottaison le nautilus ne tarda pas descendre avais pris place au salon avec conseil par la vitre ouverte nous regardions les couches inferieures de ocean austral le thermometre remontait aiguille du manometre deviait sur le cadran trois cents metres environ ainsi que avait prevu le capitaine nemo nous flottions sous la surface ondulee de la banquise mais le nautilus immergea plus bas encore il atteignit une profondeur de huit cents metres la temperature de eau qui donnait douze degres la surface en accusait plus que onze deux degres etaient deja gagnes il va sans dire que la temperature du nautilus elevee par ses appareils de chauffage se maintenait un degre tressuperieur toutes les manoeuvres accomplissaient avec une extraordinaire precision on passera en deplaise monsieur me dit conseil compte bien repondisje avec le ton une profonde conviction sous cette mer libre le nautilus avait pris directement le chemin du pole sans ecarter du cinquantedeuxieme meridien de deg deg vingtdeux degres et demi en latitude restaient parcourir estadire un peu plus de cinq cents lieues le nautilus prit une vitesse moyenne de vingtsix milles heure la vitesse un train express il la conservait quarante heures lui suffisaient pour atteindre le pole pendant une partie de la nuit la nouveaute de la situation nous retint conseil et moi la vitre du salon la mer illuminait sous irradiation electrique du fanal mais elle etait deserte les poissons ne sejournaient pas dans ces eaux prisonnieres ils ne trouvaient la qu un passage pour aller de ocean antarctique la mer libre du pole notre marche etait rapide on la sentait telle aux tressaillements de la longue coque acier vers deux heures du matin allai prendre quelques heures de repos conseil imita en traversant les coursives je ne rencontrai point le capitaine nemo je supposai qu il se tenait dans la cage du timonier le lendemain mars cinq heures du matin je repris mon poste dans le salon le loch electrique indiqua que la vitesse du nautilus avait ete moderee il remontait alors vers la surface mais prudemment en vidant lentement ses reservoirs mon coeur battait allionsnous emerger et retrouver atmosphere libre du pole non un choc apprit que le nautilus avait heurte la surface inferieure de la banquise tresepaisse encore en juger par la matite du bruit en effet nous avions touche pour employer expression marine mais en sens inverse et par mille pieds de profondeur ce qui donnait deux mille pieds de glaces audessus de nous dont mille emergeaient la banquise presentait alors une hauteur superieure celle que nous avions relevee sur ses bords circonstance peu rassurante pendant cette journee le nautilus recommenca plusieurs fois cette meme experience et toujours il vint se heurter contre la muraille qui plafonnait audessus de lui de certains instants il la rencontra par neuf cents metres ce qui accusait douze cents metres epaisseur dont deux cents metres elevaient audessus de la surface de ocean etait le double de sa hauteur au moment ou le nautilus etait enfonce sous les flots je notai soigneusement ces diverses profondeurs et obtins ainsi le profil sousmarin de cette chaine qui se developpait sous les eaux le soir aucun changement etait survenu dans notre situation toujours la glace entre quatre cents et cinq cents metres de profondeur diminution evidente mais quelle epaisseur encore entre nous et la surface de ocean il etait huit heures alors depuis quatre heures deja air aurait du etre renouvele interieur du nautilus suivant habitude quotidienne du bord cependant je ne souffrais pas trop bien que le capitaine nemo eut pas encore demande ses reservoirs un supplement oxygene mon sommeil fut penible pendant cette nuit espoir et crainte assiegeaient tour tour je me relevai plusieurs fois les tatonnements du nautilus continuaient vers trois heures du matin observai que la surface inferieure de la banquise se rencontrait seulement par cinquante metres de profondeur cent cinquante pieds nous separaient alors de la surface des eaux la banquise redevenait peu peu icefield la montagne se refaisait la plaine mes yeux ne quittaient plus le manometre nous remontions toujours en suivant par une diagonale la surface resplendissante qui etincelait sous les rayons electriques la banquise abaissait en dessus et en dessous par des rampes allongees elle amincissait de mille en mille enfin six heures du matin ce jour memorable du mars la porte du salon ouvrit le capitaine nemo parut le capitaine nemo parut la mer libre me ditil chapitre xiv le pole sud je me precipitai vers la plateforme oui la mer libre peine quelques glacons epars des icebergs mobiles au loin une mer etendue un monde oiseaux dans les airs et des myriades de poissons sous ces eaux qui suivant les fonds variaient du bleu intense au vert olive le thermometre marquait trois degres centigrades audessus de zero etait comme un printemps relatif enferme derriere cette banquise dont les masses eloignees se profilaient sur horizon du nord sommesnous au pole demandaije au capitaine le coeur palpitant je ignore me reponditil midi nous ferons le point mais le soleil se montreratil travers ces brumes disje en regardant le ciel grisatre si peu qu il paraisse il me suffira repondit le capitaine dix milles du nautilus vers le sud un ilot solitaire elevait une hauteur de deux cents metres nous marchions vers lui prudemment car cette mer pouvait etre semee ecueils une heure apres nous avions atteint ilot deux heures plus tard nous achevions en faire le tour il mesurait quatre cinq milles de circonference un etroit canal le separait une terre considerable un continent peutetre dont nous ne pouvions apercevoir les limites existence de cette terre semblait donner raison aux hypotheses de maury ingenieux americain remarque en effet qu entre le pole sud et le soixantieme parallele la mer est couverte de glaces flottantes de dimensions enormes qui ne se rencontrent jamais dans atlantique nord de ce fait il tire cette conclusion que le cercle antarctique renferme des terres considerables puisque les icebergs ne peuvent se former en pleine mer mais seulement sur des cotes suivant ses calculs la masse des glaces qui enveloppent le pole austral forme une vaste calotte dont la largeur doit atteindre quatre mille kilometres cependant le nautilus par crainte echouer etait arrete trois encablures une greve que dominait un superbe amoncellement de roches le canot fut lance la mer le capitaine deux de ses hommes portant les instruments conseil et moi nous nous embarquames il etait dix heures du matin je avais pas vu ned land le canadien sans doute ne voulait pas se desavouer en presence du pole sud quelques coups aviron amenerent le canot sur le sable ou il echoua au moment ou conseil allait sauter terre je le retins monsieur disje au capitaine nemo vous honneur de mettre pied le premier sur cette terre oui monsieur repondit le capitaine et si je hesite pas fouler ce sol du pole est que jusqu ici aucun etre humain laisse la trace de ses pas cela dit il sauta legerement sur le sable une vive emotion lui faisait battre le coeur il gravit un roc qui terminait en surplomb un petit promontoire et la les bras croises le regard ardent immobile muet il sembla prendre possession de ces regions australes apres cinq minutes passees dans cette extase il se retourna vers nous le capitaine nemo gravit un roc quand vous voudrez monsieur me criatil je debarquai suivi de conseil laissant les deux hommes dans le canot le sol sur un long espace presentait un tuf de couleur rougeatre comme il eut ete de brique pilee des scories des coulees de lave des pierres ponces le recouvraient on ne pouvait meconnaitre son origine volcanique en de certains endroits quelques legeres fumerolles degageant une odeur sulfureuse attestaient que les feux interieurs conservaient encore leur puissance expansive cependant ayant gravi un haut escarpement je ne vis aucun volcan dans un rayon de plusieurs milles on sait que dans ces contrees antarctiques james ross trouve les crateres de erebus et du terror en pleine activite sur le cent soixanteseptieme meridien et par deg de latitude la vegetation de ce continent desole me parut extremement restreinte quelques lichens de espece usnea melanoxantha etalaient sur les roches noires certaines plantules microscopiques des diatomees rudimentaires sortes de cellules disposees entre deux coquilles quartzeuses de longs fucus pourpres et cramoisis supportes sur de petites vessies natatoires et que le ressac jetait la cote composaient toute la maigre flore de cette region le rivage etait parseme de mollusques de petites moules de patelles de buccardes lisses en forme de coeurs et particulierement de clios au corps oblong et membraneux dont la tete est formee de deux lobes arrondis je vis aussi des myriades de ces clios boreales longues de trois centimetres dont la baleine avale un monde chaque bouchee ces charmants pteropodes veritables papillons de la mer animaient les eaux libres sur la lisiere du rivage entre autres zoophytes apparaissaient dans les hautsfonds quelques arborescences coralligenes de celles qui suivant james ross vivent dans les mers antarctiques jusqu mille metres de profondeur puis de petits alcyons appartenant espece procellaria pelagica ainsi qu un grand nombre asteries particulieres ces climats et etoiles de mer qui constellaient le sol mais ou la vie surabondait etait dans les airs la volaient et voletaient par milliers des oiseaux especes variees qui nous assourdissaient de leurs cris autres encombraient les roches nous regardant passer sans crainte et se pressant familierement sous nos pas etaient des pingouins aussi agiles et souples dans eau ou on les confondus parfois avec de rapides bonites qu ils sont gauches et lourds sur terre ils poussaient des cris baroques et formaient des assemblees nombreuses sobres de gestes mais prodigues de clameurs des milliers oiseaux parmi les oiseaux je remarquai des chionis de la famille des echassiers gros comme des pigeons blancs de couleur le bec court et conique oeil encadre un cercle rouge conseil en fit provision car ces volatiles convenablement prepares forment un mets agreable dans les airs passaient des albatros fuligineux une envergure de quatre metres justement appeles les vautours de ocean des petrels gigantesques entre autres des quebrantehuesos aux ailes arquees qui sont grands mangeurs de phoques des damiers sortes de petits canards dont le dessus du corps est noir et blanc enfin toute une serie de petrels les uns blanchatres aux ailes bordees de brun les autres bleus et speciaux aux mers antarctiques ceuxla si huileux disje conseil que les habitants des iles feroe se contentent adapter une meche avant de les allumer un peu plus repondit conseil ce seraient des lampes parfaites apres ca on ne peut exiger que la nature les ait prealablement munis une meche apres un demimille le sol se montra tout crible de nids de manchots sortes de terriers disposes pour la ponte et dont echappaient de nombreux oiseaux le capitaine nemo en fit chasser plus tard quelques centaines car leur chair noire est tres mangeable ils poussaient des braiements ane ces animaux de la taille une oie ardoises sur le corps blancs en dessous et cravates un lisere citron se laissaient tuer coups de pierre sans chercher enfuir cependant la brume ne se levait pas et onze heures le soleil avait point encore paru son absence ne laissait pas de inquieter sans lui pas observations possibles comment determiner alors si nous avions atteint le pole lorsque je rejoignis le capitaine nemo je le trouvai silencieusement accoude sur un morceau de roc et regardant le ciel il paraissait impatient contrarie mais qu faire cet homme audacieux et puissant ne commandait pas au soleil comme la mer midi arriva sans que astre du jour se fut montre un seul instant on ne pouvait meme reconnaitre la place qu il occupait derriere le rideau de brume bientot cette brume vint se resoudre en neige demain me dit simplement le capitaine et nous regagnames le nautilus au milieu des tourbillons de atmosphere pendant notre absence les filets avaient ete tendus et observai avec interet les poissons que on venait de haler bord les mers antarctiques servent de refuge un tres grand nombre de migrateurs qui fuient les tempetes des zones moins elevees pour tomber il est vrai sous la dent des marsouins et des phoques je notai quelques cottes australes longs un decimetre espece de cartilagineux blanchatres traverses de bandes livides et armes aiguillons puis des chimeres antarctiques longues de trois pieds le corps tres allonge la peau blanche argentee et lisse la tete arrondie le dos muni de trois nageoires le museau termine par une trompe qui se recourbe vers la bouche je goutai leur chair mais je la trouvai insipide malgre opinion de conseil qui en accommoda fort la tempete de neige dura jusqu au lendemain il etait impossible de se tenir sur la plateforme du salon ou je notais les incidents de cette excursion au continent polaire entendais les cris des petrels et des albatros qui se jouaient au milieu de la tourmente le nautilus ne resta pas immobile et prolongeant la cote il avanca encore une dizaine de milles au sud au milieu de cette demiclarte que laissait le soleil en rasant les bords de horizon le lendemain mars la neige avait cesse le froid etait un peu plus vif le thermometre marquait deux degres audessous de zero les brouillards se leverent et esperai que ce jourla notre observation pourrait effectuer le capitaine nemo ayant pas encore paru le canot nous prit conseil et moi et nous mit terre la nature du sol etait la meme volcanique partout des traces de laves de scories de basaltes sans que apercusse le cratere qui les avait vomis ici comme labas des myriades oiseaux animaient cette partie du continent polaire mais cet empire ils le partageaient alors avec de vastes troupeaux de mammiferes marins qui nous regardaient de leurs doux yeux etaient des phoques especes diverses les uns etendus sur le sol les autres couches sur des glacons en derive plusieurs sortant de la mer ou rentrant ils ne se sauvaient pas notre approche ayant jamais eu affaire homme et en comptais la de quoi approvisionner quelques centaines de navires ma foi dit conseil il est heureux que ned land ne nous ait pas accompagnes pourquoi cela conseil parce que enrage chasseur aurait tout tue tout est beaucoup dire mais je crois en effet que nous aurions pu empecher notre ami le canadien de harponner quelquesuns de ces magnifiques cetaces ce qui eut desoblige le capitaine nemo car il ne verse pas inutilement le sang des betes inoffensives il raison certainement conseil mais dismoi astu pas deja classe ces superbes echantillons de la faune marine monsieur sait bien repondit conseil que je ne suis pas tres ferre sur la pratique quand monsieur aura appris le nom de ces animaux ce sont des phoques et des morses deux genres qui appartiennent la famille des pinnipedes se hata de dire mon savant conseil ordre des carnassiers groupe des unguicules sousclasse des monodelphiens classe des mammiferes embranchement des vertebres bien conseil repondisje mais ces deux genres phoques et morses se divisent en especes et si je ne me trompe nous aurons ici occasion de les observer marchons il etait huit heures du matin quatre heures nous restaient employer jusqu au moment ou le soleil pourrait etre utilement observe je dirigeai nos pas vers une vaste baie qui echancrait dans la falaise granitique du rivage la je puis dire qu perte de vue autour de nous les terres et les glacons etaient encombres de mammiferes marins et je cherchais involontairement du regard le vieux protee le mythologique pasteur qui gardait ces immenses troupeaux de neptune etaient particulierement des phoques ils formaient des groupes distincts males et femelles le pere veillant sur sa famille la mere allaitant ses petits quelques jeunes deja forts emancipant quelques pas lorsque ces mammiferes voulaient se deplacer ils allaient par petits sauts dus la contraction de leur corps et ils aidaient assez gauchement de leur imparfaite nageoire qui chez le lamantin leur congenere forme un veritable avantbras je dois dire que dans eau leur element par excellence ces animaux epine dorsale mobile au bassin etroit au poil ras et serre aux pieds palmes nagent admirablement au repos et sur terre ils prenaient des attitudes extremement gracieuses aussi les anciens observant leur physionomie douce leur regard expressif que ne saurait surpasser le plus beau regard de femme leurs yeux veloutes et limpides leurs poses charmantes et les poetisant leur maniere metamorphoserentils les males en tritons et les femelles en sirenes je fis remarquer conseil le developpement considerable des lobes cerebraux chez ces intelligents cetaces aucun mammifere homme excepte la matiere cerebrale plus riche aussi les phoques sontils susceptibles de recevoir une certaine education ils se domestiquent aisement et je pense avec certains naturalistes que convenablement dresses ils pourraient rendre de grands services comme chiens de peche la plupart de ces phoques dormaient sur les rochers ou sur le sable parmi ces phoques proprement dits qui ont point oreilles externes differant en cela des otaries dont oreille est saillante observai plusieurs varietes de stenorhynques longs de trois metres blancs de poils tetes de bulldogs armes de dix dents chaque machoire quatre incisives en haut et en bas et deux grandes canines decoupees en forme de fleur de lis entre eux se glissaient des elephants marins sortes de phoques trompe courte et mobile les geants de espece qui sur une circonference de vingt pieds mesuraient une longueur de dix metres ils ne faisaient aucun mouvement notre approche ce ne sont pas des animaux dangereux me demanda conseil non repondisje moins qu on ne les attaque lorsqu un phoque defend son petit sa fureur est terrible et il est pas rare qu il mette en pieces embarcation des pecheurs il est dans son droit repliqua conseil je ne dis pas non deux milles plus loin nous etions arretes par le promontoire qui couvrait la baie contre les vents du sud il tombait aplomb la mer et ecumait sous le ressac audela eclataient de formidables rugissements tels qu un troupeau de ruminants en eut pu produire bon fit conseil un concert de taureaux non disje un concert de morses ils se battent ils se battent ou ils jouent en deplaise monsieur il faut voir cela il faut le voir conseil et nous voila franchissant les roches noiratres au milieu eboulements imprevus et sur des pierres que la glace rendait fort glissantes plus une fois je roulai au detriment de mes reins conseil plus prudent ou plus solide ne bronchait guere et me relevait disant si monsieur voulait avoir la bonte ecarter les jambes monsieur conserverait mieux son equilibre arrive arete superieure du promontoire apercus une vaste plaine blanche couverte de morses ces animaux jouaient entre eux etaient des hurlements de joie non de colere les morses ressemblent aux phoques par la forme de leurs corps et par la disposition de leurs membres mais les canines et les incisives manquent leur machoire inferieure et quant aux canines superieures ce sont deux defenses longues de quatrevingts centimetres qui en mesurent trentetrois la circonference de leur alveole ces dents faites un ivoire compact et sans stries plus dur que celui des elephants et moins prompt jaunir sont tresrecherchees aussi les morses sontils en butte une chasse inconsideree qui les detruira bientot jusqu au dernier puisque les chasseurs massacrant indistinctement les femelles pleines et les jeunes en detruisent chaque annee plus de quatre mille en passant aupres de ces curieux animaux je pus les examiner loisir car ils ne se derangeaient pas leur peau etait epaisse et rugueuse un ton fauve tirant sur le roux leur pelage court et peu fourni quelquesuns avaient une longueur de quatre metres plus tranquilles et moins craintifs que leurs congeneres du nord ils ne confiaient point des sentinelles choisies le soin de surveiller les abords de leur campement apres avoir examine cette cite des morses je songeai revenir sur mes pas il etait onze heures et si le capitaine nemo se trouvait dans des conditions favorables pour observer je voulais etre present son operation cependant je esperais pas que le soleil se montrat ce jourla des nuages ecrases sur horizon le derobaient nos yeux il semblait que cet astre jaloux ne voulut pas reveler des etres humains ce point inabordable du globe cependant je songeai revenir vers le nautilus nous suivimes un etroit raidillon qui courait sur le sommet de la falaise onze heures et demie nous etions arrives au point du debarquement le canot echoue avait depose le capitaine terre je apercus debout sur un bloc de basalte ses instruments etaient pres de lui son regard se fixait sur horizon du nord pres duquel le soleil decrivait alors sa courbe allongee je pris place aupres de lui et attendis sans parler midi arriva et ainsi que la veille le soleil ne se montra pas etait une fatalite observation manquait encore si demain elle ne accomplissait pas il faudrait renoncer definitivement relever notre situation en effet nous etions precisement au mars demain jour de equinoxe refraction non comptee le soleil disparaitrait sous horizon pour six mois et avec sa disparition commencerait la longue nuit polaire depuis equinoxe de septembre il avait emerge de horizon septentrional elevant par des spirales allongees jusqu au decembre cette epoque solstice ete de ces contrees boreales il avait commence redescendre et le lendemain il devait leur lancer ses derniers rayons je communiquai mes observations et mes craintes au capitaine nemo vous avez raison monsieur aronnax me ditil si demain je obtiens la hauteur du soleil je ne pourrai avant six mois reprendre cette operation mais aussi precisement parce que les hasards de ma navigation ont amene le mars dans ces mers mon point sera facile relever si midi le soleil se montre nos yeux pourquoi capitaine parce que lorsque astre du jour decrit des spirales si allongees il est difficile de mesurer exactement sa hauteur audessus de horizon et les instruments sont exposes commettre de graves erreurs comment procederezvous donc je emploierai que mon chronometre me repondit le capitaine nemo si demain mars midi le disque du soleil en tenant compte de la refraction est coupe exactement par horizon du nord est que je suis au pole sud en effet disje pourtant cette affirmation est pas mathematiquement rigoureuse parce que equinoxe ne tombe pas necessairement midi sans doute monsieur mais erreur ne sera pas de cent metres et il ne nous en faut pas davantage demain donc le capitaine nemo retourna bord conseil et moi nous restames jusqu cinq heures arpenter la plage observant et etudiant je ne recoltai aucun objet curieux si ce est un oeuf de pingouin remarquable par sa grosseur et qu un amateur eut paye plus de mille francs sa couleur isabelle les raies et les caracteres qui ornaient comme autant hieroglyphes en faisaient un bibelot rare je le remis entre les mains de conseil et le prudent garcon au pied sur le tenant comme une precieuse porcelaine de chine le rapporta intact au nautilus la je deposai cet oeuf rare sous une des vitrines du musee je soupai avec appetit un excellent morceau de foie de phoque dont le gout rappelait celui de la viande de porc puis je me couchai non sans avoir invoque comme un indou les faveurs de astre radieux le lendemain mars des cinq heures du matin je montai sur la plateforme trouvai le capitaine nemo le temps se degage un peu me ditil ai bon espoir apres dejeuner nous nous rendrons terre pour choisir un poste observation ce point convenu allai trouver ned land aurais voulu emmener avec moi obstine canadien refusa et je vis bien que sa taciturnite comme sa facheuse humeur accroissaient de jour en jour apres tout je ne regrettai pas son entetement dans cette circonstance veritablement il avait trop de phoques terre et il ne fallait pas soumettre ce pecheur irreflechi cette tentation le dejeuner termine je me rendis terre le nautilus etait encore eleve de quelques milles pendant la nuit il etait au large une grande lieue une cote que dominait un pic aigu de quatre cinq cents metres le canot portait avec moi le capitaine nemo deux hommes de equipage et les instruments estadire un chronometre une lunette et un barometre pendant notre traversee je vis de nombreuses baleines qui appartenaient aux trois especes particulieres aux mers australes la baleine franche ou rightwhale des anglais qui pas de nageoire dorsale le humpback baleinoptere ventre plisse aux vastes nageoires blanchatres qui malgre son nom ne forment pourtant pas des ailes et le finback brunjaunatre le plus vif des cetaces ce puissant animal se fait entendre de loin lorsqu il projette une grande hauteur ses colonnes air et de vapeur qui ressemblent des tourbillons de fumee ces differents mammiferes ebattaient par troupes dans les eaux tranquilles et je vis bien que ce bassin du pole antarctique servait maintenant de refuge aux cetaces trop vivement traques par les chasseurs je remarquai egalement de longs cordons blanchatres de salpes sortes de mollusques agreges et des meduses de grande taille qui se balancaient entre le remous des lames neuf heures nous accostions la terre le ciel eclaircissait les nuages fuyaient dans le sud les brumes abandonnaient la surface froide des eaux le capitaine nemo se dirigea vers le pic dont il voulait sans doute faire son observatoire ce fut une ascension penible sur des laves aigues et des pierres ponces au milieu une atmosphere souvent saturee par les emanations sulfureuses des fumerolles le capitaine pour un homme deshabitue de fouler la terre gravissait les pentes les plus raides avec une souplesse une agilite que je ne pouvais egaler et qu eut enviee un chasseur isards ce fut une ascension penible il nous fallut deux heures pour atteindre le sommet de ce pic moitie porphyre moitie basalte de la nos regards embrassaient une vaste mer qui vers le nord tracait nettement sa ligne terminale sur le fond du ciel nos pieds des champs eblouissants de blancheur sur notre tete un pale azur degage de brumes au nord le disque du soleil comme une boule de feu deja ecornee par le tranchant de horizon du sein des eaux elevaient en gerbes magnifiques des jets liquides par centaines au loin le nautilus comme un cetace endormi derriere nous vers le sud et est une terre immense un amoncellement chaotique de rochers et de glaces dont on apercevait pas la limite le capitaine nemo en arrivant au sommet du pic releva soigneusement sa hauteur au moyen du barometre car il devait en tenir compte dans son observation midi moins le quart le soleil vu alors par refraction seulement se montra comme un disque or et dispersa ses derniers rayons sur ce continent abandonne ces mers que homme jamais sillonnees encore le capitaine nemo muni une lunette reticules qui au moyen un miroir corrigeait la refraction observa astre qui enfoncait peu peu audessous de horizon en suivant une diagonale tresallongee je tenais le chronometre mon coeur battait fort si la disparition du demidisque du soleil coincidait avec le midi du chronometre nous etions au pole meme midi ecriaije le pole sud repondit le capitaine nemo une voix grave en me donnant la lunette qui montrait astre du jour precisement coupe en deux portions egales par horizon je regardai les derniers rayons couronner le pic et les ombres monter peu peu sur ses rampes en ce moment le capitaine nemo appuyant sa main sur mon epaule me dit monsieur en le hollandais gheritk entraine par les courants et les tempetes atteignit deg de latitude sud et decouvrit les newshetland en le janvier illustre cook suivant le trentehuitieme meridien arriva par deg de latitude et en le janvier sur le centneuvieme meridien il atteignit deg de latitude en le russe bellinghausen se trouva sur le soixanteneuvieme parallele et en sur le soixantesixieme par deg de longitude ouest en anglais brunsfield fut arrete sur le soixantecinquieme degre la meme annee americain morrel dont les recits sont douteux remontant sur le quarantedeuxieme meridien decouvrait la mer libre par deg de latitude en anglais powell ne pouvait depasser le soixantedeuxieme degre la meme annee un simple pecheur de phoques anglais weddel elevait jusqu deg de latitude sur le trentecinquieme meridien et jusqu deg sur le trentesixieme en anglais forster commandant le chanticleer prenait possession du continent antarctique par deg de latitude et deg de longitude en anglais biscoe le ler fevrier decouvrait la terre enderby par deg de latitude en le fevrier la terre adelaide par deg de latitude et le fevrier la terre de graham par deg de latitude en le francais dumont urville arrete devant la banquise par deg de latitude relevait la terre louisphilippe deux ans plus tard dans une nouvelle pointe au sud il nommait par deg le janvier la terre adelie et huit jours apres par deg la cote clarie en anglais wilkes avancait jusqu au soixanteneuvieme parallele sur le centieme meridien en anglais balleny decouvrait la terre sabrina sur la limite du cercle polaire enfin en anglais james ross montant erebus et le terror le janvier par deg de latitude et deg de longitude est trouvait la terre victoria le du meme mois il relevait le soixantequatorzieme parallele le plus haut point atteint jusqu alors le il etait par deg le par deg le fevrier par deg et en il revenait au soixanteonzieme degre qu il ne put depasser eh bien moi capitaine nemo ce mars ai atteint le pole sud sur le quatrevingtdixieme degre et je prends possession de cette partie du globe egale au sixieme des continents reconnus au nom de qui capitaine au mien monsieur et ce disant le capitaine nemo deploya un pavillon noir portant un or ecartele sur son etamine puis se retournant vers astre du jour dont les derniers rayons lechaient horizon de la mer adieu soleil ecriatil disparais astre radieux couchetoi sous cette mer libre et laisse une nuit de six mois etendre ses ombres sur mon nouveau domaine adieu soleil ecriatil chapitre xv accident ou incident le lendemain mars six heures du matin les preparatifs de depart furent commences les dernieres lueurs du crepuscule se fondaient dans la nuit le froid etait vif les constellations resplendissaient avec une surprenante intensite au zenith brillait cette admirable croix du sud etoile polaire des regions antarctiques le thermometre marquait douze degres audessous de zero et quand le vent fraichissait il causait de piquantes morsures les glacons se multipliaient sur eau libre la mer tendait se prendre partout de nombreuses plaques noiratres etalees sa surface annoncaient la prochaine formation de la jeune glace evidemment le bassin austral gele pendant les six mois de hiver etait absolument inaccessible que devenaient les baleines pendant cette periode sans doute elles allaient pardessous la banquise chercher des mers plus praticables pour les phoques et les morses habitues vivre sous les plus durs climats ils restaient sur ces parages glaces ces animaux ont instinct de creuser des trous dans les icefields et de les maintenir toujours ouverts est ces trous qu ils viennent respirer quand les oiseaux chasses par le froid ont emigre vers le nord ces mammiferes marins demeurent les seuls maitres du continent polaire cependant les reservoirs eau etaient remplis et le nautilus descendait lentement une profondeur de mille pieds il arreta son helice battit les flots et il avanca droit au nord avec une vitesse de quinze milles heure vers le soir il flottait deja sous immense carapace glacee de la banquise les panneaux du salon avaient ete fermes par prudence car la coque du nautilus pouvait se heurter quelque bloc immerge aussi je passai cette journee mettre mes notes au net mon esprit etait tout entier ses souvenirs du pole nous avions atteint ce point inaccessible sans fatigues sans danger comme si notre wagon flottant eut glisse sur les rails un chemin de fer et maintenant le retour commencait veritablement me reserveraitil encore de pareilles surprises je le pensais tant la serie des merveilles sousmarines est inepuisable cependant depuis cinq mois et demi que le hasard nous avait jetes ce bord nous avions franchi quatorze mille lieues et sur ce parcours plus etendu que equateur terrestre combien incidents ou curieux ou terribles avaient charme notre voyage la chasse dans les forets de crespo echouement du detroit de torres le cimetiere de corail les pecheries de ceylan le tunnel arabique les feux de santorin les millions de la baie du vigo atlantide le pole sud pendant la nuit tous ces souvenirs passant de reve en reve ne laisserent pas mon cerveau sommeiller un instant trois heures du matin je fus reveille par un choc violent je etais redresse sur mon lit et ecoutais au milieu de obscurite quand je fus precipite brusquement au milieu de la chambre evidemment le nautilus donnait une bande considerable apres avoir touche je accotai aux parois et je me trainai par les coursives jusqu au salon qu eclairait le plafond lumineux les meubles etaient renverses heureusement les vitrines solidement saisies par le pied avaient tenu bon les tableaux de tribord sous le deplacement de la verticale se collaient aux tapisseries tandis que ceux de babord en ecartaient un pied par leur bordure inferieure le nautilus etait donc couche sur tribord et de plus completement immobile interieur entendais un bruit de pas des voix confuses mais le capitaine nemo ne parut pas au moment ou allais quitter le salon ned land et conseil entrerent qu atil leur disje aussitot je venais le demander monsieur repondit conseil mille diables ecria le canadien je le sais bien moi le nautilus touche et en juger par la gite qu il donne je ne crois pas qu il en tire comme la premiere fois dans le detroit de torres mais au moins demandaije estil revenu la surface de la mer nous ignorons repondit conseil il est facile de en assurer repondisje je consultai le manometre ma grande surprise il indiquait une profondeur de trois cent soixante metres qu estce que cela veut dire ecriaije il faut interroger le capitaine nemo dit conseil mais ou le trouver demanda ned land suivezmoi disje mes deux compagnons nous quittames le salon dans la bibliotheque personne escalier central au poste de equipage personne je supposai que le capitaine nemo devait etre poste dans la cage du timonnier le mieux etait attendre nous revinmes tous trois au salon je passerai sous silence les recriminations du canadien il avait beau jeu pour emporter je le laissai exhaler sa mauvaise humeur tout son aise sans lui repondre nous etions ainsi depuis vingt minutes cherchant surprendre les moindres bruits qui se produisaient interieur du nautilus quand le capitaine nemo entra il ne sembla pas nous voir sa physionomie habituellement si impassible revelait une certaine inquietude il observa silencieusement la boussole le manometre et vint poser son doigt sur un point du planisphere dans cette partie qui representait les mers australes je ne voulus pas interrompre seulement quelques instants plus tard lorsqu il se tourna vers moi je lui dis en retournant contre lui une expression dont il etait servi au detroit de torres un incident capitaine non monsieur reponditil un accident cette fois grave peutetre le danger estil immediat non le nautilus est echoue oui et cet echouement est venu un caprice de la nature non de imperitie des hommes pas une faute ete commise dans nos manoeuvres toutefois on ne saurait empecher equilibre de produire ses effets on peut braver les lois humaines mais non resister aux lois naturelles singulier moment que choisissait le capitaine nemo pour se livrer cette reflexion philosophique en somme sa reponse ne apprenait rien puisje savoir monsieur lui demandaije quelle est la cause de cet accident un enorme bloc de glace une montagne entiere est retournee me reponditil lorsque les icebergs sont mines leur base par des eaux plus chaudes ou par des chocs reiteres leur centre de gravite remonte alors ils se retournent en grand ils culbutent est ce qui est arrive un de ces blocs en se renversant heurte le nautilus qui flottait sous les eaux puis glissant sous sa coque et le relevant avec une irresistible force il ramene dans des couches moins denses ou il se trouve couche sur le flanc mais ne peuton degager le nautilus en vidant ses reservoirs de maniere le remettre en equilibre est ce qui se fait en ce moment monsieur vous pouvez entendre les pompes fonctionner voyez aiguille du manometre elle indique que le nautilus remonte mais le bloc de glace remonte avec lui et jusqu ce qu un obstacle arrete son mouvement ascensionnel notre position ne sera pas changee en effet le nautilus donnait toujours la meme bande sur tribord sans doute il se redresserait lorsque le bloc arreterait luimeme mais ce moment qui sait si nous aurions pas heurte la partie superieure de la banquise si nous ne serions pas effroyablement presses entre les deux surfaces glacees je reflechissais toutes les consequences de cette situation le capitaine nemo ne cessait observer le manometre le nautilus depuis la chute de iceberg avait remonte de cent cinquante pieds environ mais il faisait toujours le meme angle avec la perpendiculaire soudain un leger mouvement se fit sentir dans la coque evidemment le nautilus se redressait un peu les objets suspendus dans le salon reprenaient sensiblement leur position normale les parois se rapprochaient de la verticalite personne de nous ne parlait le coeur emu nous observions nous sentions le redressement le plancher redevenait horizontal sous nos pieds dix minutes ecoulerent enfin nous sommes droit ecriaije oui dit le capitaine nemo se dirigeant vers la porte du salon mais flotteronsnous lui demandaije certainement reponditil puisque les reservoirs ne sont pas encore vides et que vides le nautilus devra remonter la surface de la mer le capitaine sortit et je vis bientot que par ses ordres on avait arrete la marche ascensionnelle du nautilus en effet il aurait bientot heurte la partie inferieure de la banquise et mieux valait le maintenir entre deux eaux nous avons echappe belle dit alors conseil oui nous pouvions etre ecrases entre ces blocs de glace ou tout au moins emprisonnes et alors faute de pouvoir renouveler air oui nous avons echappe belle si est fini murmura ned land je ne voulus pas entamer avec le canadien une discussion sans utilite et je ne repondis pas ailleurs les panneaux ouvrirent en ce moment et la lumiere exterieure fit irruption travers la vitre degagee nous etions en pleine eau ainsi que je ai dit mais une distance de dix metres sur chaque cote du nautilus elevait une eblouissante muraille de glace audessus et audessous meme muraille audessus parce que la surface inferieure de la banquise se developpait comme un plafond immense audessous parce que le bloc culbute ayant glisse peu peu avait trouve sur les murailles laterales deux points appui qui le maintenaient dans cette position le nautilus etait emprisonne dans un veritable tunnel de glace une largeur de vingt metres environ rempli une eau tranquille il lui etait donc facile en sortir en marchant soit en avant soit en arriere et de reprendre ensuite quelques centaines de metres plus bas un libre passage sous la banquise le plafond lumineux avait ete eteint et cependant le salon resplendissait une lumiere intense est que la puissante reverberation des parois de glace renvoyait violemment les nappes du fanal je ne saurais peindre effet des rayons voltaiques sur ces grands blocs capricieusement decoupes dont chaque angle chaque arete chaque facette jetait une lueur differente suivant la nature des veines qui couraient dans la glace mine eblouissante de gemmes et particulierement de saphirs qui croisaient leurs jets bleus avec le jet vert des emeraudes ca et la des nuances opalines une douceur infinie couraient au milieu de points ardents comme autant de diamants de feu dont oeil ne pouvait soutenir eclat la puissance du fanal etait centuplee comme celle une lampe travers les lames lenticulaires un phare de premier ordre que est beau que est beau ecria conseil oui disje est un admirable spectacle estce pas ned eh mille diables oui riposta ned land est superbe je rage etre force en convenir on jamais rien vu de pareil mais ce spectaclela pourra nous couter cher et il faut tout dire je pense que nous voyons ici des choses que dieu voulu interdire aux regards de homme ned avait raison etait trop beau tout coup un cri de conseil me fit retourner qu atil demandaije que monsieur ferme les yeux que monsieur ne regarde pas conseil ce disant appliquait vivement ses mains sur ses paupieres mais qu astu mon garcon je suis ebloui aveugle mes regards se porterent involontairement vers la vitre mais je ne pus supporter le feu qui la devorait je compris ce qui etait passe le nautilus venait de se mettre en marche grande vitesse tous les eclats tranquilles des murailles de glace etaient alors changes en raies fulgurantes les feux de ces myriades de diamants se confondaient le nautilus emporte par son helice voyageait dans un fourreau eclairs les panneaux du salon se refermerent alors nous tenions nos mains sur nos yeux tout impregnes de ces lueurs concentriques qui flottent devant la retine lorsque les rayons solaires ont trop violemment frappee il fallut un certain temps pour calmer le trouble de nos regards enfin nos mains abaisserent ma foi je ne aurais jamais cru dit conseil et moi je ne le crois pas encore riposta le canadien quand nous reviendrons sur terre ajouta conseil blases sur tant de merveilles de la nature que penseronsnous de ces miserables continents et des petits ouvrages sortis de la main des hommes non le monde habite est plus digne de nous de telles paroles dans la bouche un impassible flamand montrent quel degre ebullition etait monte notre enthousiasme mais le canadien ne manqua pas jeter sa goutte eau froide le monde habite ditil en secouant la tete soyez tranquille ami conseil nous reviendrons pas il etait alors cinq heures du matin en ce moment un choc se produisit avant du nautilus je compris que son eperon venait de heurter un bloc de glace ce devait etre une fausse manoeuvre car ce tunnel sousmarin obstrue de blocs offrait pas une navigation facile je pensai donc que le capitaine nemo modifiant sa route tournerait ces obstacles ou suivrait les sinuosites du tunnel en tout cas la marche en avant ne pouvait etre absolument enrayee toutefois contre mon attente le nautilus prit un mouvement retrograde tresprononce nous revenons en arriere dit conseil oui repondisje il faut que de ce cote le tunnel soit sans issue et alors alors disje la manoeuvre est bien simple nous retournerons sur nos pas et nous sortirons par orifice sud voila tout en parlant ainsi je voulais paraitre plus rassure que je ne etais reellement cependant le mouvement retrograde du nautilus accelerait et marchant contre helice il nous entrainait avec une grande rapidite ce sera un retard dit ned qu importe quelques heures de plus ou de moins pourvu qu on sorte oui repeta ned land pourvu qu on sorte je me promenai pendant quelques instants du salon la bibliotheque mes compagnons assis se taisaient je me jetai bientot sur un divan et je pris un livre que mes yeux parcoururent machinalement un quart heure apres conseil etant approche de moi me dit estce bien interessant ce que lit monsieur tresinteressant repondisje je le crois est le livre de monsieur que lit monsieur mon livre en effet je tenais la main ouvrage des grands fonds sousmarins je ne en doutais meme pas je fermai le livre et repris ma promenade ned et conseil se leverent pour se retirer restez mes amis disje en les retenant restons ensemble jusqu au moment ou nous serons sortis de cette impasse comme il plaira monsieur repondit conseil quelques heures ecoulerent observais souvent les instruments suspendus la paroi du salon le manometre indiquait que le nautilus se maintenait une profondeur constante de trois cents metres la boussole qu il se dirigeait toujours au sud le loch qu il marchait une vitesse de vingt milles heure vitesse excessive dans un espace aussi resserre mais le capitaine nemo savait qu il ne pouvait trop se hater et qu alors les minutes valaient des siecles huit heures vingtcinq un second choc eut lieu arriere cette fois je palis mes compagnons etaient rapproches de moi avais saisi la main de conseil nous nous interrogions du regard et plus directement que si les mots eussent interprete notre pensee en ce moment le capitaine entra dans le salon allai lui la route est barree au sud lui demandaije oui monsieur iceberg en se retournant ferme toute issue nous sommes bloques oui chapitre xvi faute air ainsi autour du nautilus audessus audessous un impenetrable mur de glace nous etions prisonniers de la banquise le canadien avait frappe une table de son formidable poing conseil se taisait je regardai le capitaine sa figure avait repris son impassibilite habituelle il etait croise les bras il reflechissait le nautilus ne bougeait plus le capitaine prit alors la parole messieurs ditil une voix calme il deux manieres de mourir dans les conditions ou nous sommes cet inexplicable personnage avait air un professeur de mathematiques qui fait une demonstration ses eleves la premiere repritil est de mourir ecrases la seconde est de mourir asphyxies je ne parle pas de la possibilite de mourir de faim car les approvisionnements du nautilus dureront certainement plus que nous preoccuponsnous donc des chances ecrasement ou asphyxie quant asphyxie capitaine repondisje elle est pas craindre car nos reservoirs sont pleins juste reprit le capitaine nemo mais ils ne donneront que deux jours air or voila trentesix heures que nous sommes enfouis sous les eaux et deja atmosphere alourdie du nautilus demande etre renouvelee dans quarantehuit heures notre reserve sera epuisee eh bien capitaine soyons delivres avant quarantehuit heures nous le tenterons du moins en percant la muraille qui nous entoure de quel cote demandaije est ce que la sonde nous apprendra je vais echouer le nautilus sur le banc inferieur et mes hommes revetus de scaphandres attaqueront iceberg par sa paroi la moins epaisse peuton ouvrir les panneaux du salon sans inconvenient nous ne marchons plus le capitaine nemo sortit bientot des sifflements apprirent que eau introduisait dans les reservoirs le nautilus abaissa lentement et reposa sur le fond de glace par une profondeur de trois cent cinquante metres profondeur laquelle etait immerge le banc de glace inferieur mes amis disje la situation est grave mais je compte sur votre courage et sur votre energie monsieur me repondit le canadien ce est pas dans ce moment que je vous ennuierai de mes recriminations je suis pret tout faire pour le salut commun bien ned disje en tendant la main au canadien ajouterai repritil qu habile manier le pic comme le harpon si je puis etre utile au capitaine il peut disposer de moi il ne refusera pas votre aide venez ned je conduisis le canadien la chambre ou les hommes du nautilus revetaient leurs scaphandres je fis part au capitaine de la proposition de ned qui fut acceptee le canadien endossa son costume de mer et fut aussitot pret que ses compagnons de travail chacun eux portait sur son dos appareil rouquayrol auquel les reservoirs avaient fourni un large contingent air pur emprunt considerable mais necessaire fait la reserve du nautilus quant aux lampes ruhmkorff elles devenaient inutiles au milieu de ces eaux lumineuses et saturees de rayons electriques lorsque ned fut habille je rentrai dans le salon dont les vitres etaient decouvertes et poste pres de conseil examinai les couches ambiantes qui supportaient le nautilus quelques instants apres nous voyions une douzaine hommes de equipage prendre pied sur le banc de glace et parmi eux ned land reconnaissable sa haute taille le capitaine nemo etait avec eux avant de proceder au creusement des murailles il fit pratiquer des sondages qui devaient assurer la bonne direction des travaux de longues sondes furent enfoncees dans les parois laterales mais apres quinze metres elles etaient encore arretees par epaisse muraille il etait inutile de attaquer la surface plafonnante puisque etait la banquise ellememe qui mesurait plus de quatre cents metres de hauteur le capitaine nemo fit alors sonder la surface inferieure la dix metres de parois nous separaient de eau telle etait epaisseur de cet icefield des lors il agissait en decouper un morceau egal en superficie la ligne de flottaison du nautilus etait environ six mille cinq cents metres cubes detacher afin de creuser un trou par lequel nous descendrions audessous du champ de glace le travail fut immediatement commence et conduit avec une infatigable opiniatrete au lieu de creuser autour du nautilus ce qui eut entraine de plus grandes difficultes le capitaine nemo fit dessiner immense fosse huit metres de sa hanche de babord puis ses hommes la tarauderent simultanement sur plusieurs points de sa circonference bientot le pic attaqua vigoureusement cette matiere compacte et de gros blocs furent detaches de la masse par un curieux effet de pesanteur specifique ces blocs moins lourds que eau envolaient pour ainsi dire la voute du tunnel qui epaississait par le haut de ce dont il diminuait vers le bas mais peu importait du moment que la paroi inferieure amincissait autant apres deux heures un travail energique ned land rentra epuise ses compagnons et lui furent remplaces par de nouveaux travailleurs auxquels nous nous joignimes conseil et moi le second du nautilus nous dirigeait eau me parut singulierement froide mais je me rechauffai promptement en maniant le pic mes mouvements etaient treslibres bien qu ils se produisissent sous une pression de trente atmospheres quand je rentrai apres deux heures de travail pour prendre quelque nourriture et quelque repos je trouvai une notable difference entre le fluide pur que me fournissait appareil rouquayrol et atmosphere du nautilus deja charge acide carbonique air avait pas ete renouvele depuis quarantehuit heures et ses qualites vivifiantes etaient considerablement affaiblies cependant en un laps de douze heures nous avions enleve qu une tranche de glace epaisse un metre sur la superficie dessinee soit environ six cents metres cubes en admettant que le meme travail fut accompli par douze heures il fallait encore cinq nuits et quatre jours pour mener bonne fin cette entreprise cinq nuits et quatre jours disje mes compagnons et nous avons que pour deux jours air dans les reservoirs sans compter repliqua ned qu une fois sortis de cette damnee prison nous serons encore emprisonnes sous la banquise et sans communication possible avec atmosphere reflexion juste qui pouvait alors prevoir le minimum de temps necessaire notre delivrance asphyxie ne nous auraitelle pas etouffes avant que le nautilus eut pu revenir la surface des flots etaitil destine perir dans ce tombeau de glace avec tous ceux qu il renfermait la situation paraissait terrible mais chacun avait envisagee en face et tous etaient decides faire leur devoir jusqu au bout les murailles laterales se rapprochaient peu peu suivant mes previsions pendant la nuit une nouvelle tranche un metre fut enlevee immense alveole mais le matin quand revetu de mon scaphandre je parcourus la masse liquide par une temperature de six sept degres audessous de zero je remarquai que les murailles laterales se rapprochaient peu peu les couches eau eloignees de la fosse que echauffaient pas le travail des hommes et le jeu des outils marquaient une tendance se solidifier en presence de ce nouveau et imminent danger que devenaient nos chances de salut et comment empecher la solidification de ce milieu liquide qui eut fait eclater comme du verre les parois du nautilus je ne fis point connaitre ce nouveau danger mes deux compagnons quoi bon risquer abattre cette energie qu ils employaient au penible travail du sauvetage mais lorsque je fus revenu bord je fis observer au capitaine nemo cette grave complication je le sais me ditil de ce ton calme que ne pouvaient modifier les plus terribles conjonctures est un danger de plus mais je ne vois aucun moyen parer la seule chance de salut est aller plus vite que la solidification il agit arriver premiers voila tout arriver premiers enfin aurais du etre habitue ces facons de parler cette journee pendant plusieurs heures je maniai le pic avec opiniatrete ce travail me soutenait ailleurs travailler etait quitter le nautilus etait respirer directement cet air pur emprunte aux reservoirs et fourni par les appareils etait abandonner une atmosphere appauvrie et viciee vers le soir la fosse etait encore creusee un metre quand je rentrai bord je faillis etre asphyxie par acide carbonique dont air etait sature ah que avionsnous les moyens chimiques qui eussent permis de chasser ce gaz deletere oxygene ne nous manquait pas toute cette eau en contenait une quantite considerable et en la decomposant par nos puissantes piles elle nous eut restitue le fluide vivifiant avais bien songe mais quoi bon puisque acide carbonique produit de notre respiration avait envahi toutes les parties du navire pour absorber il eut fallu remplir des recipients de potasse caustique et les agiter incessamment or cette matiere manquait bord et rien ne la pouvait remplacer ce soirla le capitaine nemo dut ouvrir les robinets de ses reservoirs et lancer quelques colonnes air pur interieur du nautilus sans cette precaution nous ne nous serions pas reveilles le lendemain mars je repris mon travail de mineur en entamant le cinquieme metre les parois laterales et la surface inferieure de la banquise epaississaient visiblement il etait evident qu elles se rejoindraient avant que le nautilus fut parvenu se degager le desespoir me prit un instant mon pic fut pres de echapper de mes mains quoi bon creuser si je devais perir etouffe ecrase par cette eau qui se faisait pierre un supplice que la ferocite des sauvages eut pas meme invente il me semblait que etais entre les formidables machoires un monstre qui se rapprochaient irresistiblement en ce moment le capitaine nemo dirigeant le travail travaillant luimeme passa pres de moi je le touchai de la main et lui montrai les parois de notre prison la muraille de tribord etait avancee moins de quatre metres de la coque du nautilus le capitaine me comprit et me fit signe de le suivre nous rentrames bord mon scaphandre ote je accompagnai dans le salon monsieur aronnax me ditil il faut tenter quelque heroique moyen ou nous allons etre scelles dans cette eau solidifiee comme dans du ciment oui disje mais que faire ah ecriatil si mon nautilus etait assez fort pour supporter cette pression sans en etre ecrase eh bien demandaije ne saisissant pas idee du capitaine ne comprenezvous pas repritil que cette congelation de eau nous viendrait en aide ne voyezvous pas que par sa solidification elle ferait eclater ces champs de glace qui nous emprisonnent comme elle fait en se gelant eclater les pierres les plus dures ne sentezvous pas qu elle serait un agent de salut au lieu etre un agent de destruction oui capitaine peutetre mais quelque resistance ecrasement que possede le nautilus il ne pourrait supporter cette epouvantable pression et aplatirait comme une feuille de tole je le sais monsieur il ne faut donc pas compter sur les secours de la nature mais sur nousmemes il faut opposer cette solidification il faut enrayer non seulement les parois laterales se resserrent mais il ne reste pas dix pieds eau avant ou arriere du nautilus la congelation nous gagne de tous les cotes combien de temps demandaije air des reservoirs nous permettratil de respirer bord le capitaine me regarda en face apresdemain ditil les reservoirs seront vides une sueur froide envahit et cependant devaisje etonner de cette reponse le mars le nautilus etait plonge sous les eaux libres du pole nous etions au depuis cinq jours nous vivions sur les reserves du bord et ce qui restait air respirable il fallait le conserver aux travailleurs au moment ou ecris ces choses mon impression est tellement vive encore qu une terreur involontaire empare de tout mon etre et que air semble manquer mes poumons cependant le capitaine nemo reflechissait silencieux immobile visiblement une idee lui traversait esprit mais il paraissait la repousser il se repondait negativement luimeme enfin ces mots echapperent de ses levres eau bouillante murmuratil eau bouillante ecriaije oui monsieur nous sommes renfermes dans un espace relativement restreint estce que des jets eau bouillante constamment injectee par les pompes du nautilus eleveraient pas la temperature de ce milieu et ne retarderaient pas sa congelation il faut essayer disje resolument essayons monsieur le professeur le thermometre marquait alors moins sept degres exterieur le capitaine nemo me conduisit aux cuisines ou fonctionnaient de vastes appareils distillatoires qui fournissaient eau potable par evaporation ils se chargerent eau et toute la chaleur electrique des piles fut lancee travers les serpentins baignes par le liquide en quelques minutes cette eau avait atteint cent degres elle fut dirigee vers les pompes pendant qu une eau nouvelle la remplacait au fur et mesure la chaleur developpee par les piles etait telle que eau froide puisee la mer apres avoir seulement traverse les appareils arrivait bouillante aux corps de pompe injection commenca et trois heures apres le thermometre marquait exterieurement six degres audessous de zero etait un degre de gagne deux heures plus tard le thermometre en marquait que quatre nous reussirons disje au capitaine apres avoir suivi et controle par de nombreuses remarques les progres de operation je le pense me reponditil nous ne serons pas ecrases nous avons plus que asphyxie craindre pendant la nuit la temperature de eau remonta un degre audessous de zero les injections ne purent la porter un point plus eleve mais comme la congelation de eau de mer ne se produit qu moins deux degres je fus enfin rassure contre les dangers de la solidification le lendemain mars six metres de glace avaient ete arraches de alveole quatre metres seulement restaient enlever etaient encore quarantehuit heures de travail air ne pouvait plus etre renouvele interieur du nautilus aussi cette journee allatelle toujours en empirant une lourdeur intolerable accabla vers trois heures du soir ce sentiment angoisse fut porte en moi un degre violent des baillements me disloquaient les machoires mes poumons haletaient en cherchant ce fluide comburant indispensable la respiration et qui se rarefiait de plus en plus une torpeur morale empara de moi etais etendu sans force presque sans connaissance mon brave conseil pris des memes symptomes souffrant des memes souffrances ne me quittait plus il me prenait la main il encourageait et je entendais encore murmurer ah si je pouvais ne pas respirer pour laisser plus air monsieur les larmes me venaient aux yeux de entendre parler ainsi si notre situation tous etait intolerable interieur avec quelle hate avec quel bonheur nous revetions nos scaphandres pour travailler notre tour les pics resonnaient sur la couche glacee les bras se fatiguaient les mains ecorchaient mais qu etaient ces fatigues qu importaient ces blessures air vital arrivait aux poumons on respirait on respirait et cependant personne ne prolongeait audela du temps voulu son travail sous les eaux sa tache accomplie chacun remettait ses compagnons haletants le reservoir qui devait lui verser la vie le capitaine nemo donnait exemple et se soumettait le premier cette severe discipline heure arrivait il cedait son appareil un autre et rentrait dans atmosphere viciee du bord toujours calme sans une defaillance sans un murmure ce jourla le travail habituel fut accompli avec plus de vigueur encore deux metres seulement restaient enlever sur toute la superficie deux metres seulement nous separaient de la mer libre mais les reservoirs etaient presque vides air le peu qui restait devait etre conserve aux travailleurs pas un atome pour le nautilus lorsque je rentrai bord je fus demi suffoque quelle nuit je ne saurais la peindre de telles souffrances ne peuvent etre decrites le lendemain ma respiration etait oppressee aux douleurs de tete se melaient etourdissants vertiges qui faisaient de moi un homme ivre mes compagnons eprouvaient les memes symptomes quelques hommes de equipage ralaient ce jourla le sixieme de notre emprisonnement le capitaine nemo trouvant trop lents la pioche et le pic resolut ecraser la couche de glaces qui nous separait encore de la nappe liquide cet homme avait conserve son sangfroid et son energie il domptait par sa force morale les douleurs physiques il pensait il combinait il agissait apres son ordre le batiment fut soulage estadire souleve de la couche glacee par un changement de pesanteur specifique lorsqu il flotta on le hala de maniere amener audessus de immense fosse dessinee suivant sa ligne de flottaison puis ses reservoirs eau emplissant il descendit et emboita dans alveole en ce moment tout equipage rentra bord et la double porte de communication fut fermee le nautilus reposait alors sur la couche de glace qui avait pas un metre epaisseur et que les sondes avaient trouee en mille endroits les robinets des reservoirs furent alors ouverts en grand et cent metres cubes eau precipiterent accroissant de cent mille kilogrammes le poids du nautilus nous attendions nous ecoutions oubliant nos souffrances esperant encore nous jouions notre salut sur un dernier coup malgre les bourdonnements qui emplissaient ma tete entendis bientot des fremissements sous la coque du nautilus un denivellement se produisit la glace craqua avec un fracas singulier pareil celui du papier qui se dechire et le nautilus abaissa nous passons murmura conseil mon oreille je ne pus lui repondre je saisis sa main je la pressai dans une convulsion involontaire toutacoup emporte par son effroyable surcharge le nautilus enfonca comme un boulet sous les eaux estadire qu il tomba comme il eut fait dans le vide alors toute la force electrique fut mise sur les pompes qui aussitot commencerent chasser eau des reservoirs apres quelques minutes notre chute fut enrayee bientot meme le manometre indiqua un mouvement ascensionnel helice marchant toute vitesse fit tressaillir la coque de tole jusque dans ses boulons et nous entraina vers le nord mais que devait durer cette navigation sous la banquise jusqu la mer libre un jour encore je serais mort avant demi etendu sur un divan de la bibliotheque je suffoquais ma face etait violette mes levres bleues mes facultes suspendues je ne voyais plus je entendais plus la notion du temps avait disparu de mon esprit mes muscles ne pouvaient se contracter etendu sur un divan les heures qui ecoulerent ainsi je ne saurais les evaluer mais eus la conscience de mon agonie qui commencait je compris que allais mourir soudain je revins moi quelques bouffees air penetraient dans mes poumons etionsnous remontes la surface des flots avionsnous franchi la banquise non etaient ned et conseil mes deux braves amis qui se sacrifiaient pour me sauver quelques atomes air restaient encore au fond un appareil au lieu de le respirer ils avaient consacre pour moi et tandis qu ils suffoquaient ils me versaient la vie goutte goutte je voulus repousser appareil ils me tinrent les mains et pendant quelques instants je respirai avec volupte mes regards se porterent vers horloge il etait onze heures du matin nous devions etre au mars le nautilus marchait avec une vitesse effrayante de quarante milles heure il se tordait dans les eaux ou etait le capitaine nemo avaitil succombe ses compagnons etaientils morts avec lui en ce moment le manometre indiqua que nous etions plus qu vingt pieds de la surface un simple champ de glace nous separait de atmosphere ne pouvaiton le briser peutetre en tout cas le nautilus allait le tenter je sentis en effet qu il prenait une position oblique abaissant son arriere et relevant son eperon une introduction eau avait suffi pour rompre son equilibre puis pousse par sa puissante helice il attaqua icefield par en dessous comme un formidable belier il le crevait peu peu se retirait donnait toute vitesse contre le champ qui se dechirait et enfin emporte par un elan supreme il elanca sur la surface glacee qu il ecrasa de son poids le panneau fut ouvert on pourrait dire arrache et air pur introduisit flots dans toutes les parties du nautilus chapitre xvii du cap horn amazone comment etaisje sur la plateforme je ne saurais le dire peutetre le canadien avaitil transporte mais je respirais je humais air vivifiant de la mer mes deux compagnons enivraient pres de moi de ces fraiches molecules les malheureux trop longtemps prives de nourriture ne peuvent se jeter inconsiderement sur les premiers aliments qu on leur presente nous au contraire nous avions pas nous moderer nous pouvions aspirer pleins poumons les atomes de cette atmosphere et etait la brise la brise ellememe qui nous versait cette voluptueuse ivresse je respirais ah faisait conseil que est bon oxygene que monsieur ne craigne pas de respirer il en pour tout le monde quant ned land il ne parlait pas mais il ouvrait des machoires effrayer un requin et quelles puissantes aspirations le canadien tirait comme un poele en pleine combustion les forces nous revinrent promptement et lorsque je regardai autour de moi je vis que nous etions seuls sur la plateforme aucun homme de equipage pas meme le capitaine nemo les etranges marins du nautilus se contentaient de air qui circulait interieur aucun etait venu se delecter en pleine atmosphere les premieres paroles que je prononcai furent des paroles de remerciements et de gratitude pour mes deux compagnons ned et conseil avaient prolonge mon existence pendant les dernieres heures de cette longue agonie toute ma reconnaissance ne pouvait payer trop un tel devouement bon monsieur le professeur me repondit ned land cela ne vaut pas la peine en parler quel merite avonsnous eu cela aucun ce etait qu une question arithmetique votre existence valait plus que la notre donc il fallait la conserver non ned repondisje elle ne valait pas plus personne est superieur un homme genereux et bon et vous etes est bien est bien repetait le canadien embarrasse et toi mon brave conseil tu as bien souffert mais pas trop pour tout dire monsieur il me manquait bien quelques gorgees air mais je crois que je serais fait ailleurs je regardais monsieur qui se pamait et cela ne me donnait pas la moindre envie de respirer cela me coupait comme on dit le respir conseil confus de etre jete dans la banalite acheva pas mes amis repondisje vivement emu nous sommes lies les uns aux autres pour jamais et vous avez sur moi des droits dont abuserai riposta le canadien hein fit conseil oui reprit ned land le droit de vous entrainer avec moi quand je quitterai cet infernal nautilus au fait dit conseil allonsnous du bon cote oui repondisje puisque nous allons du cote du soleil et ici le soleil est le nord sans doute reprit ned land mais il reste savoir si nous rallions le pacifique ou atlantique estadire les mers frequentees ou desertes cela je ne pouvais repondre et je craignais que le capitaine nemo ne nous ramenat plutot vers ce vaste ocean qui baigne la fois les cotes de asie et de amerique il completerait ainsi son tour du monde sousmarin et reviendrait vers ces mers ou le nautilus trouvait la plus entiere independance mais si nous retournions au pacifique loin de toute terre habitee que devenaient les projets de ned land nous devions avant peu etre fixes sur ce point important le nautilus marchait rapidement le cercle polaire fut bientot franchi et le cap mis sur le promontoire de horn nous etions par le travers de la pointe americaine le mars sept heures du soir alors toutes nos souffrances passees etaient oubliees le souvenir de cet emprisonnement dans les glaces effacait de notre esprit nous ne songions qu avenir le capitaine nemo ne paraissait plus ni dans le salon ni sur la plateforme le point reporte chaque jour sur le planisphere et fait par le second me permettait de relever la direction exacte du nautilus or ce soirla il devint evident ma grande satisfaction que nous revenions au nord par la route de atlantique appris au canadien et conseil le resultat de mes observations bonne nouvelle repondit le canadien mais ou va le nautilus je ne saurais le dire ned son capitaine voudraitil apres le pole sud affronter le pole nord et revenir au pacifique par le fameux passage du nordouest il ne faudrait pas en defier repondit conseil eh bien dit le canadien nous lui fausserons compagnie auparavant en tout cas ajouta conseil est un maitre homme que ce capitaine nemo et nous ne regretterons pas de avoir connu surtout quand nous aurons quitte riposta ned land le lendemain premier avril lorsque le nautilus remonta la surface des flots quelques minutes avant midi nous eumes connaissance une cote ouest etait la terre du feu laquelle les premiers navigateurs donnerent ce nom en voyant les fumees nombreuses qui elevaient des huttes indigenes cette terre du feu forme une vaste agglomeration iles qui etend sur trente lieues de long et quatrevingts lieues de large entre deg et deg de latitude australe et deg et deg de longitude ouest la cote me parut basse mais au loin se dressaient de hautes montagnes je crus meme entrevoir le mont sarmiento eleve de deux mille soixantedix metres audessus du niveau de la mer bloc pyramidal de schiste sommet tresaigu qui suivant qu il est voile ou degage de vapeurs annonce le beau ou le mauvais temps me dit ned land un fameux barometre mon ami oui monsieur un barometre naturel qui ne jamais trompe quand je naviguais dans les passes du detroit de magellan en ce moment ce pic nous parut nettement decoupe sur le fond du ciel etait un presage de beau temps il se realisa le nautilus rentre sous les eaux se rapprocha de la cote qu il prolongea quelques milles seulement par les vitres du salon je vis de longues lianes et des fucus gigantesques ces varechs portepoires dont la mer libre du pole renfermait quelques echantillons avec leurs filaments visqueux et polis ils mesuraient jusqu trois cents metres de longueur veritables cables plus gros que le pouce tresresistants ils servent souvent amarres aux navires une autre herbe connue sous le nom de velp feuilles longues de quatre pieds empatees dans les concretions coralligenes tapissait les fonds elle servait de nid et de nourriture des myriades de crustaces et de mollusques des crabes des seiches la les phoques et les loutres se livraient de splendides repas melangeant la chair du poisson et les legumes de la mer suivant la methode anglaise sur ces fonds gras et luxuriants le nautilus passait avec une extreme rapidite vers le soir il se rapprocha de archipel des malouines dont je pus le lendemain reconnaitre les apres sommets la profondeur de la mer etait mediocre je pensai donc non sans raison que ces deux iles entourees un grand nombre ilots faisaient autrefois partie des terres magellaniques les malouines furent probablement decouvertes par le celebre john davis qui leur imposa le nom de davissouthern islands plus tard richard hawkins les appela maidenislands iles de la vierge elles furent ensuite nommees malouines au commencement du dixhuitieme siecle par des pecheurs de saintmalo et enfin falkland par les anglais auxquels elles appartiennent aujourd hui sur ces parages nos filets rapporterent de beaux specimens algues et particulierement un certain fucus dont les racines etaient chargees de moules qui sont les meilleures du monde des oies et des canards abattirent par douzaines sur la plateforme et prirent place bientot dans les offices du bord en fait de poissons observai specialement des osseux appartenant au genre gobie et surtout des boulerots longs de deux decimetres tout parsemes de taches blanchatres et jaunes admirai egalement de nombreuses meduses et les plus belles du genre les chrysaores particulieres aux mers des malouines tantot elles figuraient une ombrelle demispherique tres lisse rayee de lignes un rouge brun et terminee par douze festons reguliers tantot etait une corbeille renversee ou echappaient gracieusement de larges feuilles et de longues ramilles rouges elles nageaient en agitant leurs quatre bras foliaces et laissaient pendre la derive leur opulente chevelure de tentacules aurais voulu conserver quelques echantillons de ces delicats zoophytes mais ce ne sont que des nuages des ombres des apparences qui fondent et evaporent hors de leur element natal lorsque les dernieres hauteurs des malouines eurent disparu sous horizon le nautilus immergea entre vingt et vingtcinq metres et suivit la cote americaine le capitaine nemo ne se montrait pas jusqu au avril nous ne quittames pas les parages de la patagonie tantot sous ocean tantot sa surface le nautilus depassa le large estuaire forme par embouchure de la plata et se trouva le avril par le travers de uruguay mais cinquante milles au large sa direction se maintenait au nord et il suivait les longues sinuosites de amerique meridionale nous avions fait alors seize mille lieues depuis notre embarquement dans les mers du japon vers onze heures du matin le tropique du capricorne fut coupe sur le trenteseptieme meridien et nous passames au large du cap frio le capitaine nemo au grand deplaisir de ned land aimait pas le voisinage de ces cotes habitees du bresil car il marchait avec une vitesse vertigineuse pas un poisson pas un oiseau des plus rapides qui soient ne pouvaient nous suivre et les curiosites naturelles de ces mers echapperent toute observation cette rapidite se soutint pendant plusieurs jours et le avril au soir nous avions connaissance de la pointe la plus orientale de amerique du sud qui forme le cap san roque mais alors le nautilus ecarta de nouveau et il alla chercher de plus grandes profondeurs une vallee sousmarine qui se creuse entre ce cap et sierra leone sur la cote africaine cette vallee se bifurque la hauteur des antilles et se termine au nord par une enorme depression de neuf mille metres en cet endroit la coupe geologique de ocean figure jusqu aux petites antilles une falaise de six kilometres taillee pic et la hauteur des iles du cap vert une autre muraille non moins considerable qui enferment ainsi tout le continent immerge de atlantide le fond de cette immense vallee est accidente de quelques montagnes qui menagent de pittoresques aspects ces fonds sousmarins en parle surtout apres les cartes manuscrites que contenait la bibliotheque du nautilus cartes evidemment dues la main du capitaine nemo et levees sur ses observations personnelles pendant deux jours ces eaux desertes et profondes furent visitees au moyen des plans inclines le nautilus fournissait de longues bordees diagonales qui le portaient toutes les hauteurs mais le avril il se releva subitement et la terre nous reapparut ouvert du fleuve des amazones vaste estuaire dont le debit est si considerable qu il dessale la mer sur un espace de plusieurs lieues equateur etait coupe vingt milles dans ouest restaient les guyanes une terre francaise sur laquelle nous eussions trouve un facile refuge mais le vent soufflait en grande brise et les lames furieuses auraient pas permis un simple canot de les affronter ned land le comprit sans doute car il ne me parla de rien de mon cote je ne fis aucune allusion ses projets de fuite car je ne voulais pas le pousser quelque tentative qui eut infailliblement avorte je me dedommageai facilement de ce retard par interessantes etudes pendant ces deux journees des et avril le nautilus ne quitta pas la surface de la mer et son chalut lui ramena toute une peche miraculeuse en zoophytes en poissons et en reptiles quelques zoophytes avaient ete dragues par la chaine des chaluts etaient pour la plupart de belles phyctallines appartenant la famille des actinidiens et entre autres especes le phyctalis protexta originaire de cette partie de ocean petit tronc cylindrique agremente de lignes verticales et tachete de points rouges que couronne un merveilleux epanouissement de tentacules quant aux mollusques ils consistaient en produits que avais deja observes des turritelles des olivesporphyres lignes regulierement entrecroisees dont les taches rousses se relevaient vivement sur un fond de chair des pteroceres fantaisistes semblables des scorpions petrifies des hyales translucides des argonautes des seiches excellentes manger et certaines especes de calmars que les naturalistes de antiquite classaient parmi les poissonsvolants et qui servent principalement appat pour la peche de la morue des poissons de ces parages que je avais pas encore eu occasion etudier je notai diverses especes parmi les cartilagineux des petromizonspricka sortes anguilles longues de quinze pouces tete verdatre nageoires violettes dos gris bleuatre ventre brun argente seme de taches vives iris des yeux cercle or curieux animaux que le courant de amazone avait du entrainer jusqu en mer car ils habitent les eaux douces des raies tuberculees museau pointu queue longue et deliee armees un long aiguillon dentele de petits squales un metre gris et blanchatres de peau dont les dents disposees sur plusieurs rangs se recourbent en arriere et qui sont vulgairement connus sous le nom de pantouffliers des lophiesvespertillions sortes de triangles isoceles rougeatres un demimetre auxquels les pectorales tiennent par des prolongations charnues qui leur donnent aspect de chauvessouris mais que leur appendice corne situe pres des narines fait surnommer licornes de mer enfin quelques especes de balistes le curassavien dont les flancs pointilles brillent une eclatante couleur or et le caprisque violet clair nuances chatoyantes comme la gorge un pigeon je termine la cette nomenclature un peu seche mais tres exacte par la serie des poissons osseux que observai passans appartenant au genre des apleronotes dont le museau est tresobtus et blanc de neige le corps peint un beau noir et qui sont munis une laniere charnue treslongue et tresdeliee odontagnathes aiguillonnes longues sardines de trois decimetres resplendissant un vif eclat argente scombresguares pourvus de deux nageoires anales centronotesnegres teintes noires que on peche avec des brandons longs poissons de deux metres chair grasse blanche ferme qui frais ont le gout de anguille et secs le gout du saumon fume labres demirouges revetus ecailles seulement la base des nageoires dorsales et anales chrysopteres sur lesquels or et argent melent leur eclat ceux du rubis et de la topaze sparesqueuesd or dont la chair est extremement delicate et que leurs proprietes phosphorescentes trahissent au milieu des eaux sparespobs langue fine teintes orange scienescoro caudales or acanthuresnoirauds anableps de surinam etc cet et coetera ne saurait empecher de citer encore un poisson dont conseil se souviendra longtemps et pour cause un de nos filets avait rapporte une sorte de raie tresaplatie qui la queue coupee eut forme un disque parfait et qui pesait une vingtaine de kilogrammes elle etait blanche en dessous rougeatre en dessus avec de grandes taches rondes un bleu fonce et cerclees de noir tres lisse de peau et terminee par une nageoire bilobee etendue sur la plateforme elle se debattait essayait de se retourner par des mouvements convulsifs et faisait tant efforts qu un dernier soubresaut allait la precipiter la mer mais conseil qui tenait son poisson se precipita sur lui et avant que je ne pusse en empecher il le saisit deux mains aussitot le voila renverse les jambes en air paralyse une moitie du corps et criant aussitot voila conseil renverse ah mon maitre mon maitre venez moi etait la premiere fois que le pauvre garcon ne me parlait pas la troisieme personne le canadien et moi nous avions releve nous le frictionnions bras raccourcis et quand il reprit ses sens cet eternel classificateur murmura une voix entrecoupee classe des cartilagineux ordre des chondropterygiens branchies fixes sousordre des selaciens famille des raies genre des torpilles oui mon ami repondisje est une torpille qui mis dans ce deplorable etat ah monsieur peut en croire riposta conseil mais je me vengerai de cet animal et comment en le mangeant ce qu il fit le soir meme mais par pure represaille car franchement etait coriace infortune conseil etait attaque une torpille de la plus dangereuse espece la cumana ce bizarre animal dans un milieu conducteur tel que eau foudroie les poissons plusieurs metres de distance tant est grande la puissance de son organe electrique dont les deux surfaces principales ne mesurent pas moins de vingtsept pieds carres le lendemain avril pendant la journee le nautilus approcha de la cote hollandaise vers embouchure du maroni la vivaient en famille plusieurs groupes de lamantins etaient des manates qui comme le dugong et le stellere appartiennent ordre des syreniens ces beaux animaux paisibles et inoffensifs longs de six sept metres devaient peser au moins quatre mille kilogrammes appris ned land et conseil que la prevoyante nature avait assigne ces mammiferes un role important ce sont eux en effet qui comme les phoques doivent paitre les prairies sousmarines et detruire ainsi les agglomerations herbes qui obstruent embouchure des fleuves tropicaux la vivaient en famille des groupes et savezvous ajoutaije ce qui est produit depuis que les hommes ont presque entierement aneanti ces races utiles est que les herbes putrefiees ont empoisonne air et air empoisonne est la fievre jaune qui desole ces admirables contrees les vegetations veneneuses se sont multipliees sous ces mers torrides et le mal est irresistiblement developpe depuis embouchure du rio de la plata jusqu aux florides et il faut en croire toussenel ce fleau est rien encore aupres de celui qui frappera nos descendants lorsque les mers seront depeuplees de baleines et de phoques alors encombrees de poulpes de meduses de calmars elles deviendront de vastes foyers infection puisque leurs flots ne possederont plus ces vastes estomacs que dieu avait charges ecumer la surface des mers cependant sans dedaigner ces theories equipage du nautilus empara une demidouzaine de manates il agissait en effet approvisionner les cambuses une chair excellente superieure celle du boeuf et du veau cette chasse ne fut pas interessante les manates se laissaient frapper sans se defendre plusieurs milliers de kilos de viande destinee etre sechee furent emmagasines bord ce jourla une peche singulierement pratiquee vint encore accroitre les reserves du nautilus tant ces mers se montraient giboyeuses le chalut avait rapporte dans ses mailles un certain nombre de poissons dont la tete se terminait par une plaque ovale rebords charnus etaient des echeneides de la troisieme famille des malacopterygiens subbrachiens leur disque aplati se compose de lames cartilagineuses transversales mobiles entre lesquelles animal peut operer le vide ce qui lui permet adherer aux objets la facon une ventouse le remora que avais observe dans la mediterranee appartient cette espece mais celui dont il agit ici etait echeneide osteochere particulier cette mer nos marins mesure qu ils les prenaient les deposaient dans des bailles pleines eau la peche terminee le nautilus se rapprocha de la cote en cet endroit un certain nombre de tortues marines dormaient la surface des flots il eut ete difficile de emparer de ces precieux reptiles car le moindre bruit les eveille et leur solide carapace est epreuve du harpon mais echeneide devait operer cette capture avec une surete et une precision extraordinaires cet animal en effet est un hamecon vivant qui ferait le bonheur et la fortune du naif pecheur la ligne les hommes du nautilus attacherent la queue de ces poissons un anneau assez large pour ne pas gener leurs mouvements et cet anneau une longue corde amarree bord par autre bout les echeneides jetes la mer commencerent aussitot leur role et allerent se fixer au plastron des tortues leur tenacite etait telle qu ils se fussent dechires plutot que de lacher prise on les halait bord et avec eux les tortues auxquelles ils adheraient on prit ainsi plusieurs cacouannes larges un metre qui pesaient deux cents kilos leur carapace couverte de plaques cornees grandes minces transparentes brunes avec mouchetures blanches et jaunes les rendaient tresprecieuses en outre elles etaient excellentes au point de vue comestible ainsi que les tortues franches qui sont un gout exquis cette peche termina notre sejour sur les parages de amazone et la nuit venue le nautilus regagna la haute mer chapitre xviii les poulpes pendant quelques jours le nautilus ecarta constamment de la cote americaine il ne voulait pas evidemment frequenter les flots du golfe du mexique ou de la mer des antilles cependant eau eut pas manque sous sa quille puisque la profondeur moyenne de ces mers est de dixhuit cents metres mais probablement ces parages semes iles et sillonnes de steamers ne convenaient pas au capitaine nemo le avril nous eumes connaissance de la martinique et de la guadeloupe une distance de trente milles environ apercus un instant leurs pitons eleves le canadien qui comptait mettre ses projets execution dans le golfe soit en gagnant une terre soit en accostant un des nombreux bateaux qui font le cabotage une ile autre fut tresdecontenance la fuite eut ete tres praticable si ned land fut parvenu emparer du canot insu du capitaine mais en plein ocean il ne fallait plus songer le canadien conseil et moi nous eumes une assez longue conversation ce sujet depuis six mois nous etions prisonniers bord du nautilus nous avions fait dixsept mille lieues et comme le disait ned land il avait pas de raison pour que cela finit il me fit donc une proposition laquelle je ne attendais pas ce fut de poser categoriquement cette question au capitaine nemo le capitaine comptaitil nous garder indefiniment son bord une semblable demarche me repugnait suivant moi elle ne pouvait aboutir il ne fallait rien esperer du commandant du nautilus mais tout de nous seuls ailleurs depuis quelque temps cet homme devenait plus sombre plus retire moins sociable il paraissait eviter je ne le rencontrais qu de rares intervalles autrefois il se plaisait expliquer les merveilles sousmarines maintenant il abandonnait mes etudes et ne venait plus au salon quel changement etait opere en lui pour quelle cause je avais rien me reprocher peutetre notre presence bord lui pesaitelle cependant je ne devais pas esperer qu il fut homme nous rendre la liberte je priai donc ned de me laisser reflechir avant agir si cette demarche obtenait aucun resultat elle pouvait raviver ses soupcons rendre notre situation penible et nuire aux projets du canadien ajouterai que je ne pouvais en aucune facon arguer de notre sante si on excepte la rude epreuve de la banquise du pole sud nous ne nous etions jamais mieux portes ni ned ni conseil ni moi cette nourriture saine cette atmosphere salubre cette regularite existence cette uniformite de temperature ne donnaient pas prise aux maladies et pour un homme auquel les souvenirs de la terre ne laissaient aucun regret pour un capitaine nemo qui est chez lui qui va ou il veut qui par des voies mysterieuses pour les autres non pour luimeme marche son but je comprenais une telle existence mais nous nous avions pas rompu avec humanite pour mon compte je ne voulais pas ensevelir avec moi mes etudes si curieuses et si nouvelles avais maintenant le droit ecrire le vrai livre de la mer et ce livre je voulais que plus tot que plus tard il put voir le jour la encore dans ces eaux des antilles dix metres audessous de la surface des flots par les panneaux ouverts que de produits interessants eus signaler sur mes notes quotidiennes etaient entre autres zoophytes des galeres connues sous le nom de physaliespelagiques sortes de grosses vessies oblongues reflets nacres tendant leur membrane au vent et laissant flotter leurs tentacules bleues comme des fils de soie charmantes meduses oeil veritables orties au toucher qui distillent un liquide corrosif etaient parmi les articules des annelides longs un metre et demi armes une trompe rose et pourvus de dixsept cents organes locomoteurs qui serpentaient sous les eaux et jetaient en passant toutes les lueurs du spectre solaire etaient dans embranchement des poissons des raiesmolubars enormes cartilagineux longs de dix pieds et pesant six cents livres la nageoire pectorale triangulaire le milieu du dos un peu bombe les yeux fixes aux extremites de la face anterieure de la tete et qui flottant comme une epave de navire appliquaient parfois comme un opaque volet sur notre vitre etaient des balistes americains pour lesquels la nature broye que du blanc et du noir des gobies plumiers allonges et charnus aux nageoires jaunes la machoire proeminente des scombres de seize decimetres dents courtes et aigues couverts de petites ecailles appartenant espece des albicores puis par nuees apparaissent des surmulets corsetes de raies or de la tete la queue agitant leurs resplendissantes nageoires veritables chefsd oeuvre de bijouterie consacres autrefois diane particulierement recherches des riches romains et dont le proverbe disait ne les mange pas qui les prend enfin des pomacanthesdores ornes de bandelettes emeraude habilles de velours et de soie passaient devant nos yeux comme des seigneurs de veronese des spareseperonnes se derobaient sous leur rapide nageoire thoracine des clupanodons de quinze pouces enveloppaient de leurs lueurs phosphorescentes des muges battaient la mer de leur grosse queue charnue des coregones rouges semblaient faucher les flots avec leur pectorale tranchante et des selenes argentees dignes de leur nom se levaient sur horizon des eaux comme autant de lunes aux reflets blanchatres que autres echantillons merveilleux et nouveaux eusse encore observes si le nautilus ne se fut peu peu abaisse vers les couches profondes ses plans inclines entrainerent jusqu des fonds de deux mille et trois mille cinq cents metres alors la vie animale etait plus representee que par des encrines des etoiles de mer de charmantes pentacrines tete de meduse dont la tige droite supportait un petit calice des troques des quenottes sanglantes et des fissurelles mollusques littoraux de grande espece le avril nous etions remontes une hauteur moyenne de quinze cents metres la terre la plus rapprochee etait alors cet archipel des iles lucayes disseminees comme un tas de paves la surface des eaux la elevaient de hautes falaises sousmarines murailles droites faites de blocs frustes disposes par larges assises entre lesquels se creusaient des trous noirs que nos rayons electriques eclairaient pas jusqu au fond ces roches etaient tapisses de grandes herbes de laminaires geants de fucus gigantesques un veritable espalier hydrophytes digne un monde de titans de ces plantes colossales dont nous parlions conseil ned et moi nous fumes naturellement amenes citer les animaux gigantesques de la mer les unes sont evidemment destinees la nourriture des autres cependant par les vitres du nautilus presque immobile je apercevais encore sur ces longs filaments que les principaux articules de la division des brachioures des lambres longues pattes des crabes violaces des clios particuliers aux mers des antilles il etait environ onze heures quand ned land attira mon attention sur un formidable fourmillement qui se produisait travers les grandes algues eh bien disje ce sont la de veritables cavernes poulpes et je ne serais pas etonne voir quelquesuns de ces monstres quoi fit conseil des calmars de simples calmars de la classe des cephalopodes non disje des poulpes de grande dimension mais ami land est trompe sans doute car je apercois rien je le regrette repliqua conseil je voudrais contempler face face un de ces poulpes dont ai tant entendu parler et qui peuvent entrainer des navires dans le fond des abimes ces betesla ca se nomme des krak craque suffit repondit ironiquement le canadien krakens riposta conseil achevant son mot sans se soucier de la plaisanterie de son compagnon jamais on ne me fera croire dit ned land que de tels animaux existent pourquoi pas repondit conseil nous avons bien cru au narwal de monsieur nous avons eu tort conseil sans doute mais autres croient sans doute encore est probable conseil mais pour mon compte je suis bien decide admettre existence de ces monstres que lorsque je les aurai disseques de ma propre main ainsi me demanda conseil monsieur ne croit pas aux poulpes gigantesques eh qui diable jamais cru ecria le canadien beaucoup de gens ami ned pas des pecheurs des savants peutetre pardon ned des pecheurs et des savants mais moi qui vous parle dit conseil de air le plus serieux du monde je me rappelle parfaitement avoir vu une grande embarcation entrainee sous les flots par les bras un cephalopode vous avez vu cela demanda le canadien oui ned de vos propres yeux de mes propres yeux ou il vous plait saintmalo repartit imperturbablement conseil dans le port dit ned land ironiquement non dans une eglise repondit conseil dans une eglise ecria le canadien oui ami ned etait un tableau qui representait le poulpe en question bon fit ned land eclatant de rire monsieur conseil qui me fait poser au fait il raison disje ai entendu parler de ce tableau mais le sujet qu il represente est tire une legende et vous savez ce qu il faut penser des legendes en matiere histoire naturelle ailleurs quand il agit de monstres imagination ne demande qu egarer nonseulement on pretendu que ces poulpes pouvaient entrainer des navires mais un certain olaus magnus parle un cephalopode long un mille qui ressemblait plutot une ile qu un animal on raconte aussi que eveque de nidros dressa un jour un autel sur un rocher immense sa messe finie le rocher se mit en marche et retourna la mer le rocher etait un poulpe et est tout demanda le canadien non repondisje un autre eveque pontoppidan de berghem parle egalement un poulpe sur lequel pouvait manoeuvrer un regiment de cavalerie ils allaient bien les eveques autrefois dit ned land enfin les naturalistes de antiquite citent des monstres dont la gueule ressemblait un golfe et qui etaient trop gros pour passer par le detroit de gibraltar la bonne heure fit le canadien mais dans tous ces recits qu atil de vrai demanda conseil rien mes amis rien du moins de ce qui passe la limite de la vraisemblance pour monter jusqu la fable ou la legende toutefois imagination des conteurs il faut sinon une cause du moins un pretexte on ne peut nier qu il existe des poulpes et des calmars de tres grande espece mais inferieurs cependant aux cetaces aristote constate les dimensions un calmar de cinq coudees soit trois metres dix nos pecheurs en voient frequemment dont la longueur depasse un metre quatrevingts les musees de trieste et de montpellier conservent des squelettes de poulpes qui mesurent deux metres ailleurs suivant le calcul des naturalistes un de ces animaux long de six pieds seulement aurait des tentacules longs de vingtsept ce qui suffit pour en faire un monstre formidable en pecheton de nos jours demanda le canadien ils en pechent pas les marins en voient du moins un de mes amis le capitaine paul bos du havre souvent affirme qu il avait rencontre un de ces monstres de taille colossale dans les mers de inde mais le fait le plus etonnant et qui ne permet plus de nier existence de ces animaux gigantesques est passe il quelques annees en quel est ce fait demanda ned land le voici en dans le nordest de teneriffe peu pres par la latitude ou nous sommes en ce moment equipage de aviso alecton apercut un monstrueux calmar qui nageait dans ses eaux le commandant bouguer approcha de animal et il attaqua coups de harpon et coups de fusil sans grand succes car balles et harpons traversaient ces chairs molles comme une gelee sans consistance apres plusieurs tentatives infructueuses equipage parvint passer un noeud coulant autour du corps du mollusque ce noeud glissa jusqu aux nageoires caudales et arreta on essaya alors de haler le monstre bord mais son poids etait si considerable qu il se separa de sa queue sous la traction de la corde et prive de cet ornement il disparut sous les eaux il attaqua coups de harpon enfin voila un fait dit ned land un fait indiscutable mon brave ned aussi aton propose de nommer ce poulpe calmar de bouguer et quelle etait sa longueur demanda le canadien ne mesuraitil pas six metres environ dit conseil qui poste la vitre examinait de nouveau les anfractuosites de la falaise precisement repondisje sa tete reprit conseil etaitelle pas couronnee de huit tentacules qui agitaient sur eau comme une nichee de serpents precisement ses yeux places fleur de tete avaientils pas un developpement considerable oui conseil et sa bouche etaitce pas un veritable bec de perroquet mais un bec formidable en effet conseil eh bien en deplaise monsieur repondit tranquillement conseil si ce est pas le calmar de bouguer voici du moins un de ses freres je regardai conseil ned land se precipita vers la vitre etait un calmar de dimensions colossales epouvantable bete ecriatil je regardai mon tour et je ne pus reprimer un mouvement de repulsion devant mes yeux agitait un monstre horrible digne de figurer dans les legendes teratologiques etait un calmar de dimensions colossales ayant huit metres de longueur il marchait reculons avec une extreme velocite dans la direction du nautilus il regardait de ses enormes yeux fixes teintes glauques ses huit bras ou plutot ses huit pieds implantes sur sa tete qui ont valu ces animaux le nom de cephalopodes avaient un developpement double de son corps et se tordaient comme la chevelure des furies on voyait distinctement les deux centcinquante ventouses disposees sur la face interne des tentacules sous forme de capsules semispheriques parfois ces ventouses appliquaient sur la vitre du salon en faisant le vide la bouche de ce monstre un bec de corne fait comme le bec un perroquet ouvrait et se refermait verticalement sa langue substance cornee armee ellememe de plusieurs rangees de dents aigues sortait en fremissant de cette veritable cisaille quelle fantaisie de la nature un bec oiseau un mollusque son corps fusiforme et renfle dans sa partie moyenne formait une masse charnue qui devait peser vingt vingtcinq mille kilogrammes sa couleur inconstante changeant avec une extreme rapidite suivant irritation de animal passait successivement du gris livide au brun rougeatre de quoi irritait ce mollusque sans doute de la presence de ce nautilus plus formidable que lui et sur lequel ses bras suceurs ou ses mandibules avaient aucune prise et cependant quels monstres que ces poulpes quelle vitalite le createur leur departie quelle vigueur dans leurs mouvements puisqu ils possedent trois coeurs le hasard nous avait mis en presence de ce calmar et je ne voulus pas laisser perdre occasion etudier soigneusement cet echantillon des cephalopodes je surmontai horreur que inspirait cet aspect et prenant un crayon je commencai le dessiner est peutetre le meme que celui de alecton dit conseil non repondit le canadien puisque celuici est entier et que autre perdu sa queue ce est pas une raison repondisje les bras et la queue de ces animaux se reforment par redintegration et depuis sept ans la queue du calmar de bouguer sans doute eu le temps de repousser ailleurs riposta ned si ce est pas celuici est peutetre un de ceuxla en effet autres poulpes apparaissaient la vitre de tribord en comptai sept ils faisaient cortege au nautilus et entendis les grincements de leur bec sur la coque de tole nous etions servis souhait je continuai mon travail ces monstres se maintenaient dans nos eaux avec une telle precision qu ils semblaient immobiles et aurais pu les decalquer en raccourci sur la vitre ailleurs nous marchions sous une allure moderee tout coup le nautilus arreta un choc le fit tressaillir dans toute sa membrure estce que nous avons touche demandaije en tout cas repondit le canadien nous serions deja degages car nous flottons le nautilus flottait sans doute mais il ne marchait plus les branches de son helice ne battaient pas les flots une minute se passa le capitaine nemo suivi de son second entra dans le salon je ne avais pas vu depuis quelque temps il me parut sombre sans nous parler sans nous voir peutetre il alla au panneau regarda les poulpes et dit quelques mots son second celuici sortit bientot les panneaux se refermerent le plafond illumina allai vers le capitaine une curieuse collection de poulpes lui disje du ton degage que prendrait un amateur devant le cristal un aquarium en effet monsieur le naturaliste me reponditil et nous allons les combattre corps corps je regardai le capitaine je croyais avoir pas bien entendu corps corps repetaije oui monsieur helice est arretee je pense que les mandibules cornees de un de ces calmars se sont engagees dans ses branches ce qui nous empeche de marcher et qu allezvous faire remonter la surface et massacrer toute cette vermine entreprise difficile en effet les balles electriques sont impuissantes contre ces chairs molles ou elles ne trouvent pas assez de resistance pour eclater mais nous les attaquerons la hache et au harpon monsieur dit le canadien si vous ne refusez pas mon aide je accepte maitre land nous vous accompagnerons disje et suivant le capitaine nemo nous nous dirigeames vers escalier central la une dizaine hommes armes de haches abordage se tenaient prets attaque conseil et moi nous primes deux haches ned land saisit un harpon le nautilus etait alors revenu la surface des flots un des marins place sur les derniers echelons devissait les boulons du panneau mais les ecrous etaient peine degages que le panneau se releva avec une violence extreme evidemment tire par la ventouse un bras de poulpe aussitot un de ces longs bras se glissa comme un serpent par ouverture et vingt autres agiterent audessus un coup de hache le capitaine nemo coupa ce formidable tentacule qui glissa sur les echelons en se tordant un de ces longs bras glissa par ouverture au moment ou nous nous pressions les uns sur les autres pour atteindre la plateforme deux autres bras cinglant air abattirent sur le marin place devant le capitaine nemo et enleverent avec une violence irresistible le capitaine nemo poussa un cri et elanca audehors nous nous etions precipites sa suite quelle scene le malheureux saisi par le tentacule et colle ses ventouses etait balance dans air au caprice de cette enorme trompe il ralait il etouffait il criait moi moi ces mots prononces en francais me causerent une profonde stupeur avais donc un compatriote bord plusieurs peutetre cet appel dechirant je entendrai toute ma vie infortune etait perdu qui pouvait arracher cette puissante etreinte cependant le capitaine nemo etait precipite sur le poulpe et un coup de hache il lui avait encore abattu un bras son second luttait avec rage contre autres monstres qui rampaient sur les flancs du nautilus equipage se battait coups de hache le canadien conseil et moi nous enfoncions nos armes dans ces masses charnues une violente odeur de musc penetrait atmosphere etait horrible un instant je crus que le malheureux enlace par le poulpe serait arrache sa puissante succion sept bras sur huit avaient ete coupes un seul brandissant la victime comme une plume se tordait dans air mais au moment ou le capitaine nemo et son second se precipitaient sur lui animal lanca une colonne un liquide noiratre secrete par une bourse situee dans son abdomen nous en fumes aveugles quand ce nuage se fut dissipe le calmar avait disparu et avec lui mon infortune compatriote le poulpe brandissait la victime comme une plume quelle rage nous poussa alors contre ces monstres on ne se possedait plus dix ou douze poulpes avaient envahi la plateforme et les flancs du nautilus nous roulions pelemele au milieu de ces troncons de serpents qui tressautaient sur la plateforme dans des flots de sang et encre noire il semblait que ces visqueux tentacules renaissaient comme les tetes de hydre le harpon de ned land chaque coup se plongeait dans les yeux glauques des calmars et les crevait mais mon audacieux compagnon fut soudain renverse par les tentacules un monstre qu il avait pu eviter ah comment mon coeur ne estil pas brise emotion et horreur le formidable bec du calmar etait ouvert sur ned land ce malheureux allait etre coupe en deux je me precipitai son secours mais le capitaine nemo avait devance sa hache disparut entre les deux enormes mandibules et miraculeusement sauve le canadien se relevant plongea son harpon tout entier jusqu au triple coeur du poulpe je me devais cette revanche dit le capitaine nemo au canadien ned inclina sans lui repondre ce combat avait dure un quart heure les monstres vaincus mutiles frappes mort nous laisserent enfin la place et disparurent sous les flots le capitaine nemo rouge de sang immobile pres du fanal regardait la mer qui avait englouti un de ses compagnons et de grosses larmes coulaient de ses yeux chapitre xix le gulfstream cette terrible scene du avril aucun de nous ne pourra jamais oublier je ai ecrite sous impression une emotion violente depuis en ai revu le recit je ai lu conseil et au canadien ils ont trouve exact comme fait mais insuffisant comme effet pour peindre de pareils tableaux il faudrait la plume du plus illustre de nos poetes auteur des travailleurs de la mer ai dit que le capitaine nemo pleurait en regardant les flots sa douleur fut immense etait le second compagnon qu il perdait depuis notre arrivee bord et quelle mort cet ami ecrase etouffe brise par le formidable bras un poulpe broye sous ses mandibules de fer ne devait pas reposer avec ses compagnons dans les paisibles eaux du cimetiere de corail pour moi au milieu de cette lutte etait ce cri de desespoir pousse par infortune qui avait dechire le coeur ce pauvre francais oubliant son langage de convention etait repris parler la langue de son pays et de sa mere pour jeter un supreme appel parmi cet equipage du nautilus associe de corps et ame au capitaine nemo fuyant comme lui le contact des hommes avais donc un compatriote etaitil seul representer la france dans cette mysterieuse association evidemment composee individus de nationalites diverses etait encore un de ces insolubles problemes qui se dressaient sans cesse devant mon esprit le capitaine nemo rentra dans sa chambre et je ne le vis plus pendant quelque temps mais qu il devait etre triste desespere irresolu si en jugeais par ce navire dont il etait ame et qui recevait toutes ses impressions le nautilus ne gardait plus de direction determinee il allait venait flottait comme un cadavre au gre des lames son helice avait ete degagee et cependant il en servait peine il naviguait au hasard il ne pouvait arracher du theatre de sa derniere lutte de cette mer qui avait devore un des siens dix jours se passerent ainsi ce fut le er mai seulement que le nautilus reprit franchement sa route au nord apres avoir eu connaissance des lucayes ouvert du canal de bahama nous suivions alors le courant du plus grand fleuve de la mer qui ses rives ses poissons et sa temperature propres ai nomme le gulfstream est un fleuve en effet qui coule librement au milieu de atlantique et dont les eaux ne se melangent pas aux eaux oceaniennes est un fleuve sale plus sale que la mer ambiante sa profondeur moyenne est de trois mille pieds sa largeur moyenne de soixante milles en de certains endroits son courant marche avec une vitesse de quatre kilometres heure invariable volume de ses eaux est plus considerable que celui de tous les fleuves du globe la veritable source du gulfstream reconnue par le commandant maury son point de depart si on veut est situe dans le golfe de gascogne la ses eaux encore faibles de temperature et de couleur commencent se former il descend au sud longe afrique equatoriale echauffe ses flots aux rayons de la zone torride traverse atlantique atteint le cap sanroque sur la cote bresilienne et se bifurque en deux branches dont une va se saturer encore des chaudes molecules de la mer des antilles alors le gulfstream charge de retablir equilibre entre les temperatures et de meler les eaux des tropiques aux eaux boreales commence son role de ponderateur chauffe blanc dans le golfe du mexique il eleve au nord sur les cotes americaines avance jusqu terreneuve devie sous la poussee du courant froid du detroit de davis reprend la route de ocean en suivant sur un des grands cercles du globe la ligne loxodromique se divise en deux bras vers le quarantetroisieme degre dont un aide par alize du nordest revient au golfe de gascogne et aux acores et dont autre apres avoir attiedi les rivages de irlande et de la norvege va jusqu audela du spitzberg ou sa temperature tombe quatre degres former la mer libre du pole est sur ce fleuve de ocean que le nautilus naviguait alors sa sortie du canal de bahama sur quatorze lieues de large et sur trois cent cinquante metres de profondeur le gulfstream marche raison de huit kilometres heure cette rapidite decroit regulierement mesure qu il avance vers le nord et il faut souhaiter que cette regularite persiste car si comme on cru le remarquer sa vitesse et sa direction viennent se modifier les climats europeens seront soumis des perturbations dont on ne saurait calculer les consequences vers midi etais sur la plateforme avec conseil je lui faisais connaitre les particularites relatives au gulfstream quand mon explication fut terminee je invitai plonger ses mains dans le courant conseil obeit et fut tresetonne de eprouver aucune sensation de chaud ni de froid cela vient lui disje de ce que la temperature des eaux du gulfstream en sortant du golfe du mexique est peu differente de celle du sang ce gulfstream est un vaste calorifere qui permet aux cotes europe de se parer une eternelle verdure et il faut en croire maury la chaleur de ce courant totalement utilisee fournirait assez de calorique pour tenir en fusion un fleuve de fer fondu aussi grand que amazone ou le missouri en ce moment la vitesse du gulfstream etait de deux metres vingtcinq par seconde son courant est tellement distinct de la mer ambiante que ses eaux comprimees font saillie sur ocean et qu un denivellement opere entre elles et les eaux froides sombres ailleurs et tres riches en matieres salines elles tranchent par leur pur indigo sur les flots verts qui les environnent telle est meme la nettete de leur ligne de demarcation que le nautilus la hauteur des carolines trancha de son eperon les flots du gulfstream tandis que son helice battait encore ceux de ocean ce courant entrainait avec lui tout un monde etres vivants les argonautes si communs dans la mediterranee voyageaient par troupes nombreuses parmi les cartilagineux les plus remarquables etaient des raies dont la queue tres deliee formait peu pres le tiers du corps et qui figuraient de vastes losanges longs de vingtcinq pieds puis de petits squales un metre tete grande museau court et arrondi dents pointues disposees sur plusieurs rangs et dont le corps paraissait couvert ecailles parmi les poissons osseux je notai des labresgrisons particuliers ces mers des sparessynagres dont iris brillait comme un feu des scienes longues un metre large gueule herissee de petites dents qui faisaient entendre un leger cri des centronotesnegres dont ai deja parle des coriphenes bleus releves or et argent des perroquets vrais arcsenciel de ocean qui peuvent rivaliser de couleur avec les plus beaux oiseaux des tropiques des blemiesbosquiens tete triangulaire des rhombes bleuatres depourvus ecailles des batrachoides recouverts une bande jaune et transversale qui figure un grec des fourmillements de petits gobiesbos pointilles de taches brunes des dipterodons tete argentee et queue jaune divers echantillons de salmones des mugilomores sveltes de taille brillant un eclat doux que lacepede consacres aimable compagne de sa vie enfin un beau poisson le chevalieramericain qui decore de tous les ordres et chamarre de tous les rubans frequente les rivages de cette grande nation ou les rubans et les ordres sont si mediocrement estimes ajouterai que pendant la nuit les eaux phosphorescentes du gulfstream rivalisaient avec eclat electrique de notre fanal surtout par ces temps orageux qui nous menacaient frequemment le mai nous etions encore en travers du cap hatteras la hauteur de la caroline du nord la largeur du gulfstream est la de soixantequinze milles et sa profondeur de deux cent dix metres le nautilus continuait errer aventure toute surveillance semblait bannie du bord je conviendrai que dans ces conditions une evasion pouvait reussir en effet les rivages habites offraient partout de faciles refuges la mer etait incessamment sillonnee de nombreux steamers qui font le service entre new york ou boston et le golfe du mexique et nuit et jour parcourue par ces petites goelettes chargees du cabotage sur les divers points de la cote americaine on pouvait esperer etre recueilli etait donc une occasion favorable malgre les trente milles qui separaient le nautilus des cotes de union mais une circonstance facheuse contrariait absolument les projets du canadien le temps etait fort mauvais nous approchions de ces parages ou les tempetes sont frequentes de cette patrie des trombes et des cyclones precisement engendres par le courant du gulfstream affronter une mer souvent demontee sur un frele canot etait courir une perte certaine ned land en convenait luimeme aussi rongeaitil son frein pris une furieuse nostalgie que la fuite seule eut pu guerir monsieur me ditil ce jourla il faut que cela finisse je veux en avoir le coeur net votre nemo ecarte des terres et remonte vers le nord mais je vous le declare ai assez du pole sud et je ne le suivrai pas au pole nord que faire ned puisqu une evasion est impraticable en ce moment en reviens mon idee il faut parler au capitaine vous avez rien dit quand nous etions dans les mers de votre pays je veux parler maintenant que nous sommes dans les mers du mien quand je songe qu avant quelques jours le nautilus va se trouver la hauteur de la nouvelleecosse et que la vers terreneuve ouvre une large baie que dans cette baie se jette le saintlaurent et que le saintlaurent est mon fleuve moi le fleuve de quebec ma ville natale quand je songe cela la fureur me monte au visage mes cheveux se herissent tenez monsieur je me jetterai plutot la mer je ne resterai pas ici etouffe le canadien etait evidemment bout de patience sa vigoureuse nature ne pouvait accommoder de cet emprisonnement prolonge sa physionomie alterait de jour en jour son caractere devenait de plus en plus sombre je sentais ce qu il devait souffrir car moi aussi la nostalgie me prenait pres de sept mois etaient ecoules sans que nous eussions eu aucune nouvelle de la terre de plus isolement du capitaine nemo son humeur modifiee surtout depuis le combat des poulpes sa taciturnite tout me faisait apparaitre les choses sous un aspect different je ne sentais plus enthousiasme des premiers jours il fallait etre un flamand comme conseil pour accepter cette situation dans ce milieu reserve aux cetaces et autres habitants de la mer veritablement si ce brave garcon au lieu de poumons avait eu des branchies je crois qu il aurait fait un poisson distingue eh bien monsieur reprit ned land voyant que je ne repondais pas eh bien ned vous voulez que je demande au capitaine nemo quelles sont ses intentions notre egard oui monsieur et cela quoiqu il les ait deja fait connaitre oui je desire etre fixe une derniere fois parlez pour moi seul en mon seul nom si vous voulez mais je le rencontre rarement il evite meme est une raison de plus pour aller voir je interrogerai ned quand demanda le canadien en insistant quand je le rencontrerai monsieur aronnax voulezvous que aille le trouver moi non laissezmoi faire demain aujourd hui dit ned land soit aujourd hui je le verrai repondisje au canadien qui en agissant luimeme eut certainement tout compromis je restai seul la demande decidee je resolus en finir immediatement aime mieux chose faite que chose faire je rentrai dans ma chambre de la entendis marcher dans celle du capitaine nemo il ne fallait pas laisser echapper cette occasion de le rencontrer je frappai sa porte je obtins pas de reponse je frappai de nouveau puis je tournai le bouton la porte ouvrit entrai le capitaine etait la courbe sur sa table de travail il ne avait pas entendu resolu ne pas sortir sans avoir interroge je approchai de lui il releva la tete brusquement fronca les sourcils et me dit un ton assez rude vous ici que me voulezvous vous parler capitaine mais je suis occupe monsieur je travaille cette liberte que je vous laisse de vous isoler ne puisje avoir pour moi la reception etait peu encourageante mais etais decide tout entendre pour tout repondre monsieur disje froidement ai vous parler une affaire qu il ne est pas permis de retarder laquelle monsieur reponditil ironiquement avezvous fait quelque decouverte qui ait echappe la mer vous atelle livre de nouveaux secrets nous etions loin de compte mais avant que eusse repondu me montrant un manuscrit ouvert sur sa table il me dit un ton plus grave voici monsieur aronnax un manuscrit ecrit en plusieurs langues il contient le resume de mes etudes sur la mer et il plait dieu il ne perira pas avec moi ce manuscrit signe de mon nom complete par histoire de ma vie sera renferme dans un petit appareil insubmersible le dernier survivant de nous tous bord du nautilus jettera cet appareil la mer et il ira ou les flots le porteront le nom de cet homme son histoire ecrite par luimeme son mystere serait donc un jour devoile mais en ce moment je ne vis dans cette communication qu une entree en matiere capitaine repondisje je ne puis qu approuver la pensee qui vous fait agir il ne faut pas que le fruit de vos etudes soit perdu mais le moyen que vous employez me parait primitif qui sait ou les vents pousseront cet appareil en quelles mains il tombera ne sauriezvous trouver mieux vous ou un des votres ne peutil jamais monsieur dit vivement le capitaine en interrompant mais moi mes compagnons nous sommes prets garder ce manuscrit en reserve et si vous nous rendez la liberte la liberte fit le capitaine nemo se levant oui monsieur et est ce sujet que je voulais vous interroger depuis sept mois nous sommes votre bord et je vous demande aujourd hui au nom de mes compagnons comme au mien si votre intention est de nous garder toujours monsieur aronnax dit le capitaine nemo je vous repondrai aujourd hui ce que je vous ai repondu il sept mois qui entre dans le nautilus ne doit plus le quitter est esclavage meme que vous nous imposez donnezlui le nom qu il vous plaira mais partout esclave garde le droit de recouvrer sa liberte quels que soient les moyens qui offrent lui il peut les croire bons ce droit repondit le capitaine nemo qui vous le denie aije jamais pense vous enchainer par un serment le capitaine me regardait en se croisant les bras monsieur lui disje revenir une seconde fois sur ce sujet ne serait ni de votre gout ni du mien mais puisque nous avons entame epuisonsle je vous le repete ce est pas seulement de ma personne qu il agit pour moi etude est un secours une diversion puissante un entrainement une passion qui peut me faire tout oublier comme vous je suis homme vivre ignore obscur dans le fragile espoir de leguer un jour avenir le resultat de mes travaux au moyen un appareil hypothetique confie au hasard des flots et des vents en un mot je puis vous admirer vous suivre sans deplaisir dans un role que je comprends sur certains points mais il est encore autres aspects de votre vie qui me la font entrevoir entouree de complications et de mysteres auxquels seuls ici mes compagnons et moi nous avons aucune part et meme quand notre coeur pu battre pour vous emu par quelquesunes de vos douleurs ou remue par vos actes de genie ou de courage nous avons du refouler en nous jusqu au plus petit temoignage de cette sympathie que fait naitre la vue de ce qui est beau et bon que cela vienne de ami ou de ennemi eh bien est ce sentiment que nous sommes etrangers tout ce qui vous touche qui fait de notre position quelque chose inacceptable impossible meme pour moi mais impossible pour ned land surtout tout homme par cela seul qu il est homme vaut qu on songe lui vous etesvous demande ce que amour de la liberte la haine de esclavage pouvaient faire naitre de projets de vengeance dans une nature comme celle du canadien ce qu il pouvait penser tenter essayer je etais tu le capitaine nemo se leva que ned land pense tente essaye tout ce qu il voudra que importe ce est pas moi qui ai ete chercher ce est pas pour mon plaisir que je le garde mon bord quant vous monsieur aronnax vous etes de ceux qui peuvent tout comprendre meme le silence je ai rien de plus vous repondre que cette premiere fois ou vous venez de traiter ce sujet soit aussi la derniere car une seconde fois je ne pourrais meme pas vous ecouter je me retirai compter de ce jour notre situation fut trestendue je rapportai ma conversation mes deux compagnons nous savons maintenant dit ned qu il rien attendre de cet homme le nautilus se rapproche de longisland nous fuirons quel que soit le temps mais le ciel devenait de plus en plus menacant des symptomes ouragan se manifestaient atmosphere se faisait blanchatre et laiteuse aux cyrrhus gerbes deliees succedaient horizon des couches de nimbocumulus autres nuages bas fuyaient rapidement la mer grossissait et se gonflait en longues houles les oiseaux disparaissaient exception des satanicles amis des tempetes le barometre baissait notablement et indiquait dans air une extreme tension des vapeurs le melange du stormglass se decomposait sous influence de electricite qui saturait atmosphere la lutte des elements etait prochaine la tempete eclata dans la journee du mai precisement lorsque le nautilus flottait la hauteur de longisland quelques milles des passes de new york je puis decrire cette lutte des elements car au lieu de la fuir dans les profondeurs de la mer le capitaine nemo par un inexplicable caprice voulut la braver sa surface le vent soufflait du sudouest abord en grand frais estadire avec une vitesse de quinze metres la seconde qui fut portee vingtcinq metres vers trois heures du soir est le chiffre des tempetes le capitaine nemo inebranlable sous les rafales avait pris place sur la plateforme il etait amarre micorps pour resister aux vagues monstrueuses qui deferlaient je etais hisse et attache aussi partageant mon admiration entre cette tempete et cet homme incomparable qui lui tenait tete la mer demontee etait balayee par de grandes loques de nuages qui trempaient dans ses flots je ne voyais plus aucune de ces petites lames intermediaires qui se forment au fond des grands creux rien que de longues ondulations fuligineuses dont la crete ne deferle pas tant elles sont compactes leur hauteur accroissait elles excitaient entre elles le nautilus tantot couche sur le cote tantot dresse comme un mat roulait et tanguait epouvantablement vers cinq heures une pluie torrentielle tomba qui abattit ni le vent ni la mer ouragan se dechaina avec une vitesse de quarantecinq metres la seconde soit pres de quarante lieues heure est dans ces conditions qu il renverse des maisons qu il enfonce des tuiles de toits dans des portes qu il rompt des grilles de fer qu il deplace des canons de vingtquatre et pourtant le nautilus au milieu de la tourmente justifiait cette parole un savant ingenieur il pas de coque bien construite qui ne puisse defier la mer ce etait pas un roc resistant que ces lames eussent demoli etait un fuseau acier obeissant et mobile sans greement sans mature qui bravait impunement leur fureur cependant examinais attentivement ces vagues dechainees elles mesuraient jusqu quinze metres de hauteur sur une longueur de cent cinquante cent soixantequinze metres et leur vitesse de propagation moitie de celle du vent etait de quinze metres la seconde leur volume et leur puissance accroissaient avec la profondeur des eaux je compris alors le role de ces lames qui emprisonnent air dans leurs flancs et le refoulent au fond des mers ou elles portent la vie avec oxygene leur extreme force de pression on calculee peut elever jusqu trois mille kilogrammes par pied carre de la surface qu elles contrebattent ce sont de telles lames qui aux hebrides ont deplace un bloc pesant quatrevingtquatre mille livres ce sont elles qui dans la tempete du decembre apres avoir renverse une partie de la ville de yeddo au japon faisant sept cents kilometres heure allerent se briser le meme jour sur les rivages de amerique intensite de la tempete accrut avec la nuit le barometre comme en la reunion pendant un cyclone tomba millimetres la chute du jour je vis passer horizon un grand navire qui luttait peniblement il capeyait sous petite vapeur pour se maintenir debout la lame ce devait etre un des steamers des lignes de new york liverpool ou au havre il disparut bientot dans ombre un grand navire capeyait petite vapeur dix heures du soir le ciel etait en feu atmosphere fut zebree eclairs violents je ne pouvais en supporter eclat tandis que le capitaine nemo les regardant en face semblait aspirer en lui ame de la tempete un bruit terrible emplissait les airs bruit complexe fait des hurlements des vagues ecrasees des mugissements du vent des eclats du tonnerre le vent sautait tous les points de horizon et le cyclone partant de est revenait en passant par le nord ouest et le sud en sens inverse des tempetes tournantes de hemisphere austral ah ce gulfstream il justifiait bien son nom de roi des tempetes est lui qui cree ces formidables cyclones par la difference de temperature des couches air superposees ses courants la pluie avait succede une averse de feu les gouttelettes eau se changeaient en aigrettes fulminantes on eut dit que le capitaine nemo voulant une mort digne de lui cherchait se faire foudroyer dans un effroyable mouvement de tangage le nautilus dressa en air son eperon acier comme la tige un paratonnerre et en vis jaillir de longues etincelles la pluie avait succede une averse de feu brise bout de forces je me coulai plat ventre vers le panneau je ouvris et je redescendis au salon orage atteignait alors son maximum intensite il etait impossible de se tenir debout interieur du nautilus le capitaine nemo rentra vers minuit entendis les reservoirs se remplir peu peu et le nautilus enfonca doucement audessous de la surface des flots par les vitres ouvertes du salon je vis de grands poissons effares qui passaient comme des fantomes dans les eaux en feu quelquesuns furent foudroyes sous mes yeux le nautilus descendait toujours je pensais qu il retrouverait le calme une profondeur de quinze metres non les couches superieures etaient trop violemment agitees il fallut aller chercher le repos jusqu cinquante metres dans les entrailles de la mer mais la quelle tranquillite quel silence quel milieu paisible qui eut dit qu un ouragan terrible se dechainait alors la surface de cet ocean chapitre xx par deg de latitude et deg de longitude la suite de cette tempete nous avions ete rejetes dans est tout espoir de evader sur les atterrages de new york ou du saintlaurent evanouissait le pauvre ned desespere isola comme le capitaine nemo conseil et moi nous ne nous quittions plus ai dit que le nautilus etait ecarte dans est aurais du dire plus exactement dans le nordest pendant quelques jours il erra tantot la surface des flots tantot audessous au milieu de ces brumes si redoutables aux navigateurs elles sont principalement dues la fonte des glaces qui entretient une extreme humidite dans atmosphere que de navires perdus dans ces parages lorsqu ils allaient reconnaitre les feux incertains de la cote que de sinistres dus ces brouillards opaques que de chocs sur ces ecueils dont le ressac est eteint par le bruit du vent que de collisions entre les batiments malgre leurs feux de position malgre les avertissements de leurs sifflets et de leurs cloches alarme aussi le fond de ces mers offraitil aspect un champ de bataille ou gisaient encore tous ces vaincus de ocean les uns vieux et empates deja les autres jeunes et reflechissant eclat de notre fanal sur leurs ferrures et leurs carenes de cuivre parmi eux que de batiments perdus corps et biens avec leurs equipages leur monde emigrants sur ces points dangereux signales dans les statistiques le cap race ile saintpaul le detroit de belleile estuaire du saintlaurent et depuis quelques annees seulement que de victimes fournies ces funebres annales par les lignes du royalmail inmann de montreal le solway isis le paramatta hungarian le canadian anglosaxon le humboldt unitedstates tous echoues artic le lyonnais coules par abordage le president le pacific le cityofglasgow disparus pour des causes ignorees sombres debris au milieu desquels naviguait le nautilus comme il eut passe une revue des morts le mai nous etions sur extremite meridionale du banc de terreneuve ce banc est un produit des alluvions marines un amas considerable de ces detritus organiques amenes soit de equateur par le courant du gulfstream soit du pole boreal par ce contrecourant eau froide qui longe la cote americaine la aussi amoncellent les blocs erratiques charries par la debacle des glaces la est forme un vaste ossuaire de poissons de mollusques ou de zoophytes qui perissent par milliards la profondeur de la mer est pas considerable au banc de terreneuve quelques centaines de brasses au plus mais vers le sud se creuse subitement une depression profonde un trou de trois mille metres la elargit le gulfstream est un epanouissement de ses eaux il perd de sa vitesse et de sa temperature mais il devient une mer parmi les poissons que le nautilus effaroucha son passage je citerai le cycloptere un metre dos noiratre ventre orange qui donne ses congeneres un exemple peu suivi de fidelite conjugale un unernack de grande taille sorte de murene emeraude un gout excellent des karraks gros yeux dont la tete quelque ressemblance avec celle du chien des blennies ovovivipares comme les serpents des gobiesboulerots ou goujons noirs de deux decimetres des macroures longue queue brillant un eclat argente poissons rapides aventures loin des mers hyperboreennes les filets ramasserent aussi un poisson hardi audacieux vigoureux bien muscle arme de piquants la tete et aiguillons aux nageoires veritable scorpion de deux trois metres ennemi acharne des blennies des gades et des saumons etait le cotte des mers septentrionales au corps tuberculeux brun de couleur rouge aux nageoires les pecheurs du nautilus eurent quelque peine emparer de cet animal qui grace la conformation de ses opercules preserve ses organes respiratoires du contact dessechant de atmosphere et peut vivre quelque temps hors de eau je cite maintenant pour memoire des bosquiens petits poissons qui accompagnent longtemps les navires dans les mers boreales des ablesoxyrhinques speciaux atlantique septentrional des rascasses et arrive aux gades principalement espece morue que je surpris dans ses eaux de predilection sur cet inepuisable banc de terreneuve on peut dire que ces morues sont des poissons de montagnes car terreneuve est qu une montagne sousmarine lorsque le nautilus ouvrit un chemin travers leurs phalanges pressees conseil ne put retenir cette observation ca des morues ditil mais je croyais que les morues etaient plates comme des limandes ou des soles naif ecriaije les morues ne sont plates que chez epicier ou on les montre ouvertes et etalees mais dans eau ce sont des poissons fusiformes comme les mulets et parfaitement conformes pour la marche je veux croire monsieur repondit conseil quelle nuee quelle fourmiliere eh mon ami il en aurait bien davantage sans leurs ennemis les rascasses et les hommes saistu combien on compte oeufs dans une seule femelle faisons bien les choses repondit conseil cinq cent mille onze millions mon ami onze millions voila ce que je admettrai jamais moins de les compter moimeme compteles conseil mais tu auras plus vite fait de me croire ailleurs est par milliers que les francais les anglais les americains les danois les norwegiens pechent les morues on les consomme en quantites prodigieuses et sans etonnante fecondite de ces poissons les mers en seraient bientot depeuplees ainsi en angleterre et en amerique seulement cinq mille navires montes par soixantequinze mille marins sont employes la peche de la morue chaque navire en rapporte quarante mille en moyenne ce qui fait vingtcinq millions sur les cotes de la norwege meme resultat bien repondit conseil je en rapporte monsieur je ne les compterai pas quoi donc les onze millions oeufs mais je ferai une remarque laquelle est que si tous les oeufs eclosaient il suffirait de quatre morues pour alimenter angleterre amerique et la norwege pendant que nous effleurions les fonds du banc de terreneuve je vis parfaitement ces longues lignes armees de deux cents hamecons que chaque bateau tend par douzaines chaque ligne entrainee par un bout au moyen un petit grappin etait retenue la surface par un orin fixe sur une bouee de liege le nautilus dut manoeuvrer adroitement au milieu de ce reseau sousmarin ailleurs il ne demeura pas longtemps dans ces parages frequentes il eleva jusque vers le quarantedeuxieme degre de latitude etait la hauteur de saintjean de terreneuve et de heart content ou aboutit extremite du cable transatlantique le nautilus au lieu de continuer marcher au nord prit direction vers est comme il voulait suivre ce plateau telegraphique sur lequel repose le cable et dont des sondages multiplies ont donne le relief avec une extreme exactitude ce fut le mai cinq cents milles environ de heart content par deux mille huit cents metres de profondeur que apercus le cable gisant sur le sol conseil que je avais pas prevenu le prit abord pour un gigantesque serpent de mer et appretait le classer suivant sa methode ordinaire mais je desabusai le digne garcon et pour le consoler de son deboire je lui appris diverses particularites de la pose de ce cable le premier cable fut etabli pendant les annees et mais apres avoir transmis quatre cents telegrammes environ il cessa de fonctionner en les ingenieurs construisirent un nouveau cable mesurant trois mille quatre cents kilometres et pesant quatre mille cinq cents tonnes qui fut embarque sur le greateastern cette tentative echoua encore or le mai le nautilus immerge par trois mille huit cent trentesix metres de profondeur se trouvait precisement en cet endroit ou se produisit la rupture qui ruina entreprise etait six cent trentehuit milles de la cote irlande on apercut deux heures apresmidi que les communications avec europe venaient de interrompre les electriciens du bord resolurent de couper le cable avant de le repecher et onze heures du soir ils avaient ramene la partie avariee on refit un joint et une epissure puis le cable fut immerge de nouveau mais quelques jours plus tard il se rompit et ne put etre ressaisi dans les profondeurs de ocean les americains ne se decouragerent pas audacieux cyrus field le promoteur de entreprise qui risquait toute sa fortune provoqua une nouvelle souscription elle fut immediatement couverte un autre cable fut etabli dans de meilleures conditions le faisceau de fils conducteurs isoles dans une enveloppe de guttapercha etait protege par un matelas de matieres textiles contenu dans une armature metallique le greateastern reprit la mer le juillet operation marcha bien cependant un incident arriva plusieurs fois en deroulant le cable les electriciens observerent que des clous avaient ete recemment enfonces dans le but en deteriorer ame le capitaine anderson ses officiers ses ingenieurs se reunirent delibererent et firent afficher que si le coupable etait surpris bord il serait jete la mer sans autre jugement depuis lors la criminelle tentative ne se reproduisit plus le juillet le greateastern etait plus qu huit cents kilometres de terreneuve lorsqu on lui telegraphia irlande la nouvelle de armistice conclu entre la prusse et autriche apres sadowa le il relevait au milieu des brumes le port de heart content entreprise etait heureusement terminee et par sa premiere depeche la jeune amerique adressait la vieille europe ces sages paroles si rarement comprises gloire dieu dans le ciel et paix aux hommes de bonne volonte sur la terre je ne attendais pas trouver le cable electrique dans son etat primitif tel qu il etait en sortant des ateliers de fabrication le long serpent recouvert de debris de coquille herisse de foraminiferes etait encroute dans un empatement pierreux qui le protegeait contre les mollusques perforants il reposait tranquillement abri des mouvements de la mer et sous une pression favorable la transmission de etincelle electrique qui passe de amerique europe en trentedeux centiemes de seconde la duree de ce cable sera infinie sans doute car on observe que enveloppe de guttapercha ameliore par son sejour dans eau de mer ailleurs sur ce plateau si heureusement choisi le cable est jamais immerge des profondeurs telles qu il puisse se rompre le nautilus le suivit jusqu son fond le plus bas situe par quatre mille quatre cent trente et un metres et la il reposait encore sans aucun effort de traction puis nous nous rapprochames de endroit ou avait eu lieu accident de le fond oceanique formait alors une vallee large de cent vingt kilometres sur laquelle on eut pu poser le montblanc sans que son sommet emergeat de la surface des flots cette vallee est fermee est par une muraille pic de deux mille metres nous arrivions le mai et le nautilus etait plus qu cent cinquante kilometres de irlande le capitaine nemo allaitil remonter pour atterrir sur les iles britanniques non ma grande surprise il redescendit au sud et revint vers les mers europeennes en contournant ile emeraude apercus un instant le cap clear et le feu de fastenet qui eclaire les milliers de navires sortis de glasgow ou de liverpool une importante question se posait alors mon esprit le nautilus oseraitil engager dans la manche ned land qui avait reparu depuis que nous rallions la terre ne cessait de interroger comment lui repondre le capitaine nemo demeurait invisible apres avoir laisse entrevoir au canadien les rivages amerique allaitil donc me montrer les cotes de france cependant le nautilus abaissait toujours vers le sud le mai il passait en vue du land end entre la pointe extreme de angleterre et les sorlingues qu il laissa sur tribord il voulait entrer en manche il lui fallait prendre franchement est il ne le fit pas pendant toute la journee du mai le nautilus decrivit sur la mer une serie de cercles qui intriguerent vivement il semblait chercher un endroit qu il avait quelque peine trouver midi le capitaine nemo vint faire son point luimeme il ne adressa pas la parole il me parut plus sombre que jamais qui pouvait attrister ainsi etaitce sa proximite des rivages europeens sentaitil quelque ressouvenir de son pays abandonne qu eprouvaitil alors des remords ou des regrets longtemps cette pensee occupa mon esprit et eus comme un pressentiment que le hasard trahirait avant peu les secrets du capitaine le lendemain er juin le nautilus conserva les memes allures il etait evident qu il cherchait reconnaitre un point precis de ocean le capitaine nemo vint prendre la hauteur du soleil ainsi qu il avait fait la veille la mer etait belle le ciel pur huit milles dans est un grand navire vapeur se dessinait sur la ligne de horizon aucun pavillon ne battait sa corne et je ne pus reconnaitre sa nationalite le capitaine nemo quelques minutes avant que le soleil passat au meridien prit son sextant et observa avec une precision extreme le calme absolu des flots facilitait son operation le nautilus immobile ne ressentait ni roulis ni tangage etais en ce moment sur la plateforme lorsque son relevement fut termine le capitaine prononca ces seuls mots est ici est ici dit le capitaine nemo il redescendit par le panneau avaitil vu le batiment qui modifiait sa marche et semblait se rapprocher de nous je ne saurais le dire je revins au salon le panneau se ferma et entendis les sifflements de eau dans les reservoirs le nautilus commenca de enfoncer suivant une ligne verticale car son helice entravee ne lui communiquait plus aucun mouvement quelques minutes plus tard il arretait une profondeur de huit cent trentetrois metres et reposait sur le sol le plafond lumineux du salon eteignit alors les panneaux ouvrirent et travers les vitres apercus la mer vivement illuminee par les rayons du fanal dans un rayon un demimille je regardai babord et je ne vis rien que immensite des eaux tranquilles par tribord sur le fond apparaissait une forte extumescence qui attira mon attention on eut dit des ruines ensevelies sous un empatement de coquilles blanchatres comme sous un manteau de neige en examinant attentivement cette masse je crus reconnaitre les formes epaissies un navire rase de ses mats qui devait avoir coule par avant ce sinistre datait certainement une epoque reculee cette epave pour etre ainsi encroutee dans le calcaire des eaux comptait deja bien des annees passees sur ce fond de ocean quel etait ce navire pourquoi le nautilus venaitil visiter sa tombe etaitce donc pas un naufrage qui avait entraine ce batiment sous les eaux je ne savais que penser quand pres de moi entendis le capitaine nemo dire une voix lente autrefois ce navire se nommait le marseillais il portait soixantequatorze canons et fut lance en en le aout commande par la poypevertrieux il se battait audacieusement contre le preston en le juillet il assistait avec escadre de amiral estaing la prise de grenade en le septembre il prenait part au combat du comte de grasse dans la baie de la chesapeak en la republique francaise lui changeait son nom le avril de la meme annee il rejoignait brest escadre de villaretjoyeuse charge escorter un convoi de ble qui venait amerique sous le commandement de amiral van stabel le et le prairial an ii cette escadre se rencontrait avec les vaisseaux anglais monsieur est aujourd hui le prairial le er juin il soixantequatorze ans jour pour jour cette place meme par deg de latitude et deg de longitude ce navire apres un combat heroique demate de ses trois mats eau dans ses soutes le tiers de son equipage hors de combat aima mieux engloutir avec ses trois cent cinquantesix marins que de se rendre et clouant son pavillon sa poupe il disparut sous les flots au cri de vive la republique le vengeur ecriaije le vengeur ecriaije oui monsieur le vengeur un beau nom murmura le capitaine nemo en se croisant les bras chapitre xxi une hecatombe cette facon de dire imprevu de cette scene cet historique du navire patriote froidement raconte abord puis emotion avec laquelle etrange personnage avait prononce ses dernieres paroles ce nom de vengeur dont la signification ne pouvait echapper tout se reunissait pour frapper profondement mon esprit mes regards ne quittaient plus le capitaine lui les mains tendues vers la mer considerait un oeil ardent la glorieuse epave peutetre ne devaisje jamais savoir qui il etait ou il venait ou il allait mais je voyais de plus en plus homme se degager du savant ce etait pas une misanthropie commune qui avait enferme dans les flancs du nautilus le capitaine nemo et ses compagnons mais une haine monstrueuse ou sublime que le temps ne pouvait affaiblir cette haine cherchaitelle encore des vengeances avenir devait bientot me apprendre cependant le nautilus remontait lentement vers la surface de la mer et je vis disparaitre peu peu les formes confuses du vengeur bientot un leger roulis indiqua que nous flottions air libre en ce moment une sourde detonation se fit entendre je regardai le capitaine le capitaine ne bougea pas capitaine disje il ne repondit pas je le quittai et montai sur la plateforme conseil et le canadien avaient precede ou vient cette detonation demandaije un coup de canon repondit ned land je regardai dans la direction du navire que avais apercu il etait rapproche du nautilus et on voyait qu il forcait de vapeur six milles le separaient de nous quel est ce batiment ned son greement la hauteur de ses bas mats repondit le canadien je parierais pour un navire de guerre puissetil venir sur nous et couler il le faut ce damne nautilus ami ned repondit conseil quel mal peutil faire au nautilus iratil attaquer sous les flots iratil le canonner au fond des mers ditesmoi ned demandaije pouvezvous reconnaitre la nationalite de ce batiment le canadien froncant ses sourcils abaissant ses paupieres plissant ses yeux aux angles fixa pendant quelques instants le navire de toute la puissance de son regard non monsieur reponditil je ne saurais reconnaitre quelle nation il appartient son pavillon est pas hisse mais je puis affirmer que est un navire de guerre car une longue flamme se deroule extremite de son grand mat pendant un quart heure nous continuames observer le batiment qui se dirigeait vers nous je ne pouvais admettre cependant qu il eut reconnu le nautilus cette distance encore moins qu il sut ce qu etait cet engin sousmarin bientot le canadien annonca que ce batiment etait un grand vaisseau de guerre eperon un deuxponts cuirasse une epaisse fumee noire echappait de ses deux cheminees ses voiles serrees se confondaient avec la ligne des vergues sa corne ne portait aucun pavillon la distance empechait encore de distinguer les couleurs de sa flamme qui flottait comme un mince ruban il avancait rapidement si le capitaine nemo le laissait approcher une chance de salut offrait nous monsieur me dit ned land que ce batiment nous passe un mille je me jette la mer et je vous engage faire comme moi je ne repondis pas la proposition du canadien et je continuai de regarder le navire qui grandissait vue oeil qu il fut anglais francais americain ou russe il etait certain qu il nous accueillerait si nous pouvions gagner son bord monsieur voudra bien se rappeler dit alors conseil que nous avons quelque experience de la natation il peut se reposer sur moi du soin de le remorquer vers ce navire il lui convient de suivre ami ned allais repondre lorsqu une vapeur blanche jaillit avant du vaisseau de guerre puis quelques secondes plus tard les eaux troublees par la chute un corps pesant eclabousserent arriere du nautilus peu apres une detonation frappait mon oreille comment ils tirent sur nous ecriaije braves gens murmura le canadien ils ne nous prennent donc pas pour des naufrages accroches une epave en deplaise monsieur bon fit conseil en secouant eau qu un nouveau boulet avait fait jaillir jusqu lui en deplaise monsieur ils ont reconnu le narwal et ils canonnent le narwal mais ils doivent bien voir ecriaije qu ils ont affaire des hommes est peutetre pour cela repondit ned land en me regardant toute une revelation se fit dans mon esprit sans doute on savait quoi en tenir maintenant sur existence du pretendu monstre sans doute dans son abordage avec abrahamlincoln lorsque le canadien le frappa de son harpon le commandant farragut avait reconnu que le narwal etait un bateau sousmarin plus dangereux qu un cetace surnaturel oui cela devait etre ainsi et sur toutes les mers sans doute on poursuivait maintenant ce terrible engin de destruction terrible en effet si comme on pouvait le supposer le capitaine nemo employait le nautilus une oeuvre de vengeance pendant cette nuit lorsqu il nous emprisonna dans la cellule au milieu de ocean indien ne etaitil pas attaque quelque navire cet homme enterre maintenant dans le cimetiere de corail avaitil pas ete victime du choc provoque par le nautilus oui je le repete il en devait etre ainsi une partie de la mysterieuse existence du capitaine nemo se devoilait et si son identite etait pas reconnue du moins les nations coalisees contre lui chassaient maintenant non plus un etre chimerique mais un homme qui leur avait voue une haine implacable tout ce passe formidable apparut mes yeux au lieu de rencontrer des amis sur ce navire qui approchait nous pouvions trouver que des ennemis sans pitie cependant les boulets se multipliaient autour de nous quelquesuns rencontrant la surface liquide en allaient par ricochet se perdre des distances considerables mais aucun atteignit le nautilus le navire cuirasse etait plus alors qu trois milles malgre sa violente canonnade le capitaine nemo ne paraissait pas sur la plateforme et cependant un de ces boulets coniques frappant normalement la coque du nautilus lui eut ete fatal le canadien me dit alors monsieur nous devons tout tenter pour nous tirer de ce mauvais pas faisons des signaux mille diables on comprendra peutetre que nous sommes honnetes gens ned land prit son mouchoir pour agiter dans air mais il avait peine deploye que terrasse par une main de fer malgre sa force prodigieuse il tombait sur le pont miserable ecria le capitaine veuxtu donc que je te cloue sur eperon du nautilus avant qu il ne se precipite contre ce navire miserable veuxtu donc le capitaine nemo terrible entendre etait plus terrible encore voir sa face avait pali sous les spasmes de son coeur qui avait du cesser de battre un instant ses pupilles etaient contractees effroyablement sa voix ne parlait plus elle rugissait le corps penche en avant il tordait sous sa main les epaules du canadien puis abandonnant et se retournant vers le vaisseau de guerre dont les boulets pleuvaient autour de lui ah tu sais qui je suis navire une nation maudite ecriatil de sa voix puissante moi je ai pas eu besoin de tes couleurs pour te reconnaitre regarde je vais te montrer les miennes et le capitaine nemo deploya avant de la plateforme un pavillon noir semblable celui qu il avait deja plante au pole sud ce moment un boulet frappant obliquement la coque du nautilus sans entamer et passant par ricochet pres du capitaine alla se perdre en mer le capitaine nemo haussa les epaules puis adressant moi descendez me ditil un ton bref descendez vous et vos compagnons monsieur ecriaije allezvous donc attaquer ce navire monsieur je vais le couler vous ne ferez pas cela je le ferai repondit froidement le capitaine nemo ne vous avisez pas de me juger monsieur la fatalite vous montre ce que vous ne deviez pas voir attaque est venue la riposte sera terrible rentrez ce navire quel estil vous ne le savez pas eh bien tant mieux sa nationalite du moins restera un secret pour vous descendez le canadien conseil et moi nous ne pouvions qu obeir une quinzaine de marins du nautilus entouraient le capitaine et regardaient avec un implacable sentiment de haine ce navire qui avancait vers eux on sentait que le meme souffle de vengeance animait toutes ces ames je descendis au moment ou un nouveau projectile eraillait encore la coque du nautilus et entendis le capitaine ecrier frappe navire insense prodigue tes inutiles boulets tu echapperas pas eperon du nautilus mais ce est pas cette place que tu dois perir je ne veux pas que tes ruines aillent se confondre avec les ruines du vengeur je regagnai ma chambre le capitaine et son second etaient restes sur la plateforme helice fut mise en mouvement le nautilus eloignant avec vitesse se mit hors de la portee des boulets du vaisseau mais la poursuite continua et le capitaine nemo se contenta de maintenir sa distance vers quatre heures du soir ne pouvant contenir impatience et inquietude qui me devoraient je revins vers escalier central le panneau etait ouvert je me hasardai sur la plateforme le capitaine promenait encore un pas agite il regardait le navire qui lui restait sous le vent cinq ou six milles il tournait autour de lui comme une bete fauve et attirant vers est il se laissait poursuivre cependant il attaquait pas peutetre hesitaitil encore je voulus intervenir une derniere fois mais avais peine interpelle le capitaine nemo que celuici imposait silence je suis le droit je suis la justice me ditil je suis opprime et voila oppresseur est par lui que tout ce que ai aime cheri venere patrie femme enfants mon pere ma mere ai vu tout perir tout ce que je hais est la taisezvous je portai un dernier regard vers le vaisseau de guerre qui forcait de vapeur puis je rejoignis ned et conseil nous fuirons ecriaije bien fit ned quel est ce navire je ignore mais quel qu il soit il sera coule avant la nuit en tout cas mieux vaut perir avec lui que de se faire les complices de represailles dont on ne peut pas mesurer equite est mon avis repondit froidement ned land attendons la nuit la nuit arriva un profond silence regnait bord la boussole indiquait que le nautilus avait pas modifie sa direction entendais le battement de son helice qui frappait les flots avec une rapide regularite il se tenait la surface des eaux et un leger roulis le portait tantot sur un bord tantot sur un autre mes compagnons et moi nous avions resolu de fuir au moment ou le vaisseau serait assez rapproche soit pour nous faire entendre soit pour nous faire voir car la lune qui devait etre pleine trois jours plus tard resplendissait une fois bord de ce navire si nous ne pouvions prevenir le coup qui le menacait du moins nous ferions tout ce que les circonstances nous permettaient de tenter plusieurs fois je crus que le nautilus se disposait pour attaque mais il se contentait de laisser se rapprocher son adversaire et peu de temps apres il reprenait son allure de fuite une partie de la nuit se passa sans incident nous guettions occasion agir nous parlions peu etant trop emus ned land aurait voulu se precipiter la mer je le forcai attendre suivant moi le nautilus devait attaquer le deuxponts la surface des flots et alors il serait non seulement possible mais facile de enfuir trois heures du matin inquiet je montai sur la plateforme le capitaine nemo ne avait pas quittee il etait debout avant pres de son pavillon qu une legere brise deployait audessus de sa tete il ne quittait pas le vaisseau des yeux son regard une extraordinaire intensite semblait attirer le fasciner entrainer plus surement que il lui eut donne la remorque son regard semblait attirer la lune passait alors au meridien jupiter se levait dans est au milieu de cette paisible nature le ciel et ocean rivalisaient de tranquillite et la mer offrait astre des nuits le plus beau miroir qui eut jamais reflete son image et quand je pensais ce calme profond des elements compare toutes ces coleres qui couvaient dans les flancs de imperceptible nautilus je sentais frissonner tout mon etre le vaisseau se tenait deux mille de nous il etait rapproche marchant toujours vers cet eclat phosphorescent qui signalait la presence du nautilus je vis ses feux de position vert et rouge et son fanal blanc suspendu au grand etai de misaine une vague reverberation eclairait son greement et indiquait que les feux etaient pousses outrance des gerbes etincelles des scories de charbons enflammes echappant de ses cheminees etoilaient atmosphere je demeurai ainsi jusqu six heures du matin sans que le capitaine nemo eut paru apercevoir le vaisseau nous restait un mille et demi et avec les premieres lueurs du jour sa canonnade recommenca le moment ne pouvait etre eloigne ou le nautilus attaquant son adversaire mes compagnons et moi nous quitterions pour jamais cet homme que je osais juger je me disposais descendre afin de les prevenir lorsque le second monta sur la plateforme plusieurs marins accompagnaient le capitaine nemo ne les vit pas ou ne voulut pas les voir certaines dispositions furent prises qu on aurait pu appeler le branlebas de combat du nautilus elles etaient tressimples la filiere qui formait balustrade autour de la plateforme fut abaissee de meme les cages du fanal et du timonier rentrerent dans la coque de maniere affleurer seulement la surface du long cigare de tole offrait plus une seule saillie qui put gener sa manoeuvre je revins au salon le nautilus emergeait toujours quelques lueurs matinales infiltraient dans la couche liquide sous certaines ondulations des lames les vitres animaient des rougeurs du soleil levant ce terrible jour du juin se levait cinq heures le loch apprit que la vitesse du nautilus se moderait je compris qu il se laissait approcher ailleurs les detonations se faisaient plus violemment entendre les boulets labouraient eau ambiante et vissaient avec un sifflement singulier mes amis disje le moment est venu une poignee de main et que dieu nous garde ned land etait resolu conseil calme moi nerveux me contenant peine nous passames dans la bibliotheque au moment ou je poussais la porte qui ouvrait sur la cage de escalier central entendis le panneau superieur se fermer brusquement le canadien elanca sur les marches mais je arretai un sifflement bien connu apprenait que eau penetrait dans les reservoirs du bord en effet en peu instants le nautilus immergea quelques metres audessous de la surface des flots je compris sa manoeuvre il etait trop tard pour agir le nautilus ne songeait pas frapper le deuxponts dans son impenetrable cuirasse mais audessous de sa ligne de flottaison la ou la carapace metallique ne protege plus le borde nous etions emprisonnes de nouveau temoins obliges du sinistre drame qui se preparait ailleurs nous eumes peine le temps de reflechir refugies dans ma chambre nous nous regardions sans prononcer une parole une stupeur profonde etait emparee de mon esprit le mouvement de la pensee arretait en moi je me trouvais dans cet etat penible qui precede attente une detonation epouvantable attendais ecoutais je ne vivais que par le sens de ouie cependant la vitesse du nautilus accrut sensiblement etait son elan qu il prenait ainsi toute sa coque fremissait soudain je poussai un cri un choc eut lieu mais relativement leger je sentis la force penetrante de eperon acier entendis des eraillements des raclements mais le nautilus emporte par sa puissance de propulsion passait au travers de la masse du vaisseau comme aiguille du voilier travers la toile je ne pus tenir fou eperdu je elancai hors de ma chambre et me precipitai dans le salon le capitaine nemo etait la muet sombre implacable il regardait par le panneau de babord une masse enorme sombrait sous les eaux et pour ne rien perdre de son agonie le nautilus descendait dans abime avec elle dix metres de moi je vis cette coque entr ouverte ou eau enfoncait avec un bruit de tonnerre puis la double ligne des canons et les bastingages le pont etait couvert ombres noires qui agitaient eau montait les malheureux elancaient dans les haubans accrochaient aux mats se tordaient sous les eaux etait une fourmiliere humaine surprise par envahissement une mer paralyse raidi par angoisse les cheveux herisses oeil demesurement ouvert la respiration incomplete sans souffle sans voix je regardais moi aussi une irresistible attraction me collait la vitre enorme vaisseau enfoncait lentement enorme vaisseau enfoncait lentement le nautilus le suivant epiait tous ses mouvements tout coup une explosion se produisit air comprime fit voler les ponts du batiment comme si le feu eut pris aux soutes la poussee des eaux fut telle que le nautilus devia alors le malheureux navire enfonca plus rapidement ses hunes chargees de victimes apparurent ensuite des barres pliant sous des grappes hommes enfin le sommet de son grand mat puis la masse sombre disparut et avec elle cet equipage de cadavres entraines par un formidable remous je me retournai vers le capitaine nemo ce terrible justicier veritable archange de la haine regardait toujours quand tout fut fini le capitaine nemo se dirigeant vers la porte de sa chambre ouvrit et entra je le suivis des yeux sur le panneau du fond audessous des portraits de ses heros je vis le portrait une femme jeune encore et de deux petits enfants le capitaine nemo les regarda pendant quelques instants leur tendit les bras et agenouillant il fondit en sanglots chapitre xxii les dernieres paroles du capitaine nemo les panneaux etaient refermes sur cette vision effrayante mais la lumiere avait pas ete rendue au salon interieur du nautilus ce etaient que tenebres et silence il quittait ce lieu de desolation cent pieds sous les eaux avec une rapidite prodigieuse ou allaitil au nord ou au sud ou fuyait cet homme apres cette horrible represaille etais rentre dans ma chambre ou ned et conseil se tenaient silencieusement eprouvais une insurmontable horreur pour le capitaine nemo quoi qu il eut souffert de la part des hommes il avait pas le droit de punir ainsi il avait fait sinon le complice du moins le temoin de ses vengeances etait deja trop onze heures la clarte electrique reapparut je passai dans le salon il etait desert je consultai les divers instruments le nautilus fuyait dans le nord avec une rapidite de vingtcinq milles heure tantot la surface de la mer tantot trente pieds audessous relevement fait sur la carte je vis que nous passions ouvert de la manche et que notre direction nous portait vers les mers boreales avec une incomparable vitesse peine pouvaisje saisir leur rapide passage des squales au long nez des squalesmarteaux des roussettes qui frequentent ces eaux de grands aigles de mer des nuees hippocampes semblables aux cavaliers du jeu echecs des anguilles agitant comme les serpenteaux un feu artifice des armees de crabes qui fuyaient obliquement en croisant leurs pinces sur leur carapace enfin des troupes de marsouins qui luttaient de rapidite avec le nautilus mais observer etudier de classer il etait plus question alors le soir nous avions franchi deux cents lieues de atlantique ombre se fit et la mer fut envahie par les tenebres jusqu au lever de la lune je regagnai ma chambre je ne pus dormir etais assailli de cauchemars horrible scene de destruction se repetait dans mon esprit depuis ce jour qui pourra dire jusqu ou nous entraina le nautilus dans ce bassin de atlantique nord toujours avec une vitesse inappreciable toujours au milieu des brumes hyperboreennes touchatil aux pointes du spitzberg aux accores de la nouvellezemble parcourutil ces mers ignorees la mer blanche la mer de kara le golfe de obi archipel de liarrov et ces rivages inconnus de la cote asiatique je ne saurais le dire le temps qui ecoulait je ne pouvais plus evaluer heure avait ete suspendue aux horloges du bord il semblait que la nuit et le jour comme dans les contrees polaires ne suivaient plus leur cours regulier je me sentais entraine dans ce domaine de etrange ou se mouvait aise imagination surmenee edgard poe chaque instant je attendais voir comme le fabuleux gordon pym cette figure humaine voilee de proportion beaucoup plus vaste que celle aucun habitant de la terre jetee en travers de cette cataracte qui defend les abords du pole estime mais je me trompe peutetre estime que cette course aventureuse du nautilus se prolongea pendant quinze ou vingt jours et je ne sais ce qu elle aurait dure sans la catastrophe qui termina ce voyage du capitaine nemo il etait plus question de son second pas davantage pas un homme de equipage ne fut visible un seul instant presque incessamment le nautilus flottait sous les eaux quand il remontait leur surface afin de renouveler son air les panneaux ouvraient ou se refermaient automatiquement plus de point reporte sur le planisphere je ne savais ou nous etions je dirai aussi que le canadien bout de forces et de patience ne paraissait plus conseil ne pouvait en tirer un seul mot et craignait que dans un acces de delire et sous empire une nostalgie effrayante il ne se tuat il le surveillait donc avec un devouement de tous les instants on comprend que dans ces conditions la situation etait plus tenable un matin quelle date je ne saurais le dire je etais assoupi vers les premieres heures du jour assoupissement penible et maladif quand je eveillai je vis ned land se pencher sur moi et je entendis me dire voix basse nous allons fuir je me redressai quand fuyonsnous demandaije la nuit prochaine toute surveillance semble avoir disparu du nautilus on dirait que la stupeur regne bord vous serez pret monsieur oui ou sommesnous en vue de terres que je viens de relever ce matin au milieu des brumes vingt milles dans est quelles sont ces terres je ignore mais quelles qu elles soient nous nous refugierons oui ned oui nous fuirons cette nuit dut la mer nous engloutir la mer est mauvaise le vent violent mais vingt milles faire dans cette legere embarcation du nautilus ne effraient pas ai pu transporter quelques vivres et quelques bouteilles eau insu de equipage je vous suivrai ailleurs ajouta le canadien si je suis surpris je me defends je me fais tuer nous mourrons ensemble ami ned etais decide tout le canadien me quitta je gagnai la plateforme sur laquelle je pouvais peine me maintenir contre le choc des lames le ciel etait menacant mais puisque la terre etait la dans ces brumes epaisses il fallait fuir nous ne devions perdre ni un jour ni une heure je revins au salon craignant et desirant tout la fois de rencontrer le capitaine nemo voulant et ne voulant plus le voir que lui auraisje dit pouvaisje lui cacher involontaire horreur qu il inspirait non mieux valait ne pas me trouver face face avec lui mieux valait oublier et pourtant combien fut longue cette journee la derniere que je dusse passer bord du nautilus je restais seul ned land et conseil evitaient de me parler par crainte de se trahir six heures je dinai mais je avais pas faim je me forcai manger malgre mes repugnances ne voulant pas affaiblir six heures et demi ned land entra dans ma chambre il me dit nous ne nous reverrons pas avant notre depart dix heures la lune ne sera pas encore levee nous profiterons de obscurite venez au canot conseil et moi nous vous attendrons puis le canadien sortit sans avoir donne le temps de lui repondre je voulus verifier la direction du nautilus je me rendis au salon nous courions nordnordest avec une vitesse effrayante par cinquante metres de profondeur je jetai un dernier regard sur ces merveilles de la nature sur ces richesses de art entassees dans ce musee sur cette collection sans rivale destinee perir un jour au fond des mers avec celui qui avait formee je voulus fixer dans mon esprit une impression supreme je restai une heure ainsi baigne dans les effluves du plafond lumineux et passant en revue ces tresors resplendissant sous leurs vitrines puis je revins ma chambre la je revetis de solides vetements de mer je rassemblai mes notes et les serrai precieusement sur moi mon coeur battait avec force je ne pouvais en comprimer les pulsations certainement mon trouble mon agitation eussent trahi aux yeux du capitaine nemo que faisaitil en ce moment ecoutai la porte de sa chambre entendis un bruit de pas le capitaine nemo etait la il ne etait pas couche chaque mouvement il me semblait qu il allait apparaitre et me demander pourquoi je voulais fuir eprouvais des alertes incessantes mon imagination les grossissait cette impression devint si poignante que je me demandai il ne valait pas mieux entrer dans la chambre du capitaine le voir face face le braver du geste et du regard etait une inspiration de fou je me retins heureusement et je etendis sur mon lit pour apaiser en moi les agitations du corps mes nerfs se calmerent un peu mais le cerveau surexcite je revis dans un rapide souvenir toute mon existence bord du nautilus tous les incidents heureux ou malheureux qui avaient traversee depuis ma disparition de abrahamlincoln les chasses sousmarines le detroit de torres les sauvages de la papouasie echouement le cimetiere de corail le passage de suez ile de santorin le plongeur cretois la baie de vigo atlantide la banquise le pole sud emprisonnement dans les glaces le combat des poulpes la tempete du gulfstream le vengeur et cette horrible scene du vaisseau coule avec son equipage tous ces evenements passerent devant mes yeux comme ces toiles de fond qui se deroulent arriereplan un theatre alors le capitaine nemo grandissait demesurement dans ce milieu etrange son type accentuait et prenait des proportions surhumaines ce etait plus mon semblable etait homme des eaux le genie des mers il etait alors neuf heures et demie je tenais ma tete deux mains pour empecher eclater je fermais les yeux je ne voulais plus penser une demiheure attente encore une demiheure un cauchemar qui pouvait me rendre fou en ce moment entendis les vagues accords de orgue une harmonie triste sous un chant indefinissable veritables plaintes une ame qui veut briser ses liens terrestres ecoutai par tous mes sens la fois respirant peine plonge comme le capitaine nemo dans ces extases musicales qui entrainaient hors des limites de ce monde puis une pensee soudaine me terrifia le capitaine nemo avait quitte sa chambre il etait dans ce salon que je devais traverser pour fuir la je le rencontrerais une derniere fois il me verrait il me parlerait peutetre un geste de lui pouvait aneantir un seul mot enchainer son bord cependant dix heures allaient sonner le moment etait venu de quitter ma chambre et de rejoindre mes compagnons il avait pas hesiter dut le capitaine nemo se dresser devant moi ouvris ma porte avec precaution et cependant il me sembla qu en tournant sur ses gonds elle faisait un bruit effrayant peutetre ce bruit existaitil que dans mon imagination je avancai en rampant travers les coursives obscures du nautilus arretant chaque pas pour comprimer les battements de mon coeur arrivai la porte angulaire du salon je ouvris doucement le salon etait plonge dans une obscurite profonde les accords de orgue raisonnaient faiblement le capitaine nemo etait la il ne me voyait pas je crois meme qu en pleine lumiere il ne eut pas apercu tant son extase absorbait tout entier je me trainai sur le tapis evitant le moindre heurt dont le bruit eut pu trahir ma presence il me fallut cinq minutes pour gagner la porte du fond qui donnait sur la bibliotheque allais ouvrir quand un soupir du capitaine nemo me cloua sur place je compris qu il se levait je entrevis meme car quelques rayons de la bibliotheque eclairee filtraient jusqu au salon il vint vers moi les bras croises silencieux glissant plutot que marchant comme un spectre sa poitrine oppressee se gonflait de sanglots et je entendis murmurer ces paroles les dernieres qui aient frappe mon oreille dieu tout puissant assez assez etaitce aveu du remords qui echappait ainsi de la conscience de cet homme eperdu je me precipitai dans la bibliotheque je montai escalier central et suivant la coursive superieure arrivai au canot penetrai par ouverture qui avait deja livre passage mes deux compagnons partons partons ecriaije instant repondit le canadien orifice evide dans la tole du nautilus fut prealablement ferme et boulonne au moyen une clef anglaise dont ned land etait muni ouverture du canot se ferma egalement et le canadien commenca devisser les ecrous qui nous retenaient encore au bateau sousmarin soudain un bruit interieur se fit entendre des voix se repondaient avec vivacite qu avaitil etaiton apercu de notre fuite je sentis que ned land me glissait un poignard dans la main oui murmuraije nous saurons mourir le canadien etait arrete dans son travail mais un mot vingt fois repete un mot terrible me revela la cause de cette agitation qui se propageait bord du nautilus ce etait pas nous que son equipage en voulait maelstrom maelstrom ecriaitil le maelstrom un nom plus effrayant dans une situation plus effrayante pouvaitil retentir notre oreille nous trouvionsnous donc sur ces dangereux parages de la cote norwegienne le nautilus etaitil entraine dans ce gouffre au moment ou notre canot allait se detacher de ses flancs on sait qu au moment du flux les eaux resserrees entre les iles feroe et loffoden sont precipitees avec une irresistible violence elles forment un tourbillon dont aucun navire jamais pu sortir de tous les points de horizon accourent des lames monstrueuses elles forment ce gouffre justement appele le nombril de ocean dont la puissance attraction etend jusqu une distance de quinze kilometres la sont aspires non seulement les navires mais les baleines mais aussi les ours blancs des regions boreales est la que le nautilus involontairement ou volontairement peutetre avait ete engage par son capitaine il decrivait une spirale dont le rayon diminuait de plus en plus ainsi que lui le canot encore accroche son flanc etait emporte avec une vitesse vertigineuse je le sentais eprouvais ce tournoiement maladif qui succede un mouvement de giration trop prolonge nous etions dans epouvante dans horreur portee son comble la circulation suspendue influence nerveuse annihilee traverses de sueurs froides comme les sueurs de agonie et quel bruit autour de notre frele canot quels mugissements que echo repetait une distance de plusieurs milles quel fracas que celui de ces eaux brisees sur les roches aigues du fond la ou les corps les plus durs se brisent la ou les troncs arbres usent et se font une fourrure de poils selon expression norvegienne le canot lance au milieu du tourbillon quelle situation nous etions ballottes affreusement le nautilus se defendait comme un etre humain ses muscles acier craquaient parfois il se dressait et nous avec lui il faut tenir bon dit ned et revisser les ecrous en restant attaches au nautilus nous pouvons nous sauver encore il avait pas acheve de parler qu un craquement se produisait les ecrous manquaient et le canot arrache de son alveole etait lance comme la pierre une fronde au milieu du tourbillon ma tete porta sur une membrure de fer et sous ce choc violent je perdis connaissance etais couche dans la cabane un pecheur chapitre xxiii conclusion voici la conclusion de ce voyage sous les mers ce qui se passa pendant cette nuit comment le canot echappa au formidable remous du maelstrom comment ned land conseil et moi nous sortimes du gouffre je ne saurai le dire mais quand je revins moi etais couche dans la cabane un pecheur des iles loffoden mes deux compagnons sains et saufs etaient pres de moi et me pressaient les mains nous nous embrassames avec effusion en ce moment nous ne pouvons songer regagner la france les moyens de communications entre la norvege septentrionale et le sud sont rares je suis donc force attendre le passage du bateau vapeur qui fait le service bimensuel du cap nord est donc la au milieu de ces braves gens qui nous ont recueillis que je revois le recit de ces aventures il est exact pas un fait ete omis pas un detail ete exagere est la narration fidele de cette invraisemblable expedition sous un element inaccessible homme et dont le progres rendra les routes libres un jour me croiraton je ne sais peu importe apres tout ce que je puis affirmer maintenant est mon droit de parler de ces mers sous lesquelles en moins de dix mois ai franchi vingt mille lieues de ce tour du monde sousmarin qui revele tant de merveilles travers le pacifique ocean indien la mer rouge la mediterranee atlantique les mers australes et boreales mais qu est devenu le nautilus atil resiste aux etreintes du maelstrom le capitaine nemo vitil encore poursuitil sous ocean ses effrayantes represailles ou estil arrete devant cette derniere hecatombe les flots apporterontils un jour ce manuscrit qui renferme toute histoire de sa vie sauraije enfin le nom de cet homme le vaisseau disparu nous diratil par sa nationalite la nationalite du capitaine nemo je espere espere egalement que son puissant appareil vaincu la mer dans son gouffre le plus terrible et que le nautilus survecu la ou tant de navires ont peri il en est ainsi si le capitaine nemo habite toujours cet ocean sa patrie adoption puisse la haine apaiser dans ce coeur farouche que la contemplation de tant de merveilles eteigne en lui esprit de vengeance que le justicier efface que le savant continue la paisible exploration des mers si sa destinee est etrange elle est sublime aussi ne aije pas compris par moimeme aije pas vecu dix mois de cette existence extranaturelle aussi cette demande posee il six mille ans par ecclesiaste qui jamais pu sonder les profondeurs de abime deux hommes entre tous les hommes ont le droit de repondre maintenant le capitaine nemo et moi